Colloques en ligne

Jean-Christophe Abramovici

Les traces littéraires dans La Fable mystique

1Je souhaiterais suivre ici quelques pistes précédemment ouvertes dans le présent volume. Christian Jouhaud rappelle et analyse dans son étude l’attention que Michel de Certeau prêta à la pratique citationnelle et à son ambivalence. Dans une autre perspective, Michèle Clément décrit la manière dont le texte littéraire se fait entendre dans les écrits de Certeau : non pas comme une « grande voix », mais sous la forme de « débris minuscules de littérature, qui émergent parfois, par la force du montage, dans ses textes1 ». Pour illustrer et creuser ces hypothèses, je souhaiterais interroger les formes d’inscription de la littérature dans La Fable mystique. Non pas les sens qu’y revêt le mot littérature, le périmètre que Certeau donne à ce champ ou la place qu’y occupent les textes qu’il analyse (saint Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, les Poésies sacrées de Labadie). Plus simplement, la manière dont il cite, dont il ponctue son propos de références à des textes appartenant sans conteste à la littérature.

2Dans La Fable mystique, les références littéraires sont à la fois régulières, ponctuelles, mais toujours précises, jamais anodines. Elles constituent des traces signifiantes, le terme de trace étant par ailleurs l’un des leitmotive de l’étude, associé à la marche, à la fois objet d’étude – pérégrinations de Labadie qui « écrit avec ses pieds » (p. 4022) – et une métaphore utilisée par Certeau pour décrire aussi bien le corpus mystique que sa propre démarche de chercheur et de commentateur.

3Aussi sont-elles particulièrement concentrées dans la splendide « Introduction » de la Fable, à juste titre souvent convoquée dans le présent volume, où la littérature remplit la fonction de catalyseur de l’analyse. Avant le départ néanmoins, au seuil reconstitué du travail intellectuel, la trace dit l’intimidation devant l’ampleur et la difficulté de la tâche. Nulle dramatisation cependant puisque la confession est explicitée et mise à distance par le détournement humoristique de la parabole du Procès de Kafka : « semblable à l’“homme de la campagne” », Certeau s’est longtemps confronté à l’intransigeance de « gardiens », allégorie vivante de l’hermétisme des textes mystiques qui mit à l’épreuve la « patience érudite » du chercheur3. Sur un mode héroï-comique, le « piétinement » du héros kafkaïen traduit l’inquiétude de l’écrivain au seuil d’une enquête exigeante. L’humour est posture de modestie, puis geste profond de pudeur au paragraphe suivant, qui file et achève la parabole, glisse du travail intellectuel à la question de la foi, dit le voisinage de la quête à la mort, correctif ou complément à la « maladie d’être séparé » confessée par Certeau dans l’incipit de son essai4. Piétinement oblige, l’empreinte kafkaïenne est profonde, lourde de sens, en partie allégée par la tonalité tragi-comique. Si elle se démarque des autres traces littéraires présentes dans la Fable, plus légères, s’y repère déjà la manière dont Michel de Certeau investit le texte littéraire, avec un mixte de désinvolture et de déférence, d’humour et de gravité. Le détour par la fable libère l’intime, l’ineffable.

4Le seuil franchi, la quête entamée, c’est encore le texte littéraire qui permet de dessiner la singularité d’un parcours sans balise, d’une recherche sans but :

Cette littérature offre des routes à qui « demande une indication pour se perdre » et cherche « comment ne pas revenir »*. Sur les chemins ou les voies dont parlent tant de textes mystiques, passe l’itinérant marcheur. 
[…]
* Marguerite Duras, India Song, Paris, Gallimard, 1973, p. 25, et Le Vice-consul, Paris, Gallimard, 1966, p. 9, sur la mendiante qui va finalement vers le Gange « où elle a trouvé comment se perdre » (Le Vice-consul, p. 181). [p. 25]

L’analogie avec l’« homme de la campagne » du Procès traduisait la lente maturation précédant l’écriture ; celle avec la mendiante, figure récurrente des romans de Marguerite Duras, l’absence d’interprétation prédéterminée, la prudence de l’analyste. La micro-citation découpe deux formules paradoxales traduisant l’idée d’une quête sans but ; la note de bas de page identifie et référence le lieu et la fiction de l’errance, en proposant une troisième formulation analogue. Le texte littéraire traduit moins ici l’indicible (comme dans le cas de la parabole du Procès) qu’il ne propose une image ou une formulation signifiante, comme lorsque Certeau, quatre pages plus loin, justifie son refus de proposer une définition préalable de la mystique :

Ce qui est d’abord en cause, c’est la formalité du discours et un tracer (un marcher, Wandern) de l’écriture : la première circonscrit un lieu ; le second montre un « style » ou un « pas », au sens où, d’après Virgile, « la déesse se reconnaît à son pas »*.
[...]
* Virgile, Énéide, I, 405 : « Vera uncessu patuit dea. » C’était le moment de son départ : la déesse se reconnaît quand elle s’en va. [p. 28]

L’association de la marche, de la littérature et de la trace dit l’impossibilité de caractériser a priori un verbe mystique aux côtés duquel il convient plus modestement de cheminer. En plus de référencer, la note de bas de page se fait ici récit, de par l’effet de narrativisation attaché à l’imparfait « C’était… ». Au pas de la déesse répond plus loin, dans le développement sur le conversar et le volo présent à l’ouverture de toute parole mystique, la première référence au Robinson de Defoe : « Au seuil du discours mystique, un ailleurs se sculpte sur le langage, telle l’empreinte du pied de l’inconnu sur le rivage de l’île de Robinson » (p. 240). L’image est reprise et développée une trentaine de pages plus loin, en conclusion de l’analyse consacrée à Thérèse d’Avila au regard de laquelle le mythe de Robinson apparaît comme perversion du « roman biographique » : de la mystique espagnole au romancier anglais, il y a non pas continuité mais changement de paradigme, passage de l’altérité à soi du château intérieur à l’île-prolongement narcissique et bourgeois du Moi5. Comme si la mise en page était en soi signifiante, c’est dans la note de bas de page qu’est reléguée l’empreinte du pied de Vendredi qui relie le passage aux analyses antérieures et souligne discrètement la cohérence de l’analyse :

* « Restent » seulement, de la problématique « mystique », la trace de pied nu sur le bord de l’île et tout le désordre (fluttering thoughts) qu’introduit la peur ou la haine de l’inconnu. [p. 273]

5S’il serait peut-être abusif de parler d’une « poétique de la note » chez Michel de Certeau, ses notes de bas de page ne sont d’évidence pas simplement « fonctionnelles » : elles consignent certes les références, mais ont au moins autant pour fonction de suggérer quels ont été les parcours sinueux de la pensée, d’indiquer des « ailleurs », des traces du travail intellectuel antérieur offertes au lecteur comme autant de pistes à explorer. Témoin la page évoquant la figure de la folle ou de l’idiote qui traverse les textes mystiques :

Pas plus que la mort, la folie de l’idiote n’entre dans le discours de la communication. Elle n’est pas symbolisable. Le rebut ne saurait se muer en « sainte ». L’opération monastique échoue. La folie de la folle consiste à ne pas (pouvoir) participer à la circulation du signifiant ; à n’être, par rapport à sa folie même, que sa « simulation » ; à n’avoir du verbe que l’expérience d’une trahison ; à se garder de la valeur constituante de la parole ; à récuser qu’« il en soit fait selon ta parole »*. Cette femme ne saurait être là – là où la place le discours communautaire. Perdue dans l’autre, où « personne ne sait », elle disparaît. « Chose tombée », et « ravie ». La connaître, c’est n’en rien savoir, « en savoir moins encore, de moins en moins**. Ainsi le récit : il reste en suspens, il ne sait pas. Avec « elle », il n’y a rien à dire ni à faire. Rentrez chez vous avec le secret qui vous détourne sans que vous sachiez où : la sagesse, c’est toujours « pas ça ».
Le lecteur, séduit par ce « rien », deviendra-t-il fou à son tour, ou bien, retourné chez lui, cherchera-t-il, s’il se peut, à oublier ce qui lui est retiré ? De n’être jamais là où on pourrait la dire, la folle a falsifié le contrat que l’institution garantit*** et qui protège contre le « vertige » de ne pas savoir « à quoi m’en tenir sur le désir de l’autre, sur ce que je suis pour lui »****. Finalement, aucun contrat, fût-ce le premier et dernier de tous, celui du langage, n’est par elle honoré. En répétant nos mots et nos histoires, elle y insinue leur mensonge. Peut-être, tandis que le sym-bolos est fiction productrice d’union, est-elle alors dia-bolos*****, dissuasion du symbolique par l’innommable de cette chose. [...]
* Cf. François Perrier, in Psychanalyse, n° 2, 1956, p. 187, citant l’Évangile de Luc, I, 38.
** Marguerite Duras, Le Ravissement de Lov V. Stein, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1976, p. 81. Cf. Michèle Montrelay, L’Ombre et le nom, Paris, Minuit, 1977, p. 9-23.
*** Cf. Claude Reichler, La Diabolie. La séduction, la renardie, l’écriture, Paris, Minuit, 1979, p. 41-46.
**** Roland Barthes, Roland Barthes, Paris, Seuil, 1975, p. 149.
***** Cf. Claude Reichler, op. cit., p. 11, n. 5. [p. 57-58]

6Dans un style coupé où les asyndètes miment le mouvement improvisé de la réflexion, les bribes de littérature sont d’autant plus amalgamées à la parole de Certeau que les guillemets qui les démarquent servent également à souligner les termes-clés de l’analyse (sainte, simulation, rien) ou les mots d’époque (le lacanien « pas ça »). Lorsqu’elles ne précisent pas une référence, les notes quant à elles « renvoient » (conferre), mais de manière presque toujours indirecte. La première cite la parole d’acceptation de Marie faite à l’ange à la fin de la scène de l’Annonciation de l’Évangile selon saint Luc, mais en passant par le relais de l’étude du lacanien François Perrier portant sur l’institution de l’individu par la parole. La seconde met en regard la page du Ravissement de Lov V. Stein dont sont extraites les quatre micro-citations utilisées dans le corps du texte et L’Ombre et le Nom de Michèle Montrelay, autre psychanalyste lacanienne et amie de Certeau, invitation à reconnaître dans l’idiote certalienne, comme dans la folle durasienne, des incarnations possibles de cet archaïque féminin de l’inconscient qu’avait théorisé Montrelay. La quatrième note enfin propose un renvoi au R. B. de Roland Barthes qui se révèle assez surprenant. Dans un court fragment intitulé « Éloge ambigu du contrat » – contrat rompu ou falsifié par le silence de la folle que considère Certeau – Barthes pose en effet l’hypothèse que le « modèle du bon contrat, c’est la Prostitution », en ce qu’il « libère en fait de ce qu’on pourrait appeler les embarras imaginaires de l’échange : à quoi m’en tenir sur le désir de l’autre, sur ce que je suis pour lui ?6 ». S’il y a d’évidence ici malice, peut-être clin d’œil entre initiés, Certeau esquisse moins un rapprochement entre l’Institution et la prostitution qu’il n’écrit en glaneur, déroule sa réflexion à partir d’une formule empruntée qui acquiert sous sa plume un sens nouveau.

7Attentif aux modelages infinis de la langue, Certeau convoque souvent la poésie dans ses analyses. Dans La Fable mystique, les vers se mêlent parfois sur un mode léger au commentaire, comme dans la longue analyse du Jardin des délices de Jérôme Bosch :

Ces chemins de non-sens composent, tel un réseau d’anamnèses interminables, l’Ailleurs d’un paradis qui n’est pas celui d’une doctrine ésotérique, d’un mythe passé ou d’un carnaval contemporain, Mais le vert paradis des amours enfantines...
Est-il déjà plus loin que l’Inde et que la Chine* ?
Oui, car les références indiennes du paysage, ses chinoiseries (tels ses cristaux) et ses turqueries (par exemple le démon arborescent) sont les métaphores d’un autre exotisme. À dénombrer ces trésors d’Orient, comme le fait admirablement Baltrušaitis, c’est un vocabulaire et non la phrase qu’on déploie. Un dictionnaire, et non le poème. 
[…]
* Baudelaire, Les Fleurs du mal, « Moesta et Errabunda ». [p. 94]

Amputés de « L’innocent paradis, plein des plaisirs furtifs » qui pourtant constitue sans doute le point d’accroche premier à l’analogie, les vers de Baudelaire sont proprement amalgamés à la parole de Certeau qui répond à la question du poète tout en poursuivant sa glose picturale. À la page suivante, notant la récurrence du motif du fruit rouge dans le tableau de Bosch, Certeau passe d’un Parnasse l’autre, du xixe au xvie siècle :

C’est également un “symbole de l’impureté”, dit rondement l’historien*, objet de possession goulue, ou blason de ce corps féminin que chantera Clément Marot,
... Au milieu duquel est assise
Une fraise ou une cerise
Que nul ne voit, ne touche aussi**...
[...]

* E. Delaruelle, « La vie religieuse populaire en Occident dans les années 1500 », in Colloque d’histoire religieuse, Grenoble, 1963, p. 30.
** Poètes du xvie siècle, éd. A.-M. Schmidt, Paris, Pléiade, 1953, p. 332. Sur la fraise, cf. aussi Lexicon der christlichen Ikonographie, t. 1, p. 656-657, art. « Erdbeere » : 1. « Weltlust », 2. « nourriture des élus », 3. « plante du paradis », etc. [p. 95]

Non sans malice et discrète ironie, Michel de Certeau fait ici mine de s’offusquer de l’affirmation tranchée de l’historien savant, avant lui-même d’abonder dans le sens d’un « libertinage » de Bosch par l’insertion des trois vers érotiques de Clément Marot (« Le beau tétin » et sa rouge aréole) tout en consignant en note les références propres à satisfaire un lecteur soucieux de déchiffrement plus symbolique et orthodoxe.

8Ailleurs, l’analyse procède plus étroitement du vers et d’une réflexion sur la poésie. Plus désincarnés mais aussi substantiels que les fruits rouges du Jardin des délices, les châteaux intérieurs de Thérèse d’Avila n’ont de représentation que langagière :

Aussi l’écriture née de ce « rêve » s’attache-t-elle à en souligner la beauté, la hemorusa de este castillo. Il est todo de un diamante y muy claro cristal. Nulle part il n’est question de sa vérité. La « comparaison » est sans doute pour Thérèse l’équivalent de ce que le poème est à Jean de la Croix ou à Surin. Est beau ce que l’être n’autorise pas. Ce qui vaut sans être crédité du réel. Ainsi la « Beauté » chez Mallarmé, identique à la « Croyance », est pur commencement. Elle est ce qu’aucune réalité ne soutient : « Celle qui ruine l’être, la Beauté*. »
[...]
* Yves Bonnefoy, Hier régnant désert, Paris, Mercure de France, 1964, p. 32. [p. 269]

9À l’opposé de la prose et de sa prétention à dire le réel ou le vrai, la parole poétique seule peut seule traduire l’idéal. Le vers de Bonnefoy qui parachève le développement illustre à la fois l’idéal mallarméen (dont l’auteur de L’autre langue s’est fait souvent le commentateur) et comme l’épure des formulations précédentes de Certeau qui tournent autour ou jouent de la forme-vers : « Est beau ce que l’être n’autorise pas » (onze syllabes) ; « Ce qui vaut sans être crédité du réel » (alexandrin dont les temps forts effacent l’hémistiche) ; « Elle est ce qu’aucune réalité ne soutient » (treize syllabes »), avant la résolution musicale d’un décasyllabe hétérodoxe, dont le premier hémistiche prosaïque, qu’étire la césure lyrique (« Celle qui ruine l’être », sept syllabes) détache et isole la forme-sens du second (« la Beauté »).

10Dans les dernières pages consacrées à Labadie et au nouveau sens que revêt dans son parcours l’idée de conversion – non plus allégeance à une foi particulière, mais entreprise immanente de déchiffrement, « geste éthique d’un défi traversant un désert de sens » (p. 405) –, le passage impromptu à deux strophes en vers libres d’Yves Bonnefoy vient illustrer ou traduire métaphoriquement le parcours du mystique tout en réintroduisant le motif de la marche :

Tu es seul maintenant malgré ces étoiles,
Le centre est près de toi et loin de toi,Tu as marché, tu peux marcher, plus rien ne change,
Toujours la même nuit qui ne s’achève pas.

Et vois, tu est déjà séparé de toi-même,
Toujours ce même cri, mais tu ne l’entends pas.
Es-tu celui qui meurt, toi qui n’as plus d’angoisse,
Es-tu même perdu, toi qui ne cherches pas* ?

Le poème, comme toujours, devance la marche. Mais peut-être l’a-t-elle rendu possible, par l’un de ces détours que multiplient les ruses de l’histoire. En tout cas, elle aboutit bien en cette étendue qui a cessé de parler, muette, où le nomade, s’il a toujours ce même cri, n’a plus pour « dire » que le « mensonge » d’une image. Il ne cherche plus un lieu où se perdre, car il se perd en tout lieu.[...]
* Yves Bonnefoy, Hier régnant désert, Paris, Mercure de France, 1964, p. 14. [p. 405]

Reflet ou le révélateur intemporel de l’expérience mystique, le poème guide et balise l’avancée du commentaire.

11Pour refermer cette traversée des traces littéraires de La Fable mystique, de l’errant Labadie, on reviendra aux folles errantes de Marguerite Duras qu’évoque plus longuement une page du premier chapitre :

La mendiante reste invisible dans India Song. Sans nom et sans figure. Son ombre seule traverse l’image, tandis que va et vient, loin des autres voix, son chant de Savannakhet, innocent, interminable. C’est la passante à travers les textes de Marguerite Duras. Elle ne parle pas. Elle fait parler. Portant la faim en elle, elle vient au seuil des cuisines. « Elle, maigreur de Calcutta pendant cette nuit grasse, elle est assise entre les fous. Elle est là, la tête vide, le cœur mort, elle attend toujours la nourriture. » Elle se tient là, avec les reste. Oublieuse. Déliée, c’est-à-dire absolue*.
La ravie séduit. Elle effraie aussi. Je me mets à la suivre par des histoires qui n’ont (presque) pas d’âge, dans une partie de ma mémoire qui m’est devenue la terre étrangère, jadis familière, des origines chrétienne. Je la cherche en son Orient, quand pour la première fois passe au désert d’Égypte la femme qu’on appelle salê, l’idiote. Au commencement de la tradition qui trace une folie sur les bords du christianisme, il y a cette femme. 
[...]* Marguerite Duras, Indian Song, Paris, Gallimard, 1973, p. 25 et Le Vice-consul, Paris, Gallimard, 1966, p. 9, 105, 149, 181, etc. [p. 48]

N’étaient présents ici les guillemets démarquant la citation d’Indian Song, il serait peu évident de la repérer7, tant l’écriture de Michel de Certeau marche dans les pas de celle de Duras, dans ce style coupé dont on a rappelé qu’il lui était tout autant naturel.

12Je me mets à la suivre… Le roman enclenche proprement ici la fiction de l’analyse, autorise l’étonnante mise en scène du chercheur errant, partant à la quête des origines oubliées de la figure durassienne dans une partie de [l]a mémoire qui est autant la sienne propre que celle de l’Occident.

13Les traces littéraires dans La Fable mystique sont tout autant les restes des lectures qui ont nourri l’imaginaire du chercheur et servent de matériau à son travail d’écrivain que les signes guidant son analyse. Pour reprendre l’un des intertitres du chapitre consacré à Thérèse d’Avila, la littérature est « une fiction qui fait marcher », préside au commentaire. Si, techniquement, la pratique citationnelle de Michel de Certeau morcèle le dire de l’autre, elle ne vise à créer aucun effet de réel, ne ménage aucune place d’autorité. Mis en exergue et décalés à la fois, les fragments littéraires sont, dans La Fable mystique, opérateurs de fiction et d’écriture.