Atelier






Gérard Genette et la rhétorique. Aide-mémoire
Par Fanny Lorent


Dossier Rhétorique






Gérard Genette et la rhétorique
Aide-mémoire



En 1966, au printemps de cette année qui voit fleurir bien des ouvrages fondateurs, Genette publie, à la suggestion de Sollers, son premier recueil d'articles: Figures[1] dans la collection «Tel Quel». À la même époque, il est assistant à la Sorbonne et suit le séminaire de Roland Barthes à l'École Pratique des Hautes Études consacré à la rhétorique: «L'ancienne Rhétorique. Aide-mémoire» en est la retranscription, publiée dans Communications, en 1970. Nous voudrions, dans ce texte, proposer nous aussi une sorte de mémento, à l'usage de ceux qui s'intéresseraient aux rapports fluctuants que Genette a entretenu avec la rhétorique: Rhétorique et critique? Rhétorique et poétique? Rhétorique et linguistique? Rhétorique et sémiotique? Néo-rhétorique et nouvelle rhétorique? Chaque terme appelle une multitude d'acceptions; certaines se recoupant, d'autres se contredisant… Le flou est tel qu'un parcours dans quelques textes de Genette semble s'imposer.


Dans Figures, qui, à sa sortie, ne s'appelle pas encore Figures I, l'on trouve un article éponyme: «Figures», est publié initialement en 1964, dans la revue Tel Quel. Ce texte fait le point sur le concept de «figure» dans les traités de Rhétorique classiques, tels que ceux de Dumarsais (1730), Domairon (1804), Fontanier (1818), et d'autres, qui traitent essentiellement de l'elocutio, c'est-à-dire de la mise en phrase, du travail du style, dont «les figures constituent la principale ressource»[2]:

L'esprit de la rhétorique est tout entier dans cette conscience d'un hiatus possible entre le langage réel (celui du poète) et un langage virtuel (celui qu'aurait employé l'expression simple et commune) qu'il suffit de rétablir par la pensée pour délimiter un espace de figure[3].

De la rhétorique antique, celle d'Aristote, l'esprit de la rhétorique classique rejette l'aspect utilitaire, argumentatif, pour accorder la primauté absolue à la stylistique et à la figure, qui se conçoit en terme d'hiatus – d'écart, autrement dit. L'idée n'est pas neuve: dans sa Poétique, Aristote, déjà, définissait la métaphore comme le transport à une chose d'un nom impropre à la désigner. Ce que Genette retient surtout ici de cet «espace figural», c'est le fonctionnement dualiste de la figure: «l'existence et le caractère de la figure sont absolument déterminés par l'existence et le caractère des signes virtuels auxquels je compare les signes réels en posant leur équivalence sémantique»[4]. Une figure est toujours présence et absence, réalité et virtualité: la figure, en quelque sorte, est toujours au-delà d'elle-même – voici peut-être la première manifestation de la transcendance qui traverse l'œuvre de Genette. La figure est «comme un filigrane, ou comme un palimpseste, sous son texte apparent»[5], dit-il d'ailleurs… Sans cesse, la figure s'excède. Après une réflexion sur la querelle de la catachrèse qui oppose Dumarsais et Fontanier et un examen de la taxonomie des figures proposée par la rhétorique classique, Genette pose une question, dans laquelle tient sans doute le principal intérêt de son article: «pourquoi la figure signifie-t-elle davantage que l'expression littérale?» Pourquoi le fait d'utiliservoile, pour désigner, par synecdoque, un «navire» revient-il à apporter un surplus de sens? Genette y répond en invoquant la sémiologie moderne et le concept de connotation: voile dénote le navire, et connote, en choisissant de désigner l'objet par une idée accessoire et non par l'idée principale, «la motivation par le détail, le détours sensible imprimé à la signification, et donc une certaine modalité de vision ou d'intention»[6]. Et même quand la figure – c'est le cas de «voile» – devient un usité de la poésie, perdant de facto son pouvoir évocateur, sa valeur connotative ne disparaît pas, et s'en trouve même, en un sens, renforcée: à elle revient l'unique charge, qu'elle accomplit par sa seule présence, de signifier la Poésie. La voile est devenue «pure emblème; un étendard, au-dessus de la troupe des mots et des phrases, sur lequel on peut lire à la fois: ici, navire et: ici, poésie»[7]. La rhétorique des figures revient dès lors à établir un code des connotations du littéraire – on pourrait même dire un répertoire des index grâce auxquels la littérature «se montre du doigt», pour reprendre le mot de Roland Barthes. Cette rhétorique aurait, pour ambition ultime, la volonté d'organiser un langage littéraire, à l'intérieur même du langage premier: un second langage dont chaque signe indiquerait, avec éclat et transparence, «Littérature». Cette rhétorique est-elle encore la nôtre? se demande alors Genette. Non, répond-il, elle ne présente plus qu'un «intérêt historique»:

La fonction auto-signifiante de la Littérature ne passe plus par le code des figures et la littérature a sa propre rhétorique, qui est précisément une absence de rhétorique (ce que Paulhan a appelé la terreur). Ce que l'on peut retenir de la vieille rhétorique, ce n'est donc pas son contenu, c'est son exemple, sa forme, […]: deux langages dans un même langage[8].

L'écrivain terroriste, tel que l'a nommé Paulhan, est animé d'un désir de pureté absolue qui le pousse à fuir la rhétorique: sa recherche adamique d'un langage innocent l'éloigne toujours plus des blandices de l'écriture et des figures de la littérature. Ce que Genette entend donc conserver de la rhétorique ancienne, c'est «son idée paradoxale de la Littérature comme un ordre fondé sur l'ambiguïté des signes, sur l'espace exigu, mais vertigineux, qui s'ouvre entre deux mots de même sens, deux sens du même mot […]»[9]


En 1965, Genette publie dans un numéro spécial de L'arc consacré à Lévi-Strauss, «Structuralisme et critique littéraire», qui sera repris, lui aussi, dans Figures I. Dans ce texte, Genette s'essaie à définir les contours d'une critique, ou d'une analyse, structuraliste. Sa position se rapproche de celle de Jakobson, et se situe entre «le pur formalisme, qui réduit les "formes" littéraires à un matériel sonore finalement informe parce que non signifiant, et le réalisme classique, qui accorde à chaque forme une "valeur expressive" autonome et substantielle»[10]. La critique structuraliste est une critique homologique, elle concoure à établir des liaisons entre un système de formes et un système de sens, et l'une des voix qu'elle se doit d'explorer est l'étude des «"grandes unités" du discours, au-delà du cadre – infranchissable pour la linguistique proprement dite – de la phrase»[11]. Les nouveaux objets de cette critique nouvelle relèvent donc d'un niveau de généralité élevé: le récit, la description, etc. «Il y aurait là une linguistique du discours qui serait une translinguistique […] – c'est-à-dire, en somme, une rhétorique». Cette rhétorique n'est pas la rhétorique des figures: Genette renoue avec la conception aristotélicienne de «l'art du discours», qu'il décharge de ses fonctions persuasive et esthétique, pour constituer une «nouvelle rhétorique», ne se réduisant pas à une rhétorique figurale, mais qui serait, au contraire, une science des discours littéraires. Ce rétrécissement de la rhétorique antique au domaine littéraire correspond historiquement à un des champs que celle-ci recouvrait: celui du vraisemblable, c'est-à-dire ce qui n'appartient pas au réel, mais au possible; ce qui est objet de fiction. Cette sous-catégorie d'une rhétorique générale, que l'on a nommée durant le Moyen Âge, une «rhétorique seconde», s'assimile alors à une «poétique». Et, précisément, c'est le nom dont Genette baptisera plus tard le projet assigné à ce qu'il nomme encore «critique structuraliste» (ou «nouvelle rhétorique»), laquelle est opposée ici à l'herméneutique, comprise comme une volonté incessante faire revivre un sens à travers une conscience créatrice et une conscience critique[12]. L'assimilation d'une critique moderne à une rhétorique ne fonctionne pas en sens unique: la rhétorique – d'Aristote à La Harpe – se confond, en retour, sous la plume de Genette, avec ce qu'il nomme une «critique classique». Une critique qui aurait le mérite d'être«plus attentive aux données anthropologiques de la littérature»: dans son effort de circonscrire les exigences du vraisemblable, «les distinctions entre les genres, les notions d'épique, de tragique, d'héroïque, de comique, de romanesque, répondraient à certaines catégories d'attitudes mentales qui disposent de telle ou telle manière l'imagination du lecteur […]»[13]. Mais ce que loue surtout Genette dans cette rhétorique-critique – on pourrait donc dire, une poétique antique[14] – surpasse déjà la stricte théorie des genres, puisqu'il propose de l'étendre à toutes les «grandes formes de l'expression littéraire»[15]. De l'antique théorie des genres, Genette retient surtout la conscience aiguë de la littérature comme système. Mais ce qui manque, selon lui, à cette théorie est la prise en compte d'une dimension temporelle, c'est-à-dire l'idée que ce système puisse évoluer. Le XIXe siècle a, lui, découvert l'histoire mais, au dépend du tableau des genres, s'est penché sur l'histoire individuelle des œuvres et des auteurs. Entre la rhétorique des genres et l'histoire littéraire, Genette place ainsi Valéry qui appelait à une histoire de la littérature comprise «non tant comme une histoire des auteurs et des accidents de leur carrière ou de celle de leur ouvrages, que comme une Histoire de l'esprit en tant qu'il produit ou consomme de la "littérature" […]»[16]. Cette histoire des systèmes littéraires, qui pourrait même se passer des noms d'écrivains, a trouvé des échos certains chez Blanchot et Borges et, déjà, chez Thibaudet[17].


Un an plus tard, en 1966, Genette se place à nouveau sous le patronage du couple Valéry-Thibaudet, dans son intervention au colloque sur la Critique littéraire organisé par l'Université Johns Hopkins: «Raisons de la critique pure», repris dans Figures II, publié la collection «Tel Quel», en 1969. Genette, dans son désir d'«indiquer à grands traits quelques des caractéristiques de ce que pourrait être une critique vraiment actuelle»[18], s'attache à définir de les objets de celle-ci: les essences, selon le terme de Thibaudet. La deuxième de ces essences – les autres étant le «génie» et le «Livre» – porte sur les genres, que Thibaudet considère comme «les formes de l'élan vital littéraire» et que Genette propose d'appeler «les structures fondamentales du discours littéraires»[19], ou «structures du langage poétique»[20]. Au-delà de cette attention aux genres proprement dits, Genette réitère les déclarations de «Structuralisme et critique littéraire» et appelle à se pencher sur «toutes les autres formes de l'expression littéraire». Il regrette, par exemple, qu'aucun travail n'ait été consacré, pour lui-même, à un «type de discours aussi fondamental» que la description. Ce type d'étude pourrait être, selon Genette, «baptis[é] d'un nom fort ancien et plutôt décrié: c'est la rhétorique, et pour [sa] part, [il] ne verrait aucun inconvénient à admettre que la critique telle que nous la concevons serait, partiellement du moins, quelque chose comme une nouvelle rhétorique»[21]. Il faut ajouter que cette «nouvelle rhétorique» s'inscrirait dans la lignée d'une science nouvelle, la linguistique, «qui est sans doute la seule discipline scientifique ayant actuellement son mot à dire sur la littérature comme telle, ou, pour reprendre une fois de plus le mot de Jakobson, sur la littérarité de la littérature»[22]. Proposant de dépasser la particularité des œuvres pour s'intéresser à ce qu'il suggère de nommer tout simplement des formes, Genette écrit, dès 1966, les lignes fondamentales de son futur positionnement poétique, mais qu'il nomme encore, non plus «critique moderne» comme en 1965, mais «critique pure». Le pas franchi entre Figures I et Figures II, c'est celui de la littérarité: la critique, en 1965, se devait avant tout d'être transphrastique et rejoignait la rhétorique grâce au discours; en 1966, Genette radicalise ce qu'il avait esquissé et proclame l'avènement d'une critique transtextuelle, qui dépasse les œuvres, et qui rejoint la rhétorique par des types de discours, c'est-à-dire des formes. L'étude du discours littéraire correspond à une poétique antique, considérée comme un sous-ensemble d'une rhétorique générale, alors qu'une théorie générale des formes littéraires constitue le programme d'une poétique moderne. Cette (future) poétique moderne vise la littérarité de la littérature alors que la poétique antique «cadastre l'espace des textes de fiction»[23].


Cette poétique moderne ne sera appelée comme telle qu'en 1969; en 1966, c'est encore l'étiquette de «critique» (qu'elle soit «moderne», «structuraliste» «pure» ou même «rhétorique») qui lui est attribuée et cela n'est pas sans causer quelques difficultés. Dans «structuralisme et critique littéraire», Genette ne limitait pas la littérarité à la littérature et l'étendait même aux ouvrages critiques:

Un livre de critique comme Port-Royal ou L'Espace littéraire est entre autres choses un livre, et son auteur est à sa manière et au moins dans une certaine mesure ce que Roland Barthes appelle un écrivain (par opposition au simple écrivant) c'est-à-dire l'auteur d'un message qui tend partiellement à se résorber en spectacle. [...] L'objet littéraire n'existe que par lui; en revanche, il ne dépend que de lui et, selon les circonstances, n'importe quel texte peut être ou n'être pas littérature, selon qu'il est reçu (plutôt) comme spectacle ou (plutôt) comme message: l'histoire littéraire est faite de ces aller-retour et de ces fluctuations. C'est dire qu'il n'y a pas à proprement parler d'objet littéraire, mais seulement une fonction littéraire qui peut investir ou délaisser tour à tour n'importe quel objet d'écriture. Sa littérarité partielle, instable, ambiguë, n'est donc pas propre à la critique. Ce qui la distingue des autres «genres» littéraires, c'est son caractère second[24].

L'activité critique peut donc, elle aussi, relever d'une pratique intransitive du langage: «nous voulons écrire quelque chose, et en même temps, nous écrivons tout court»<sup>[25] écrit Barthes dans «Écrivains et Écrivants» en 1960. La littérarité n'est donc pas ce qui distingue le langage du critique de celui de l'écrivain; ce qui trace la ligne de démarcation est uniquement son «caractère second»: discours sur un discours et non pas discours sur le monde. La littérarité, qui est donc l'objet de la critique, s'avère donc être également une de ses qualités potentielles. Ce statut ambivalent de la critique – méthode pour atteindre un objet dont elle est elle-même en partie porteuse – explique peut-être les limites que Genette va rapidement découvrir à cette terminologie, nous le verrons.


Toujours en 1966, Genette publie un deuxième article qui sera repris dans Figures II: «Enseignement et rhétorique au XXe siècle» dans la revue Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. Ce texte débute par le constat que «la rhétorique a disparu de notre enseignement littéraire» mais que «sa mort ne peut-être, en réalité, qu'une relève, ou une mutation, ou les deux à la fois»[26]. La question que Genette pose alors est celle-ci: par quoi cette rhétorique a-t-elle été remplacée? Pour tenter d'y répondre, Genette s'emploie alors à dresser le bilan de la situation de l'enseignement tel qu'il le connaît, au milieu des années 60, et de comparer ses observations à l'école du XIXe siècle. Les différences tiennent en trois points: 1) le siècle passé enseignait une rhétorique «explicite et déclarée»[27] alors qu'à l'heure où écrit Genette, le terme même en vient à disparaître du vocabulaire officiel et devient le synonyme de «bavardage creux et ampoulé»[28] 2) l'enseignement de la rhétorique explicite consistait en une «coïncidence presque totale du descriptif et du normatif»[29] , c'est-à-dire que l'étude la littérature allait de pair avec l'apprentissage du travail du style, alors qu'au XXe siècle l'art d'écrire cesse d'être le cœur de l'enseignement littéraire, supplanté par le monopole de l'histoire de la littérature 3) la rhétorique scolaire était une rhétorique de l'élocutio, qui accorde une place de choix à la figure et aux procédés poétiques alors que la rhétorique moderne est «presqu'exclusivement une rhétorique de la dispositio, c'est-à-dire du plan»[30], tel que le prouve, par exemple, la pratique du commentaire composé. À côté de ces trois changements de statut, que Genette qualifie respectivement d'idéologique, sémiologique et rhétorique, il épingle une «différence essentielle», «qui peut-être commande toutes les autres»:

On pourrait dire que la rhétorique ancienne assurait à la fois une fonction critique, qui était d'étudier la littérature, et une fonction poïétique (pour parler comme Valéry), qui était de produire à son tour de la littérature en proposant des modèles: cette coïncidence des fonctions critiques et poïétique définissait la situation rhétorique[31].

L'ancienne rhétorique a donc disparu de l'enseignement au profit du règne conjoint de l'histoire littéraire – qui remplit la fonction critique – et de la dissertation – qui vient occuper la fonction poïétique. Mais s'est-elle effacée totalement de notre culture? Genette considère que, bien qu'évincée de l'école, elle réapparait sous une autre forme, «dans la littérature elle-même, en tant que celle-ci, avec Mallarmé, Proust, Valéry, Blanchot, s'efforc[ent] de prendre en charge la réflexion sur elle-même, retrouvant par une voix inattendue la coïncidences des fonctions critique et poïétique»[32]. Et, voudrait-on faire remarquer, le mouvement inverse trace aussi de nouveaux chemins: le texte critique revêt lui-aussi une dimension littéraire, qui maintient de ce fait les deux fonctions ajustées. Ainsi, «malgré son anti-rhétorisme de principe (son terrorisme, dirait Paulhan), est tout entière une rhétorique puisqu'elle est à la fois littérature et parole sur la littérature»[33]. Ici encore, la dette envers Barthes est assez évidente: en 1959, dans «Littérature et méta-langage», celui-ci déclarait déjà qu'«avec les premiers ébranlements de la bonne conscience bourgeoise, la littérature s'est mise à se sentir double: à la fois objet et regard sur cet objet, parole et parole sur cette parole, littérature-objet et méta-littérature»[34] et, en appelait, pour sa part, à Flaubert, Mallarmé, Proust et Robbe-Grillet.


Ce qu'il importe de retenir, à ce stade de notre parcours, de ce dédoublement de la rhétorique tient, à nouveau, dans une réflexion terminologique. Il est, en effet, remarquable de constater que la fonction critique de la rhétorique (ce que nous avions d'ailleurs nommé rhétorique-critique à propos de «structuralisme et critique littéraire») prendra, plus tard, précisément le nom, non pas de poïétique, mais de poétique. Pendant de longues années, le projet de Genette, dont les termes étaient déjà pourtant très précis, peine à se nommeret s'assimile toujours à la fois à la rhétorique et à la critique en excluant la poétique, comprise exclusivement comme un art normatif de la composition – alors que, plus tard, en 1980, Genette et Todorov publieront une nouvelle traduction de la Poétique d'Aristote dans la collection «Poétique» qu'ils dirigent.


En 1968, Genette rédige «La rhétorique des figures», texte destiné à préfacer la réédition de Pierre Fontanier, Les figures du discours chez Flammarion et qui sera repris, des années plus tard, en 1999, dans Figures IV. Fontanier, en 1818, avait dans l'idée d'écrire un traité complet des figures. Genette situe ce projet entre deux positions extrêmes de la rhétorique: d'une part, le traité d'Aristote, «embrassant la totalité du champ rhétorique» (inventio, dispositio, elocutio) et d'autre part, celui de Dumarsais, le Traité des tropes, qui s'en tient à l'elocutioet même à un seul aspect de celui-ci, les figures de signification. Dumarsais, à la différence d'Aristote, se pose plus en grammairien qu'en rhétoricien, puisque l'unité typique dont il se fait l'analyste n'est pas l'énoncé mais le mot. Entre ces deux parti-pris, Fontanier propose un traité des figures, «seulement des figures, mais toutes les figures»[35]: entre l'énoncé et le mot seul, sa perspective se place du mot à l'énoncé complexe. Il importe dès lors en premier lieu à Fontanier de proposer une définition aussi précise que possible de la figure: «on voit immédiatement que la figure ici définie, comme le "fait de style" pour les stylisticiens d'aujourd'hui, comme un écart»[36] fait remarquer Genette. Mais la norme, vis-à-vis de laquelle l'écart existe, est-elle la même pour les rhétoriciens d'hier et d'aujourd'hui? Pour la stylistique, la réponse est unanime: la norme est l'usage. Pour Fontanier, les choses s'avèrent plus complexes. Celui-ci constate que certaines figures sont entrées dans l'usage (les catachrèses), ce qui rend inopérant le paradigme usuel/figuré, qu'il remplace alors par le couple littéral/figuré: la norme, à ses yeux, c'est «l'expression simple et commune». L'avantage que Genette repère dans la position de Fontanier tient dans ce qu'elle affirme «de la façon la plus nette l'essence substitutive de la figure»[37] et, plus généralement, «la dimension paradigmatique des unités, grandes ou petites, du discours»:

Identifier une unité de discours, c'est bien nécessairement la comparer et l'opposer, implicitement, à ce qui pourrait être, en ses lieu et place, une autre unité «équivalente», c'est-à-dire à la fois semblable et différente. Caractériser un exorde, un épisode, une description, c'est bien nécessairement évoquer à son propos ce qu'aurait été, au même endroit, un autre exorde ou une absence d'exorde, un autre épisode ou une absence d'épisode, une autre description ou une absence de description. Percevoir un langage, c'est bien nécessairement imaginer, dans le même espace ou dans le même instant, un silence ou un autre langage[38].

Le fonctionnement «virtuel-présentiel» de la figure, que Genette épinglait déjà en 1964 dans «Figures», devient ici exemplaire et s'étend à tout autre forme de discours.  


«L'autre innovation dont s'enorgueillit Fontanier», nous dit Genette, «c'est sa "division des figures"». Sans revenir en détail ce chef-d'œuvre «de l'intelligence taxonomique»[39], nous retiendrons un point du commentaire genettien: l'éloge accordé à la distinction posée entre métonymie et synecdoque au sein de ce que Fontanier nomme les «tropes par liaison»: «opposition d'une grande valeur logique, même si certains cas sont difficiles à distribuer en pratique, et il est dommage qu'elle se soit perdue dans la conscience rhétorique moderne»[40]. Depuis la traduction chez Minuit, en 1963, des Essais de linguistique générale de Roman Jakobson, l'elocutio est, en effet, en train de renaitre[41] mais réduite au couple métaphore/métonymie (cette dernière englobant alors la synecdoque grâce à l'unique critère de contiguïté) – et l'on sait que l'ouvrage a été fondateur pour les néo-rhétoriciens du Groupe de Liège, qui, l'été 1963, se réunissent pour la première fois[42], et qui, rappelons-le, vont œuvrer à instaurer l'écart comme «critère de rhétoricité».


Dans «la rhétorique des figures», l'on peut donc voir Genette prendre doublement ses distances envers la stylistique moderne, et ce qui deviendra la néo-rhétorique: il se range du côté de Fontanier en choisissant, d'une part, le couple littéral/figuré et, d'autre part, le trio métaphore/métonymie/synecdoque.


En 1969, Genette intervient à Cerisy dans le cadre d'un colloque consacré à «l'Enseignement de la littérature». Sa communication, «Poétique et histoire», reprise dans Figures III, retient particulièrement notre attention dans la mesure où, pour la première fois, à notre connaissance, Genette choisit de désigner son projet par le vocable «poétique»:

Je me souviens d'avoir répondu ici même il y a trois ans à Jacques Roger que, du moins en ce qui concerne la critique dite «formaliste», cet apparent refus de l'histoire n'était en fait qu'une mise entre parenthèses provisoire, une suspension méthodique, et que ce type de critique (que l'on appellerait sans doute plus justement théorie des formes littéraires – ou, plus brièvement, poétique) me paraissant voué, plus qu'aucun autre peut-être, à rencontrer un jour l'histoire sur son chemin[43].

Il est vrai qu'en 1966, Genette affirmait que la vision historique ne relevait pas de son projet: ce qui l'intéressait déjà, c'était l'évolution des formes, en tant que système transhistorique[44]. Trois ans plus tard, Genette affine sa position et prône une histoire de la «littérature prise en elle-même […] et pour elle-même […]»[45] , c'est-à-dire une histoire des formes, comprises comme des «éléments transcendants les œuvreset constitutifs du jeu littéraire»[46]. Genette déplore ainsi qu'aucune histoire de la rime ou de la description n'ait encore été écrite mais il y voit une explication qui condamne moins l'histoire que la théorie: «le retard de l'histoire reflète ici le retard de la théorie, car dans une large mesure, et contrairement à un préjugé constant, dans ce domaine au moins la théorie doit précéder l'histoire, puisque c'est elle qui dégage les objets»[47]. Sans nous attarder sur les liens possibles et postulés entre théorie et histoire – qui pourraient faire l'objet d'un autre travail[48] – ce qu'il nous importe de retenir de cet article est l'équivalence posée entre «théorie des formes littéraires» et «poétique», appellations qui viennent alors toutes deux supplanter celle de«critique formaliste».


Mais la dénomination «poétique» ne s'impose pas dès 1969, l'itinéraire de Genette emprunte, en 1970, un ultime détour rhétorique. Son article «La rhétorique restreinte», publié dans le numéro 16 de la revue Communications, succède directement à «Poétique et histoire» dans Figures III. Dans ce texte, Genette revient à la question de la rhétorique des figures, dont il avait esquissé les contours en 1964 et en 1968. Si dès «Figures», il remarquait en effet que les traités de Rhétorique classiques se préoccupaient avant tout l'elocutio, il ne déplorait pas pour autant cette restriction de la rhétorique. Si dans «La rhétorique des figures», il situait le traité de Fontanier entre deux points extrêmes de la rhétorique – la rhétorique générale et la rhétorique des figures de signification – son propos n'était pas de défendre ou de condamner telle ou telle approche. Mais, en 1970, Genette fait désormais le triste constat d'une histoire de la rhétorique se réduisant progressivement à une peau de chagrin. Pour preuve de ce funeste parcours, Genette en appelle à trois publications à peu près simultanées: il s'agit de Rhétorique générale du Groupe de Liège, de l'article de Michel Deguy[49], «Vers une théorie de la figure généralisée», et de l'article de Jacques Sojcher, «La métaphore généralisée». Tous trois sont exemplaires de l'amoindrissement de la rhétorique à la figure et de la figure à la métaphore. Ces trois contributions se revendiquent de la (ou d'une) rhétorique, plus ou moins «générale», alors qu'il s'agit, au mieux, d'un traité des figures, bien éloigné de la rhétorique d'Aristote, elle qui, bien que ne se voulant pas générale, l'étaitet «l'était si bien, dans l'amplitude de sa visée, qu'une théorie des figures n'y méritait encore aucune mention particulière»[50]. Genette retrace alors à grands traits l'histoire de ce rétrécissement de la rhétorique, dont le point de départ est, selon lui, Des Tropes de Dusarmais, publié en 1730. Dumarsais, le premier, se place plus en linguiste, ou en sémanticien, qu'en rhétoricien et élabore une théorie des figures de sens. Genette réitère ici fidèlement ses précédentes déclarations, mais, arrivé à grand pas jusqu'à Fontanier, son discours change. Fontanier, qu'il situait, en 1968, entre la radicalité d'Aristote et celle de Dumarsais, devient désormais l'héritier direct du traité Des Tropes, en ce qu'il œuvre lui aussi à la «réduction tropologique» de la rhétorique:

[…] reprenant avec une rigueur accrue […] le critère de substitution qui régit l'activité tropologique, et l'étendant à la totalité du champ figural […] il tend à faire du trope le modèle de toute figure, et donc à accentuer encore, en lui donnant un fondement de droit, la restriction de fait amorcée par son devancier[51].

Fontanier met en exergue la nature substitutive de la figure, et si Genette s'en réjouissait en 1968, c'est ce qui lui permet à présent de ranger Figures du discours dans le panthéon des traités réductionnistes. De plus, Genette regrette que là où Dumarsais avait déjà réduit la taxonomie des figures au trio métaphore/métonymie/ironie, Fontanier exclut l'ironie pour aboutir au couple figural métaphore/métonymie. Déclaration troublante au regard de celle de «La rhétorique des figures», où Genette louait la triple division des figures de signification de Fontanier en métaphore/métonymie/synecdoque. Genette, qui semble désormais faire l'impasse sur le troisième terme du trio de Fontanier, souligne alors que cette vision dualiste de la rhétorique correspond, au XXe siècle, aux conclusions des études menées par les formalistes russes[52], dès l'ouvrage de Boris Eichenbaum sur Anna Akhmatova en 1923 jusqu'à Deux aspects du langage et deux types d'aphasie de Jakobson en 1956: «A cette réduction progressive des figures de "liaison" au seul modèle de la métonymie spatial, répond de l'autre côté – celui des figures de "ressemblance" – une réduction sensiblement symétrique, qui se joue ici au profit de la seule métaphore». Ce double amaigrissement de la rhétorique des figures se faisant alors au détriment de la synecdoque, de la comparaison, de l'identification, etc. Genette en vient alors au dernier «mouvement réducteur, par lequel la même métaphore, absorbant son ultime adversaire, va se faire "trope des tropes" (Sojcher), "figure des figures" (Deguy), le noyau, le cœur et finalement l'essence et presque le tout de la rhétorique»[53]. C'est un phénomène qu'il observe aussi chez les néo-rhétoriciens du Groupe de Liège, dont il reconnaît les qualités[54], mais dont il s'étonne du prestige qu'ils accordent à la métaphore dans leur Rhétorique générale où l'on peut lire que celle-ci est la «figure centrale de toute rhétorique». Et contre l'idée trompeuse qu'il faut que «toutes choses, fût-ce les figures, aient un centre», Genette s'attache alors à répondre aux principaux arguments de Sojcher et Deguy. Le premier fait appel à l'étymologie du mot métaphore et rattache ainsi à cette figure tout «déplacement de sens»: il est dès lors aisé à Genette de répliquer en rappelant que cette «preuve étymologique» vaut également pour métonymie, métalepse, hypallage, etc. Le second, lui, avance l'idée que «le système de la tropologie classico-moderne (Fontanier-Jakobson), dans le partage même qu'il effectue entre les figures, obéit à un modèle spatialisé […] et par conséquent déjà métaphorique». À cela, Genette répond que ce système basé, selon Deguy, sur des rapports de contiguïté, d'intersection ou de superposition, peut être entièrement retraduit en termes logiques: par exemple, «l'inclusion de voile dans navire est spatiale si l'on veut, mais à aucun degré celle de fer dans épée, ou d'homme dans mortel»[55]. Devant la faiblesse de ces arguments, Genette conclut alors que cette excessive valorisation ne peut être liée qu'à un parti pris: «Il me semble en effet que le profond désir de toute poétique moderne est bien à la fois de supprimer les partages et d'établir le règne absolu – sans partage – de la métaphore»[56]. Face à ces néo-rhétoriques, nées dans le sillage des traités de rhétorique restreinte – et ambitionnant de fournir une théorie de la littérature, donc une poétique – Genette aspire à retrouver un point de vue «totalisant», qui ne renonce pas aux théories sur la métaphore, ni à celles des figures[57], mais qui «ne nous laissent pas quittes avec la rhétorique générale, et moins encore avec cette "nouvelle rhétorique" (si l'on veut) qui nous manque (entre autres) pour "agir sur le moteur du monde", et qui serait une sémiotique des discours. De tous les discours»[58]. En réponse à ces néo-rhétoriques étriquées et victimes de centrocentrisme, Genette rappelle donc la nécessité d'une «nouvelle rhétorique», qui trouve désormais une voix d'expression dans la sémiologie telle qu'elle est pratiquée par Roland Barthes et telle que celui-ci l'a définie dans ses «Éléments de sémiologie» parus en 1964 dans le numéro 4 de la revue Communications. Il s'agit donc ici d'un élargissement de la nouvelle rhétorique à l'ensemble des discours, alors que Genette avait précédemment limité son champ d'action à la littérature seule et même à la littérarité. Deux phénomènes expliquent, selon nous, cette amplification soudaine de la rhétorique nouvelle: d'une part, on peut penser que c'est une logique essentiellement réactionnelle qui anime ici Genette et, d'autre part, son projet théorique anciennement, par une série de resserrements successifs, nommé «rhétorique» s'est désormais trouvé une désignation propre, celle de poétique, laissant ainsi à nouveau le terme rhétorique recouvrir tout le champ qui est le sien. Dans «Du texte à l'œuvre», publié dans Figures IV, Genette revient sur son itinéraire rhétorique et confesse avoir chercher ce qui, dans la rhétorique des figures, pouvait apparaitre comme «une sorte d'ancêtre» à la stylistique moderne[59], avant de «[s]'aviser que la rhétorique ne se réduit pas à ce seul aspect, et qu'une telle restriction témoignait d'une vue un peu étroite, et sans doute biaisée par ce rapprochement trop partiel»[60]. Mais il ne regrette pas pour autant ce «semi-malentendu» qui a amené à relire les textes de Dumarsais et de Fontanier et à réintégrer leur point de vue dans le champ théorique.


En 1972, le texte qui ouvre Figures III, premier livre de Genette publié dans la collection «Poétique» fondée au Seuil deux ans auparavant, s'intitule: «Poétique et critique». On pourrait considérer ce court texte comme le manifeste du projet théorique de Genette et d'une discipline en devenir qui revendique enfin sa définition et son nom:«théorie générale des formes littéraires – disons une poétique»[61]. Cette poétique s'oppose désormais, non sans lien de complémentarité, non plus à seulement à l'herméneutique, mais aussi à la critiquetelle qu'elle est conçue depuis le romantisme, «lequel, en déplaçant l'attention des formes et des genres vers les "individus créateurs", a relégué ce type de réflexion générale au profit d'une psychologie de l'œuvre à quoi, depuis Sainte-Beuve […], s'est toujours tenue ce que l'on nomme aujourd'hui critique». La critique, même lorsqu'elle se veut immanente, ne peut ignorer que l'œuvre présuppose une série de données transcendantales, qui ne peuvent être comprises que par l'analyse des discours, de la narratologie, de la stylistique, etc. Bref, la critique ne peut se suffire à elle-même et doit admettre «la nécessité, de plein exercice, d'une discipline assumant ces formes d'études non liées à la singularité de telle ou telle œuvre […]»[62]. Cette discipline, qui serait donc une poétique, ne peut se confondre avec «une étude des formes et des genres au sens de la rhétorique et la poétique de l'âge classique»: la poétique de Genette s'en éloigne en s'occupant moins «d'ériger en norme la tradition et de canoniser l'acquis» que d'explorer les «divers possibles du discours, dont les œuvres déjà écrites et les formes déjà remplies n'apparaissent que comme autant de cas particuliers au-delà desquels se profilent d'autres combinaisons possibles ou déductibles»[63]. Cette nouvelle théorie des formes, cette poétique moderne, est une poétique ouverte, c'est-à-dire à la fois non normative et attentive au virtuel littéraire, alors que la poétique classique est fermée, c'est-à-dire contraignante et restreinte au réel – au déjà écrit – de la littérature: l'étude de littérarité et de la fonction poétique vient remplacer celle de la littérature et de la poésie. Cette distinction permet à Genette d'affirmer le caractère original de son programme théorique, qui en rien ne s'apparente à un retour en arrière ou à une régression au stade pré-critique: «la théorie littéraire, au contraire, sera moderne, et liée à la modernité de la littérature, ou ne sera rien»[64].


Partie de la rhétorique, il nous semble que c'est ainsi que la poétique moderne s'est peu à peu constituée en discipline propre, se distinguant, grâce à la spécificité de son objet, la littérarité, des disciples parentes ou connexes. Notre parcours dans huit des premiers textes de Genette, qui s'échelonnent d'ailleurs sur huit ans, permet désormais de répondre à nos premiers questionnements. De cette aventure terminologique, de cette cascade de textes qui se répondent et se complètent, de ces ajustements théoriques progressifs, il apparait que la poétique s'écarte à la fois de la nouvelle rhétorique, telle qu'elle est conçue par Genette, qui embrasse tous les discours à la manière de la sémiologie moderne, et de la linguistique saussurienne, qui étudie la langue dans les limites de la phrase: la poétique est donc, avant tout, subrhétorique et translinguistique. De là, la poétique moderne rencontre deux autres immanences à transcender, celle de la critique et celle de l'histoire littéraire, et s'affirme dès lors conjointement transtextuelle et transhistorique: la poétique s'attache ainsi aux données qui dépassent les œuvres particulières (les genres, les thèmes, les types, c'est-à-dire les formes) et à l'évolution du système littéraire en ce qu'il dure et se transforme. De 1964 à 1972, de Figures I à Figures IV, le projet théorique de Genette se dessine avec une grande cohérence et ce, dès «Figures». Par l'étude «d'un procédé stylistique transgénérique», la figure, telle qu'il la désigne dans Figures IV[65], qu'il formalise jusqu'à son plus haut degré pour ne retenir que son inhérente duplicité, Genette entrait en effet déjà dans le champ de la poétique, par la porte étroite d'une rhétorique «restreinte», laquelle sera par la suite englobée par la poétique moderne, elle-même chapeautée par une nouvelle rhétorique généralisée. Selon Genette, le rapport d'inclusion de la poétique moderne dans la rhétorique nouvelle est donc le même que celui qui organisaient leur pendant antique respectif, alors qu'au contraire, au XXe siècle, les néo-rhétoriques sont sans cesse menacées d'engloutissement par la poétique moderne – la rhétorique des figures étant comprise comme un sous-ensemble de cette nouvelle discipline. Voici ainsi établies les «frontières de la rhétorique», discipline aux contours mouvants mais qui n'a pas dit son dernier mot, ni avec la poétique ni même avec la revue et la collection «Poétique».



Fanny Lorent
(janvier 2015)


Pages de l'Atelier associées: Rhétorique, Figures.


[1] Pour une idée précise de l'histoire éditoriale de ce recueil, nous renvoyons à l'article de G. Genette, «Autour de Figures», Fabula-LhT, n°11, «1966, annus mirabilis», décembre 2013, URL: http://www.fabula.org/lht/11/genette.html

[2] G. Genette, Figures I. Paris, coll. “Points Essais”, 1966, p. 206.

[3] Ibid., p. 207.

[4] Ibid., p. 210.

[5] Ibid., p. 211.

[6] Ibid., p. 219.

[7] Ibid., p. 220.

[8] Ibid., p. 221.

[9] Ibid.

[10] G. Genette, Figures I, op.cit., p. 151.

[11] Ibid., p. 154.

[12] Les deux approches critiques n'entreraient pas pour autant dans un rapport d'exclusion: «à propos d'une même œuvre, la critique herméneutique parlerait le langage de la reprise du sens et de la récréation intérieure, et la critique structuraliste celui de la parole distante et de la reconstruction intelligible» (Ibid.,p. 161).

[13] Ibid., p. 163.

[14] Le terme n'est jamais cité dans l'article de Genette.

[15] Ibid., p. 154.

[16] Ibid., p. 164.

[17] En 1965, date à laquelle Genette suit de près le travail de Todorov, elle est incarnée par le concept de «variation» fondé par les formalistes russes.

[18] G. Genette, “Raisons de la critique pure”, dans Les chemins actuels de la critique. Dirigé par G. Poulet. Paris, Plon, 1967, p. 231.

[19]  Ibid., p. 239.

[20] Ibid., p. 240.

[21] Ibid.

[22] Ibid.

[23] J.-M. Klinkenberg, “Rhétorique” dans Le dictionnaire du littéraire. Sous la direction de P. Aron. Paris, P.U.F, 2002, p. 543.

[24] G. Genette, Figures I, op.cit., p. 146-147.

[25] R. Barthes, Essais critiques, [1964], dans Œuvres complètes. Tome II. Paris, Seuil, 2002, p. 409.

[26] G. Genette, Enseignement et rhétorique au XXe siècle», dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N.2, 1966, p. 293.

[27] Ibid., p. 293.

[28] Ibid., p. 295.

[29] Ibid., p. 294.

[30] Ibid., p. 298.

[31] Ibid., p. 304.

[32]  Ibid.

[33]  Ibid., p. 305.

[34] R. Barthes, Essais critiques, op.cit., p. 409.

[35] G. Genette, Figures IV, op. cit., p. 52.

[36] Ibid., p. 53.

[37] Ibid., p. 56.

[38] Ibid., p. 56-57

[39] Ibid.

[40] Ibid., p. 58-59.

[41] Chaïm Perelman, dans les années 50, s'est, quant à lui, intéressé à l'inventio et la dispositio pour fonder une nouvelle rhétorique de l'argumentation. Les rapports conflictuels de cette rhétorique de Bruxelles avec le Groupe de Liège ont été discutés par, entre autres, Michel Meyer et J-M Klinkenberg.

[42] S. Badir, «Eléments pour un biographie du Groupe Mu», dans Protée, vol. 38, n°1, 2010, § 4. URL: http://id.erudit.org/iderudit/039698ar

[43] G. Genette, Figures III. Paris, Coll. «Poétique», Seuil, 1972, p. 13.

[44] En 1965, Genette défendait déjà cette histoire des formes, mais il se plaçait à la suite de Valéry, alors que désormais il en appelle avant tout aux formalistes russes et, plus particulièrement, aux travaux de Eichenbaum, Jakobson et Tynianov. 1969 étant l'année des premières négociations éditoriales concernant la création de la revue et la collection «Poétique», sans doute faut-il voir dans ces références russes une nette influence des travaux de Todorov.

[45] Ibid., p. 17.

[46] Ibid., p. 18.

[47] Ibid.

[48] Travail déjà bien entamé par Marc Escola dans son article «Des possibles rapports de la poétique et de l'histoire littéraire», Fabula-LhT, n°zéro, «Théorie et histoire littéraire», février 2005, URL: http://www.fabula.org/lht/0/escola.html

[49] L'affrontement théorique entre Genette et Deguy a débuté en octobre 1969 dans Critique et se poursuit dans Communications avant de s'achever, en 1971, dans Les Cahiers du chemin.

[50] Ibid., p. 21.

[51] Ibid., p. 24.

[52] La position de Genette est ainsi assez ambivalente par rapport à l'héritage des formalistes russes. S'il reprend à son compte l'idée de la variabilité littéraire et le concept de littérarité, il rejette par contre la réduction que Jakobson impose à la rhétorique des figures, en transformant en concepts linguistiques un seul couple oratoire. Il faut noter que même Todorov, plus formaliste que Genette, dit regretter cette restriction rhétorique dans un article nommé significativement «Synecdoques» paru en 1970 dans le numéro 16 de la revue Communications.

[53] Ibid., p. 31.

[54] La revue Poétique fait d'ailleurs paraître, en 1977, dans le numéro 29, le résultat des recherches sur la rhétorique du Groupe de Liège.

[55] Ibid., p. 34.

[56] Ibid., p. 36.

[57] Dans Figures III, Genette va ainsi œuvrer à amoindrir l'hégémonie de la métaphore. Par exemple, à la suite de«La rhétorique restreinte», il choisit de placer «Métonymie chez Proust», article dans lequel il tente de démontrer qu'une grande partie des analogies proustiennes ne sont pas, comme on le dit, des métaphores mais bien des métonymies. Et dans «discours du récit», il fait même de l'anaphore un concept narratologique.

[58] Ibid., p. 40.

[59] Ducrot et Todorov notent d'ailleurs que la stylistique est «l'héritière la plus directe de la rhétorique» (Ducrot et Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Seuil, 1979, p. 101).

[60] G. Genette, Figures IV, op. cit., p. 14.

[61] G. Genette, Figures III, op. cit., p. 10.

[62] Ibid.

[63] Ibid., p. 11.

[64] Ibid.

[65] G. Genette, Figures IV. Paris, coll. «Poétique», 1999, p. 18.



Fanny Lorent

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Dernière mise à jour de cette page le 8 Janvier 2015 à 12h16.