Dans le troisième volet du Labyrinthe du monde, « Quoi l’éternité », Marguerite Yourcenar évoque la première lettre dont elle ait conservé le souvenir. S’adressant à sa tante, la romancière lui annonce la mort de son chien Trier à travers un message qu’elle considère comme sa « première composition littéraire » : « “Ma chère tante, j’écris pour dire que je suis bien triste, parce que mon pauvre Trier est mort.” ». Le rythme ternaire fait surgir de la mort de l’animal ; la naissance d’une écriture. La jeune Marguerite a été entourée d’animaux de ferme dès sa plus tendre enfance et se rapproche de plus en plus du milieu naturel dès son installation sur l’Île des Monts-Déserts en 1939. Elle apprend ainsi à connaître les êtres qui partagent notre monde, les intègrent à son écriture et prend activement leur défense. Elle comprend que l’Histoire humaine s’ancre dans le cadre plus vaste de l’Histoire naturelle. Loin de se cloisonner dans une tradition figée, Marguerite Yourcenar nous surprend par son étonnante actualité. Le consumérisme, l’écologie et la condition animale sont autant de sujets qui lui tiennent à cœur et qui se posent, aujourd’hui, de manière cruciale. Accompagnons donc cette femme audacieuse pour explorer, à ses côtés, ces problématiques contemporaines dans une traversée des cloisons du temps.
Myriam Gharbi est Professeur agrégée de lettres modernes au Lycée Racine (Paris 75008). Détentrice d'un Doctorat de l’Université Clermont Auvergne sous la direction de Rémy Poignault, son sujet de thèse porte sur les animaux dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, entre tradition et modernité. Myriam Gharbi est membre de la SIEY (Société internationale d’études yourcenariennes).