Séminaire des doctorants du CRP19 : "Le Lecteur de Prose : désir et pratique d'une réception poétique" (Sorbonne nouvelle & en ligne)
La huitième séance du séminaire des doctorant·es du CRP19 2020-2021 (Paris III – Sorbonne Nouvelle), consacré aux « Envers littéraires : motifs et structures », se tiendra en bimodal le mercredi 5 mai 2021, de 16h30 à 18h30. Vous pourrez la suivre :
En présence, sur inscription, en salle 410 sur le site Censier de l’Université Paris III – Sorbonne Nouvelle. Les inscriptions se font par mail en écrivant à une des adresses suivantes : camillestidler@yahoo.fr ou blandine.lefevre@sorbonne-nouvelle.fr
À distance, par visioconférence, au lien de connexion suivant : https://meet.google.com/rxz-hkke-smp?authuser=0
La séance, ouverte à tous, portera sur « Le lecteur de prose : désir et pratique d’une réception poétique ».
Présentation :
Dépourvu de l’autorité poétique du vers, relevant d’une poéticité dite « conditionnelle » (Gérard Genette, Fiction et diction) en dernier recours soumise à l’appréciation subjective du lecteur, le poème en prose s’est construit, dès son apparition au XIXe, dans sa relation au lecteur. D’un côté, en effet, à l’ère de la prose du monde et de sa reproduction quotidienne dans les journaux, de la massification du lectorat et de la généralisation d’une lecture de consommation, le poème en prose prend en charge la question de son destinataire et de sa réception, à travers différents procédés qui intègrent l’instance du lecteur au déploiement énonciatif et figuratif du texte, et redéfinissent les modalités mêmes de la lecture de prose. De l’autre, les pratiques de lecture qui se manifestent dans le travail d’édition, de commentaire ou d’illustration des recueils, favorisent l’essor du poème en prose et contribuent à la reconnaissance de son statut de texte poétique. Dans cette double perspective, reprenant peu ou prou la distinction proposée par Hans Robert Jauss entre « l’effet », fonction de l’œuvre, et la « réception » qui dépend du destinataire actif, il s’agira, durant cette séance, d’apprécier le rôle du lecteur, autre « envers » du texte littéraire, à la fois objet d’un désir et sujet d’une pratique, dans l’élaboration esthétique des poèmes en prose de Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé, et le développement historique de cette forme nouvellement apparue.
La séance sera introduite par M. Bertrand Marchal, professeur émérite de l’Université Paris IV Sorbonne, qui interviendra sur la pratique mallarméenne de la lecture.
Les interventions seront suivies d’une table ronde.
- Du « public » au « lecteur ». Une stratégie de l’agression dans Le Spleen de Paris de Charles Baudelaire, par Anton Hureaux
Publiés dans la grande presse de l’époque avant d’être réunis en recueil à titre posthume, les poèmes en prose de Baudelaire furent destinés d’emblée à un large public, d’autant plus large d’ailleurs, que nombre de textes du Spleen de Paris convoquent les habitudes des lecteurs de journaux en se réappropriant certains traits stylistiques et structurels des genres journalistiques. Pourtant, c’est ce même « public » qui, dans un poème comme « Le Chien et le flacon », est violemment fustigé pour son incompétence en matière de jugement esthétique, fustigation qui trouve de nombreux échos dans les articles critiques et la correspondance du poète. A partir de cette apparente contradiction, notre étude entend analyser les procédés figuratifs et énonciatifs qui participent d’une agression à l’égard du destinataire dans les poèmes en prose de Baudelaire, en les envisageant moins comme la confirmation d’une relation dissymétrique du poète à son public, que comme une manière originale de configurer une lecture active qui invite la figure du « lecteur », évoqué dans la dédicace à Houssaye, à se dégager de la masse informe du public.
- Les Illuminations illustrées : une poétique de la lecture (re)définie par l’image, par Zoé Monti
En creux des témoignages des premiers lecteurs de Rimbaud (Verlaine, Delahaye, Paterne Berrichon, etc.), s’est profilée une esthétique du lecteur idéal, amplifiée par le mythe, propagée par la critique. L’objet livre devait alors retenir toutes les attentions et servir tous les égards. Pour autant, les illustrateurs et les artistes ont contribué à dessiner d’autres profils de lecteurs (jeune public, élève, collectionneur, bibliophile, etc.) et à étendre progressivement, tout au long du XXe siècle, considérablement, à mesure que l’illustration se muait en image et le livre en œuvre d’art, irrémédiablement, le lectorat de Rimbaud.