Colloques en ligne

Johan Faerber

La photo Minuit, du cliché nocture à la lumière du négatif

1 “L'image doit sortir du cadre” [1] donnait pour conseil Pachero au peintre Vélasquez, alors élève de celui-ci, à Séville dans les premières années du Siècle d'Or. A l'instar de cette recommandation de la surcharge, du débordement et de l'excès, il est, dans l'iconographie littéraire de notre second demi-siècle, de ces images photographiques qui s'échappent, qui glissent hors du référent qu'elles sont censées recouvrir, de ces photos qui précèdent voire dispensent de toute lecture, de ces illustrations qui rendent le texte décoratif. Images qui, plus que des mots, participent de la création et de la mythologie de la littérature ne valant plus elle-même que pour une image.

2 Ainsi de la célèbre photo dite de Minuit présentant les Nouveaux Romanciers en 1959, photo prise devant la maison d'édition et qui vaut pour l'acte de naissance de ce que l'on a nommé le “Nouveau Roman” [2]. Comme happé, en effet, par sa propre fascination pour les images, qu'elles se présentent comme autant de tableaux ou autres gravures dans Dans le labyrinthe d'Alain Robbe-Grillet [3], ou comme autant de cartes postales dans Histoire de Claude Simon [4], le Nouveau Roman est essentiellement connu, reconnu et reconnaissable au travers de ce cliché qui figure dans presque toutes les anthologies de littérature du XXe siècle, et participe de l'élaboration d'une certain imaginaire de l'écriture et de la littérature. Une image qui mettrait en mouvement un imaginaire. De fait, dans les années cinquante, l'idée de littérature passerait par l'image, l'iconographie à laquelle celle-ci peut renvoyer. Une image, en somme, pour donner une idée. A tel point qu'initier ou poursuivre le geste d'écriture reviendrait peut-être à se placer pour ou contre cette photo.

3 Pourtant, loin d'être pour certains une irréfutable photo d'identité, cette image ne ferait que pointer, en vérité, vers le caractère factice et hétérogène de tout regroupement possible sous l'étiquette “Nouveau Roman”. Selon d'aucuns, en particulier, les historiens de la littérature qui ont investi la question tels Nelly Wolf, il ne s'agirait en rien d'une preuve par l'image. Se défiant des apparences, cette photo serait plutôt un simulacre affirmant et confirmant, toujours d'après Nelly Wolf, qu' “Avec le recul, le “Nouveau Roman” apparaît comme une formule mise au point par des critiques de revue, avalisée par une maison d'édition, et reprise en dernier lieu par les écrivains concernés.” [5]. Il s'agirait, partant, d'une image à dessein qui ferait incidemment redécouvrir le caractère étymologique du spectrum, terme utilisé par Roland Barthes pour désigner le référent photographique dans ses qualités fantomatiques de vacuité matérielle [6].

4 Mais s'agit-il réellement d'un tel miroir vide ? Ne peut-on pas trouver une vérité à ce cliché ? Faut-il suivre ce paradoxe de l'histoire littéraire qui, se fondant sur les faits, invite à se méfier d'eux ? La question qui, en définitive, est posée ici à travers cette photo Minuit, cette photo de classe qui ne désignerait aucune école, c'est, en fait la détermination critique de la notion de groupe littéraire : convient-il ainsi de faire jouer le textuel contre le factuel ? Et, de manière plus large, peut-on résolument aborder une littérature et ses reflets iconographiques armé de concepts et de notions que ces écrivains remettent en question voire refusent ? Au regard de récits qui livrent et délivrent une vérité des images fictives où, par exemple, une carte postale s'anime, peut-on maintenir ce paradoxe d'une photographie n'apportant aucune preuve ? Ne faudrait-il pas bien plutôt retourner ce retournement et revenir à une pensée endoxale dont le paradoxe consisterait à étreindre avant de l'éteindre ce paradoxe même ? Ces romans pourraient-ils faire sortir de l'ombre ce cliché nocturne et permettre de l'appréhender à la lumière, toute baroque, du négatif ?

5 S'esquissent alors trois moments possibles dans cette saisie de la photo Minuit. Le premier consiste à apercevoir cet instantané de l'école de Minuit, procéder à un arrêt sur image, et laisser se dessiner cette photo. Le second montrera, quant à lui, le caractère nocturne de ce cliché, ou comment il revêt les traits d'un roman-photo sur le Nouveau Roman. Enfin, il s'agira de renverser ce retournement et saisir une vision réfléchie ou un négatif de l'histoire dont le Baroque détient la clef, ou pourquoi le Nouveau Roman autorise, en fait, la vérité d'un tel cliché.

6A l'imitation des personnages néo-romanesques tel Jacques Revel dans L'Emploi du temps de Michel Butor [7], il convient de se livrer à une ecphrase, pourrait-on dire, de cette photographie, déjà médiatisée mimétiquement par l'oeil photographique. Même si, ainsi que nous le laissions entendre, ce cliché est célèbre mais finalement pas célébré, il vaut peut-être mieux en exposer à nouveau une ecphrase, décrire encore un instantané, dirait Robbe-Grillet [8], devenu inséparable de cette école du regard, de cette mouvance qui a accordé tant d'importance à la folie du voir. Traçons l'histoire de cette photo historique.

7 Il s'agit, en premier lieu, d'une photographie de 1959 faite à la demande du magazine italien L'Espresso, magazine grand public et à large diffusion, afin d'illustrer un article portant sur l'état de la littérature française contemporaine, et de mettre une image qui vaudrait pour un visage sur ces noms qui faisaient tant parler d'eux, même oltrealpi . La photo est ainsi prise à l'initiative de Mario Dondero qui choisit de réunir certains de ces écrivains devant le siège de cette maison d'édition paraissant, selon lui, incarner le mieux cette idée du renouvellement de la littérature : les éditions de Minuit. Il place de fait leur directeur presque au centre de la dite photo, Jérôme Lindon. La composition s'ordonne autour de lui et dessine une scénographie dont il faut, maintenant, tracer les pas et deviner les empreintes.

8 Sont présents de gauche à droite - et de droite à gauche tant la photo n'est jamais présentée dans le même sens, le négatif se trouvant sans cesse inversé d'une anthologie l'autre - : Claude Ollier, Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Robert Pinget, Jérôme Lindon, Claude Mauriac, Claude Simon , enfin, conversant avec Alain Robbe-Grillet qui ferme la marche et le cadre. Cette scénographie tend à produire une sémiotique de la place de chacun au sein de ce qui apparaît dans l'objectif de Dondero comme un groupe constitué. Claude Ollier, de la sorte, pose un pied sur la route, un autre sur le trottoir. Nous sommes en 1959 : il vient d'obtenir le prix Médicis pour son premier roman La Mise en scène . Il paraît considérer d'un oeil distant tous et toutes : son prochain livre, Le Maintien de l'ordre, ne sortira pas, en effet, chez Minuit qui le refusera mais chez Gallimard. Nathalie Sarraute, ensuite, semble comme seule, isolée, les mains glissées dans les poches de son imperméable, attendant peut-être que le temps passe, ou retirée dans les franges de son infra-conscience, de ses sous-conversations, cherchant à traquer les tropismes. Plus vraisemblablement, elle s'interroge sans doute sur sa présence devant une maison qui n'a jamais publié qu'un seul livre d'elle, Tropismes repris, de surcroît, à Denoël. Samuel Beckett et Robert Pinget, écrivains aux écritures proches dans la mesure où le second s'est toujours réclamé du premier - sans que le contraire se produise, sont ici naturellement placés l'un à côté de l'autre. Jérôme Lindon est, quant à lui, le plus grand d'entre eux. Placé devant la porte de sa maison comme un gardien devant un temple, il surveille l'entrée de la rue comme s'il se prenait à regarder si de nouveaux auteurs n'arrivent pas... Claude Mauriac, à ses côtés, tente de monter sur le trottoir. Sa position est inverse de celle de Claude Ollier qui cherche à en descendre. Mauriac prend, en quelque sorte, le train en marche, lui qui a publié un an plus tôt un essai consacré au Nouveau Roman, L'Alittérature contemporaine . Selon toute apparence, il regarde là où il met les pieds, prend les précautions nécessaires à tout théoricien et dirige son regard sur lui-même comme pour venir mimer cette position de réflexion et de réflexivité inhérente à tout travail d'essayiste. Enfin, Claude Simon et Alain Robbe-Grillet sont à l'écart. Ils discutent entre eux même si, sans surprise, Robbe-Grillet paraît penser à autre chose pendant que Simon s'adresse à lui.

9 De manière générale, la photo semble choisie parce qu'aucun d'entre eux ne regarde dans la même direction comme pour suggérer qu'il s'agit là d'un groupe aux individualités fortes. Enfin, quelques absences sont significatives. A commencer par celle de Marguerite Duras que le photographe n'a résolument pas convié. Absence notable également de Michel Butor pris au piège, semble-t-il, de sa propre oeuvre et occupé au moment où Dondero déclenche son flash à voyager pour venir nourrir ses génies du lieu. Absence encore, pour finir, de Jean Ricardou reculé à cette époque dans les limbes.

10 Mais il semblerait que cette photo ait subi une interprétation antithétique au souhait herméneutique premier de Dondero : elle n'illustrerait pas pour beaucoup ce Nouveau Roman en question mais masquerait ses auteurs qui, en réalité, n'en feraient pas partie et seraient loin de former un groupe.

11   Prise pour l'acte de naissance et voulant signifier - au mépris de son référent - que le Nouveau Roman est un ensemble fini, cette photographie apparaît, en fait, comme un cliché au sens de stéréotype, et une contre-vérité sur le Nouveau Roman en tant qu'école. Loin de mettre en lumière le Nouveau Roman, ce cliché rejetterait dans l'ombre une supposée aléthéia textuelle. C'est la position défendue par Roger-Michel Allemand dans Le Nouveau Roman , ouvrage au sein duquel il propose un commentaire de la photographie en question. Il indique ainsi : “A moins de souscrire à la belle formule de Claude Mauriac, qui intitule un de ses articles “Le Nouveau Roman ? L'école de l'amitié” ( Le Figaro, 2” juillet 1958), le Nouveau Roman en tant qu'Ecole ressortit plus au mythe ou au fantasme littéraire qu'à autre chose. Il ne faut donc pas se fier à l'illusion du cliché de 1959 censé réunir les Nouveaux Romanciers devant le siège des éditions de Minuit.” [9]. Pour conclure à l'évidence de cette supercherie : “[...] cette photo constitue aujourd'hui un véritable cliché intellectuel, car c'est à partir d'elle que le lieu commun s'est répandu de mettre sous le vocable “Nouveau Roman” les personnes qui s'y trouvaient.” [10]. Il ne s'agirait donc en rien d'un instantané robbe-grilletien si bien que ce sur quoi insistent Roger-Michel Allemand ou Nelly Wolf encore, c'est sur ce caractère de mise en scène qui a présidé à une telle composition, terme revêtant ici son plein sens théâtral. Ce cliché reposerait, en conséquence et en vérité, sur ce qu'il conviendrait de désigner comme une fausse Tuché : la contingence souveraine nécessaire à toute épreuve (photographique) se verrait déjouée ici dans une telle démarche, remettant en cause ce que Roland Barthes désigne comme “la Tuché, l'Occasion, la Rencontre, le Réel dans son expression infatigable” [11]. Ce qui disqualifie cette photographie en tant que preuve par l'image est précisément son caractère artificiel et, somme toute, sa construction fictionnelle. La photo Minuit serait un photo-montage.

12 Elle n'imposerait aucune vérité dans la mesure où elle aurait fabriqué son Kairos, son moment opportun. L'ensemble du dispositif paraît bien plutôt renvoyer ici à l'étymologie du spectrum photographique, celui que Roland Barthes désigne encore dans la révélation photographique comme “la cible, le référent, sorte de petit simulacre, d' eidôlon émis par l'objet, que j'appellerais volontiers le Spectrum de la Photographie, parce que ce mot garde à travers sa racine un rapport au “spectacle” et y ajoute cette chose un peut terrible qu'il y a dans toute photographie : le retour du mort.” [12]. Le référent s'y fait fantomatique et pointe vers sa propre feinte, son propre leurre. Ces Nouveaux Romanciers, partant, cette constellation nébuleuse d'écrivains disparates apparaissent comme un coup médiatique, comme un coup de force éditorial sans fondement. Il s'agirait là de l'antithèse même de la Nature que réclame le caractère instantané intrinsèque à la saisie photographique. Le trajet se verrait renversé : loin de présenter une photo du Nouveau Roman, le cliché exhiberait un nouveau roman-photo. La photo Minuit jette ainsi dans l'obscurité et l'obscuration de la chambre noire le geste même du photographe : l'image est annulée ici en tant qu'elle est “toute entière lestée de la contingence dont elle est l'enveloppe légère et transparente.” [13]. Elle se présente, dès lors, sous le jour ô combien trompeur et nocturne d'un trompe-l'oeil. De fait, se produit dans les considérations critiques dénigrant l'image par le texte et l'image au nom du texte, une mise en garde contre le caractère fictionnel et fictif de cette réunion qui ne résisterait pas à la lecture de ces Nouveaux Romans en question... La pluralité inhérente aux diverses pratiques scripturales d'un Simon ou d'une Sarraute, par exemple, se voit tout simplement annulée comme ne manque pas d'insister Nelly Wolf au point qu‘on “n‘en finirait pas de détailler les signes qui séparent les nouveaux romanciers, et qui sont sans doute plus nombreux que ceux qui les unissent.” [14].

13 Pourtant, et partant, une telle considération factuelle et historique aboutit à une ecphrase lacunaire dont le caractère périégétique aurait été retranché [15], c'est-à-dire ce caractère qui permet de conduire autour de l'image et qui peut en faire, comme le Vitrail de Caïn dans L'Emploi du temps de Butor, un adjuvant narratif voire une métaphore diégétique de l'ensemble de celui-ci. Le studium ne pourrait renvoyer dès lors qu'à un punctum ne pointant qu'en direction du Vide et du Néant... [16]

14   Mais l'ensemble de ces réactions paraissent poser une question de méthode comme nous le laissions entendre. Une telle interprétation, somme toute, cartésienne et platonicienne, des dangers d'une image, de ses leurres au regard du concept, ne va-t-elle pas contre le discours tenu par le Nouveau Roman lui-même ? Peut-on analyser cette mouvance littéraire au moyen de concepts que les récits de celle-ci battent en brèche ? Ne convient-il pas, bien au contraire, se défier de cette pensée qui se défie des apparences pour accorder, comme le fait Robbe-Grillet, une profondeur à tout trompe-l'oeil ? Faut-il jouer l'endoxal contre le paradoxe ? Il s'agirait alors de retourner la photo, de l'inverser pour tirer la lumière du négatif...

15 Plus qu'un cliché au sens de stéréotype, la photo Minuit , du titre d'une nouvelle d'Alain Robbe-Grillet, pourrait apparaître comme une vision réfléchie [17], à savoir une vision qui donnerait à réfléchir et reflèterait le Nouveau Roman. Cette photographie donne peut-être à apercevoir la césure épistémologique qui s'opère dans les considérations herméneutiques néo-romanesques. Un discours périégétique semble être, en réalité, possiblement tenu et non ténu. Un punctum se dessine et désigne le rôle et la place que la fiction paraît devoir tenir dans la saisie interprétative des faits, des gestes et des textes : l' être-là du Nouveau Roman tiendrait dans une fiction généralisée. Dans Pour un nouveau roman, Robbe-Grillet n'avance-t-il pas que “le vrai, le faux, et le faire-croire sont devenus plus ou moins le sujet de toute oeuvre moderne.” [18]. La considération, en vérité, de cette épreuve photographique rejoue, comme par mimétisme, la question, omniprésente dans les romans des écrivains présents sur le cliché, de la possibilité d'une mathèsis à partir d'une mimèsis de la culture qui s'offrirait ouvertement et sans ambages comme une fiction de la feintise. La fiction, entendue comme par Michel Foucault telle “la nervure verbale de ce qui n'existe pas, tel qu'il est” [19], peut se parer d'un caractère cognitif. L'approche de cette photographie ne peut-elle ainsi pas s'effectuer sur le modèle qui préside à celles exposées dans le Nouveau Roman, Nouveau Roman qui fait reposer ses descriptions comme un certain XVIIe siècle sur une rhétorique des peintures ?

16 A l'instar de ce que prônait déjà le père Etienne Binet dans son Essay des merveilles  par la recommandation de l'usage d'ecphrases successives, il faut peut-être prendre en considération ces personnages néo-romanesques qui tiennent les images fabriquées qu'ils aperçoivent comme autant de vérités. Ainsi de Jacques Revel dans L'Emploi du temps de Butor face au tapisserie de Thésée et au Vitrail de Caïn, de Mathias du Voyeur de Robbe-Grillet face à l'affiche désignant le caractère effectif de son meurtre fantasmatique, il faudrait envisager cette photo Minuit du même oeil qu'un monsieur Songe, par exemple, dont la frénésie oculaire apparaît révélatrice de la perturbation des degrés mimétiques inhérente au Nouveau Roman. Robert Pinget écrit, de fait, à propos de son personnage : “Monsieur Songe est né méditatif. Il investit les images ou les confond suivant les yeux qu'il ouvre, ceux du dehors ou ceux du dedans. D'où les invraisemblances relatives aux paysages qui lui sont familiers. Une aquarelle très fluide pour suggérer les illusions de la mémoire.” [20]. Le roi Architruc du même Pinget parle encore au sujet de cette qualité même du réel à être et à faire image des “gens [qui] n'ont que des images devant les yeux.” [21]. Privilégiant, selon une expression de Pinget, “l'aire des simulacres” [22] telle qu'il l'entend dans Fable, ce focus imaginarius rejoint, en définitive, l'attention portée par l'esthétique baroque - que le Nouveau Roman redécouvre et aide à re-construire - à l'illusion et à ses capacités de mathèsis  si bien qu'envisagée sous un regard baroque et proprement néo-romanesque, la photo autorise l'existence du groupe en question. A propos de Leibniz dans Le Pli. Leibniz et le baroque , Gilles Deleuze suggère une définition du Baroque qui pourrait servir à lire également le trompe-l'oeil de la photographie Minuit , et ouvrir à celle-ci une nouvelle piste interprétative, fort de ce que “Le propre du Baroque est non pas de tomber dans l'illusion ni d'en sortir, c'est de réaliser quelque chose dans l'illusion, ou de lui communiquer une présence spirituelle.” [23]. Ou comme l'annonce encore de manière plus lapidaire un personnage de Rotrou dans ce qui pourrait conjointement servir d'aphorisme au Baroque et au Nouveau Roman : “J'en sens la fiction comme la chose même.” [24]. En conséquence, une telle misologie de la fiction, c'est-à-dire une méconnaissance néo-romanesque de la raison comme principe, invite à reconsidérer cette photo Minuit. Elle peut être incidemment tenu pour preuve si l'on admet que le Nouveau Roman est une fiction, que le groupe du Nouveau Roman est un objet fictif s'affichant et s'affirmant, tel un reflet de ses travaux, comme tel. Le caractère fictif du groupe constitue alors sa vérité. Faire resurgir le spectre du Baroque devient nécessité pour que le spectrum photographique advienne à Minuit.

17 En définitive, cette photo Minuit, si elle s'imprègne des présupposés néo-romanesques et néo-baroques, apparaît comme une entrée possible dans le labyrinthe du Nouveau Roman, et non une sortie... Ce cliché ouvre et met en lumière des liens incidents avec le XVIIe siècle, entraîne dans un vertige baroque de l'image et de l'histoire que les faits n'épuisent pas. L'ecphrase se voit alors soulevée par une hypotypose dans laquelle la photo en vient à prononcer le roman du Nouveau Roman et du Baroque. Le texte prend alors la pose : le génie de la littérature passe aussi dans sa photogénie.