
La nouvelle réception de Rachilde ? Éditer La Tour d’amour
1Tous les travaux récents qui portent sur Rachilde, figure majeure de la fin-de-siècle, s’accordent sur les « aléas de [s]a postérité1 » et travaillent à livrer des pistes de réflexion sur l’origine d’une errance qui, si elle concerne nombre des autrices de la fin du xixe siècle, demande dans ce cas précis de démêler de complexes écheveaux.
2Vicky Gauthier revient, parmi d’autres interrogations, sur ses positionnements sociopolitiques et artistiques : antidreyfusarde à la fin du siècle, « vindicative à l’égard des surréalistes2 » et défenseuse de Maurice Barrès dans les années 1920, antiféministe à l’heure de l’éveil de la première vague de lutte contre la domination masculine, Rachilde serait logiquement devenue infréquentable après la Seconde Guerre mondiale. Pour vraie qu’elle est, cette proposition postule implicitement que le public de Rachilde aurait été nécessairement progressiste (et féminin ?), rebuté dès lors par ces choix politiques et esthétiques, ce qui n’est peut-être pas si évident. Certains auteurs des plus réactionnaires ont, par ailleurs, été très loin de connaître un tel désamour. Le genre de l’autrice, ici, comme le rappelle plus loin Vicky Gauthier, constitue un élément déterminant.
3Dans le récent numéro de la série Minores xixe-xxe qui lui est consacré, Thierry Poyet propose de s’attarder par ailleurs sur le parfum de scandale qui entoure les œuvres de Rachilde à leur parution, et sur la manière dont la critique « a desservi Rachilde en arguant toujours de l’esprit de subversion de Rachilde3 », c’est-à-dire en réduisant son œuvre à un coup porté à la morale étriquée de son temps : « la critique a infligé la condamnation la plus lourde qui soit aux romans rachildiens : elle a fait le pari du scandale comme clé unique de leur succès, et les a condamnés à l’oubli4 », conclut-il. Marc Angenot faisait ainsi un constat sans appel dans son analyse du discours social de la Belle Époque : Rachilde, comme Catulle Mendès, « tout audacieux qu’ils fussent, ne sont pas moins “illisibles” aujourd’hui », puisqu’ils « ne permettent plus qu’une lecture “archéologique”5 » au prisme de la transgression du discours hégémonique de leur époque. Pour attester de la justesse de ces analyses, il n’y a qu’à regarder en effet les anecdotes qui constituent la mémoire résiduelle de Rachilde dans la plupart des portraits qui lui sont voués, très fréquemment piochées parmi le « scandale » Monsieur Vénus, roman publié à l’aube d’une carrière qui dure un demi-siècle.
4Demeure toutefois que la force de transgression des œuvres de Rachilde, si elle s’ancre dans un moment particulier de l’histoire littéraire, n’a pas manqué d’être sentie bien au-delà, notamment dans le champ des études de genre. Martine Reid rappelle ainsi à propos de Monsieur Vénus qu’« y voir décrite une pathologie du sentiment comme l’aime une fin de siècle » ne suffit pas à « diminuer le caractère profondément étrange et violent du roman et de son sujet6 ». Pour Mélanie Hawthorne, le manque d’intérêt porté aux œuvres de Rachilde, notamment par un public féminin et/ou féministe, tiendrait d’ailleurs entre autres phénomènes à une grande modernité dans la présentation des rôles de genre comme artificiels, qui trancherait avec les revendications différentialistes longtemps majoritaires. Son étude prend pour appui la republication de Monsieur Vénus en 1977, et signale que l’importance du roman n’a alors pas été pleinement saisie, notamment parce que sa « représentation des femmes contredit clairement l’idée de donner une voix et une forme à la différence féminine7 ». C’est à nouveau un certain public qui est analysé ici. Les analyses de Vicky Gautier précédemment évoquées complètent dès lors cette hypothèse : attentif à ces aspects de la représentation des frictions masculin/féminin, ce lectorat féministe a également pu montrer quelques réserves vis-à-vis des positionnements littéraires et politiques de Rachilde. Le roman décadent, finalement assez classique dans sa forme, ne constituait par ailleurs sans doute pas un modèle de premier plan pour les entreprises littéraires volontiers expérimentales des années 1970.
5Ces explications, solides et complémentaires, révèlent les profondes — insolvables — ambiguïtés de l’autrice de La Tour d’amour, que rappelait déjà Diana Holmes et dont toutes les études récentes font état :
Réactionnaire mais furieusement consciente de la nécessité de remettre en question les hiérarchies fixes du pouvoir ; antiféministe mais en révolte passionnée contre le rôle et l’identité attribués aux femmes ; tant façonnée par la tradition réaliste que par les polémiques antiréalistes de la décadence, et divergeant des deux, en particulier dans la représentation du genre8.
6Si régler ces tensions est largement illusoire, et s’il n’est d’ailleurs pas souhaitable qu’un récit d’autorité et qu’une vérité unique s’imposent, elles ne manquent pas d’opposer, à l’heure d’un regain d’intérêt sensible pour l’autrice, un ensemble de résistances, dont témoignent bien les derniers travaux qui lui sont consacrés : Thierry Poyet proposait en 2023 de réexaminer ces aléas d’une réception par le « scandale », à partir du constat des multiples « réputations superposées », souvent contradictoires, construite autour de l’écrivaine au risque d’en faire « un personnage dont les costumes successifs ont fini par dissimuler la vraie complexité9 ».
7Un colloque tenu en septembre 2025 proposait de s’attarder sur trois difficultés majeures à l’heure d’une nouvelle percée remarquable : « Étudier, enseigner et éditer Rachilde en France et à l’étranger10 ». Rachilde a occupé une place de choix parmi les discussions qui ont animé le colloque organisé par Clément Dessy et Azélie Fayolle autour de la question « Male gaze, female gaze, feminist gaze, queer gaze… : quel(s) style(s) pour les études de genre11 ? », de même que pendant les journées « Analyser la réception au prisme du genre12 » organisée à l’UPEC et à l’ENS de Lyon en décembre 2023 et juin 2024. Une question revient régulièrement : comment parler de Rachilde, dans un moment de quête de figures littéraires féminines, sans hypertrophier ni ses transgressions ni son conservatisme, sans non plus que la présentation même de cette tension ne prenne toute la place au détriment de l’œuvre — et même, des œuvres, c’est-à-dire tout autant de chaque roman individuellement ?
8C’est que le cas de Rachilde, par ses contradictions, est à la fois symptomatique des enjeux de la remise en valeur des autrices de la Troisième République — ce temps si proche et pourtant si radicalement différent du nôtre — et particulièrement retors. Témoins de leur importance, et quelles qu’en soient les conclusions tirées, les récents travaux qui lui sont consacrés réservent presque immanquablement une analyse aux rapports de Rachilde avec la question de la place des femmes et du féminisme — souvent séparée des raisonnements esthétiques, ce qui n’est d’ailleurs pas sans interroger la difficulté persistance à considérer aussi cet enjeu dans sa dimension poétique. Ainsi de Rachilde ou les aléas de la postérité (2023), structuré en trois parties : « La femme, la féminité et le féminisme », « Modernités de l’œuvre : débats esthétiques et éthiques », puis « Réception et critique ».
9La présente contribution ne prétend bien sûr pas répondre à ces questions, salutaires à vrai dire en ce que leur portée théorique déborde le cas de Rachilde, mais tente d’ouvrir quelques pistes de réflexions sur la nouvelle réception contemporaine des œuvres — à considérer ici sur un mode interrogatif. Elle s’arrête dans un second moment sur la réédition de La Tour d’amour par la collection « L’Imaginaire » de Gallimard, et en interroge les particularités et l’impact. Il s’agit d’une réflexion largement empirique, nourrie des doutes que l’exercice préfaciel — pour cette édition, donc — a pu faire naître. Elle se veut moins un retour d’expérience ou un commentaire autoréflexif que l’exposé d’un certain nombre d’observations et de questions qui restent donc en suspens.
La nouvelle réception de Rachilde : antagonismes épistémologiques
10L’histoire éditoriale et péritextuelle des œuvres de Rachilde aux xixe, xxe et xxie siècles est à la hauteur des tensions épistémologiques qui animent les analyses de son œuvre. C’est particulièrement vrai pour Monsieur Vénus. Lorsque le roman reparaît en 1889 en France, il est accompagné d’une préface de Maurice Barrès, alors en pleine publication de sa trilogie romanesque Le Culte du moi. Cet avant-propos sur les « complications de l’amour13 » escorte toujours le roman dans sa réédition de 1902 chez L. Genonceaux & Cie — éditeur dont le rôle a été déterminant dans la mémoire posthume de Rimbaud et de Lautréamont. Il subsiste dans les rééditions suivantes, accompagné d’une lettre autographe du même auteur : en 1926 chez Flammarion, en 1929 dans la version traduite du roman publiée à New-York par Covici Friede14, en 1977, de nouveau chez Flammarion. Si le livre connait en 2004 une édition d’importance outre-Atlantique, établie par Mélanie Hawthorne et Liz Constable, il n’est republié en France qu’en 2022 au sein de la collection « L’Imaginaire » de Gallimard, dans « la version originale [du] texte, sans aucune censure15 » — retour à l’édition bruxelloise de 1884 qui justifie l’absence du mot de Barrès. Le roman est précédé d’une double préface de Martine Reid et de Victoire Tuaillon, connue par ailleurs pour ses podcasts féministes « Les Couilles sur la table » puis « Le Cœur sur la table ». Il est par la suite republié en 2023, accompagné de Madame Adonis, dans une édition dirigée à nouveau par Martine Reid pour « Folio Classique ».
11 Si le passage de Maurice Barrès à Victoire Tuaillon illustre peut-être de manière paroxystique un basculement, on repère le même trajet global pour La Tour d’amour : d’abord paru au Mercure de France16 (1899), puis chez G. Crès (1916), puis chez Flammarion (1930) et J. Ferenczi et fils (1948), il n’est republié en France qu’en 1984 chez Le Tout sur le tout, maison qui compte parmi ses auteurs Paul Gadenne, Henri Calet, Georges Henein ou encore Raymond Guérin. C’est en 1994 que le roman retourne au Mercure de France, accompagné d’une préface d’Edith Silve, ayant droit de Rachilde par ailleurs spécialiste de Paul Léautaud et préfacière de Mon étrange plaisir aux éditions Joelle Losfeld en 1993, puis de La Marquise de Sade pour « L’Imaginaire » (1996). Rachilde côtoie une décennie plus tard Jean-Pierre Abraham, Alphonse Daudet, Anatole Le Braz, Jules Verne, Louis Le Cunff et Yann Queffélec dans le gros volume Le Roman des phares des éditions Omnibus. En 2023, La Tour d’amour paraît à son tour dans la collection dirigée par Margot Gallimard, escorté d’une double préface en texte et photographie, partagée avec Julien Mignot. Le texte est également publié chez Points la même année. Ce rapide — et non exhaustif — regard et l’évolution des maisons d’édition autant que des signatures du péritexte illustre l’intérêt grandissant porté à l’œuvre par les milieux féministes et dans le champ des études littéraires de genre.
12Rachilde aura passé plusieurs décennies à faire figure d’exception au milieu de noms masculins : seule chez Le Tout sur le tout, seule dans Le Roman des phares, seule encore, par exemple, dans l’anthologie Écrivains fin-de-siècle de 201017. Elle est pourtant aujourd’hui associée à la vague de republication de textes de femmes impulsée autour des années 2017-2018 par suite du mouvement #MeToo, non sans paradoxes donc, qui tiennent à la fois de la posture de l’autrice et du contenu des œuvres18, et aux nouveaux enjeux de réception que ces parutions soulèvent. Il était bien naturel d’ailleurs que cet élan se penche sur ce cas dont l’oubli semble singulièrement inexplicable lorsqu’on connaît le statut de l’autrice au Mercure de France, son rôle auprès de noms fort célèbres tels que Verlaine ou Jarry, sa production massive, sa posture subversive — à la fois publique, en tant qu’écrivaine « à scandale », et privé, en tant que femme dont la sexualité laisse quelques questions en suspens19.
13On la trouve ainsi régulièrement citée parmi la liste des autrices de la fin du siècle remises au jour, liste dont la cohérence tiendrait selon la plupart des présentations — outre le genre de ses membres — au facteur commun de la transgression. Cette mise en commun, comme toute autre, participe nécessairement à lisser quelques particularismes ou oppositions : lorsqu’elle est citée parmi les autrices récemment rééditée par « l’Imaginaire » — auprès d’Andrée Viollis, Marguerite Radclyffe Hall, Mireille Best et Léonora Carrington —, Rachilde est ainsi présentée, dans l’accroche d’un article des Inrockuptibles, comme l’une des « pionnières littéraires du féminisme injustement rayées de la carte20 ». « Rachilde, Renée Vivien, Liane de Pougy, Natalie Clifford Barney, Colette, Missy et d’autres encore » sont par ailleurs énumérées dans un article du volume L’Humain qui vient (2024) sur les « héroïnes de la modernité » comme « figures aristocrates du Paris Lesbos », « jeunes, belles, riches et intellectuelles »21. Sans commentaire ici sur le critère de « beauté », sans non plus s’attarder sur ce qui distingue chacune de ces femmes, il est à signaler que Rachilde a déjà plus de quarante ans et une vingtaine de romans au compteur au moment où les autres autrices ici énumérées publient leurs premières œuvres. Si l’homosexualité tient dans son œuvre une place de choix22, et si elle fréquente plus tard le salon de la rue Jacob23, sa vie au tournant 1900 est par ailleurs assez difficilement assimilable au lesbianisme assumé de Renée Vivien, de Natalie Barney ou de Missy. L’effet groupe participe sans aucun doute à grossir certains traits, à en amoindrir d’autres, mais aussi, pourrait-on souligner en passant, à révéler quelques biais dans le choix des critères de groupement : fondue parmi les hommes, Rachilde était auteur — sans e — décadent, groupée avec des femmes, elle devient figure du Paris fin-de-siècle.
14Demeure que, lorsqu’elle est évoquée seule, la force transgressive de l’œuvre sur l’échelle des hiérarchies sexuées et du genre surprend, et motive un intérêt sensible chez un public en quête d’une histoire littéraire des coups portés au système de domination masculin. On peut raisonnablement penser que le lectorat de Rachilde, dont les œuvres « ont de quoi surprendre le lecteur d’aujourd’hui tout autant mais différemment que leur premier public24 », a connu ces dernières années une métamorphose partielle, encouragée d’ailleurs par les péritextes et argumentaires éditoriaux. En témoignent notamment sa présence et les éléments récurrents de sa présentation dans des médias d’assez large diffusion : en 2022, Marie Kirschen signe dans les Inrockuptibles un article intitulé « l’autrice qui trouble les genres… en 1884 » et qui insiste sur Monsieur Vénus, un roman qui « inverse tous les stéréotypes25 ». Le même journal réitère en 2024 sous la plume de Nelly Kaprièlian, dans un article consacré au « geste féministe de la collection l’Imaginaire Gallimard » : Rachilde est présentée comme une autrice qui « renverse les rôles qu’occupent les genres et tout un système de domination masculine26 ». La préface de Victoire Tuaillon — son seul nom — donne d’ailleurs une orientation sensible à la lecture : après avoir invité à une grande révolution des genres sur le modèle des protagonistes du roman, elle s’attarde sur les rapports de pouvoir toujours à l’œuvre entre Raoule et Jacques, puis imagine d’autres configurations à un livre à la fin jugé « désol[ant] » dans ce qu’il rappelle des hiérarchies en place. Dans la plupart de ces présentations, la distance temporelle joue à plein dans l’étonnement que procure la lecture : il est indéniable en effet que la découverte de Rachilde, et plus largement de la fin-de-siècle, a de quoi surprendre nos esprits rompus au principe de progrès, en ce qu’ils semblent pousser plus loin le curseur de la « guerre des sexes » que nombre de textes plus tardifs.
15Peut-on pour autant parler d’une ère de relecture féministe pour Rachilde ? L’affirmation serait rapide, et surtout quelque peu orientée. Cet infléchissement ne se fait en effet pas sans contre-discours, qui hypertrophient d’ailleurs souvent l’engagement féministe prêté à Rachilde par des lectures qui s’attardent en réalité presque exclusivement sur la manière dont son œuvre trouble l’ordre des sexes — ce qui, toute la fin-de-siècle est là pour le rappeler, est loin de revenir au même. Si la portée réelle de ce bouleversement des genres demeure ambiguë et discutée, et si les lectures qui prêtent sans réserve à l’œuvre de Rachilde le mérite d’« ouvr[ir] une voie à un féminisme basé sur un refus du formatage du genre sexuel27 » sont sujettes à caution, très rares sont de fait les commentaires qui font de Rachilde une féministe. Il est assez remarquable en revanche que toute une presse, anticipant les potentielles réinterprétations de l’œuvre, insiste avec force sur la confrontation de Rachilde avec les féministes de son temps et, surtout, sur son incompatibilité radicale avec le militantisme actuel. La journaliste Chrystel Chabert sur France Info prévient ainsi d’emblée :
Vu de notre époque, on pourrait qualifier Rachilde de féministe, ce qu’elle réfutait au point de publier en 1928 un texte intitulé Pourquoi je ne suis pas féministe qui met en lumière la complexité de cette femme marquée par son enfance28.
16Dans le glissement rhétorique, volontairement ou non, voici donc « féministe » opposé à « complexe ». Ailleurs, son exemple fait régulièrement office de prétexte à un discours militant détracteur des luttes féministes contemporaines. Ainsi d’un article de Jean-Paul Brighelli dans le journal Causeur, classé à l’extrême-droite, qui fait de Rachilde un modèle à suivre, et use de l’anecdote de ses cartes de visite pour attaquer la féminisation des noms de métiers — sans ne plus craindre ni l’anachronisme et ni la décontextualisation dont le reste du texte s’alarme :
Quant aux féministes qui se veulent « écrivaines » ou « auteures » (auteure ? L’horreure ! — comme on dit à Marseille), qu’elles en prennent de la graine. Rachilde s’était fait graver des cartes de visite au nom de « Rachilde, homme de lettres » — pour concurrencer les hommes sur le terrain même où ils se croyaient dominants, sans revendiquer quelque grotesque monologue du vagin29.
17Dans La Revue des deux mondes, Monsieur Vénus devient « un roman aux résonnances contemporaines », article sous-titré « l’œuvre de Rachilde a de quoi parler à des lecteurs contemporains, et plus encore à des lectrices influencées par la pensée féministe... ». Le texte anticipe et prévient : « Les admiratrices de Rachilde verront sans doute, dans le personnage de Raoule de Vénérande, une précurseuse renversant les codes de la domination masculine ». Puis, il corrige : le roman ne doit pas inspirer cette « pensée féministe », mais bien plutôt, par sa mise en scène peu désirable d’une inversion des rôles, lui servir de leçon. Ainsi est-il conclu :
Car cette volonté d’affirmation revancharde qui caractérise les théoriciennes du néo-féminisme actuel s’oppose, tout autant que l’ancien phallocratisme, à une égalité sociétale des sexes justement revendiquée par le féminisme historique. Sans doute est-ce la vraie leçon qui se dégage de cet audacieux roman, dont l’autrice, il est bon de le rappeler, fut rejetée par les féministes de son temps30.
18Il serait bien incomplet, dès lors, d’évoquer les interprétations heuristiques qui font pencher Rachilde vers le féminisme sans rappeler qu’il en est tout autant et même davantage qui consistent à faire d’elle le porte-étendard des « femmes [vraiment] libres » — entendre, celles qui se veulent les égales des hommes sans esprit « revanchard » : ici, voici donc Monsieur Vénus devenu condamnation anticipée d’une dérive sociale dont l’autrice aurait senti le potentiel dès 1884.
19Vieille marotte décliniste, bien sûr, qui consiste à opposer les subversions passées d’avec celles de la période contemporaine, mais qui n’en est pas moins une donnée supplémentaire à prendre en compte dans les tensions qui caractérisent la nouvelle réception de Rachilde — qui n’est donc pas homogène, loin s’en faut. Ces lectures sont, pour certaines, inspirées par la publication d’un roman biographique de Cécile Chabaud, Rachilde, homme de lettres31 (2022), où l’on rencontre notamment en épilogue une lettre fictive de Rachilde à Colette dans laquelle l’autrice, par la voix de la romancière fin-de-siècle, oppose deux types de féminismes, l’un héroïque qui joue sur le terrain des hommes, l’autre victimaire et revendicateur, selon une dichotomie elle encore bien connue :
Lorsque j’ai publié Pourquoi je ne suis pas féministe, moi qui avais porté l’habit d’homme et coupé mes cheveux, moi qui m’étais imposée au milieu de tous ces mâles et avais fait la démonstration la plus complète que j’étais l’archétype du féminisme, on n’a su voir dans ma démarche qu’une provocation gratuite et déplacée, une lamentable volonté d’aller, une dernière fois, à contre-courant. Mais j’ai critiqué les intellectuelles et les garçonnes, non par jeu, non par jalousie, non parce que je ne savais plus quoi écrire, juste… juste pour tenter de garder ma singularité, ne pas être associée à ces femmes qui s’évertuent à revendiquer, et dans lesquelles je ne me reconnais pas.
Vous avez cette chance, vous, de pouvoir détester les féministes d’aujourd’hui, et que personne ne vous en tienne rigueur. Vous êtes une femme libre, une vraie, vous n’avez peur de rien.
20Pour Cécile Chabaud, qui insiste pourtant sur les résistances d’un champ littéraire misogyne et d’une histoire littéraire partiale, Rachilde devrait ainsi son oubli à son statut d’exception même, « redoutée par les hommes, rejetée par les femmes32 »… On voit ainsi comment l’ambiguïté d’une œuvre de veine fin-de-siècle, et surtout comment l’ensevelissement du texte sous les tensions biographiques et scénographiques33 peut mener à des lectures contradictoires. La republication récente de l’essai Pourquoi je ne suis pas féministe 34 a elle-même de quoi interroger, lorsque des dizaines de ses romans sont encore introuvables : texte certes intéressant — d’ailleurs particulièrement du point de vue du genre, en ce que le rejet du féminisme s’y confond parfois avec un rejet du féminin en tant que catégorie paralysante, il n’est pas moins un écrit tardif, ni le plus lu, ni le plus acclamé, souvent analysé comme une provocation stratégique35. Il est difficile de ne pas la percevoir au moins en partie comme une nouvelle manière de corriger par anticipation la tentation d’une relecture féministe de Rachilde. Dans les faits pourtant, je le signalais plus tôt, les critiques journalistiques, souvent informées par divers travaux faisant eux-mêmes état de contradictions, ne sont qu’assez rarement dupes des ambiguïtés de Rachilde — et ont pour la plupart bien en tête que relire en féministe n’est pas changer en féministe 36.
21Dans cet imbroglio de réception — dont la nouveauté tient donc peut-être davantage d’une polarisation, la catégorie d’analyse constante demeure, de part et d’autre de l’horizon idéologique, celle du « scandale », colonne vertébrale dont Thierry Poyet montre bien le rôle ambigu dans la postérité de Rachilde37. On en revient en effet souvent aux mêmes anecdotes provocatrices, tout particulièrement au port du pantalon et aux cheveux coupés lors de la parution de Monsieur Vénus, mais aussi au contenu subversif du roman — qui demeure de loin le plus largement cité — sans en tirer de conclusions similaires. Le « scandale », pourrait-on dès lors ajouter aux analyses de Thierry Poyet, rapproché bien souvent de la notion plus contemporaine de la « provocation », à cela de pratique qu’il court-circuite les ambiguïtés de lecture : il s’oppose à « l’ordre moral », à « la norme », catégories sur lesquelles il n’existe nul accord d’autorité, et en cela ne dit rien, seul, de sa propre portée idéologique.
22La reviviscence de Rachilde pose ainsi à nouveau la question de sa place dans le champ littéraire, mais aussi idéologique de la Belle Époque, mais aussi des qualifications que son œuvre supporte, elles-mêmes tendues entre perspectives historique ou heuristique. Elle est en cela un exemple paradigmatique des résistances interprétatives que posent les œuvres féminines de la Troisième République, au moment de la quatrième vague féministe.
La Tour d’amour chez « L’Imaginaire »
23Peut-être est-il temps d’en venir à La Tour d’amour : — à sa place spécifique dans l’économie de l’œuvre rachildienne —, et à « l’Imaginaire ».
24Comme ce dossier le rappelle bien, la collection « l’Imaginaire » est, dès sa création en 1977, destinée à remettre en circuit les auteurs « oubliés, méconnus, que le temps a éclipsés38 », et à représenter « le pays fabuleux » des œuvres « inclassables », « marginales ou expérimentales d’auteur.rice.s de grand talent ». Le « souffle plus moderne, plus féministe, plus queer et plus inclusif39 », lancé avec la reprise de la collection par Margot Gallimard en 2021, réoriente en cela une collection qui semblait faite pour l’accueillir : les études sur les femmes et le genre ont en effet largement montré comme l’oubli et la marginalisation touchaient préférablement, du moins selon des critères différentiels, les productions issues de groupes minoritaires — au sens ici wittigien40 du terme. Elles ont également participé à souligner les liens entre situation minoritaire et décloisonnement générique, nous n’y reviendrons pas ici : il était donc logique — et temps — que ces caractéristiques inhérentes à la collection soient l’occasion de s’intéresser, en l’occurrence de manière privilégiée, à des œuvres écrites depuis des situations marginalisées au sens large.
25 Depuis 2021, donc, nombre d’autrices de la fin du xixe siècle et du premier xxe siècle ont notamment été republiées chez « l’Imaginaire » : Nouvelles pensées de l’Amazone puis Je me souviens… de Natalie Barney, Criquet d’Andrée Viollis, La Femme qui boit de Colette Andris, L’Ange et les pervers de Lucie Delarue-Mardrus. À cette liste s’ajoutent donc Monsieur Vénus (2022) et La Tour d’amour (2023) de Rachilde. Cette dernière tient toutefois un rôle un peu particulier au sein de ce groupe, puisqu’elle ne fait pas à proprement parler partie du renouveau éditorial de la collection, dans la mesure où l’on y trouvait déjà La Marquise de Sade depuis 1996. Durant toute la décennie 1990, elles ne sont pourtant que quatre femmes à rejoindre « l’Imaginaire » : Marquise Colombi et Marie Susini en 1991, Rachilde et Adrienne Monnier en 1996. L’autrice fin-de-siècle a trouvé sa place dans la collection avant le tournant des années 2020, parmi les auteurs qu’elle côtoyait déjà aux éditions du Tout sur le tout et au Mercure de France : Henri Calet y est présent depuis la fin des années 1970, mais Monsieur Paul parait en même temps que La Marquise de Sade, un an après L’Invitation chez les Stirl de Paul Gadenne. Pour son cas, le nouveau souffle de la collection n’a donc fait qu’accélérer le rythme des parutions. Il a participé surtout, on l’a dit, à moduler le lectorat de Rachilde en mobilisant autour de son œuvre un public plus largement curieux de cet infléchissement éditorial. Cette mention peut apparaître comme un détail, mais rappelle toutefois le lien déjà souligné entre Rachilde et une constellation d’auteurs masculins du xxe siècle, qui persiste en corollaire du réseau de femmes auquel elle est nouvellement rapportée. La publication de La Tour d’amour, faut-il ainsi préciser, se fait à l’intersection de demandes diverses.
26 Surtout, ce roman de 1899 n’est pas Monsieur Vénus, ni même La Marquise de Sade. S’il compte parmi les œuvres les plus célèbres de Rachilde, et si l’autrice elle-même en fait l’une de ses créations favorites41, le roman n’a pas aujourd’hui l’aura de celui qu’elle fait paraître en 1884. Rachilde l’écrivait elle-même :
La littérature qui produit le moins est toujours la plus respectée : il vaut mieux n’écrire qu’un chef-d’œuvre. Quand il y en a plusieurs, dans la vie d’un écrivain, fussent-ils très ratifiés, ils ne font qu’embrouiller l’idée qu’on désire avoir de lui42.
27La Tour d’amour tient indéniablement un statut secondaire lorsqu’on le rapporte à Monsieur Vénus, et peut-être pour cause : sa publication ne bénéficie pas de la même aura sulfureuse, et sa première lecture engage à nettement moins d’étonnement sur le plan de l’inversion des rôles sexués — soit deux des aspects dont on a vu qu’ils constituaient le cœur des discours de réception produits autour de Rachilde.
28Il ne s’agit pas, loin s’en faut, de dire que le genre n’est pas l’un des intérêts du livre : les dualismes du décor, l’opposition centrale du phare masculin et de la marée féminine, l’homosocialité des deux gardiens de phare, l’androgynie très fin-de-siècle de Mathurin Barnabas, les aventures hétérosexuelles toujours imprégnées de violence, tout un ensemble de dimensions rappelle l’éternelle guerre des sexes qui constitue un fil d’Ariane de la production rachildienne et plus largement décadente43. « Le roman interroge le rapport entre les sexes dans un mouvement dialectique entre anti-féminisme et féminisme44 », résume Marie-Gersande Raoult. Il demeure que si les écrivaines décadentes « se sont opposées à […] la misogynie en produisant des romans qui renversaient les stéréotypes traditionnels de genre tout en célébrant la perversité d’un point de vue féminin45 », cette subversion/inversion des genres — qui constitue le cœur de l’intrigue dans Monsieur Vénus — est relativement discrète dans La Tour d’amour : les personnages féminins sont absolument secondaires, à savoir soit fugitivement amenés dans le récit, soit morts, et la perspective interne adoptée par la narration est celle du héros Jean Maleux. En cela, malgré l’obsession qu’y représentent les frictions masculin/féminin, le livre ne manque pas de perturber les horizons d’attente que le tournant récent de la collection pourrait faire miroiter.
29 La republication de La Tour d’amour 46, concomitante avec celle de Madame Adonis dans le même volume que Monsieur Vénus chez « Folio Classique »47, a peut-être en cela contribué à une diversification des habitudes rhétoriques, du moins encouragé à dépasser certains figements discursifs et certaines des ambiguïtés idéologiques et épistémologiques dont nous avons plus tôt parlé. Ainsi de la présentation du roman sur le site de la collection :
Conte caustique, romantique et tourmenté, La Tour d’amour nous précipite dans un cauchemar qui fait se rencontrer la cruauté de la mer et celle des hommes. Terrible et puissant, le livre brûle d'une beauté noire et crée le scandale dès 1899. Chef-d’œuvre de la littérature fin-de-siècle, il marie symbolisme et naturalisme, tout en révélant la face obscure de la Belle Époque48.
30Dans un très bel article de Claire Paulian pour En attendant Nadeau qui traite conjointement des trois romans parus en 2023, le plaisir du texte constitue le cœur de la présentation littéraire :
L’ensemble fait rire donc, mais aussi frémir comme lors d’un voyage en train fantôme : suivant sa sensibilité, on aura peut-être du mal à lire certaines pages ou on sera au contraire happé par le vertige de la malédiction finale. Il n’empêche, l’œuvre est là, portée par une langue très belle, savoureuse, et drôle, riche en images incongrues, quasi oniriques, aux tonalités affectives variées.
31En 2024, c’est dans Libération que Rachilde se voit consacrer des lignes élogieuses par Sophie Bertrand, qui après avoir rappelé les ambiguïtés de l’œuvre et l’importance qu’y tient la question des hiérarchies sexuelles, invite à y explorer « le désir d’absolu et la complexité de l’existence au-delà de la question du genre49 ».
32Si l’on pouvait se réjouir de la redécouverte du potentiel transgressif de la littérature décadente quant aux enjeux sexuels, et de Rachilde en particulier, cette seconde phase — à relativiser bien sûr dans son ampleur comme parfois dans ses intentions — est d’un intérêt tout aussi remarquable. Peut-être est-ce là le signe d’une installation plus durable dans le champ littéraire, qui ne serait plus conditionnée à ce que l’on peut dire — ou contredire — du pendant féminin/féministe et queer de l’œuvre et de la biographie, quitte parfois à « accaparer tout le sens », comme le théorisait Monique Wittig :
Écrire un texte qui a parmi ses thèmes l’homosexualité, c’est un pari, c’est prendre le risque qu’à tout moment l’élément formel qu’est le thème surdétermine le sens, accapare tout le sens, contre l’intention de l’auteur qui veut avant tout créer une œuvre littéraire. Le texte donc qui accueille un tel thème voit une de ses parties prises pour le tout, un des éléments constituants du texte pris pour tout le texte et le livre devenir un symbole, un manifeste. Quand cela arrive, le texte cesse d’opérer au niveau littéraire, il est l’objet de déconsidération en ce sens qu’on cesse de le considérer en relation avec les textes équivalents50.
33Si le prisme subversif, dans le résumé de la fiction comme dans le choix des anecdotes, est un levier souvent décisif dans la remise au jour des auteurs et autrices, il est probablement souhaitable, pour qu’un « effet palimpseste51 » ne se joue pas, que les œuvres de femmes du passé nous interpellent au-delà de leur dimension pionnière ou transgressive, et au-delà de leur capacité à intégrer une vision téléologique de l’histoire littéraire et sociale — attentes souvent plus secondaires dans l’appréciation des œuvres masculines du canon. La multiplication des rééditions de Rachilde témoigne de son installation plus durable dans l’histoire du paysage littéraire de la fin du xixe siècle, et invite à une diversification des discours, ne serait-ce qu’en ébranlant le culte du chef-d’œuvre unique — de jeunesse par surcroît, phénomène de sélection souvent délétère pour une institutionnalisation pérenne.
34L’actualité de l’œuvre de Rachilde, pourrait-on en outre ajouter, se révèle ces dernières années dans une dimension nouvelle, corollaire d’un regain d’intérêt esthétique pour la bizarrerie — voire le « torture porn » — et la tension éros/thanatos qui constituait l’un des cœurs de la fiction décadente. La production cinématographique de ces dernières années, tout particulièrement, puise dans des tropes très largement investis par la fin-de-siècle. On sera par exemple frappé, au visionnage du film The Lighthouse de Robert Eggers (2019), « histoire hypnotique et hallucinatoire de deux gardiens de phare sur une île mystérieuse et reculée de Nouvelle-Angleterre dans les années 189052 », par les similitudes d’avec La Tour d’amour de Rachilde. Si aucune mention de l’autrice n’est faite, le réalisateur dit s’être en revanche inspiré du film Gardiens de phare de Jean Grémillon, lui-même tiré de la pièce en un acte du même nom, écrite en 1905 par Paul Autier et Paul Cloquemin pour le théâtre du Grand Guignol. Ladite pièce se déroule dans le Phare du Maudit, en Bretagne, et se clôt sur le meurtre involontaire du jeune Yvon par son père Bréhan, qui hurle ensuite à la mer :
Oui... mer maudite !... hurle à la mort, salope !... tu es contente... tu les as mes deux gars... avec le phare depuis vingt ans je t’en ai arraché des victimes... aujourd’hui tu te venges, gueuse... Oh ! je te hais !... Je te hais53!
35La Tour d’amour et son « j’ai tué la mer » (p. 153) n’est pas loin. L’œuvre de Rachilde est plus présente encore dans le film de 2019, qui réactive dans le huis clos marin la même charge érotique et lugubre, la même dichotomie masculin/féminin et nombre des éléments d’intrigue présents dans le roman de 1899. Plus largement, le succès des films de Eggers, de Yórgos Lánthimos, de Coralie Fargeat, augure peut-être d’un attrait esthétique renouvelé pour le débordement décadent, au travers notamment du thème de l’artificialité54.
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36Le renouveau de réception de l’œuvre de Rachilde est à la fois riche d’intérêt pour ce qu’il dit du parcours et de la position singulière de l’autrice dans l’histoire de la littérature française, et précieux dans ce qu’il enseigne de l’attrait cahotant des xxe et xxie siècle pour l’esthétique décadente. Plus largement, les discours produits au fil des dernières années autour de son œuvre témoignent de la persistance de certains biais rhétoriques qui conditionnent la redécouverte des autrices du passé. Davantage qu’un infléchissement féminin/féministe du lectorat, sensible en effet, on observe à n’en pas douter une polarisation des représentations qu’il faut garder en vue à la fois pour ce qu’elle illustre de notre époque, mais aussi pour son effet sur le souvenir de la « reine des décadents ». Dans cette confrontation épistémologique et idéologique, en effet, Rachilde disparaît parfois aussi vite qu’elle surgit : les discours qui consistent à opposer la posture de « femme libre » au féminisme contemporain font, au bout du compte, peu cas de l’autrice.
37Plus globalement, l’insistance sur les événements biographiques subversifs et sur le caractère précurseur, voire annonciateur de l’œuvre dans sa force transgressive – quel que soit le fond politique qu’on prête à ces aspects –, si elle est un levier de reconnaissance, ne saurait être considérée comme suffisante à long terme : en substituant à la lecture « archéologique » dont parlait Marc Angenot une lecture à teneur téléologique, elle risque de condamner l’œuvre à être considérée pour autre chose qu’elle-même, et par là même à une résurgence toute provisoire. En cela, on ne peut que souhaiter que les publications se poursuivent et donnent à voir la diversité et la complexité de l’œuvre rachildienne de la manière la plus exhaustive possible, et qu’une deuxième phase de réception s’ouvre : casser le mythe unique de Monsieur Vénus et l’aura du scandale qui constituent encore souvent l’accroche de cette nouvelle notoriété, c’est peut-être paradoxalement rendre possible sa persistance.

