Jean-Charles Massera et le « format de l’ennemi »
1Dans Stairway to d’autres supports, publié en 2014 – un petit livre – et Mais… ça changera pas le monde… Si ? – un petit film réalisé en 2015 – Jean-Charles Massera développe un discours élaboré sur l’aspect multiforme de sa propre entreprise artistique. Pourquoi échapper au livre, effectuer ce saut hors de la page, en multipliant les supports, jusqu’à adopter, selon une expression qui lui est chère « le format de l’ennemi », quand il conçoit des spots publicitaires décalés dans un supermarché ou bien quand il investit avec des affiches géantes les panneaux Decaux dans toute une ville, comme ce fut encore le cas à Dijon à l’automne 2015 ? Les véritables courses cyclistes de Jean de la Ciotat, les chansons de variété de l’album Tunnel de la mondialisation, le documentaire sur les centres téléphoniques Call me Dominik, le discours politique qu’il fait prononcer au maire de Gennevilliers, les performances où l’auteur se travestit en « maman du petit Kevin », les petites bandes dessinées, les pièces sonores radiophoniques dérangeantes pour Arte Radio ou les mini-films semblent explorer toutes les formes possibles d’expression en dehors du livre traditionnel, en annexant à l’art les domaines qui ne lui sont pas forcément dévolus. Avec des moyens apparemment modestes, mais de plus en plus maîtrisés, Jean-Charles Massera multiplie les formes d’invasion artistique des territoires hostiles du néolibéralisme.
2D’où vient cette volonté de multiplier les supports ? Au tout début des années 1990, Jean-Charles Massera découvre jeune homme à New-York l’art contemporain et devient critique d’art pour un magazine spécialisé français. Il a été très marqué par les performances et connaît bien les œuvres marquantes des années 1970 dans ce domaine. C’est spécialement Vito Acconci qui marque profondément Jean-Charles Massera, notamment l’installation « Voice of America » : l’œuvre d’Acconci l’engage à « sortir de la page1 » et du livre ; le choc est tel qu’il se demande même si le mieux pour lui n’est pas d’arrêter d’écrire2. Le but de l’entreprise artistique de Jean-Charles Massera est de « nous remettre en position d’expérience », comme il l’écrit dès 1994, influencé aussi par la lecture de Giorgio Agamben3. Il cherche à « travailler à la possibilité d’une modification », dit-il au cours de la discussion qu’il a eue à la maison de la poésie avec Yves Citton. La dimension performative de son écriture, qu’elle se fasse sur scène, sur des affiches, dans des chansons de variété ou des vidéos est au cœur de son œuvre. « Dans le livre j’arrivais à désigner le problème, mais je n’arrivais pas à le rendre actif esthétiquement » dit-il encore dans un entretien avec le collectif « Résistance contre résistances4 » en 2015.
3 Nous avons retenu, pour cette étude, un échantillon éloquent et très récent de la production artistique de Jean-Charles Massera : les œuvres qu’il a créées lors de l’année 2015. Elles proposent un éventail de formes très variées.
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Quelque-chose en nous de général est une performance théâtrale : un discours politique prononcé par le Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, dans sa ville puis sur les Champs-Élysées.
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Sur deux ou trois questions de base correspond à un affichage publicitaire sur des panneaux Decaux dans la ville de Dijon, dans le cadre de la campagne de communication de rentrée du théâtre.
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Mmm… est un livret de bande dessinée pour le théâtre de Dijon dans le prolongement de ces affiches.
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Ad valorem ratio est une installation vidéo sur deux écrans pour l’exposition Chercher le garçon au musée d’Art contemporain du Val de Marne, le MAC/VAL.
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Mais… ça changera pas le monde…Si ? est une vidéo commandée également par le théâtre de Dijon.
4On remarquera au passage que la formulation de la plupart de ces titres de 2015 semble valoriser une esthétique de l’indéfini (quelque-chose, deux ou trois, mmm…) ou de l’hésitation (points de suspension, interrogation « Si ? ») – ce qui affiche a priori une stratégie inverse à celle du storytelling, qui vend plutôt des certitudes.
5En parcourant rapidement ces cinq œuvres, nous nous poserons systématiquement deux questions. D’abord, comment s’emparent-elles du « format de l’ennemi » ? Ces œuvres empruntent-elles et détournent-elles toujours les formes du storytelling ? Et pour prolonger la polémique que l’auteur avait déclenchée avec Yves Citton à la Maison de la Poésie5, quel rapport ces pratiques contre-narratives entretiennent-elles avec la notion de fiction ? Car l’hypothèse de Jean-Charles Massera et d’Yves Citton était que dans ce monde de storytelling déjà saturé de fictions, l’art doit essayer de proposer autre chose que des fictions supplémentaires, rendues inopérantes par le fait qu’elles ne feraient que s’additionner à ce que la société ultra-libérale propose déjà en masse à travers la publicité, les feuilletons, la politique…
6Une première version de Quelque-chose en nous de général6avait été d’abord écrite pour François Rebsamen, le maire de Dijon, en 2001. Celui-ci n’avait finalement pas voulu prononcer ce discours, et c’était le directeur du centre d’art contemporain qui l’avait déclamé à l’époque. Pour le festival de théâtre du TEG, en 2015, le discours original, qui était plus ministériel, a été entièrement réécrit, réadapté au contexte local, à l’actualité. Patrice Leclerc, véritable maire de Gennevilliers, arborant une authentique écharpe tricolore, le prononce dans sa propre ville. Il renouvelle quelques mois après cette performance sur les Champs-Élysées, lors d’un congrès de maires. Alors que le storytelling s’approprie les codes artistiques de la littérature et du récit, pour les utiliser notamment au service de la politique, l’artiste Jean-Charles Massera s’empare ici des codes du discours politique et les investit, écrivant à l’intérieur du discours d’un véritable élu. La stratégie carnavalesque de retournement s’effectue à plusieurs niveaux puisque Patrice Leclerc, maire PCF de Gennevilliers, semble avoir pris le pouvoir à Neuilly-sur-Seine. Les clichés sur les banlieues riches et pauvres sont renversés. Ce sont les jeunes gens de Neuilly qui sont désignés dans ce discours comme des adolescents en danger, menacés par l’isolement social. On ne peut pas dire que cette performance « crypto-marxiste », comme dirait Sonya Florey7, ou marxiste tout court, ne nous offre pas une fiction : la destruction de cette quinzaine de maisons « protégées par des grilles noires et des thuyas » pour être remplacées par des logements sociaux n’appartient pas à la réalité de Neuilly-sur-Seine, pas encore du moins. Mais la façon dont cette fiction joue avec la réalité est spécialement originale: le fait, par exemple, que Patrice Leclerc ne soit pas un grand orateur et n’ait pas la diction d’un acteur accompli renforce l’ancrage de ce discours dans le réel, quand bien même Jean-Charles Massera n’aurait pas détesté qu’il soit théâtralement plus éloquent. Le texte mêle aux structures archétypales et lancinantes du discours politique des expressions incongrues qui, notamment par leur comique de répétition, minent à la fois le sérieux apparent de la déclaration et l’effet de saturation de l’éloquence politique.
7Les affiches8 qui suivent ont un statut beaucoup moins fictionnel : elles sont intégrées à la véritable campagne de communication du théâtre de Dijon en septembre 2015 : Benoît Lambert a donné toute liberté à Jean-Charles Massera de créer ces publicités pour la nouvelle saison théâtrale, diffusées sur de grands panneaux Decaux. Ce n’est pas la première fois que Jean-Charles Massera s’empare du format de l’affiche publicitaire. Si le théâtre de Dijon est bien identifié en haut de ces trois affiches, celles-ci n’évoquent en rien la programmation de la saison théâtrale : ni les images représentées ni les phrases mises en relief n’ont la moindre relation avec les spectacles de l’année. Pourtant, paradoxalement, cette campagne de communication amènera réellement de nombreux nouveaux abonnés au théâtre, des personnes qui ne s’y étaient jamais rendues auparavant et qui ont été interpellées par les affiches, celles-ci démontrant donc bien qu’elles ont joué leur fonction publicitaire. Deux d’entre elles font appel, volontairement, à l’imagerie traditionnelle de la publicité pour les vacances. L’une représente un randonneur : elle évoque à la fois une publicité pour des équipements de sport de type « Quechua » ou « Décathlon »… et le tableau célèbre de Caspar David Friedrich « Le Voyageur contemplant une mer de nuages », le tout dégageant une sorte de romantisme sportswear : on pense à un Lamartine contemporain qui ferait du camping, à un Chateaubriand des temps modernes adepte de la tente igloo. L’autre représente un paquebot : ce pourrait être une publicité pour un type de vacances plus luxueux, les croisières, le Club Méditerranée. La troisième affiche représente un homme qui semble travailler sur un chantier. Jean-Charles Massera, qui ne sait pas dessiner, utilise depuis quelque temps une palette graphique perfectionnée, qui lui permet de travailler directement d’après des photos. Le fait que ce ne soit pas un vrai dessin éloigne sans doute aussi ce travail de l’idée de fiction ; tout comme le paysage urbain réel qui entoure l’affichage Decaux et qui est vraiment celui du quotidien. S’il est bien l’auteur des illustrations et des phrases, la typographie des affiches a été réalisée par les professionnels qui ont un contrat avec le théâtre. L’imagerie publicitaire traditionnelle à laquelle elles se réfèrent passe volontairement au second plan et ce sont les phrases, tirées de conversations, qui sont mises en avant par rapport à un dessin effacé, en lignes claires et sobres. Ces affiches nous racontent tout de même des histoires : chacune des phrases choisies semble saisie au vol dans le flux d’une conversation, leur style n’est pas celui d’un slogan. Le monsieur au téléphone prévoit sa soirée, la phrase à côté du paquebot esquisse une scène de ménage, la réflexion du promeneur fait suite à une autre, s’ouvrant par « Cela dit »… – comme si l’on entendait par hasard, en passant, un fragment d’une conversation qui ne nous est pas destinée… Chacune de ces phrases mêle à une structure langagière du quotidien des concepts dont l’abstraction semble incongrue : l’épanouissement, la réinvention de la vie, savoir ce que l’on fuit. C’est ce que l’artiste appelle « dézoomer » : partant d’une situation de tous les jours, il y projette de façon inattendue un concept philosophique qui élargit brusquement la perspective. Le but de Jean-Charles Massera avec ces affiches est de créer un effet de suspension : par leur étrangeté, elles provoquent l’arrêt, le questionnement. Centrées sur la question de l’évasion hors du quotidien, elles proposent moins une fiction qu’elles n’invitent le Dijonnais à se créer ses propres fictions. Elles remettent le passant bourguignon en position de réflexion et d’interrogation. Ce dispositif permet bien le détournement du « format de l’ennemi » publicitaire : contrairement au consommateur passif qui subit la publicité, le citoyen qui passe devant ces messages étranges est invité à devenir soi-même le narrateur de fictions d’évasion inédites. Comme il le disait dès 1994, Jean-Charles Massera veut remettre le sujet en position d’expérience.
8Les mini-bandes-dessinées de Jean-Charles Massera9 constituent un prolongement des affiches, car on y retrouve certains dessins. Ils sont repris, non plus dans le format publicitaire « de l’ennemi », mais tirés au contraire vers celui de la bande dessinée expérimentale, comme si la sphère de la culture aspirait le format commercial pour se l’approprier. Le mouvement se fait dans ce sens car on peut penser a priori que les Dijonnais auront d’abord découvert les affiches dans les rues, avant de tomber sur les petits livrets en noir et blanc, petit format, qui sont distribués gratuitement. La bande dessinée est une forme artistique qui passionne Benoît Lambert, qui dirige le théâtre de Dijon, et c’est lui qui a suggéré à Jean-Charles Massera – en voyant ses premiers essais de dessins avec la palette graphique – de prolonger la campagne de publicité du théâtre sur ce support. Les principes de nombreuses vignettes vidéos de Jean-Charles Massera ou de ses œuvres sonores pour Arte Radio se retrouvent ici : les situations dessinées ressemblent à des bribes de conversations saisies par inadvertance dans le quotidien, notamment au téléphone, mais y font irruption des problématiques existentielles et un vocabulaire décalé. Les situations reprises des affiches sont étirées non pas vers un supplément de paroles, mais le plus souvent au moyen de vignettes silencieuses, et le « Mmm » méditatif ou dubitatif que l’on retrouve dans le titre et dans certaines de ces micro-fictions correspond assez à la réaction que le lecteur peut avoir lui-même en rencontrant ces œuvres surprenantes.
9Contrairement aux affiches de Dijon, l’installation vidéo Ad Valorem Ratio10, réalisée, également en 2015, sur deux écrans perpendiculaires, ne s’adresse pas au tout-venant, mais aux visiteurs du MAC/VAL, le musée d’art contemporain du Val-de-Marne, situé à Vitry-sur-Seine, dans le cadre de la grande exposition « Chercher le garçon ». Le format de cette création ne peut pas être assimilé aussi directement que les précédentes à « celui de l’ennemi », mais il s’agit bien d’emprunter les codes de l’entreprise, de traquer les postures des individus au travail pour les interroger. Le format est celui d’une installation dans un musée d’art contemporain mais le formatage dont il est question est celui des individus au sein de l’entreprise. Les vidéos quasi-muettes en dehors de quelques mots (« il dysfonctionne cette fois-ci », « salut Corinne », « non mais ça on va en parler en conf’tel ») mettent en scène trois comédiens : deux cadres et leur patronne, et les différentes scènes jouent sur les clichés identitaires de l’individu dans l’entreprise, et sur les rapports hiérarchiques. « Ad valorem ratio » signifie « selon sa valeur » et s’applique en général à des taxes. Ici, la formule concerne davantage les individus, assignés à des actions spécifiques selon leur rang dans l’organigramme de l’entreprise. Les petits détails concernant l’habillement (on peut enlever sa cravate entre soi, mais on la remet en public) ou le fétichisme relatif aux accessoires que l’on utilise en réunion (les personnes vraiment importantes n’ont pas d’ordinateur avec elles dans une réunion) découlent d’observations authentiques. À partir de ces représentations réalistes, Jean-Charles Massera crée des écarts inattendus, des contrastes, notamment dans cette scène qui rappelle dans l’image le monde de l’enfance, dont l’univers de l’entreprise semble en principe complètement coupé :
10Jean-Charles Massera, Ad Valorem Ratio, MAC/VAL, 2015, capture d’écran.
11Sommes-nous dans une entreprise qui commercialise des jouets ? La régression infantile des deux hommes est de plus en plus discordante, et les jouets peuvent apparaître comme une métaphore de l’infantilisation des salariés, à moins qu’ils ne représentent leur aspiration à l’esprit d’enfance, fréquemment lié à l’art dans l’œuvre de Massera. Rien n’est donné. Dans le cas de cette installation, pas de narration linéaire, notamment à cause des deux écrans qui parfois se font écho et à d’autres moments divergent, mais aussi parce que la succession des différents plans déconstruit l’échelle temporelle du récit. La fiction n’est pas donnée comme fabriquée au spectateur, mais en pièces détachées. Celui-ci est bien plus renvoyé à sa propre réalité, avec des questions sur sa propre façon de vivre le travail, qu’il n’est nourri d’une histoire qui irait d’un point A à un point B. Le silence quasi total impose également au spectateur de poser ses propres mots sur cette œuvre. Christian Salmon a rappelé11 que le storytelling dans les entreprises s’était substitué à une longue tradition de silence au travail. L’injonction au récit et à la parole dans le monde du travail a été inventée pour éviter la perte d’informations. Dans ce film, à l’inverse, s’opère une sorte de retour au silence.
12Intéressons-nous pour finir à une autre œuvre de 2015, très différente : « Mais… ça changera pas le monde… Si ?12 » Ce petit film a également été réalisé pour le théâtre de Dijon et il se distingue assez nettement du reste des œuvres de l’artiste. Il s’agit d’une sorte d’art poétique, qui met en scène Jean-Charles Massera lui-même aux côtés d’une petite fille qui le questionne sur l’art, avec une certaine grâce candide. Ce conte didactique autofictionnel a des accents de tendresse. Un passage de ce film est spécialement intéressant pour ce qui éclairer la réflexion sur la multiplication des formes choisies par l’artiste : il nous donne en effet quelques clés pour accéder à l’atelier de fabrication des œuvres. Massera y définit de façon très synthétique son projet : « construire des formes de représentation avec une visée critique » et l’on retiendra ces paroles :
Ta forme, elle dit quelque-chose ; et ce que ça dit, ce que ça raconte, quand tu développes un peu le travail, en fait tu le trouves pendant que tu développes ta forme, pendant que tu l’inventes, en la cherchant. Alors des fois, on cherche et on trouve rien, faut faire un autre dessin. Parce que, ta forme, elle a pas réussi à dire ce que tu voulais dire, en cherchant ce qu’elle pouvait dire, t’as rien trouvé13.
13La multiplication des formes chez Jean-Charles Massera serait donc une façon de guider l’inspiration, de trouver son propos à travers l’expérimentation, l’essai technique. Le choix du support semble précéder le propos, le construire. Cependant, ces phrases sont à mettre en tension avec d’autres déclarations, qu’il a adressées au collectif « Résistance vs résistances » également en 2015. Ici, on a l’impression contraire que c’est la visée qui précède la forme:
La visée n’est pas de travailler sur telle forme, sur tel nouveau support… mais pour faire telle expérience de quel outil j’ai besoin. Le format est toujours assujetti à la visée, au propos. Je ne veux pas faire forme. Par contre pour dire telle chose, telle forme est juste, et telle autre ne marche pas. La visée première n’est pas de faire forme, de faire œuvre dans la forme. […] La littérature me semble plus pauvre en outillage que le champ de l’art contemporain. Lui est libéré de cette question de format14.
14Au fond, peu importe : le format de l’œuvre et sa visée chez Jean-Charles Massera sont sans doute comme la poule et l’œuf ; toujours est-il que ces déclarations mettent toutes les deux en valeur la dimension expérimentale de cette recherche du format et du propos justes, de même qu’elles soulignent le risque de l’erreur (« alors des fois on cherche et on trouve rien », « telle forme est juste, et telle autre ne marche pas »).
15Ce survol des productions de l’année 2015 indique une orientation du travail de Massera vers des formats comme la BD ou le court-métrage expérimental qui ne sont pas nécessairement liés à des détournements du storytelling. La vidéo est un support de plus en plus maîtrisé par l’artiste, même si ses œuvres peinent à obtenir leur reconnaissance par le petit monde du cinéma français. De même, la bande dessinée expérimentale est une des dernières pistes formelles qu’il ait explorées : le prochain livre publié par Jean-Charles Massera sera un album de bande dessinée. L’appropriation du format de l’ennemi – qu’il soit politique, publicitaire, entrepreneurial – n’est donc pas un champ à l’intérieur duquel l’artiste souhaite cantonner son œuvre, il faut plutôt y voir l’une des expériences qu’il a tentées, parmi d’autres, et qu’il fait évoluer, parce que les formes de son œuvre se déplacent sans arrêt, sont sans cesse en mouvement.