Atelier

Marielle Macé 23 Février 2006

« Le total fabuleux ». L'engendrement d'univers fictionnels dans le discours.

La sémantique des mondes possibles radicalise l'alternative dont il avait déjà été question dans ce séminaire : entre une approche du récit de fiction comme récit et une approche du récit de fiction comme fiction, elle nous tire résolument vers la seconde, s'intéressant à l'ontologie des objets fictionnels de façon indissociable des ensembles dans lesquels ils s'ordonnent. L'accent est mis sur le récit comme performance, façon de construire un monde ; les catégories narratives promues sont celles qui permettent de concevoir le « raconter » un « faire » : déictiques, modalité assertive, pronoms, aspects temporels ; certains lieux du récits, comme l'incipit, acquièrent une importance primordiale, de même que certains genres narratifs (la description plutôt que le dialogue) ou certaines régions sémantiques (les désignateurs spatiaux, alors que la catégorie de l'action est mise au second plan). Contre la narratologie classique, c'est également une conception non communicationnelle du récit : ce qui est échangé dans un roman, ce sont moins des énoncés entre narrateur et narrataire que des projections d'objets entre auteur et lecteur. Le lecteur reconstruit le monde en une image mentale mémorisable, qui fonctionnera désormais comme un élément nouveau de son expérience. La notion de « monde » est cependant prise dans un sens logique très tolérant ; à mes yeux son intérêt est de changer l'échelle à laquelle on place le curseur fiction / non-fiction, en nous obligeant à poser la question de la fiction en termes de totalités densifiées ; elle permet d'établir, d'un point de vue ontologique et en se plaçant du côté du lecteur, la différence entre les entités fictives d'une hypothèse ou d'une expérience de pensée, et les masses fictionnelles dans lesquels on doit pouvoir se projeter durablement. La question narrative devient une question de totalisation. La notion de monde a donc des accents phénoménologiques, pas toujours assumés par les théoriciens mais qui décrit bien notre expérience de lecture, lorsque l'on entend par « monde » non une collection d'entités et de relations, mais un univers projectible, habitable, et pourvu d'une certaine consistance. La théorie des mondes possibles met en cela l'accent sur ce qui est nécessaire pour se rapporter, existentiellement, aux fictions. Les questions de dimension, de cohésion, de dépense, y sont particulièrement importantes. C'est une théorie maximaliste, qui pense le comble de la fiction, et pas tellement à la frontière entre fiction et non-fiction. J'examinerai trois cas limites où les textes se développent au seuil de la fiction proprement dite et thématisent ce qui leur manque pour produire un univers : 1) les micro-fictions, ces récits d'invention qui tiennent en quelques lignes ; ce qu'implique l'idée de monde s'y observe à l'état de creux ou de parodie 2) la fiction fonctionnelle du discours spéculatif, chez Valéry et Sartre. 3) Le troisième exemple touche à une bascule dans la façon dont Genette pense désormais la fiction, et qui me semble réintégrer fortement le problème de la référence et de sa quantité, au détriment de la syntaxe ; dans Metalepse, Genette propose de penser la fiction comme l'expansion d'une figure. Il s'agit de s'interroger sur ce que la pragmatique de la fiction a minoré, le passage des actes de langage fictionnels à la constitution de totalités, distinguée à la fois des énoncés (un univers fictionnel ne se définit pas comme addition de propositions), des entités (discrètes : « La fictionalité ne peut être comprise comme trait individuel : elle comprend de vastes domaines d'êtres. La théorie de la fiction doit donc se tourner vers les mondes fictionnels » - Pavel), et des comportements fictionnels (la faire-semblance, la simulation, explique encore Pavel, n'est pas l'acte essentiel dans le passage de la réalité à la fiction). Qu'il soit trop coûteux ontologiquement de parler de mondes ne change rien au fait qu'il est nécessaire de s'interroger sur l'induction d'un ensemble, ce que Valéry appelle le « Total fabuleux »

Les micro-fictions. Les histoires autonomes de Max Aub ou de Fénéon sont constituées d'un seul énoncé fictionnel. On n'attend pas la suite, qui est pourtant le ressort de la narrativité. Cela ne donne aucune prise à la « logique du wagon » d'Eco. Pour Barthes, un récit est ce qui oblige à poser la question : « de quoi cela peut-il être suivi ? ». La concision textuelle est extrême et l'effet d'univers donné sur le mode de l'ironie : ces textes jouent sur notre attente d'une certaine dépense ontologique pour faire durer le récit minimal, ou sur la façon qu'ont ces entités fictionnelles de faire retour dans notre monde et de s'y rapporter. Les opérations de référenciation nécessitent-elles une longueur minimale, et surtout une véritable chronogénèse ? Le problème est en effet le défaut temporel, qui rend difficile la projection d'un univers. Pavel pose la question de la quantité nécessaire pour fabriquer un monde, et de la façon dont le récit gère le rapport entre quantité textuelle et dimension référentielle : c'est ce que Dolezel appelle « la densité du texte ». Ici elle est formulée de façon parodique ; c'est une expérience en creux. Comment ces textes comblent-ils l'attente d'immersion que désigne la notion de « monde » ? Les micro-fictions s'appuient sur des topiques romanesques miniaturisées, ou des coups de forces modaux, qui permettent de contourner la narrativité. On compte sur le rôle du lecteur, qui continue d'aller à la dépense même lorsque que l'écriture va à l'économie. Le texte produit une attente de saturation, qu'il comble par certaines opérations linguistiques très onéreuses; la référence est donnée d'un bloc, et non progressivement. Le noyau narratif lui-même doit parfois être explicité, et le lecteur générer un contexte. La disproportion est très grande entre le dit et non-dit, d'où l'importance de l'effort demandé. La notion de mini monde a été forgée par Eco. Pour Eco, le monde possible n'est pas un monde maximal et complet; un texte ne représente qu'une toute petite partie de son univers, il suffit que le lecteur fasse semblant de croire les connaître. On pourrait alors s'interroger sur ce qu'est un état de fait minimal. Si l'on reprend l'idée des trois degrés de saturation de Dolezel (textures explicites, implicites, et textures zéro, c'est-à-dire blancs du mondes fictifs), ce qui provoque le rire ou le sentiment d'étrangeté est que l'attention du lecteur est déportée de force vers ces blancs qui devraient être les franges d'impertinence de la fiction. La question de l'incomplétude devient l'enjeu du récit. Nous sommes sommés de donner un statut saturant : nous n'appliquons pas le principe de l'écart minimal de M-L Ryan, et ne regardons pas à la dépense. C'est sans doute à rapprocher du statut de la fiction dans la poésie (exemple de Michaud, « La ralentie »). Il s'agit de réconcilier la ténuité de l'expression et la lourdeur de la construction d'un monde, ce qui entraîne une dramatisation de la question ontologique. Autonomie, brièveté, précision, intensité expressive : le micro-conte s'identifie surtout à « l'effet » produit. On retrouve, condensés, les mécanismes de la deixis fictionnelle, toutes sortes d'appels très coûteux à la complémentation ; « un trou d'air » qui dévoile plus que les autres récits l'attente de saturation, et thématise en quelque sorte cet horizon de comblement. On peut aussi jouer sur une question de modalités: la surprise joue comme un coup de force aléthique. Les micro-fictions non motivées de façon hyperboliques présentent un parcours modal burlesque. La mise en série y est parodique, comme la suite de variations modales des crimes exemplaires de Max Aub. On rejoint une réflexion sur la place du possible, comme celles de Valéry sur la narrativité : Valéry reste au seuil des narrations proprement dites en raison de sa fascination pour les possibles. Il rêve de faire une œuvre qui à chaque noeud montrerait tous ses possibles. L'écriture de la variante est perçue comme une déviance par rapport à la bonne pratique romanesque. Ce sont des textes qui manifestent une grande désinvolture à l'égard de la motivation, et ne produisent un monde qu'en mention: c'est pourquoi on rit (voir « Vraisemblance et motivation » de Genette). Le genre désigne en creux l'attente fictionnelle. Cet effet de levier, en revanche, disparaît presque totalement (chez Fénéon) lorsque les textes sont réinscrits dans une logique du fait divers ou du cas. C'est une question de contrainte générique. Le fait-divers ne semble pas avoir de portée hétérocosmique ou contrefactuelle; la mémoire culturelle y remplace la dépense du lecteur. Peut-être n'es-t-il pas toujours pertinent de faire appel à la notion de monde, peut-être y-a-t-il des « fiction à mondes » et des « fictions à histoires », La Tentation de saint Antoine, et Un coeur simple. M-L Ryan (2005) donne la version pragmatique de ces deux styles de fiction : l'expérience des fictions est un jeu entre deux pôles: celui de l'immersion (monde, espace), et celui de l'interaction (vision du texte comme jeu, carrefour, aiguillage, instructions).

Le deuxième cas-limite pose les problèmes du trop plein et de la réintégration. Dans les cas de Valéry (Introduction à la méthode de Léonard de Vinci) et de Sartre (L'Idiot de la famille), se pose la question du passage du registre de l'hypothèse à la genèse d'un univers. L'Idiot de la famille est la reconstruction de la genèse mentale d'un individu. C'est une quasi fiction : est élaboré un "univers individuel complet", par un mouvement de totalisation par conjecture. L'imaginaire gomme l'inintégrable; dans ce cheminement vers la totalisation se situe explicitement la tentation de la fiction. Le texte ne va pas à l'économie, mais il tourne toujours autour de la fiction sans s'y plonger, usant des germes narratifs jouent comme des relances pour la réflexion. Le monde, le passé, le nom sont convertis en catégories de pensée, le texte restant au seuil du fabuleux. Cette pente fictionnelle donne lieu à une certaine dramatisation. La fiction est perçue comme circulaire et bornée : l'unité close, pour Sartre, c'est le roman. Valéry exprime une méfiance à l'égard du total, qui est la même que celle qu'il a à l'égard du roman, et définit un style fictionnel qui n'est pas celui du roman : « univers ? non ; c'est plutôt universalité. Je n'ai pas voulu le total fabuleux ». La notion de monde a donc un caractère discriminant : nous ne nous rapportons pas de la même façon à Léonard et à Gustave qu'à des personnages de roman : nous les faisons directement exister dans notre monde.

De ce point de vue du seuil de passage à l'idée d'univers, on peut s'intéresser à un troisième domaine, celui de la parenté de la figure et de la fiction, et de l'engendrement de la fiction à partir de la logique figurale. Cela est courant dans la description textuelle des discours de savoirs. Pour F. Hallyn, figure et fiction sont les deux voies parentes de constitution rhétorique du discours de savoir. Cette parenté est également mise en place par Ricœur. C'est surtout le cas dans les derniers développements de la pensée de Genette : la fiction est une expansion, un mode renforcé et aggravé de la figure. Dans la poétique classique, la figure est un prodige. Pour Genette, la fiction n'est qu'une figure prise à la lettre, comme un événement effectif. Le lecteur convertit les tropes. Il y a scandale de la figure quand elle devient une véritable manière d'être, d'occuper l'espace et de passer le temps. Genette avait considéré la Recherche du temps perdu comme l'expansion d'un énoncé d'action : « Marcel devient écrivain ». Il fait désormais reposer la fiction sur un tout autre mécanisme de complémentation, l'expansion d'une substitution référentielle, et cela nous tourne plutôt vers les théories de l'imaginaire.

Nous faisons un usage métaphorique de la notion de « monde », distant de l'usage qu'en fait la logique modale; cela ne disqualifie pas cette notion. Mais pour lui garder une certaine consistance, il faut sans doute en maîtriser l'usage, et distinguer les fictions dans le monde, du monde, sur le monde. Il est pertinent de penser que question ontologique dépend de cadrages génériques et d'univers de croyance historiquement déterminés. En fin de compte, c'est à notre vision de notre monde que la fiction renvoie. Le problème de la densité référentielle ne se pose pas forcément en question de contre-monde, et mérite que l'on garde sous la main le modèle mimétique : il s'agit moins dans certains textes du monde que du réel, non quelque chose à habiter, mais quelque chose à connaître. Cette approche de la fiction invite surtout à un questionnement « écologique », qui insiste sur la réintégration des univers fictionnels dans le nôtre, sur la co-présence, dans nos vies, de plusieurs espaces de références mobilisés en synchronie et de la façon dont ils se régulent, se rapportent les uns aux autres.

Débat

M. Benjebbour : Je ne comprends pas pourquoi les microfictions feraient nécessairement rire. Les Illuminations de Rimbaud ne me font pas rire. Qu'en est-il des fictions poétiques ?

M. Macé : Parodie plutôt que rire : le défi des microfictions, c'est de se présenter comme des univers autosuffisants, tout en caricaturant leur propre exiguïté.

M. Escola : Il y a des effets métonymiques dans les Illuminations. Il y a des amorces de récit même chez Char. Les auteurs que tu cites ont travaillé sur des phénomènes causaux. J'aime beaucoup ton image de trouées et d'appel d'air ; mais moi, cela ne me met pas en contact avec un monde, cela me met toujours en prise sur une histoire, un fil, un récit.

R. Salado : Comment peut-on parler de « clôture » ? Si on lit une phrase en dehors de la série, on ne la comprend pas. On les lit forcément ces « microfictions » dans un effet de série. On est renvoyé à un dispositif littéraire, textuel.

M. Macé : Oui, et à cause de cet effet de série, on est aussi renvoyé à la question : « Pourquoi est-ce que ça ne suffit pas ? »

C. Grall : Ce n'est pas évident. La problématique est celle du fragment. L'idée est de nous faire respirer entre un plein fictionnel et le rien de l'autosuffisance minimaliste. Les deux pôles ne peuvent pas se distinguer en termes de fiction et de récit. C'est plutôt une question de qualitatif. Je ne ressens pas la frustration.

M. Macé : La notion de « monde » dit à mes yeux quelque chose de la façon existentielle dont nous approchons la fiction. Celle de la narrativité aussi, et indépendamment l'une de l'autre.

A. Gefen : La fiction et le muthos, ce n'est pas la même chose. Il peut y avoir frustration de récit sans qu'il y ait frustration de monde.

M. Escola : Ce que tu montres très bien, c'est qu'on a du mal à regarder les deux à la fois. Est-ce que c'est un problème épistémologique ?

F. Lavocat : C'est peut-être une question de psychologie cognitive. Apparemment, nos compétences pour comprendre un récit et entrer dans une fiction ne sont pas les mêmes.

M. Macé : On étudie par exemple sur de nouvelles bases, en ce moment, le rapport entre passion et fiction, la réalité pathique de la narration. On peut lire à ce sujet le dossier de Raphaël Baroni dans Vox poetica.

M. Escola : Dans ton corpus, il y a des moments où les personnages projettent une autre version de l'histoire. Cela arrive parfois, en un seul vers, dans une tirade de Racine.

F. Lavocat : Je ne suis pas d'accord pour appeler « mondes » les moindres suppositions, rêves, des personnages, un seul vers de Racine.

M. Escola : Ce sont des versions de mondes, pas des mondes.

C. Noille-Clauzade : Je sens une vraie différence entre une pensée ontologique de monde et une pensée logique, pas forcément narratologique, de monde. Pavel, Ryan et Dolezel jouent sur les deux tableaux. La conception d'un monde comme totalité meublée occupée par des corps, les notions de dépense et d'économie, renvoient à une ontologie, très extérieure à la pseudo logique des variantes.

A. Gefen : Je suis d'accord avec Christine. Tu peux construire des mondes auctoriaux et lectoriaux, ce ne sont pas toujours les mêmes. On ne peut pas dénier à la lecture cette capacité.

M. Macé : J'ai déplacé la question sur le terrain métaphorique, et même affectif. Il y a la marque d'un pathique narratif qui est la façon dont on se rapporte au récit fictionnel.

S. Bréan: Je voudrais revenir à la distinction entre récit et fiction. Est-ce que d'un point de vue phénoménologique, cela ne correspond pas à deux moments différents ? Le récit est orienté vers le futur (qu'est ce qui va se passer). La fiction est orientée vers la mémoire. Dans les microfictions, l'histoire est finie avant même qu'on n'aie pu faire appel à une mémoire.

M. Macé : Oui, cela dissocie la perception d'un monde et le fil de la lecture.

M. Escola : Mais la mémoire se constitue au fil de la lecture.

D. Ferrer: D'après Poe, reconstituer ce qui se passe avant est plus intéressant que deviner ce qui va suivre. En effet, dans ces microfictions, on se demande avant tout ce qui vient avant : séquence des événements, mais aussi état du monde antérieur. Par ailleurs, vous avez raison de dire qu'il y a des cas où il est plus efficace de parler en termes narratologiques qu'en termes de mondes (même si on devrait pouvoir combiner les deux approches). Mais je ne comprends pas pourquoi dans Un coeur simple ce ne serait pas intéressant de parler de monde ? C'est un monde facilement accessible à partir du MR, mais non identique, d'autre part il y des effets de décrochements (hallucinations, vitrail…).

M. Macé : Mais pourquoi, dans le cas d'un roman réaliste, parler de monde, et non de réalité, (« réalité » pose une question épistémologique plutôt qu'ontologique) ?

C. Noille-Clauzade : Parce qu'on ne parle pas de « monde » en fonction d'un univers de référence.

M. Escola : Si un monde est une collection d'état de choses, Un cœur simple, n'importe quel roman est un monde.

M. Macé : Je voudrais ne pas convoquer la notion de monde à propos de n'importe quel ensemble fictionnel.

C. Noille-Clauzade : Les mondes sont constitués de propositions, mais en logique, elles sont vraies ou fausses; à partir du moment où on établit des propositions contrefactuelles, on établit un autre monde. Et l'accessibilité est traitée par la variante.

N. Mauriac : Est-ce que cela veut dire que la théorie est une fiction plus ou moins habitable ? En ce qui concerne Sartre et Valéry, est-ce qu'il y a un point de jonction entre l'hypothèse et la fiction ?

M. Macé : Dans beaucoup de travaux sur les discours savants, on confond en effet l'hypothèse et la fiction ; Sartre ou Valéry s'effraient du pouvoir d'engendrement de leurs spéculations, mais cela ne changent rien à notre rapport pragmatique à leurs objets.

C. Grall : Il y a des cas ambigus dans les paradigmes aristotéliciens.

Al. Gefen : C'est dans l'histoire ou les sciences que l'on trouve ces scénarios de « comme si », et non pas dans la littérature.

F. Lavocat : On les trouve cependant dans les uchronies.

M. Macé : Cela m'a toujours étonnée cette idée de faire semblance, cette pensée de la fiction comme support sur lequel se développe un jeu de faire semblance.

F. Lavocat : La notion de faire semblant est très pertinente pour décrire certains usages ludiques de la fiction (comme l'adoption de pseudonymes romanesques dans les académies du dix-septième siècle).

M. Macé : Oui, mais c'est une reconfiguration.

S. Bréan : Il y a toujours une disjonction entre ce que fait le lecteur et le monde de l'auteur. Dans les uchronies, ce qui compte n'est pas ce qui ce qui se passe: c'est un jeu sur la mémoire. La question n'est pas ce qu'on peut construire à partir de l'hypothèse de départ (si Hitler avait gagné la guerre), mais ce dont on se souvient et qui s'est passé (et que l'on compare à ce qui est) représenté par l'uchronie. On reconfigure la réalité, c'est un jeu de mémoire. "

D. Ferrer : A propos de votre troisième partie sur la fiction et la figure, et le tournant récent de Genette à cet égard, il serait sans doute intéressant de relire les travaux déjà anciens de Catherine Kerbrat-Orecchioni sur la référence fictionnelle et la notion de « trope fictionnel ».


Marielle Macé February 23rd, 2006

« Fabulous total ». The begetting of fictional worlds in speech.

The semantics of possible worlds radicalises the alternative that was already at stake in this seminar: between an approach of the fictional narrative as narrative and an approach of the fitional narrative as fiction, we are decidedly drawn to the second, as it focusses on the ontology of fictional objects without separating them from the sets in which they organize themselves. The stress is put on the narrative as a performance, as a way to build a world; the categories thus promoted are those enabling us to conceive the “telling” of a “doing”: shifters, assertive modality, pronouns, temporal aspects; certain places of the narrative, like the incipit, gain a major importance, like certain narrative genres (description rather than dialogue) or certain semantic areas (spatial indicators, while the category of action is relegated to a position of second importance). Against classical narratology, it is also a non-communicational conception of the narrative: what is exchanged in a novel is less uterances between narrator and narratee than projections of objetcs between author and reader. The reader reconstructs the world in a memorizable mental image, that will from now on function as a new element of his experience. The notion of “world” is however taken in a very tolerant logical sense; for me, it is interesting because it can change the scale at which the cursor fiction / non-fiction is placed, by forcing us to ask the question of fiction in terms of densified entities; it enables us to establish, from an ontological point of view and by siding with the reader, the difference between the fictitious entities of an hypothesis or an experience of thought, and the fictional masses in which one can project oneself on a long term basis.The narrative issue becomes a question of totalization. The notion of world thus has phenomenological hints, not always acknowledged as such by theoreticians but that describes our reading experience well, when by “world”, one means not a collection of entities and relations, but a universe that one can project oneself in, live in, and that has a certain consistency. The theory of possible worlds thus puts the stress on what is necessary for us to existentially relate to fictions. The questions of dimension, cohesion, expense, are particularly important here. It is a radical theory, which considers the depths of fiction, and not that much the border between fiction and non-fiction. I will consider three borderline cases in which texts develop at the threshold of proper fiction and thematize what they lack to produce a universe: 1) micro-fictions, the invented narratives that are only a few lines long; what the idea of world implies can be observed there in the state of hollow or parody. 2) functional fiction of speculative discourse, in Valéry and Sartre. 3) the third example has to do with a shift in the way Genette now conceives fiction, and that, for me, seems to strongly reintegrate the problem of reference and its quantity, to the detriment of syntax; in Metalepsis, Genette suggests the conception of fiction as the expansion of a figure. It is a matter of asking oneself what the pragmatics of fiction has reduced, on the passage from fictional speech acts to the constitution of totalities, distinguished both from utterances (a fictional universe cannot be defined as an addition of propositions), from entities (discreet entities: “ficionality cannot be understood as an individual feature: it is composed of huge domains of being. The theory of fiction thus has to turn to fictional worlds” – Pavel), and from fictional behaviours (pretending, feigning, Pavel goes on saying, is not the essential act in the passage from reality to fiction). Even if it is ontologically costly to talk of possible worlds, it still is necessary to ask oneself about the induction of a set, which Valéry calls the “Fabulous total”.

Micro-fictions. The autonomous stories by Max Aub or Fénéon are composed of one only fictional utterance. No continuation is expected, and yet this is the motivating force of narrativity. This gives no rise to the “wagon logic” of Eco's. For Barthes, a narrative is what forces us to ask the question: “What could this be followed by?”. Textual concision is extreme and the effect of a universe is given on the mode of irony: these texts play with our expectation of a certain ontological expense to make the minimal narrative last, or on the way these fictional entities come back to our world and relate to it. Do referenciation operations need a minimum length, and more important a proper chronogenesis? The problem is indeed the lack of time, which makes the projection of a universe difficult. Pavel asks the question of neccesary quantity to make a world, and the way the narrative manages the relation between textual quantity and referential dimension: this is what Dolezel calls “the density of the text”. It is here formulated in a parodic way; it is a hollow experience. How do these texts fulfill our expectation of immersion that the notion of “world” indicates? Micro-fictions rely on miniaturized novelistic topics, or modal strokes of force, which enable them to bypass narrativity. The role of the reader is counted on, as he goes on spending even when the writing is aiming at economy. The text produces an expectation of saturation that it fulfills by certain linguistic operations that are very costly; reference is given in one go, and not progressively. The narrative core itself must sometimes be made explicit, and the reader has to generate a context. The disproportion between what is said and what isn't is huge, hence the size of the effort at stake. The notion of mini-world was coined by Eco. For him, a possible world is not a world that is maximal and complete; a text only represents a small part of its universe, the reader only has to pretend he knows them. One could then question oneself on what a minimal state of things is. If we take up the idea of the three degrees of saturation by Dolezel (explicit textures, implicit ones, and zero texture, that is blanks of the fictional worlds), the reader laughs or experiences strangeness when his attention is drawn by force to these blanks that should be the fringes of impertinence of fiction. The question of incompleteness thus becomes the matter at stake in the narrative. We have to give a saturation status: we will not apply M-L Ryan's principle of minimal departure, and will not worry about spending. This probably could be compared to the status of fiction in poetry (example of Michaud, “La ralentie”). What is at stake is to reconcile the tenuousness of expression with the heaviness of the construction of a world, which entails a dramatization of the ontological question. Autonomy, shortness, precision, and intensity of expression: above all else, the micro-tale identifies with the “effect” that is produced. To be found here, in a condensed way, are the mecanisms of fictional deixis, all sorts of very costly calls to complementation; “an air pocket” that says the expectation of saturation more than other narratives, and somehow thematizes this horizon of fulfilling. One can also play with the question of modalities: surprise acts as an alethic stroke of force. Micro-fictions that are not motivated in a hyperbolic way have a burlesque modal route. Series are parodic in micro-fictions, like the series of modal variations of Max Aub's exemplary crimes. We here come to a reflection on the place of possibility, like those of Valéry on narrativity: Valéry remains at the threshold of narratives themselves because of his fascination for possiblilities. He dreams of creating a work that, at each knot, would show all its possibilities. The writing of the variant is perceived as a deviancy regarding good novelistic practice. These are texts that show great casualness with motivation, and produce a world only in mention: this is why we laugh (see “Vraisemblance et motivation” by Genette). The genre negatively indicates fictional expectation. However, this lever effect almost totally disappears (in Fénéon) when texts are placed in the logic of the news item or the case. It is a question of generic constraint. The news item does not seem to have a heterocosmic or counterfactual impact; cultural memory replaces the spending of the reader. It might not always be relevant to use the notion of world, and maybe there are “fictions with worlds” and “fictions with stories”, La tentation de saint Antoine, and Un coeur simple. M-L Ryan (2005) gives the pragmatic version of these two styles of fiction: the experience of fictions is a game that takes place in between two poles: that of immersion (world, space), and that of interaction (vision of the text as a game, crossroads, switching, instructions).

The second borderline case poses the problems of excess and reintegration. In Valéry's case (Introduction à la méthode de Léonard de Vinci) and Sartre's (L'Idiot de la famille), the question is that of the passage from the level of hypothesis to the genesis of a universe. L'Idiot de la famille is the reconstruction of the mental genesis of an individual. It is almost a fiction: a “complete individual universe” is developed, through a movement of totalization by conjecture. What is imaginary erases what cannot be integrated; on this route to totalization is the temptation of fiction explicitly situated. The text does not aim for economy, but it always turns around fiction without ever entering it, using narrative seeds that act as stimulation for reflection. The world, the past, the name are converted in categories of thought, the text remaining at the threshold of the fabulous narrative. This fictional slope gives rise to a certain dramatization. Fiction is perceived as circular and limited: the closed unit, for Sartre, is the novel. Valéry mistrusts the total, in the same way that he mistrusts the novel, and defines a fictional style that is not that of the novel: “a universe? No; universality, more like. I did not want the fabulous total”. The notion of world thus has a discriminant feature: we do not relate to Leonard and Gustave in the same wy that we do to characters in a novel: we have them exist in our world directly.

From this point of view of the threshold of the passage to the idea of a universe, we can look into a third domain, that of the relation between figure and fiction, and of the begetting of fiction from figural logic. Yet this is common in the textual description of speeches of knowledge. For F. Hallyn, figure and fiction are the two related ways of rhetorical constitution of speeches of knowledge. This relation is also established by Ricoeur. But it is mostly to be found in the last developments of Genette's thought: fiction is an expansion, a reinforced and aggravated mode of the figure. In classical poetics, the figure is a marvel. For Genette, fiction is nothing but a figure taken literally, like an actual event. The reader converts the tropes. One could talk of the scandal of the figure when it becomes a way of being, of occupying space and spending time. Genette had considered the Remembrance of things past as the expansion of the utterance of an action: “Marcel becomes a writer”. He now has fiction rest on a totally different mecanism of complementation, the expansion of a referential substitution, and this orientates us towards the theories of the imagination.

We use the notion of “world” in a metaphorical way, different from the use of it by modal logic; this does not disqualify the notion. But in order for it to keep a certain consistency, one surely has to master its use, and distinguish between fictions in the world, of the world, on the world. It is relevant to think that the ontological question depends of historically determined generic frameworks and universe of belief. In the end, fiction refers to our vision of our world. The problem of referential density is not necessarily to be uttered in terms of counter-world, and deserves that we keep the mimetic model within reach: at stake in certain texts is less the world than reality, not something to inhabit, but something to know. This approach of fiction invites to an “ecological” questioning, insisting on the reintegration of fictional universes in our own, on the simultaneous presence, in our lives, of several spaces of reference synchronically summoned up and the way they adjust with each other.



Marielle Macé

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Dernière mise à jour de cette page le 30 Mai 2006 à 21h14.