Acta fabula
ISSN 2115-8037

2023
Septembre 2023 (volume 24, numéro 8)
titre article
Lina Ribeiro

De la tendance à la tentation d’être soi

From the tendency to the temptation to be oneself
Rabiaa Marhouch, Nina Bouraoui. La tentation de l’universel, Paris : Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2023, 356 p., EAN 9782753589858

L’auteure & l’œuvre

Rabiaa Marhouch1

1Écrivaine, éditrice2 et chroniqueuse littéraire, Rabiaa Marhouch est aussi docteure en littérature française de l’université Paul-Valéry Montpellier. Quand elle publie aux Presses universitaires de Rennes, en février de cette année, ce livre, Rabiaa Marhouch met à la disposition des lecteurs une œuvre dense et bien documentée portant sur une auteure, au nom tout aussi exotique que le sien. Il s’agit de Yasmina (Nina désormais) Bouraoui, qui est aussi son nom d’écrivain. Rabiaa Marhouch a intitulé son œuvre : La tentation de l’universel. Avant de publier ce livre au titre ambitieux, Rabiaa Marhouch avait déjà écrit, avec Eugène Ébodé, Le Cœur du volcan3. Dans ce livre, Rabiaa Marhouch nous donne à voir la détermination d’une femme, à la double origine, qui lutte contre les formes de discrimination : sociale, sexuelle et littéraire en particulier. Elle revendique par ses écrits et ses interviews, le droit d’être vue, sur la scène littéraire, comme une auteure française et non francophone, refusant toute considération ou classification ethnoraciale. Rabiaa Marhouch, dans cet ouvrage, analyse plusieurs œuvres de Nina Bouraoui et décrit aussi son parcours éditorial, son itinéraire personnel, identitaire et médiatique.

2Par ses origines, Nina Bouraoui est française mais aussi algérienne. Française par sa langue, mais algérienne par son aspect physique. Enfant, elle ne se sentait pas plus chez elle en Algérie, qu’elle ne se sentira chez elle en France à son retour en 1981. Rabiaa Marhouch défend l’idée d’une « algérianité mutilée », quand Yasmina choisit de s’appeler Nina. Elle se crée, en quelque sorte, une autre identité, la sienne. C’est avec ce nouveau prénom « francisé » et « francisant » (p. 161) que Nina Bouraoui existe sur la scène littéraire et exprime sa rupture radicale avec l’Algérie, qui disparaît d’ailleurs de ses écrits.

3Nina Bouraoui se retrouvera donc seule contre les autres sur la scène littéraire, où elle tente de se frayer une place en toute légitimité.

L’œuvre : La tentation de l’universel (2023)

4L’affirmation de Nina Bouraoui comme auteure française envers et contre tous, est omniprésente dans cet essai. La présentation que fait Rabiaa Marhouch de cette auteure à la double origine (franco-algérienne), invite d’emblée à se demander si c’est le concept « d’identification » ou celui « d’identisation » (Tap, 1979) qui est le plus approprié pour parler de Nina Bouraoui.

5Et d’autre part, son œuvre, dans son ensemble, ne s’inscrit-elle pas davantage dans une recherche sociologique, philosophique, voire politique ? Peut-on réellement envisager la possibilité d’une œuvre universelle, écrite par et pour un soi universel ? Et que penser de « l’universelle tentation d’être soi », n’est-ce pas, tout compte fait, une quête humaine légitime et somme toute ordinaire ? Dans le cas de Nina Bouraoui, être soi passe avant tout par l’écriture, qui la fait être celle qu’elle est, et est appelée à devenir, comme l’affirme l’auteure elle-même, en l’assumant totalement : « Je suis en devenir (sexuel) ; comme je suis dans le livre en train de se faire4 ». Nina Bouraoui refuse toute position normative et n’a pas peur du changement. Écrire et devenir non seulement vont de pair chez Nina Bouraoui, mais en plus de cela se complètent, selon Rabiaa Marhouch : « La venue à l’amour homosexuel se double de l’ambition d’écrire et de publier » (p. 241).

6Avec une publication abondante, à raison d’un livre par an, Nina Bouraoui a délaissé ses études de philosophie pour se consacrer exclusivement à sa passion : l’écriture. Entre autres genres, Nina Bouraoui s’essaye aussi au genre autobiographique avec Garçon manqué (2002), La vie heureuse (2002), Poupée Bella (2004) et Mes mauvaises pensées (2005), qui obtient le prix Renaudot en 2005 et se présente comme le récit d’une thérapie, en réponse à sa pseudo-autobiographie La Voyeuse interdite (1991). Mes mauvaises pensées (2005), qui s’apparente à une cure psychanalytique, a pour but de renouer avec la scène littéraire (en tirant un trait sur son premier roman) et, pour l’auteure, de se réconcilier avec elle-même.

Rabiaa Marhouch & Nina Bouraoui

7Rabiaa Marhouch se montre sensible à la réception des œuvres de Nina Bouraoui et admirative à l’égard de son combat sur la scène littéraire et de son rayonnement médiatique. Elle déplore toutefois le peu de critiques faites aux œuvres ne répondant pas aux critères de « blanchité » (p. 62). À tel point que, progressivement, s’est construite autour de Nina Bouraoui une « image d’auteure racialisée » (p. 62). Ni blanche, ni totalement métisse, elle est « autre » et par conséquent non universelle. Pour atteindre cette reconnaissance d’universalité, Nina Bouraoui tente diverses négociations, comme le mentionne Rabiaa Marhouch (p. 63), notamment pour légitimer sa position au sein du champ franco-parisien. Tendre vers l’universel c’est aussi, pour Nina Bouraoui, une façon de refuser toute catégorisation qui ferait d’elle une auteure « beur » au sein de la « littérature francophone », qu’elle dit connaître peu, tout comme la littérature maghrébine. Elle ne veut pas d’étiquette, c’est pourquoi elle s’est forgée son propre style, quittant à cette fin le cadre de l’Algérie, juste après son premier livre La Voyeuse interdite (1991) même si, comme l’affirme Rabiaa Marhouch, il n’y a pas d’identification possible entre l’héroïne et l’auteure de ce livre.

Nina Bouraoui : une auteure française ?

Nina Bouraoui : française ou algérienne ?

8Vue comme mi-blanche, pied noir, Nina Bouraoui reste attachée, malgré elle, à sa double origine. Fille d’une mère bretonne et d’un père algérien, elle n’est pas qu’algérienne ou pas totalement. Si sa langue d’appartenance et d’écriture reste le français, elle appartient toutefois aux deux cultures. Le Figaro va aussi dans le même sens quand, le 6 mai 1991, il présente Nina Bouraoui non comme « beure » ou algérienne, mais française. Française « mais de père algérien », ajoute ce journal. Pourquoi cette précision ? Et pourquoi ces hésitations quant au classement littéraire de Nina Bouraoui ? Un auteur comme Tahar Ben Jelloun, qui se trouve parmi les auteurs francophones, est vu comme un auteur français bien que marocain, ou plutôt tout en étant marocain. On ne lui demande pas de cesser d’être l’un pour être l’autre. Nina Bouraoui refuse, quant à elle, et parce qu’elle est française, d’être vue comme une auteure francophone. Pourquoi suscite-t-elle une telle réaction, alors que ce n’est pas le cas pour Leïla Sebbar ? La même remarque est faite par Marta Segarra, quand elle rappelle que Nina Bouraoui est classée parmi les écrivains « beurs » ou « maghrébins francophones ».

Refus du racisme & de tout sexisme

9Nina Bouraoui cherche également à lutter contre les différentialismes, affectant les auteurs classés comme « mineurs ». De la même manière, Réjane Sénac, citée par Marhouch, évoque l’émergence des principes universitaires et parle d’un imaginaire raciologique. Sexisme, racisme et hétérosexisme sont des éléments constitutifs de l’universalisme. L’accès de tous à l’égalité est un leurre. Les femmes et des racialisés marquent leur « singularité » à travers leur « différence » (p. 19). Le principe de discrimination positive supplante donc celui d’égalité de telle manière que l’aspiration bouraouienne à l’universalisme républicain semble n’être qu’une utopie (p. 249).

10Toute la méprise et incompréhension à l’égard de l’auteure vient d’un malentendu quant au genre littéraire de son premier livre La Voyeuse interdite (1991). Nina Bouraoui est novatrice, elle use du « je » comme d’un autre pronom alors que le « noussoiement » était recommandé à une certaine époque dans la culture maghrébine. Segarra rappelle que Fikria est tout à fait « immergée dans l’univers qu’elle contemple ». Elle le regarde avec son point de vue totalement subjectif et qui peut être faussé par sa perception, laquelle est limitée à l’espace de sa chambre.

11Du côté de la réception littéraire française, Nina Bouraoui s’inscrit comme nouvelle auteure dans la littérature maghrébine francophone, en raison notamment d’un excès d’informations biographiques. Plus Nina Bouraoui va divulguer sa vraie vie, plus les lecteurs et autres chroniqueurs risquent de mettre en corrélation la vie de l’auteure avec celle de ses personnages. Faut-il qu’un auteur cache son origine pour écrire en toute liberté ? Et de fait, comme le souligne Rabiaa Marhouch, « les discours métalittéraires » auraient pour souci d’octroyer à Nina Bouraoui un pesant « d’exotisme » et « d’altérité » pour conforter l’idée de son « extranéité ». On saisit mieux dès lors le caractère social et arbitraire de la valeur littéraire et la structure antinomique entre les dominants (les français) et les dominés (les francophones).

12Selon Pascale Casanova, pour accéder à la reconnaissance littéraire, « les écrivains dominés doivent se plier aux règles vues comme universelles » ; les exclus de ce système seraient les francophones du Sud comme ceux du Nord (belges, suisses…), rangés dans un particularisme culturel, ce qui est une manière de maintenir leur singularité exotique. On peut se demander aussi pourquoi ce concept d’exotisme serait négatif, voire péjoratif ? Ne serait-ce pas, au contraire, une valeur ajoutée au talent d’une auteure dont le style particulier conduit vers un ailleurs, qu’il soit réel, imaginaire, ou les deux en même temps ? Le plus important n’est-il pas de reconnaître chez tout auteur, quelle que soit son origine, son talent et son apport dans le champ littéraire ?

13Pourquoi ne pourrait-on pas admettre que Nina Bouraoui, toutes frontières et origines confondues, est une grande romancière et auteure française contemporaine ? Rabiaa Marhouch nous fait comprendre que Nina Bouraoui reste soumise à un marquage « ethnoracial ». Qu’elle le veuille ou non, Nina Bouraoui en tant que femme reste tacitement liée à Fikria, l’héroïne de son premier roman, comme elle le restera encore par la suite, avec ses autres œuvres, et ce quel que soit le genre littéraire adopté.

Vraie fiction ou récit véridique ?

14Quand elle publie son premier livre La Voyeuse interdite (1991), on crie à l’imposture et au cliché orientaliste en Algérie. Peut-être Nina Bouraoui aurait-elle dû intituler son livre  « Voir ce qui est interdit est un délit », et, par suite, dénoncer ce que l’on n’a pas vu est encore plus préjudiciable. On reproche à Nina Bouraoui d’être étrangère à ce qu’elle a écrit. Elle ne serait pas totalement française parce que « beure », et ne serait pas totalement algérienne, car française, écrit Djamel Benyekhlef. Il ajoute que La Voyeuse interdite (1991) est loin d’être une autobiographie, conformément au pacte autobiographique de Philippe Lejeune, où auteur et personnage ne sont qu’une seule et même personne. Ce qui pourrait passer pour une méprise et une méconnaissance du genre autobiographique, en plus de celle de la culture et la tradition algériennes, si on connait peu l’auteure et sa diversité de styles d’écriture. D’autant plus que les faits ne sont pas datés et donc difficilement contextualisables. La condition des femmes ayant évolué, Fikria ne serait qu’une pâle représentation de la femme algérienne. Mais la réalité est toute autre, surtout à Alger. Bien qu’ayant vécu quatorze ans en Algérie, Nina Bouraoui avoue avoir finalement peu connu ce pays, car elle ne sortait pas et ne traversait la ville d’Alger et ses alentours qu’en voiture (p. 163).

15Ce roman ne prétend aucunement être une autobiographie mais bien plus « une mise en scène cinglante du drame féminin en terre musulmane » (p. 36). De surcroît, si l’appartenance algérienne de l’auteure de La Voyeuse interdite n’a pas été intériorisée par l’intermédiaire de la langue, elle a pu être mémorisée dans son corps, précise Rabiaa Marhouch (p. 164). Et Rosalia Bivona5 de préciser que cette œuvre de Nina Bouraoui n’avait d’autre but que celui de la littéralité et ne visait aucunement la documentation ethnographique. Sur un autre plan, retenons le côté positif des réactions qu’occasionna ce premier livre, à savoir que Nina Bouraoui dispose d’un lectorat, autant en France qu’en Algérie. Le public algérien lit et s’intéresse aux œuvres qui parlent de sa culture et a, tout naturellement, le souci d’authenticité eu égard à l’identité traditionnelle et culturelle de sa nation.

16Si le premier livre de Nina Bouraoui a été bien accueilli et récompensé en France (prix du « Livre Inter »), il a été mal compris par le pays où l’auteure a vécu quatorze années de sa vie. Il en résulte un sentiment d’exclusion, du fait qu’elle ne soit pas reconnue, ni par son pays d’adoption (L’Algérie), ni par son pays d’origine (La France), alors même qu’elle se réclame du courant littéraire français. L’exotisation associée à sa première œuvre est rejetée par l’auteure, qui tente apparemment de cacher son algérianité mais l’affiche dans Garçon manqué, avec l’allusion implicite au drapeau algérien à travers une tenue vestimentaire aux couleurs « rouge » et « vert[e] » (p. 168). Nina Bouraoui ne refuse pas l’altérité qui caractérise tout être différent de soi, mais rejette l’altérisation qui va de pair avec l’exotisation, qui l’inclut dans la littérature française, mais dans la différence.

17Pour se libérer des stéréotypes, Nina Bouraoui optera pour l’opacité stylistique. Sa nouvelle tendance d’écriture sera désormais « l’invisibilité universaliste » avec des œuvres comme Le Bal des Murènes (1996), L’âge blessé (1998) ou encore Poing Mort (1992).

Nina Bouraoui, entre identification & identisation

Une identification complexe

18Née en France, Nina Bouraoui est une auteure française et le français est sa langue maternelle. Elle est citoyenne d’un pays dont la capitale est le centre du champ littéraire français, lequel est traversé, écrit Rabia Marhouch, par une ligne de couleur invisible. Si Nina Bouraoui a pris ses distances avec l’espace littéraire magrébin après son premier livre, son nom Bouraoui, à « consonance algérienne », ne peut qu’aller dans le sens d’une identification fortuite. Ce seul nom, comme l’écrit Rabiaa Marhouch, « suffit à marquer l’auteure comme une altérité exotique » (p. 58), laquelle ne concernerait que le domaine de l’éthos (p. 58), et non éditorial, puisque le livre a été publié dans la collection « Blanche », chez Gallimard. Et Rabiaa Marhouch de préciser que des auteurs comme Camus ou Roblès figurent dans la « Littérature de français sur le Maghreb » (p. 60).

19Si l’identification avec son héroïne Fikria (La Voyeuse interdite) est impossible, il en va de même avec Sauvage (2011), une œuvre à caractère intimiste qui prend la forme d’une autofiction mais qui renoue pourtant avec l’Algérie.

Une identité propre & singulière

20La raison d’être de Nina Bouraoui semble être l’écriture, avec laquelle elle dessine sa trajectoire littéraire et construit sa posture auctoriale propre. De manière consciente et délibérée, Nina Bouraoui cherche à passer d’un conformisme imposé à un anticonformisme choisi. Il reste que son anticonformisme esthétique la rend inaudible dans le centre parisien. Ce qui ne la dissuade pas pour autant de renoncer à l’écriture. Bien au contraire, puisqu’elle va alors produire sa véritable autobiographie (même si l’autofiction et l’autobiographie, pour elle, n’existent pas) dont le titre Garçon manqué (2000), est loin d’être évocateur et encore moins informatif. Il s’agit pourtant bien d’elle cette fois, de sa vie (ce dont elle se souvient en tout cas) et des moments qu’elle a vécus, dans le but d’entreprendre une démarche autoréflexive. Ce livre n’en reste pas moins « elliptique et saccadé », à l’instar de ses souvenirs qui lui reviennent par bribes. On y voit aussi une volonté de sortir d’un modèle figé par le biais de la délinéarisation du récit et la déconstruction de la phrase. C’est notamment parce qu’elle refuse de répondre aux normes que Nina Bouraoui préfigure, pour les groupes dominants des deux pays, l’hétérogénéité. Ces normes qu’elle rejette pour affirmer son identité, lui auraient pourtant permis, selon Rabiaa Marhouch, d’accéder à la sphère de l’intelligible au niveau des deux contextes sociaux. Le sujet bouraouien semble incarner cette « mixité » intolérable et inintelligible, ne laissant dès lors qu’à Nina Bouraoui une intelligibilité genrée, qui plus est compromise. Tout cela, en somme, pour tenter de résister à toute forme de minorisation et de domination, contraires aux valeurs défendues par Nina Bouraoui. Sa liberté sentimentale et sexuelle, qu’elle assume totalement, la mettent également sur un terrain à part. Se fondre dans la masse des auteurs français semble lui être interdit.

21Écrire lui permet de mettre des mots sur sa vie, de lui donner voix. Nina Bouraoui ne se décourage pas et poursuit son travail d’affirmation de soi avec Beaux rivages (2016) où il est question d’une relation amoureuse hétérosexuelle et lesbienne. Toutefois, l’œuvre la plus vraie, la plus proche de sa vie reste Garçon manqué (2000), qu’elle reconnaît comme une autobiographie à part entière. Il s’agit d’une « scénographie judiciaire », précise Rabiaa Marhouch, qui présente la narratrice-auteure comme une « coupable innocente » (p. 153). On y trouve des phrases telles que « Nina la métisse, née sous le signe de la malédiction » et qui « paie un lourd tribut au sein de sa famille maternelle » (p. 153). À tel point qu’elle en vient à se demander qui elle est réellement, de manière réduplicative : « Qui suis-je ? Qui suis-je ? Qui suis-je vraiment ? » (p. 167). Cette question identitaire est cruciale et exprime son Moi souffrant6.

Du pseudo anonymat à l’identité clairement affirmée

22Pour Nina Bouraoui, l’identité est avant tout une construction sociopolitique, laquelle hérite du passé d’une nation. L’impérialisme colonial a laissé, à sa suite, la marque d’une « altérité exotique » irréductible. D’un côté, on trouve la majorité des « Nous blancs », et à l’opposé « l’Autre », en tant qu’ancien colonisé, réactivant ainsi la dialectique bourdieusienne de la distinction. Nina Bouraoui occupe ici la place de « l’altérité minorisée », par rapport au microcosme littéraire dominant qui construit et conforte sa suprématie. Nonobstant, elle ne se décourage pas et prend un nouveau tournant, en replaçant sa création dans le domaine strictement littéraire et en écrivant des œuvres que l’on qualifiera de poétiques. Selon Rabiaa Marhouch, cette trilogie poétique fait d’elle une écrivaine « autre » de manière indissoluble. Son procédé consiste alors à entraver le processus de « domestication symbolique » (p. 73), via le passage d’un « nous authentique » au « eux imaginaires ». Ce procédé, qui va dans le sens d’un anonymat et d’une prétendue mort de l’auteur, conformément à la volonté décrétée par le haut modernisme littéraire et érigé canon littéraire de « l’universalisme littéraire », sera toutefois vu comme « agressif » pour la littérature canonique laquelle se veut universelle. D’autre part, les commentateurs ne voient pas cette démission de l’auteure de son œuvre, mais la trouvent au contraire « bien vivante ». Son histoire personnelle occuperait même une place décisive dans l’approche herméneutique. Paradoxalement, le fait que Nina Bouraoui se réfugie dans l’écriture dite intimiste est loin d’être à son avantage, car elle ouvre une brèche où tout le monde peut s’engouffrer pour se prétendre écrivain » (p. 79).

Exil & retour au soi

De la méconnaissance à l’assurance

23Publié chez Gallimard, dans la collection « Blanche », le premier livre de Nina Bouraoui s’intitule La Voyeuse interdite (1991), Rabiaa Marhouch en analyse le titre et s’arrête notamment sur le déterminant défini « La », qui présente la « Voyeuse » comme connue et reconnaissable. Nous dirions, quant à nous, que cet article vise plus ici la généralité, voire l’universalité. L’autre hypothèse que nous pouvons émettre est que ce déterminant défini féminin singulier ne peut renvoyer à « l’universel », en raison d’un postulat tacite entre « la blancheur » et « l’universalité » (p. 26). Or Fikria n’est pas « blanche7 ». Le thème de « voyeurisme » est élargi par Rabiaa Marhouch au genre masculin et au pluriel, renvoyant ainsi « tous les voyeurs », qui voient, par et avec les yeux de Fikria. Si tel avait été le cas, Nina Bouraoui aurait pu intituler son livre : « Les voyeurs interdits ». On peut y voir également une volonté d’écarter le genre masculin, en mettant au premier plan celle qui n’a pas son mot à dire, son héroïne Fikria. Ce livre poursuit donc un double objectif : donner une voix et accorder une place à celle qui n’en a pas au sein de la société algérienne : Fikria et faire entendre sur la scène littéraire française la voix de celle qui y revendique sa place : Nina.

24Avec Avant les hommes (2007), Nina Bouraoui revient à la « pure » fiction. Son écriture porte désormais sur les affinités sexuelles (homosexuelles et hétérosexuelles). Nina Bouraoui s’efforce de prendre en compte les deux points de vue, sans exclusivité. Par ce biais, elle se met sur le devant de la scène marquant ainsi son positionnement personnel et son assurance sur cette question.

Une observatrice au regard aiguisé

25Pauvreté du décor qui se réduit au minimum : « la chambre » (et non « ma chambre »), « la maison », « la rue ». Cette vie isolée, et en huis clos, ne lui appartient pas. Rien n’est à elle, pas même sa vie…L’article défini « la » est une façon de se détacher personnellement, de se mettre à distance avec cette vie narrée, dont elle parle comme un témoin extérieur et au moyen d’une focalisation externe. Le personnage Fikria occupe, écrit Rabia Marhouch, la place « d’encellulée ». Elle est victime et n’a aucune prise sur son destin. Cet enfermement, non consenti, est partagé par le lecteur.

26Comme Rabiaa Marhouch, Rosalia Bivona souligne elle aussi l’exiguïté de l’espace réservé à Fikria : « la scène est restreinte et bien délimitée ». On peut voir ici une volonté de recentrer l’action sur son personnage, de faire un gros plan sur elle, sur son microcosme. Le personnage adhère à cette prise de position, en affirmant que la chambre devient, pour elle, une « cellule mortuaire ». On retrouve encore un espace clos dans Poupée Bella (2004), avec la mention d’un « espace-temps restreint et dérobé » (p. 242).

27À la suite de Fikria, c’est le lecteur qui deviendra voyeur, malgré lui. Fikria adopte une posture « d’observatrice détachée et discrète » (p. 40). Discrète oui, mais « détachée » c’est moins sûr. Elle serait même impliquée et totalement concernée, par ce qui se passe autour d’elle. Absorbée par ce qu’elle pense, elle doit affronter ses peurs. Ce faisant, ne serait-ce pas une façon de tenter de s’identifier (bien que fictivement) avec les autres femmes, lesquelles ont vécu ou vivent encore dans le roman l’inacceptable. Pour y parvenir une seule voie : renoncer à soi.

28Belgacem Belarbi8 (2005) présente, lui aussi Fikria comme une observatrice, terme qui atténue l’acte de voyeurisme induit par le titre et « entraîn[e] le lecteur de l’autre côté du regard, en lui communiquant un peu de la douleur d’une existence ». Le personnage Fikria est dans un espace clos, emmuré, à l’instar de Grégor dans La métamorphose de Kafka. L’Autre est ici absent ou se réduit à un être de façade, comme sa famille dont les membres sont décrits comme des personnages distanciés. Peut-être est-ce une façon de laisser à la narratrice la place de se dire et de ne pas interférer dans ce qu’elle a à exprimer. On retrouve avec Fikria un monologue interne comparable à celui qui caractérise l’œuvre Enfance de Nathalie Sarraute. Or, Nina Bouraoui défend que La Voyeuse interdite est une fiction, parce que – peut-être, l’auteure ne s’autorise pas à dire la vérité ressentie, enfouie en elle. D’où le terme « interdite » qu’analyse également Rabia Marhouch. Adjectif pouvant revêtir ici deux sens : d’une part, au sens propre, ce qui est prohibé et refusé. Observer ce qui devrait rester caché est un mal ; l’autre sens, plus figé, est celui qui exprime une découverte qui nous laisse sans voix.

29De manière paradoxale, Fikria est celle qui occupera désormais tout l’espace, en tant que sujet et objet de l’histoire (p. 42). Son regard « intrusif et indiscret » peut devenir pour le lecteur, lequel ne fait qu’un avec elle, source de malaise, dans la mesure où il devient, à son insu, un « voyeuriste » consentant. Nina Bouraoui semble vouloir choquer le lecteur, acceptant même de le décevoir, voire de le perdre, conjointement à Fikria. Femme perdue, figure féminine anti-héroïque et anti-modélisante et parce que hors normes ne pouvant prétendre à l’universel. Ne pourrait-on pas voir en Fikria, davantage une Emma Bovary moderne qu’un prototype de la « femme musulmane » bafouée ? Une chose est sûre, un semblable enfermement nuit à l’équilibre psycho-affectif d’un être qui sombre dans une forme de sadisme (« elle guette avec excitation le moment où une fillette va se faire renverser par une camionnette »). Peut-être est-ce là une façon de se dire qu’elle n’est pas la seule à souffrir ? Rabiaa Marhouch inscrit Nina Bouraoui dans la droite lignée de ses aînés « francophones », manière de dire qu’étant femme et qui plus est novice dans le métier, elle ne pouvait pas se démarquer et faire différemment. Différence que refuse nonobstant Nina Bouraoui qui désire être comme les autres et française avant tout, tout en étant différente.

Écrire, une arme infaillible

30Nina Bouraoui se sert de l’écriture et de son image, qui accompagne ses œuvres, comme d’une arme. Dans Poupée Bella (2004), elle exprime l’étendue de son désir : « je veux une arme pour me défendre, je veux le plus beau corps de la terre » (p. 239). Conjointement à la publication, Nina Bouraoui est une auteure qui se prête aisément aux interviews que les médias lui proposent, à tel point que Rabiaa Marhouch écrit que Nina Bouraoui est devenue « plus célèbre que ses œuvres » (p. 255).

31Si d’autres cachent ou préservent leur image, pour Nina Bouraoui, utiliser son visage est une valeur ajoutée pour et « dans la communication éditoriale ». Ce visage, qui dessine généralement un sourire et qui se veut rassurant, dégage une paix et une joie silencieuse. Ce même visage, que Rabiaa Marhouch qualifie de « photogénique », se retrouve dans les articles et recensions et aussi dans son livre La tentation de l’universel. Ce portrait, donné à voir au lecteur, en dit un peu plus de la présence de l’auteure, de son combat et de ses interrogations. Une certaine inquiétude peut même se lire sur le visage qui s’offre à nous. De surcroît, Nina Bouraoui peut mettre en avant cet atout « à l’heure où le look est devenu plus important que les mots ». Même s’il est vrai que Nina Bouraoui n’a pas peur des mots, ni de recourir aux mots qui heurtent à l’instar de ceux que l’on trouve dans Poing mort (1992), rien ne semble être hors de portée de l’auteure qui s’essaye à tout, comme le rappelle Rabiaa Marhouch (p. 65).

Nina Bouraoui & son implication sur la scène littéraire

Son succès médiatique

32La stratégie commerciale de Nina Bouraoui se résumerait, selon Rabiaa Marhouch, à « être vu[e], revu[e] pour être mémorisé[e], désiré[e] » (p. 261), et ainsi permettre au lecteur d’acheter ses livres. Si la couverture du livre a son rôle à jouer dans la diffusion commerciale d’une œuvre (ou d’une marque « la marque Bouraoui », p. 279), le choix et l’achat ne devraient pas se réduire au seul attrait visuel.

33La quête continuelle de Nina Bouraoui est surtout d’échapper aux catégories minorisantes et aux interprétations particularistes, alors que ses thématiques conduisent à cette différenciation. Par exemple les commentaires, se rapportant à Avant les hommes (2007), se focalisent sur le thème de l’homosexualité, mais pouvait-il en être autrement puisque le livre en parle ? Nina Bouraoui chercherait-elle à dénoncer ce que d’autres taisent de peur de heurter le public ? Elle se fait ainsi le porte-parole de ceux qui n’osent pas dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas : « je n’ai rien de silencieux en moi, tout bouge, tout crie, tout se déplace… 9» Être vue, lue et bénéficier d’un succès médiatique n’est toutefois jamais sans risques. Si beaucoup d’auteurs, pour ne pas dire la totalité, cherchent et visent le succès, il arrive hélas que quand celui-ci n’est plus, la vie perd pour eux tout sens. Le message, publié sur la page publique Facebook de l’auteure Nina Bouraoui de l’un de ses admirateurs, qui en est tombé amoureux, après l’avoir vue et écoutée parler sur le petit écran, traduit l’impact qu’une personne peut avoir sur une autre, même à distance. Ce message atteste aussi du succès médiatique de Nina Bouraoui (p. 268).

Nina Bouraoui, une auteure déroutante & insaisissable

34Rabiaa Marhouch reproche cependant à Nina Bouraoui de « confier le regard du lecteur sans distance critique » ainsi que « sa perception et son imaginaire [qui] peuvent vite se retrouver prisonnières du théâtre des stéréotypes ». Sans remettre en question les propos de Rabiaa Marhouch, rappelons aussi que le lecteur conserve sa liberté et peut faire appel à son esprit critique. Mais il est vrai également que si stéréotype il y a, l’authenticité et la fonction altérisante recherchées sont ici caduques (p. 43).

35Nina Bouraoui a besoin de trouver des êtres semblables, partageant les mêmes intérêts et les mêmes affinités. Rabiaa Marhouch écrit qu’elle le fait à l’insu de ceux qui la connaissent, par honte ou crainte de les heurter. Ils auraient ainsi l’occasion de dire que Nina Bouraoui n’est pas celle qu’ils connaissaient…C’est dans une possible identification avec d’autres que Nina Bouraoui se retrouve, ou se trouve tout simplement. C’est aussi une manière de se rassurer : « ses désirs sont communs et naturels » (p. 245).

36Fikria se fait le porte-parole des autres : « la vie monotone et harassante d’une femme en Algérie se répète inlassablement », écrit Ahmed Benmahamed, cité par Rabiaa Marhouch. Mais n’en est-il pas de même de la vie de certaines femmes occidentales ? Toute vie n’est-elle pas à un moment donné marquée par cette routine ? Cette routine que l’auteure semble vouloir éviter, notamment en variant fréquemment les genres littéraires de ses œuvres. Ce qui témoigne d’une grande habileté littéraire, mais ce qui passe pour la plupart des critiques comme l’abandon d’une ligne directrice. Celle qui consciemment change de style littéraire, comme elle changerait de style vestimentaire, passe aux yeux de ses lecteurs pour une auteure indécise et insoumise, un écrivain en quelque sorte novice qui cherche son style propre et qui, pour y parvenir, en teste plusieurs. Ce procédé est aussi une manière de répondre aux reproches que lui valut la publication de son premier livre.

37Les stéréotypes, dont hérite la femme algérienne et musulmane à travers l’héroïne Fikria, sont mal accueillis par le public algérien. Sans parler du mariage de cette dernière qui, loin d’être un moment de joie, annonce la « mort symbolique du personnage » (p. 44) ; comme si celle-ci vivait davantage avant…Ce qui est plutôt inattendu c’est qu’au moment de son mariage les rôles sont inversés, puisque Fikria, qui était « l’observatrice » jusqu’ici devient maintenant celle que l’on observe. Et Rabia Marhouch de suggérer que le lecteur, tout aussi voyeuriste (à son insu) jusqu’ici est invité à quitter ce « statut de consommateur complice et passif ». Si ces qualificatifs peuvent de fait être attribués au lecteur de ce livre, force est de constater qu’il n’en est pas à l’origine, mais qu’il y est invité, par sa position même de lecteur qui découvre l’œuvre progressivement, comme il découvre une nouvelle pièce ou un nouveau paysage qui se présente à ses yeux. Ne pourrait-on pas ici parler tout simplement de changement de point de vue narratif, avec un passage du point de vue interne (celui de Fikria et où elle dit « je »), à un point de vue externe (celui où Fikria est désignée par « elle »), qui permet davantage au lecteur de se faire son propre avis.

Est-il possible de repartir à zéro ?

38L’exotisme, auquel se refuse Nina Bouraoui reste toutefois perceptible selon Rabiaa Marhouch, qui affirme que les « stéréotypes sont facilement repérables » (p. 45), et qu’ils ont en eux « toute la faiblesse de [leur] force ». Derrière cette expression oxymorique, Rabia Marhouch nous dit que Nina Bouraoui réduit le cadre de ce premier livre à « un tableau fidèle et figé d’un exotisme du texte », qui dessert plus l’auteure qu’il ne la sert. Et Rabia Marhouch de constater que peu de critiques finalement se sont essayés à des interprétations de cette œuvre.

39En outre, et pour nuancer cet exotisme que l’on reconnaît à ce premier livre, notamment par son cadre spatio-temporel : La Voyeuse interdite a en effet été publié, en 1991, chez Gallimard. Pour une auteure, qualifiée dans une critique de la revue Le Point 10 d’écrivain « beure », on peut dire que c’était plutôt gratifiant. Mais qu’elle soit française ou « beure », Nina Bouraoui dès ses débuts littéraires est une femme qui se détache du lot. Plutôt bien accueillie en France, mais beaucoup moins sur un autre continent. Pour y remédier, Nina Bouraoui changera de registre littéraire Poupée Bella (2004) et Nos baisers sont des adieux (2010) présentés comme des récits autobiographiques authentiques.

40La forme diaristique nouvellement adoptée Nina Bouraoui concilie deux caractéristiques très présentes dans l’œuvre bouraouienne : le souci de se dire, plus ou plus directement, corrélé à celui de « d’atteindre l’universel » (p. 234). Nina Bouraoui est tout entière projetée en avant : que deviendra son œuvre, comment sera-t-elle vue, perçue par son lectorat ? Quelle place occupera-t-elle dans le champ canonique de la littérature française ? Le journal intime, par son principe même de continuité, s’oppose toutefois pour Rabiaa Marhouch à l’autobiographie :

Le journal intime s’inscrit dans l’immédiateté contrairement à l’autobiographie et à l’autofiction qui sont le fruit de la rétrospection et de la distance entre un moi actuel écrivant et un autre révolu. (p. 235).

41Rabiaa Marhouch reproche notamment à l’auteure un manque de cohérence : Nina Bouraoui commence à l’âge de quatre ans « alors que l’auteure ne maîtrisait pas encore l’écriture et ne pouvait donc pas tenir un journal intime » (p. 236). Elle affirme avoir découvert l’écriture à l’âge de huit ans (p. 269). Si l’expression « découvrir l’écriture » reste vague ; la citation retranscrite par Rabiaa Marhouch en dit un peu plus : « (…) à huit ans je savais que j’allais écrire et je savais que le langage me donnerait la liberté perdue. » (p. 270). Ces mots authentiques, ou réactivés, sont d’autant plus saisissants que c’est une enfant qui parle ; une enfant qui a découvert très tôt sa « vocation ». Ce qui relève autant d’une compétence (ou art) que d’un « talent » (p. 283).

42La notoriété de Nina Bouraoui dans le milieu littéraire n’a pas été aussi simple qu’elle aurait pu alors l’imaginer. Il lui a fallu être persévérante pour s’affirmer, faire valoir ses idées et défendre l’hétérogénéité de ses écrits aux genres littéraires divers. Plus encore quand on sait que son premier livre La Voyeuse interdite (1991), bien que primé par le prix du « Livre Inter », n’a pas toujours été bien compris par la nation algérienne. Nina Bouraoui affiche une volonté ferme de réinventer l’écriture, notamment intimiste, démarche que Rabiaa Marhouch appuie en avançant que « l’écriture diastrique est choisie comme solution de représentation littéraire pour mettre en scène le contenu autobiographique » (p. 238)

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43Nina Bouraoui est un écrivain qui joue comme un musicien sur plusieurs tons, qui utilise comme un artiste plusieurs palettes de couleurs, qui chante autant ses joies que ses peines. D’une vie ordinaire et sans intérêts autres que ceux d’une adolescente qui arrive dans un autre pays, Nina Bouraoui découvre une nouvelle vie où elle se dit, s’imagine, se livre et s’épanouit. Si ses œuvres sont à l’image de sa vie, elles ne s’y réduisent pas ou pas seulement. On attendrait, par moments, que l’auteure se justifie sur ses intentions, sur son style et ses choix littéraires. Est-elle en réalité si libre qu’elle le dit ou le prétend ? En somme, elle exprime son désir d’être comme les autres auteurs, mais différemment, singulière et universelle. Elle serait actuellement au stade « universaliste », c’est-à-dire à tendance et à vocation universelle, mais sans en avoir atteint le but. Il reste qu’elle refuse toute étiquette « exotique » et d’être classée parmi les auteurs francophones. Elle est et se veut totalement française. Et, à défaut de se voir attribuer une identité littéraire française, elle tente, par tous les moyens mis à sa disposition, d’y parvenir.