Colloques en ligne

Alain Corbellari

L’Écrivain et le Professeur. Michel Houellebecq et Jean Borie : lecture croisée

1Houellebecq, on le sait, ne déteste pas les universitaires : s’il les brocarde gentiment dans Soumission, c’est qu’il s’est bien renseigné sur leur milieu1, et parmi les auteurs français contemporains il est l’un des plus accueillants au discours que l’Université tient sur son œuvre.

2Il n’est donc a priori pas invraisemblable qu’il ait pu être influencé par les écrits de tel ou tel chercheur, lui qui affirme que « Les ‘réflexions théoriques’ [lui] apparaissent comme un matériau romanesque aussi bon qu’un autre, et meilleur que beaucoup d’autres2 ». J’aimerais poser ici la question d’un lien possible entre son œuvre littéraire et celle, scientifique, d’un grand dix‑neuviémiste français récemment disparu, Jean Borie, qui me semble partager avec lui une même vision d’un siècle qui, de l’aveu de bien des exégètes d’aujourd’hui, n’a pas fini nous hanter.

3Il ne s’agit pas d’affirmer ici que Houellebecq a été directement influencé par Jean Borie, et encore moins de dire qu’il ne serait pas Houellebecq s’il n’avait pas connu les travaux de cet universitaire. La pensée du xixe siècle occupe une place trop centrale dans l’axiologie houellebecquienne pour que celle‑ci puisse avoir une origine unique. On ne prétendra d’ailleurs pas non plus que Jean Borie ait été tout à fait le seul à soutenir sur la littérature du xixe siècle des idées que l’on retrouve à des degrés divers chez de nombreux autres penseurs et chercheurs ; ne mentionnons ici que Philippe Muray dont la convergence des idées avec celles de Houellebecq n’a plus à être démontrée3.

4Certes, dans la mesure où Jean Borie s’est imposé, à la fin du xxe siècle, comme l’un des exégètes les moins contournables de Huysmans (articulant les analyses qu’il lui a consacrées sur des travaux thématiques plus généraux qui ont considérablement renouvelé notre vision de la littérature dite naturaliste), il m’a semblé légitime de supposer que Houellebecq avait dû au moins le lire au moment de l’élaboration de Soumission. Mais ce soupçon n’est pas motivé par l’idée de déceler une « source cachée » de Houellebecq (qui ne le cite en effet jamais explicitement). En rappelant ici l’originalité propre des travaux de Jean Borie, je ne souhaite qu’offrir aux houellebecqiens un élément de comparaison et de convergence qui me semble susceptible d’éclairer certain « discours sur le xixe siècle » et d’écorner quelque peu la vision à mon sens exagérément irénique que beaucoup de critiques donnent d’un Houellebecq vierge de tentations idéologiques4.

5Jean Borie (1935‑2014), a enseigné en Amérique, puis à Orléans (de 1971 à 1985) avant de terminer sa carrière comme professeur ordinaire à l’Université de Neuchâtel (de 1985 à 1998), où l’auteur du présent article a eu la chance de suivre ses cours. Jean Borie soignait, avec sa barbe zolienne, une apparence d’homme directement sorti du xixe siècle5 ; l’une des idées qui revenaient le plus régulièrement dans son enseignement (lequel débordait fréquemment la littérature au sens étroit du terme pour aborder les grands utopistes sociaux du xixe siècle) consistait à affirmer que le xxe siècle n’avait rien inventé et que toutes les idéologies et les esthétiques sur lesquelles il s’était appuyé dataient du xixe ; on sait que cette idée est partagée par Houellebecq qui déclarait par exemple :

Je revendique l’idée qu’esthétiquement le xxe siècle n’a pas produit grand‑chose. C’est un siècle médiocre. Le xixe siècle est le sommet de ce qu’a pu produire l’Occident6.

6Universitaire consciencieux, quoique ne détestant pas la provocation, Jean Borie n’a certes jamais risqué par écrit un aveu aussi tranché. Il n’hésite cependant pas à effectuer quelques captations significatives. Abordant un penseur que l’on reconnaît généralement comme l’un des plus influents du xxe siècle, il n’hésite ainsi pas à le tirer vers le siècle précédent :

La Nausée m’a toujours paru un livre appartenant au xixe plutôt qu’au xxe siècle, un livre strictement contemporain de Flaubert, de Zola, de Huysmans7.

7Houellebecq, de son côté, disait que La Nausée était « un bon livre8 », jugement qui, quand on sait sa sévérité pour la littérature du xxe siècle, ne manque pas de poids. Et lorsqu’il évoque l’histoire des idées, Jean Borie apparaît presque plus cynique que Houellebecq, puisque les « grandes réalisations » du xixe siècle lui semblent davantage appartenir à l’idéologie qu’à l’art ; la liste qu’il en dresse est édifiante :

La lutte des classes, l’inconscient, le racisme de l’Occident, la gloire de l’histoire, son impatience et ses fraudes, se dévoilent au xixe siècle, et déjà informent et retiennent les esprits9.

8Surtout pour Borie, c’est un siècle dont nous ne sommes pas sortis :

Il n’existe aucune solution de continuité entre le xixe siècle et nous, et c’est pourquoi ce siècle nous agace : il relève plus largement du démodé que de l’Histoire. La politique du xixe siècle a consisté à accoucher lentement, à travers bien des convulsions, d’un régime que nous avons adopté et que nous considérons généralement comme définitif. […] Cette situation est désobligeante pour tout le monde10.

9Nous aurons l’occasion de revenir sur cette axiologie.

10L’œuvre de Jean Borie est abondante : élève, dans les années 1960, de Jean‑Paul Aron, il s’est vu dédier par ce dernier l’un des chapitres de son ouvrages Les Modernes11, assimilation paradoxale, mais en définitive non usurpée pour un chercheur qui, en pleine effervescence structuraliste, osait proposer une critique thématique frottée de psychanalyse et (quoique plus discrètement) de marxisme pour revisiter l’œuvre des auteurs de la fin du xixe siècle et en particulier de Zola à qui étaient consacrés ses deux premiers livres : Zola et les mythes ou de la nausée au salut (Le Seuil, 1971) et Le Tyran timide (Klincksieck, 1973). Ces deux ouvrages ont valeur de césure dans la critique zolienne, prisonnière jusque‑là des outils que l’auteur de L’Assommoir avait lui‑même forgés orientant l’analyse de son œuvre vers le mimétisme documentaire. Borie tentait le premier une lecture « mythologique » et fantasmatique des Rougon‑Macquart, elle-même devenue poncif : il est aujourd’hui admis que Zola est génial malgré son esthétique naturaliste plutôt que grâce à elle ; encore fallait‑il le dire.

11Ses deux ouvrages suivants avaient une portée plus générale : Mythologies de l’hérédité au xixe siècle (Galilée, 1981) replaçait Zola dans les polémiques scientifiques (et para‑scientifiques) de son temps, et Le Célibataire français (Le Sagittaire, 1976, sur la quatrième de couverture duquel on trouvait l’importante précision que Jean Borie était « marié et père de deux enfants12 ») lançait un thème que la critique plus récente a abondamment repris. On notera ainsi que le livre de Borie n’est pas cité par Marc Smeets qui documente le thème du célibataire à l’aide du collectif, de vingt ans postérieur, dirigé par Jean‑Pierre Bertrand (Le Roman célibataire, Corti, 1997)13.

12En 1989, Borie publie chez Payot Un siècle démodé, qui recueille des articles et des préfaces augmentés de quelques chapitres introductifs, dont l’un reprend un texte de synthèse essentiel, sa leçon inaugurale à l’Université de Neuchâtel, qui proposait un classement des écrivains français du xixe siècle en « prophètes » et en « réfractaires », l’auteur laissant transparaître, on s’en doute, une préférence pour les seconds. Nous y reviendrons.

13C’est en 1991 que Borie publie celui de ses livres qui aura le plus de succès, son Huysmans. Le diable, le célibataire et Dieu14, par lequel il entrera dans l’écurie Grasset qui publiera tous ses livres suivants : Frédéric et les amis des hommes (1995, une lecture de L’Éducation sentimentale), Archéologie de la modernité (1999, qui élargit de Chateaubriand à Flaubert un propos traditionnellement centré sur Baudelaire), Une forêt pour les dimanches (2003, portrait littéraire de la forêt de Fontainebleau), ainsi qu’un livre inclassable, auto‑défini comme « roman » (sic !), Un esprit si craintif (2001), qui mêle fragments autobiographiques déguisés et fantaisies intellectuelles évoquant « le soulèvement de la Beauce », « la prise de Pontarlier par les troupes Suisses » ou encore « l’éloge du Vieux Con ». À ces ouvrages s’ajoutent quantité de préfaces et articles divers, mais qui ne s’éloignent jamais beaucoup des thèmes centraux développés dans les livres.

14La quintessence de la pensée de Borie, on la trouve dans le texte déjà cité « Prophètes et réfractaires » ; aux prophètes, Hugo, Michelet, Zola et les grands utopistes (de Saint‑Simon à Cabet), dont Borie se délecte à démonter les délires progressistes, s’opposent les réfractaires, Stendhal, Baudelaire, Flaubert, Huysmans et même Céline (lu, comme Sartre, selon une grille dix‑neuviémiste), ironistes et critiques qui, dans une logique que développera plus tard Antoine Compagnon dans Les Antimodernes15, se révèlent en fin de compte plus « modernes » que les prophètes.

15Borie, surtout, insistait — et en ce sens‑là il est très proche de Houellebecq — sur le caractère toujours actuel des clivages du xixe siècle :

J’ai tenté de mettre en évidence un conflit dans la littérature du xixe siècle, un conflit qui me paraissait riche de sens parce que non résolu, toujours ouvert, toujours à vif aujourd’hui, bien que tant de gens se livrent à des contorsions pour faire semblant de ne pas le voir16.

16Mais, à ce qu’il n’hésite pas à décrire comme une conspiration du silence, Borie voit un corollaire, qui est le dévoilement au xxe siècle de l’hypocrisie des idéologues du xixe, comme il le disait déjà au début du Célibataire français :

Il n’a pas du tout été nécessaire d’attendre 1940 pour que, sous l’inscription Liberté, Egalité, Fraternité, apparaisse le palimpseste Travail, Famille, Patrie, qui constitue la traduction spécifiquement française d’une devise sans doute trop illusoirement universelle pour satisfaire notre intime xénophobie et nos allégeances les plus tyranniques et les plus secrètes17.

17Et les paradoxes que Borie ose ici et là ont aussi un aspect houellebecquien :

Les seuls vrais misogynes, ce sont évidemment les féministes, tout comme les humanistes sont les seuls misanthropes véritablement dangereux18.

18Dans la même veine, l’une des critiques les plus décapantes que fait Borie est celle de la notion d’individu. Ainsi écrit‑il dans Le Célibataire français :

Les grands prophètes du progrès, les grands hommes de la démocratie socialisante ont été constamment, au xixe siècle, les pires ennemis de l’individu, qu’ils prétendaient, démocratiquement défendre. Ces prophètes de gauche n’ont cessé de forger une idéologie de gouvernement pour la droite. C’est l’inconvénient des hommes à causes, des amis des opprimés, des avocats : ceux‑là disent nous théâtralement, devant le tribunal, mais c’est leur client, tout seul, qui va se faire couper la tête19.

19On peut, je crois, rapprocher cette critique des beaux sentiments de la gauche, qui n’aboutissent qu’à renforcer le pouvoir en place, des piques lancées par Houellebecq dans Les Particules élémentaires contre les conséquences de l’idéologie soixante‑huitarde.

20Et l’on ne peut par ailleurs qu’être frappé par un beau développement de Borie sur la nature qui lui paraît un de ces concepts à tout faire, dans une logique, ici encore très houellebecquienne, de dénonciation des manipulations idéologiques :

L’avantage pratique considérable du concept de nature (et qui vient d’un long usage) c’est qu’il peut à volonté se personnaliser ou se dépersonnaliser, s’animer dans le biologique ou se pétrifier dans le silence des espaces infinis, se dissoudre en feuillages et chants d’oiseaux ou se concentrer en essence, s’apaiser en sommeil ou s’ordonner en savoir, s’ouvrir en devenir ou se refermer en rappel d’un donné20.

21Pour revenir à Huysmans, peut‑on voir des liens entre le héros de Soumission et Jean Borie ? Le titre de la thèse du narrateur houellebecquien est déjà parlant : il l’intitule Joris‑Karl Huysmans, ou la sortie du tunnel21, ce qui n’est pas sans faire signe au titre de la thèse de Borie, Zola ou les mythes ou de la nausée au salut. Dans les deux cas, le point de vue interprétatif dessine une trajectoire à la fois biographique et scripturale de l’auteur qui accomplit sa rédemption par l’écriture. Borie et Houellebecq ont d’ailleurs un point de vue proche sur le rapport de la vie à l’œuvre. Ainsi Borie écrit‑il au tout début de son Huysmans :

En littérature, il n’y a que ce qui est raconté qui soit sûr. Une notice biographique ne permet jamais de déduire l’œuvre, au mieux elle la vérifie22.

22Houellebecq, pour sa part, dans Soumission, fait dire à son héros qui recommande à ses étudiants de lire l’œuvre d’un auteur dans l’ordre chronologique :

Non que la vie de l’auteur ait une réelle importance ; c’est plutôt la succession de ses livres qui trace une sorte de biographie intellectuelle, ayant sa logique propre23.

23De fait, le point de vue du personnage de Houellebecq sur Huysmans épouse celui de Borie, tous deux se concentrant sur l’évolution du personnage huysmansien vu comme unique à travers l’ensemble de l’œuvre romanesque. Borie écrit ainsi :

Un romancier crée des personnages. Il est rare que, comme Huysmans, il se contente d’en faire vivre un seul. Cela signifie que son personnage est d’une nature particulière, qu’il est un gouffre qui aspire tout. Il se déplace d’un roman à l’autre comme une question non résolue, ses changements sont très lents, sa stabilité très grande24.

24Houellebecq prête de son côté à son héros les propos suivants :

Ce qui permit finalement à Huysmans, dès le roman suivant [après En Rade], de sortir de l’impasse, est une formule simple, éprouvée : adopter un personnage central, porte‑parole de l’auteur, dont on suivra l’évolution sur plusieurs livres. Tout cela, je l’avais clairement exposé dans ma thèse25.

25On notera tout de même une différence entre les deux points de vue : Borie juge « très rare » ce que Houellebecq estime au contraire très courant, mais il n’est pas impossible que le premier se place du point de vue du xixe siècle et que le second soit au contraire davantage influencé par la floraison très contemporaine de l’autofiction, qui a en effet banalisé le procédé huysmansien et a peut‑être même contribué à remettre à la mode l’auteur d’À rebours.

26Corollairement, la lecture des écrivains se fait volontiers, chez Borie comme chez Houellebecq, selon des grilles qui mettent en avant les obsessions plus que les idées proprement dites, à la manière de ce que fait Barthes dans son fameux ouvrage d’inspiration bachelardienne sur Michelet26. Ainsi Houellebecq, admirateur déclaré d’Auguste Comte, n’hésite‑t‑il pas à le brocarder dans le même temps qu’il en fait l’éloge :

Il peut paraître surprenant de rapprocher Comte et Fourier, tant leurs systèmes s’opposent. Ils ont pourtant en commun, outre une ampleur de vue confinant à la mégalomanie, voire à la folie (plutôt de type délirant chez Fourier, maniaque chez Comte), la certitude que la société peut être réorganisée sur des bases entièrement nouvelle en l’espace de quelques générations — voire de quelques années, suivant la formation sociale concernée27.

27Bien qu’il déplore « la honteuse médiocrité des ‘sciences humaines’ au xxe siècle28 », Houellebecq leur emprunte donc au moins leur regard démythifiant sur les objets culturels. En même temps, il pose sa propension à l’irrévérence en porte‑à‑faux dans une époque qui ne supporterait plus la provocation, et c’est ici encore le xixe siècle qu’il valorise comme temps de la parole vraie :

Quand une société est forte et sûre d’elle‑même, comme la France du xixe siècle, elle peut supporter une littérature négative29.

28Houellebecq penserait‑il implicitement ici à la distinction borienne entre « prophètes » et « réfractaires » ? Il est difficile de nier que notre époque est saturée de littérature nihiliste, parmi laquelle l’œuvre de Houellebecq fait bon poids, mais on distingue aussi chez notre auteur la nostalgie d’une littérature compensatrice à laquelle, sans y adhérer, il pourrait au moins vouer une certaine admiration teintée d’ironie, à la manière de Baudelaire ne pouvant s’empêcher d’admirer Victor Hugo, auteur dont il est difficile de nier la « force » et la « santé » pour reprendre des concepts dont le xixe siècle a justement fait un si grand usage et que Houellebecq prend à l’évidence au sérieux. Or, il n’est que de voir la tristesse navrée avec laquelle il évoque « cet aimable idolâtre » de Christian Bobin et « l’impression qu’il donne sans cesse de s’émerveiller devant son propre émerveillement », avant de « descend[re] de quelques degrés dans l’horreur » en prononçant du bout des lèvres le nom de Coelho30 pour comprendre que rien, à ses yeux, ne s’approche à notre époque d’une littérature qui serait à la fois optimiste et « forte ».

29Il y a cependant peut‑être — paradoxalement — plus de foi en l’avenir technologique chez l’écrivain Houellebecq que chez l’universitaire Borie : son allégeance à Comte et le désir qu’il exprimait en 1996 d’une « nouvelle ontologie » répondant à la « nécessité d’une dimension religieuse31 » de notre société trahissent chez l’auteur d’Extension plus de vraie fascination pour les utopistes du xixe siècle que n’en expriment les essais de Jean Borie. Mais les lecteurs qui, encouragés par les déclarations de Houellebecq lui‑même, étaient tentés de prendre au sérieux la profession de foi positiviste du narrateur des Particules ont sans doute été refroidis par La Possibilité d’une île. L’ambiguïté étant le propre du romancier, Houellebecq a évolué vers plus de scepticisme : « réfractaire » par vocation, il n’a pas dédaigné de donner des gages aux « prophètes », ne serait‑ce que pour sainement brouiller les pistes.


***

30En conclusion, cette lecture croisée apparaît‑elle probante ? La convergence Borie‑Houellebecq ne me semble faire aucun doute. La focalisation des deux auteurs sur Huysmans doit sans doute quelque chose à une certaine mode qui, au tournant du millénaire, a rapproché deux « fins de siècle », mais cette mode, si mode il y a, Jean Borie l’a précédée et entretenue, et Houellebecq, écrivant en 2015, s’en éloigne déjà32. Au‑delà de cet auteur emblématique, réalisant le paradoxe d’un naturalisme esthète, leur vision enthousiaste du siècle de Flaubert et de Baudelaire, qui nous change du « stupide xixe siècle » de Léon Daudet (les simplificateurs qui cherchent à mettre dans le même sac tous les soi‑disant « réactionnaires » feraient bien d’en prendre de la graine), nous permet de réfléchir sur les fondements sinon du monde, du moins de la France contemporaine. Leurs écritures, teintées d’humour et non dénuées d’une certaine tendresse ironique, se rejoignent dans la mesure où les essais de Borie sont hantés par la tentation romanesque, tandis que les romans de Houellebecq revendiquent, on l’a rappelé, une composante réflexive ; leurs postures les différencient donc tout en les réunissant : tous deux ont su témoigner de ce qu’une fascination pour un siècle « démodé » permettait un regard particulièrement incisif sur un présent dont on ne viendra jamais à bout.