Colloques en ligne

Bruno Méniel

Pitié et piété dans Didon se sacrifiant de Jodelle

1Si l’épopée propose une vision masculine du monde, il se pourrait que la tragédie humaniste reflétât une vision féminine. De fait, l’attention des exégètes s’est souvent concentrée sur le personnage de Didon, comme sur celui qui, donnant à la pièce de Jodelle son titre, recélerait aussi la clef de sa signification. Pourtant, au théâtre, où l’interprétation du spectateur n’est pas orientée par la perspective d’un narrateur, chaque personnage a sa chance, et l’acteur choisit de défendre ou de noircir celui qu’il incarne. Écoutons donc la souffrance d’Énée. À l’acte II, après avoir longtemps écouté Didon, le héros troyen s’exclame :

J’en suis encor confus : une pitié me mord :
Un frisson me saisit : Mais rien sinon la mort,
Ne peut rendre celuy des encombres delivre,
Qui veut le vueil des Dieux entre les hommes suivre.
Et semble que le Ciel ne permette jamais
La vraye pieté s’assembler à la paix1.

2En exprimant le tourment que produisent en lui les paroles de Didon avec une telle netteté, jusque dans l’évocation de ses manifestations physiques, Énée lui donne une présence singulière. Il convient de comprendre comment le conflit qui naît chez Énée entre pitié et piété est déclenché par le maniement que Didon fait du langage et comment il est résolu, au moins partiellement.

3À la Renaissance, les humanistes n’ont pas seulement accordé à la littérature antique une attention particulière ; ils ont pensé qu’elle devait être interprétée d’abord à l’aide des outils que fournissait l’antiquité même. La lecture de Virgile est inséparable de celle des commentaires des litteratores romains, comme le prouvent les éditions de l’époque : le texte de Virgile y est, dans la plupart des cas, encadré par des notes qui en éclairent le sens, et le lecteur ne peut faire que son œil n’aille de l’un aux autres et que son esprit n’amalgame les deux discours. Ces commentaires expliquent le poème virgilien, parfois en le simplifiant, souvent en l’amplifiant, toujours en mettant d’autres mots sur le référent fictif auquel il renvoie. Dans une certaine mesure, ils établissent une relation d’émulation avec l’Énéide2, et Jodelle, qui pratique l’imitation différentielle, ne pouvait qu’être sensible au parallélisme entre leur démarche et la sienne. Or dès l’antiquité tardive, dans les commentaires de Servius3 et surtout de Tiberius Claudius Donatus4, s’est imposée une lecture rhétorique de l’Énéide : l’épopée recourt à l’éloquence épidictique et à l’éloquence judiciaire, car elle vise avant tout à présenter Énée comme le digne ancêtre d’Auguste, en célébrant son héroïsme et en démontrant que son comportement est au-dessus de tout soupçon5. Le commentaire humaniste de Cristoforo Landino, publié en 1488, et celui de Josse Bade, imprimé pour la première fois en 1500, suivent eux aussi cette ligne d’interprétation6. En s’appuyant sur ces quatre commentaires, qui sont les plus célèbres et les plus souvent réédités, il faudrait donc essayer de déterminer s’il reste quelque chose de la lecture élogieuse du personnage d’Énée dans Didon se sacrifiant, qui ne lui donne pourtant pas le beau rôle.

L’accusation de Didon

4Pour composer les tirades de Didon à l’acte II, Jodelle s’appuie sur deux discours rapportés au style direct de l’Énéide. Dans le premier (Én. IV, v. 305-330), la reine de Carthage laisse éclater sa colère et argumente pour dissuader Énée de s’embarquer ; dans le second (Én. IV, v. 365-387), elle clame son affliction et maudit celui qu’elle aimait. L’efficace de son discours, chez Jodelle comme chez Virgile, résulte non seulement de la vraisemblance psychologique, mais d’une éloquence élaborée. C’est finalement celle-ci qui garantit la puissance dramatique de Didon se sacrifiant, car l’émotion de spectateur dépend de la faculté de conviction de l’héroïne. Il n’y a en effet, dans la littérature du XVIe siècle, aucune frontière entre poétique et rhétorique. La tragédie, parce qu’elle est placée avec l’épopée au sommet des genres et qu’elle vise à émouvoir, relève en général du style élevé. Or du genus grande, Cicéron écrit que « hic iram, hic misericordiam inspirabit »7 ; les deux passions les plus puissantes sont la colère et la pitié, et ce sont celles que l’éloquence des avocats s’efforce de faire naître chez le juge, en particulier dans la péroraison : la colère, contre le coupable ou contre l’accusateur dont la plainte n’est pas fondée, et la pitié, envers la victime ou le prévenu innocent. La rhétorique postule la contagion des affects : parce que le meilleur moyen d’exciter une émotion chez l’auditeur est, selon le De Oratore, de l’éprouver véritablement, ou du moins, selon les Tusculanes, de faire semblant d’être dans ce cas8, le locuteur gagne à être démonstratif. Énée, dans la pièce de Jodelle, demande à Didon de ne pas tenter de lui communiquer ses passions :

Or cesse cesse donc de tes plaintes user,
Et mesme en m’embrasant tascher de m’embraser9.

5Les commentaires antiques de l’Énéide proposent volontiers une lecture rhétorique du dialogue où Didon reproche à Énée de s’enfuir. Jodelle, qui suit de près le texte de Virgile, et consulte certainement les commentaires, reste tributaire de cette rhétorique judiciaire.

6En tout cas, Énée ne fait pas semblant d’être insensible aux passions. Avant de rencontrer Didon, il s’est avoué l’« effroy » (I, v. 182) qu’il éprouvait en pensant aux arguments qu’elle allait déployer :

Il me semble desja que les soeurs Eumenides
Pour tantost m’effroyer, seront les seules guides
De ces cris effrenez, me faisant miserable
Moymesme estre envers moy, de trahison coulpable :
Ou bien si sa douceur à l’œil je me presente,
Plus encore sa douceur de moymesme m’absente :
Veu que j’aurois une ame estrangement cruelle,
Si la juste pitié qu’il ne faut avoir d’elle,
Ne me faisoit crever et rompre l’entreprise,
Qui la loy de l’amour infidellement brise10.

7En distinguant deux tactiques opposées, celle de la colère et celle de la pitié, Énée a deviné juste ; si en revanche son « ou bien » (v. 281) indique qu’il estime ces deux démarches exclusives l’une de l’autre, il se trompe : Didon usera successivement des deux. Énée tente de se prémunir contre tous les sentiments qui pourraient l’ébranler et le faire renoncer à son projet. Cependant, il a le plus grand mal à respecter ses résolutions. En présence de Didon, il se retrouve placé dans la position de l’inculpé : il se présente comme un « accusé » (II, v. 701) et il en vient à souhaiter que soit reconnue son « innocence » (II, v. 958).

8Didon laisse d’abord éclater son courroux. Elle caractérise elle-même la passion qui l’anime comme une « fureur » :

Quoy t’esmerveilles-tu, si ma juste fureur,
O parjure cruel, remplit mes mots d’horreur11 ?

9L’« horreur » est proprement un effroi ou un effarement qui fait se dresser les cheveux sur la tête. Quant au terme de « fureur », un de ceux qui caractérisent le mieux l’attitude de Didon dans le quatrième livre de l’Énéide et dans la pièce de Jodelle, il renvoie à différents types d’exaltation. Comme l’a montré Georges Dumézil12, le furor latin désigne l’ardeur sacrée de l’âme qui aspire à la victoire. À la fois force et fièvre, il confine à l’hybris. Dans le De Oratore, l’exaltation sublime de l’orateur est rapprochée de la fureur des poètes13. La fureur de Didon est le ressort de sa combativité, de son énergie, de son obstination à convaincre et de son éloquence. Mais le furor n’est pas seulement menos, il est aussi mania. Josse Bade joue sur la paronomase amans / amens14 : les amoureux perdent la raison et Didon, enflammée par la passion, ne s’appartient plus. Dans le passage cité, pourtant, le mot « fureur » a un sens très proche de celui qui domine dans la langue d’aujourd’hui : la « juste fureur » est cette colère qui naît de l’injustice. Et dans les vers qui suivent, la reine de Carthage assimile son transport à celui des bacchantes : en elle, les délires se conjuguent et se confondent15.

10Commentant les vers de l’Énéide où Didon reproche à Énée d’avoir espéré dissimuler sa fuite, Cristoforo Landino rattache l’éloquence de Didon au genre délibératif :

Ce discours est tout à fait pathétique. […] Il relève du genre délibératif : […] Didon rabaisse Énée en le traitant d’être ignoble et nuisible16.

11Chez Jodelle, dans la deuxième tirade de Didon à l’acte II, c’est pourtant l’éloquence judiciaire qui domine : la reine de Carthage formule des accusations précises à l’égard d’Énée, notamment par des apostrophes, et argumente pour les étayer. En accord avec les lieux communs de l’amplification, elle montre que l’action que s’apprête à commettre Énée est « un crime atroce, cruel, défendu par les dieux »17. Elle taxe Énée de parjure (v. 466), d’ingratitude (v. 478 et 502), de lâcheté (v. 479 et 481), de cruauté et d’inhumanité (v. 487, 526 et 562). Ce sont dans tous les cas des manquements à des valeurs qui sont enseignées à l’homme par la nature : la fides, est la fidélité amoureuse, mais aussi, plus généralement, ce que Cicéron définit comme « la constance et la vérité dans les paroles et les conventions »18 ; la gratia, que Cicéron présente comme « la qualité qui comprend la souvenance des marques d’amitiés et des services rendus par autrui et la volonté de les récompenser »19 ; la fortitudo, qui est selon Chrysippe, « la manière d’être d’une âme qui obéit sans crainte à la loi suprême en se résignant et en la supportant »20 ; l’humanitas, c’est-à-dire les qualités qui créent une fraternité entre les hommes ou philanthropia, douceur, affabilité, clémence, bienveillance, et, dans le domaine judiciaire, équité. Didon expose clairement les conséquences catastrophiques pour elle du départ d’Énée : elle sera déshonorée en perdant à la fois son « honneur » (c’est-à-dire le pudor) et sa « gloire » (c’est-à-dire la fama) (Didon se sacrifiant, II, v. 494-496) et surtout elle mourra (v. 497-500). Mais ce plaidoyer pro domo pourrait laisser Énée indifférent. Didon s’efforce donc de montrer ensuite qu’elle ne sera pas la seule victime de leur séparation. Elle assortit ses accusations de menaces indiquant que les crimes d’Énée seront certainement punis non par la justice humaine, mais par la Nature – en l’occurrence, la terre, la mer et le ciel (v. 480-485) – ou par les Dieux :

Que si les justes Dieux vangent les injustices,
Tes beaux sermens rompus rompront aussi ton heur21.

12Dans l’Énéide, dès le deuxième vers de son discours accusateur, Didon qualifie Énée de nefas : plus encore que criminel, il est impie. Comme l’on sait, à Rome, le fas, droit divin, lois de la nature, se distingue du ius, droit humain. Or, selon le traité De Officiis, « le serment est une affirmation de caractère religieux », c’est « ce qu’on a promis formellement devant Dieu comme témoin »22. En se parjurant, Énée aurait commis un sacrilège, enfreignant un ordre cosmique garanti par les Dieux. Didon nie donc la vertu par excellence du héros troyen, sa piété. Comme l’écrit Servius, « il y a une grande différence entre la justice et la piété ; […] car la piété se pratique à l’égard des Dieux, la justice à l’égard des hommes »23. Jodelle amplifie le texte de Virgile de sorte que Didon tende, par ses paroles, à transformer la promesse de mariage qu’Énée aurait prononcée en une execratio, c’est-à-dire un serment qui fait peser sur celui qui le prononce une malédiction en cas de parjure, et le héros troyen en un homme maudit parce qu’il transgressé les lois divines. Pour donner toutes leurs forces à ses menaces, Didon rappelle que l’execratio se pratique même chez les dieux :

Un Dieu mesme perdroit l’Ambrosie immortelle,
Privé de déïté, s’il estoit infidelle24.

13Ce fait, qui n’est pas mentionné dans le quatrième livre de l’Énéide, trouve sa confirmation dans le commentaire de Servius au sixième livre25. Après avoir brandi la menace que les Dieux, dans leur ensemble, punissent Énée pour son parjure (II, v. 492), Didon évoque les vengeances particulières que pourraient exercer Neptune (II, v. 517), qui agirait parce que le Troyen n’aurait pas tenu ses engagements, et Cupidon et Vénus (II, v. 548), qui séviraient parce qu’il a péché contre les lois de l’amour. Toute l’argumentation de Didon tend à démontrer à Énée que s’il persistait dans son projet de départ, il perdrait la protection des dieux :

Tu gaignas leur secours par une piété ;
Leur secours tu perdrois par une cruauté26.

14Une telle menace n’est pas une condamnation, mais une exhortation à l’amendement. Dans le second de ces vers, l’emploi du conditionnel marque le refus de croire qu’Énée persévérera dans son projet criminel et ouvre la voie à une réconciliation entre les amants.

15Enfin, Didon présente l’obstination d’Énée à partir comme un signe de haine : si Troie était encore debout, le héros ne braverait pas les tempêtes pour y retourner ; a fortiori, puisque la ville n’est plus que ruine, qu’il n’a plus de patrie et qu’il n’a donc plus de but, son départ ne peut apparaître que comme une fuite. Cet argument fait surgir une autre piété, celle qu’Énée voue non plus aux Dieux, mais à sa patrie : Didon suggère que la patrie d’Énée n’a plus de lieu, et qu’il pourrait choisir n’importe lequel, et pourquoi pas Carthage. Ainsi, dans ce premier mouvement de son dialogue avec Énée (v. 465-568), Didon montre à celui-ci que s’il la quittait, il serait impie envers les Dieux et qu’il ne serait pas nécessairement pieux envers sa patrie. En l’attaquant sur sa vertu emblématique, elle remet en cause son statut héroïque.

16Dans un second temps, Didon use d’un autre registre : elle ne s’emporte plus, elle se lamente ; elle n’accuse plus, elle persuade. Elle n’essaye plus de ramener Énée à la piété, mais de susciter sa pitié : elle évoque ses « piteuses larmes » (II, v. 570), elle dit son « dueil » (II, v. 580). Elle se lance dans ce que la rhétorique latine appelle une conquestio, une miseratio, ou une commiseratio, c’est-à-dire l’expression d’une douleur qui est un appel à la pitié27. Comme l’écrit Tiberius Claudius Donatus, « Didon allègue à l’appui de sa cause des arguments justes, humains et susceptibles d’éveiller la pitié qui auraient pu et auraient dû fléchir Énée. »28 Chez Virgile comme chez Jodelle, le pathétique se marque par l’emploi de l’anaphore, qui développe considérablement les raisons pour lesquelles Énée devrait écouter avec faveur la prière qui lui est adressée. « Per ego has lacrimas […] oro », écrivait seulement Virgile : « au nom de mes larmes […] je t’en supplie ». Tiberius Claudius Donatus glose ce passage :

Je t’en supplie en pleurant, ce qui est le vrai signe de la douleur, et ne pense pas que ces larmes sont répandues sans raison. Elles attestent le chagrin de mon cœur et je ne peux rien dissimuler de ce qui tourmente mes entrailles. Les yeux manifestent tant de loyauté qu’ils révèlent par leurs pleurs les chagrins cachés et montrent par des preuves évidentes les raisons dissimulées au fond de soi29.

17Ce commentaire explicite ce que le texte virgilien suggère et transforme la manifestation physique de la tristesse en preuve judiciaire. Jodelle ne pousse pas si loin la recherche de la copia, mais il est moins concis que Virgile :

Par ces larmes je dy que, te monstrant à l’œil
Combien l’amour est grand, quand si grand est le dueil […]30.

18Jodelle peut s’être aidé des commentaires pour donner à son texte l’ampleur nécessaire. En tout cas, il retient l’idée que les larmes expriment, sans tricherie possible, une douleur authentique. Ensuite, il recourt aux lieux communs de l’amplification ; sa Didon invoque des autorités divines et familiales31, alors que celle de Virgile négligeait ce procédé :

Par les Dieux que, devot, tu portes avec toy,
Compagnons de ta peine, et tesmoins de ta foy,
Par l’honneur du tiers Ciel que gouverne ta mere,
Par l’honneur que tu dois aux cendres de ton père

[…]
Je te pry prens pitié d’une pauvre famille32

19Ce dernier vers rappelle le précepte de la Rhétorique à Hérennius selon lequel « nous exciterons la compassion des auditeurs […] si nous exposons les malheurs que notre disgrâce amènera pour nos père et mère, nos enfants et tous nos parents »33.

20La Didon de Jodelle multiplie les sentences :

L’amour trop mise en un, comme je l’ay dans toy,
Est la haine de tous, et la haine de soy.

[…]

La Princesse aime bien, qui beaucoup plus regarde
A un seul, qu’à tous ceux qu’elle a pris en sa garde.

[…]

Rien n’espargne l’envie :
Et jamais un malheur ne vient sans compagnie34.

21Ce n’est pas seulement que les tragédies sont, comme l’écrit Ronsard, « du tout didascaliques et enseignantes et qu’il faut qu’en peu de paroles elles enseignent beaucoup, comme mirouers de la vie humaine »35. Dans le passage du De Inventione que Cicéron consacre à la conquestio, il précise que « Quand ce discours est plein de gravité et de pensées morales, l’âme humaine s’adoucit beaucoup et elle est prête à s’apitoyer, quand elle reconnaît dans le malheur d’autrui sa propre fragilité »36 : la conquestio, pour établir une relation spéculaire entre auditeur et victime et susciter la pitié, doit s’élever à des vérités générales qui fassent écho à l’expérience de chacun.

22La troisième tirade de Didon dans l’acte II n’est pas seulement un appel à la pitié ; elle est une défense de cette passion. En effet la misericordia est dans l’antiquité objet de débat. Les stoïciens la condamnent : Sénèque estime qu’« elle n’est que l’état morbide d’une âme faible défaillant à la vue des maux d’autrui »37. D’autres penseurs font l’éloge de la pitié. Par exemple, Cicéron, qui la définit comme « le chagrin provoqué par l’état misérable d’un individu que nous voyons dans la peine sans qu’il l’ait mérité »38, affirme qu’« aucune des très nombreuses vertus n’est plus admirable ni plus précieuse que la pitié. En effet, les hommes ne s’approchent jamais plus près des Dieux qu’en sauvant les hommes. »39 Didon trouve des arguments puissants chez les défenseurs de la pitié :

Un cœur se doit fléchir, et l’homme est adversaire
Des hommes et des Dieux lors que, d’un mechant cœur,
Fuit plus tost la pitié que son propre malheur40.

23Par cette formule gnomique, elle rapproche la pitié de la caritas. Celle-ci a été chez les stoïciens un sentiment noble, qui trouve son fondement dans la parenté naturelle qui lie tous les hommes entre eux, et qui n’est pas un pathos, selon Quintilien, mais un èthos, c’est-à-dire pour lui un sentiment serein et modéré41.

24En accord avec le troisième lieu de la conquestio telle que la définit le traité De Inventione, « on déplore chacun de ses malheurs ». Didon met en évidence tout ce à quoi elle a renoncé pour Énée. Tout d’abord, elle considère que l’amor est exclusif de la caritas, et elle confesse qu’elle a préféré l’un à l’autre ; elle s’est donc attirée la haine de tous, notamment celui de son peuple (II, v. 609-616), celui de son frère Pygmalion (v. 635-636) et celui de Iarbe, le roi de Gétulie (v. 637-640). Ensuite, elle a fait le sacrifice de son honneur, de sa chasteté (II, v. 622) et de sa renommée (v. 624). Enfin, elle n’a même pas la consolation d’avoir un fils qui lui rappellerait Énée (v. 641-658).

25Après qu’Énée a tenté de se justifier, Didon lui répond en s’emportant : les vers 851 à 953 de Didon se sacrifiant correspondent aux vers 365 à 387 de l’Énéide. Servius déclare que cette invective « manque toujours de statut »42. Comme le statut rhétorique est la position qu’adopte l’orateur pour contrer la partie adverse, le commentateur souligne ainsi l’absence de tactique cohérente et d’argumentation logique : Didon ne cherche plus à convaincre, elle ne dialogue même plus, parlant d’Énée à la troisième personne. Si Landino note que, quand Didon attaque le héros troyen sur sa naissance, elle ne contrevient pas aux règles de la rhétorique, puisqu’elle ne fait que recourir à un des lieux de l’éloquence épidictique, déjà présent chez Homère43, Josse Bade souligne l’inconséquence de la reine de Carthage, qui, dans l’Énéide, rappelle l’ascendance divine d’Énée pour en faire un motif de louange, puis la remet en cause :

Quand elle voit qu’il ne peut être fléchi par ses prières, elle se met à l’invectiver pour que du moins il se plie aux désirs de son âme. Or c’est un changement d’esprit, car lorsqu’elle aimait, elle disait : « je crois qu’il est de la race des dieux »44.

26Chez Virgile (En. IV, v. 369-370), Didon vitupère désormais la froideur et l’insensibilité du Troyen, comme le signale Josse Bade :

Elle montre qu’il n’y a pas en Énée ce qui se trouve habituellement dans un homme de bien. Car il y a trois indices qui manifestent qu’un homme est ému par la pitié : le gémissement, les larmes, l’orientation des yeux45.

27Il en va de même dans Didon se sacrifiant (II, v. 865-869). Analysant les propos de Didon, Landino rappelle que « la répétition et l’ironie sont les couleurs appropriées à l’indignation et à la véhémence »46. De fait, Jodelle use, dans la tirade de Didon, de deux anaphores (« Voyez », v. 865-869 ; « Qu’on ne me », v. 879-885) et de nombreux redoublements (« tu peux », v. 886 ; « la foy », v. 902 ; « je l’ay », v. 907 ; « maintenant », v. 910 ; « c’est bien dit », v. 917 ; « j’esmouvrois », v. 948,…). Didon reprend sarcastiquement les paroles d’Énée et son ironie est soulignée par les enjambements et l’emploi du datif éthique :

Maintenant maintenant il vous a les augures
D’Apollon, il vous a les belles avantures
De Lycie, il allegue et me paye en la fin
D’un messager des Dieux qui haste son destin47.

28En s’abandonnant à la colère, Didon ne calcule pas ; elle n’a plus de stratégie argumentative ; elle témoigne seulement de son désarroi. On ne peut cependant pas exclure que ce soit par ce naufrage rhétorique qu’elle émeuve le plus Énée.

La douleur d’Énée

29Dans la tragédie humaniste, le titre est souvent fourni par le nom du protagoniste féminin. Celui-ci est-il pour autant toujours le seul à souffrir ? Énée évoque son « souci » (II, v. 725). Or le mot latin ainsi traduit, cura, selon Varron, repris par Servius, c’est quod cor urat (ce qui brûle le cœur)48. Énée est un personnage tragique : il a commis une faute et il est confronté à un dilemme. Dès le début de sa réponse à Didon, il se dit saisi par l’émotion que suscite en lui le discours de la reine et tenu par le sentiment du devoir. Autrement dit, il est écartelé entre pitié et piété.

30D’emblée il explique comment il a résolu de sortir de ce dilemme : la pitié est une passion et la piété s’accorde avec la raison ; il suivra donc la voie de la piété et adoptera le comportement qu’exige de lui la volonté divine, en obéissant au destin qui lui a été prédit par les oracles. Comme le dit Donatus, Énée « fait passer les désirs humains avant les ordres divins »49. On pourrait penser que c’est là proprement l’attitude du héros épique, qui, malgré les malheurs auxquels il doit faire face, se trouve, de loin en loin, par des prédictions, par des oracles, par des déclarations d’émissaires divins, conforté dans la certitude du succès final de son entreprise. Or, à la différence du héros de l’Énéide, celui de Didon se sacrifiant semble ignorer l’issue de ses efforts. Il envisage plusieurs possibilités, et seule la première est heureuse :

[…] soit que ceste terre, où je conduy les miens,
Semble estre seul manoir des plaisirs et des biens ;
Soit que l’onde irritee, et mes voiles trop pleines
Repoussent mes vaisseaux aux terres plus loingtaines ;
Soit encor que Clothon renouë par trois fois
Le filet de ma vie, ainsi qu’au vieil Gregeois ;
Soit qu’apres mon trespas ma mere me ravisse,
Ou qu’aux lois de Minos ma pauvre ombre fléchisse, […]50.

31La piété est pour Énée un ensemble de liens affectifs et de devoirs moraux qui le relient à son ascendance et à sa descendance (la « race », v. 676), à la patrie, aux dieux :

Le païs nous oblige, et sans fin nous devons
Aux parens, au païs, tout ce que nous pouvons51.

32Les moyens d’être en accord avec la piété lui ont été indiqués par les oracles d’Apollon (v. 741) et les prédictions de Cassandre (v. 779). En deux endroits, Énée évoque en détail et avec exaltation ces prophéties qu’il considère comme des commandements divins (II, v. 741-744 ; v. 777-792). Surtout, il rappelle l’ambassade de Mercure envoyé par Jupiter pour l’exhorter à quitter Carthage, attestant la véracité de cette déclaration par un serment solennel (II, v. 833-840). Bien sûr, en rappelant qu’il se règle sur la volonté des dieux, il s’ôte la responsabilité de la décision qu’il a prise. Comme le signale Servius, il réfute ainsi l’argumentation de Didon :

La discussion est parfaite : il s’y justifie des reproches en repoussant l’accusation d’être un ingrat, et en même temps il a recours à l’état de cause véniel, rejetant la faute de son départ sur la volonté des dieux. Il utilise aussi la définition, car il justifie la fuite qu’on lui reproche en la qualifiant de départ52.

33En même temps, Énée recourt à un des lieux de l’indignation rhétorique tels que les définit Cicéron :

Le premier lieu [de l’indignation] se tire de l’autorité, quand nous rappelons quel intérêt ont pris à cette affaire ceux dont le poids doit être le plus grand,

34et d’abord,

les dieux immortels (ce lieu empruntera aux tirages au sort, aux oracles, aux devins, aux présages, aux prodiges, aux réponses sacrées et aux autres choses similaires) […]53.

35En invoquant les ordres qui lui ont été donnés par les Dieux, le chef troyen justifie sa conduite, en même temps qu’il reproche implicitement à Didon de ne pas se conformer à la volonté céleste. Pour bien marquer à quel point il se sent contraint par celle-ci, il s’adresse à Didon en utilisant le lexique du droit :

Mais la loy des grands Dieux les loix humaines lie.
Ne me remets donc rien en vain devant les yeux,
Je m’arreste à l’arrest de mes parents les Dieux54.

36Cependant, Énée ne reste pas insensible au discours de Didon. Il exprime sa douleur et il évoque même ses larmes. Il déclare à Didon :

jamais ne sera
Que ton nom, qui sans fin de moy se redira,
Ne m’arrache des pleurs […]55.

37Ensuite, il éprouve le remords d’être resté trop longtemps à Carthage et d’avoir laissé croître l’amour de Didon (II, v. 816-818). Enfin, dans une longue tirade, il exprime, par une série de questions, son émoi devant tout ce qui manifeste la douleur de Didon (II, v. 953-988) : l’ardeur de son regard (v. 966), les sanglots (v. 968), les soupirs (v. 973). Et il termine en soulignant combien la colère est proche d’un transport divin, d’un furor :

Le courroux fait la langue : et les plus outragez
Sont ceux qui bien souvent poussent de leurs poitrines
Des choses, que l’ardeur fait sembler aux divines56.

38Surtout, Énée est sensible à la douleur de Didon parce qu’il continue à aimer celle-ci. Il dit à la jeune femme :

Si tel amour tu sens, je le sens tel aussi,
Qu’encores volontiers je m’oublirois ici […]57.

39Et à Anne il fait cette confidence :

Nul ne sçauroit la peine assez comprendre,
Que sans cesse en l’esprit mon amour me r’engendre58.

40Jodelle pratique l’imitation différentielle. Il s’attache à élaborer un héros plus sensible à la pitié que ne l’était celui de Virgile. Il profite de ce que la tragédie, qui est d’abord un théâtre des passions humaines, permet, plus que l’épopée, de dévoiler la conscience des personnages ; il fait aussi en sorte que la vie intérieure d’Énée ne soit pas seulement psychologique, mais aussi éthique. Une hypothèse philosophique peut donc être envisagée, qui ferait d’Énée un héros stoïcien.

L’hypothèse stoïcienne

41Énée avoue ne pas être totalement insensible à la pitié, dans un vers où il exprime néanmoins son courage et sa détermination :

La pitié m’assaut bien, vaincre ne me peult pas59.

42La résistance du héros troyen à la passion a fait l’objet d’un célèbre commentaire de saint Augustin, dans La Cité de Dieu, sur le vers de Virgile :

Mens immota manet, lacrimae uoluontur inanes. (Én. IV, v. 449)
L’esprit reste inébranlé, les larmes roulent en vain.

43Lorsqu’ils doivent élucider ce vers, de nombreux commentateurs modernes considèrent que mens renvoie à l’esprit d’Énée et lacrimae aux larmes de Didon60. Saint Augustin, en accord avec l’interprétation que donne Servius de ce passage61, considère qu’il est question de l’esprit et des larmes d’Énée. Il présente donc Énée comme un sage, qui est convaincu qu’il faut suivre la raison.

Ainsi l’esprit en qui cette conviction est ancrée ne permet à aucune passion, même si celle-ci se produit dans les parties inférieures de l’âme, de prévaloir en lui contre la raison. Bien plus, il les domine et, refusant son consentement, leur résistant plutôt, il assure le règne de la vertu62.

44En l’occurrence, le commentaire n’est pas seulement explication ; il est interprétation : l’éventail de significations que laisse ouvert le poème se referme. La lecture d’Augustin est très riche : Énée est sensible, il ne peut s’empêcher de verser des larmes, mais il trouve en lui assez de force morale pour résister à la passion. Même si Augustin dit que sur cette conception de la sagesse, stoïciens et péripatéticiens sont d’accord, le vocabulaire qu’il emploie est celui du Portique : il use du mot cicéronien perturbationes pour désigner les passions63 et du verbe sénéquien resistere pour caractériser l’attitude à adopter face aux passions64. De fait, les stoïciens pensent que nul n’est responsable des premiers élans de la passion, mais qu’il incombe au sujet de se ressaisir et, par le travail de la raison, d’empêcher que la passion ne s’embrase. Que, dans Didon se sacrifiant, Énée évoque ses « larmes angoisseuses » (III, v. 1392, p. 85) peut inciter à penser que Jodelle s’accorderait avec la lecture augustinienne.

45Servius rappelle que, dans le traité De la nature des Dieux [I, 1], Cicéron distingue trois opinions à propos des dieux : les athées pensent que les dieux n’existent pas ; les épicuriens, qu’ils existent, mais ne se préoccupent de rien ; les stoïciens, qu’ils existent et qu’ils se soucient de tout. Comme Didon ironise sur le souci des Dieux, Servius estime qu’elle adopte une attitude épicurienne65. Il ne dit pas qu’Énée se conforme aux préceptes du stoïcisme, mais il rappelle que les stoïciens « soutiennent la nécessité du destin »66 et qu’ils estiment que « pour aucune raison les destins ne peuvent être changés »67. D’autres lecteurs de l’antiquité et de la Renaissance, scrutant l’attitude héroïque d’Énée, sa vertu et sa relation aux passions, se sont demandé si elles n’empruntaient par leurs caractéristiques au stoïcisme68. Par exemple, Boccace propose une lecture allégorique de l’Énéide selon laquelle l’« intention de Virgile, dissimulée sous le manteau de la poésie, était de montrer les passions qui harcèlent la fragilité humaine et la force avec laquelle elles sont dominées par un homme constant »69.

46De fait, dans Didon se sacrifiant, le chant du chœur des Troyens célèbre la constance et l’apatheia :

L’homme sage sans s’esmouvoir
Reçoit ce qu’il faut recevoir,
Mocqueur de la vicissitude.
[…]
Heureux les esprits qui ne sentent
Les inutiles passions,
Filles des apprehensions,
Qui seules quasi nous tourmentent70.

47Les théoriciens divergent sur le rôle du chœur : à la Renaissance, pour certains commentateurs des vers de l’Art poétique d’Horace qui abordent cette question71, le chœur est le porte-parole de l’autor, pour d’autres il est celui de l’actor, c’est-à-dire du personnage. Si l’on adopte le premier point de vue, Jodelle opposerait à l’attitude inquiète d’Énée l’idéal stoïcien de l’apatheia ; si l’on choisit le second, Énée cherche un appui dans la philosophie du Portique pour résister à l’inévitable attaque verbale de Didon.

48Énée assimile la piété à la raison : il entend se conformer à l’ordre du monde voulu par les Dieux. On pourrait objecter que la piété n’est pas seulement la manifestation de la raison. Lorsque Donatus glose le « hic amor, haec patria est » (Én. IV, v. 347) il parle de la « passion » d’Énée pour l’Italie72. De fait, Jodelle suggère l’exaltation du Troyen par les parallélismes, l’anaphore, l’hyperbole :

En ce lieu mon amour, en ce lieu mon païs
Là les Troyens vainqueurs ne se verront haïs
Des Dieux, comme devant : là la saincte alliance
Sortira des combats : là l’heureuse vaillance
De neveus en neveus jusqu’à mil ans et mil
Asserviront sous soy tout ce païs fertil […]73.

49Certes, mais les stoïciens n’exigent pas du sage qu’il soit totalement insensible : il suffit que le désir raisonné (la boulèsis) s’oppose au désir passionné.

50Le héros troyen brasse les philosophèmes du stoïcisme. En particulier, il s’interroge sur les actes convenables, que les stoïciens appellent en grec les kathèkonta et en latin les officia : la piété, les bienfaits, l’hospitalité, la fidélité à la parole donnée, le service de l’intérêt général. Il médite sur la raison et les passions. Il s’efforce de distinguer ce qui relève de sa volonté et ce qui ne dépend pas de lui. Les reproches qui lui sont faits sont ceux que l’on adresse généralement aux stoïciens : Anne l’accuse d’avoir un cœur « plus dur que les pierres »74. Plus fondamentalement, sa conduite semble tout entière guidée par l’amor fati. Il ne se résigne pas au départ, il y consent comme à une exigence intime : il déclare qu’en lui, « du destin la loy / Se rend […] sainctement inviolable »75. Non pareo deo sed assentior, écrivait Sénèque76. Assumer le destin, c’est s’inscrire dans le plan rationnel du Monde, c’est coïncider avec le Logos.

51Énée est en outre torturé par des scrupules. Le texte de Jodelle suggère le travail de sa conscience morale, qui, comme chacun sait, est inévitablement une conscience malheureuse. À la fin du troisième acte, il confie à Achate son tourment :

Pourquoy me gesne donc ma conscience encore77 ?

52Il apporte lui-même la réponse un peu plus tard, en pensant à son infidélité :

Ha foy, ha stable foy, seul gage inviolable
Des hommes et des Dieux, cent fois est punissable
Celuy qui t’offensant de certaine science
Amortit l’éguillon que sent sa conscience78 !

53Il confesse enfin qu’il éprouve « la peur d’un esprit coupable envers soi-même » et de « durs remors »79. Le terme de « remors » fait écho à deux emplois métaphoriques du verbe « mordre » renvoyant à un scrupule moral : « Un seul deffaut me mord » (II, v. 816) ; « une pitié me mord » (II, v. 979). Ces réflexions qu’en raison des conventions théâtrales, Énée fait à voix haute, s’adressent d’abord à lui-même ; il pourrait s’abstenir de les proférer. Elles indiquent que les propos de Didon et ceux d’Anne ont eu sur lui plus d’effet qu’il ne l’a d’abord avoué. Il a tenté d’étouffer la voix de sa conscience, mais il n’y est pas parvenu. Les stoïciens de l’époque impériale, tels que Sénèque, Épictète, Marc-Aurèle, pratiquaient régulièrement l’examen de conscience80. Avant de disparaître définitivement de la scène, Énée reconsidère avec anxiété sa conduite. Au cours de la pièce, il est passé de l’émoi que provoquait en lui la douleur de Didon à un sentiment de culpabilité qui semble devoir durer.

54Les passions ont plus d’importance dans la tragédie que dans l’épopée, parce que le théâtre montre des corps passionnés et que les personnages dévoilent les mouvements de leur conscience : Virgile donnait au trouble d’Énée une présence indéniable, mais Jodelle va encore plus loin.

55Il se pourrait donc bien que, dans Didon se sacrifiant, le personnage véritablement tragique fût Énée. En Didon, nul conflit : le dépit, la colère, la tristesse se succèdent sans heurt. Énée, au contraire, se trouve écartelé entre la piété et la pitié. Ces deux notions renvoient, plus encore qu’à des passions, à des valeurs, et, par leur coexistence conflictuelle, elles font de lui, pleinement, un héros tragique. Mais il réussit à dépasser l’antagonisme qui existe entre elles grâce à la morale stoïcienne : loin de nier la pitié qu’il éprouve pour Didon, il refuse de se laisser submerger par elle et affirme la nécessité de suivre la direction indiquée par les dieux. Il n’est donc pas stoïcien parce que, comme le prétendent Didon et Anne, il serait un cœur sec, mais parce qu’il connaît la puissance des passions, qu’il sait analyser en lui-même leur manifestation et se prémunir contre leurs effets. Il ne parvient pas, néanmoins, à se départir d’un sentiment de mauvaise conscience.

56(CELLAM-Université Rennes 2)