Préambule
1Quinze ans après la publication de Politique de la littérature (2007) de Jacques Rancière, la formule « politique(s) de la littérature » s’est largement répandue dans la recherche littéraire contemporaine. Son usage témoigne d’une volonté de repenser la place du littéraire dans l’espace social, et de la tentation de déplacer « hors du livre » l’enquête sur les liens entre politique et littérature. Plusieurs travaux se sont approprié la réflexion de Rancière, mais également les conceptualisations amorcées par Benoît Denis et Jean-François Hamel au sujet des « politiques de la littérature ». Ce dossier propose de revenir sur cette formule. Il prend acte de son hétérogénéité, présente les objets de recherche qu’elle a permis de penser et les prolongements auxquels elle a pu – et peut encore – donner lieu.
2Le premier article propose un état de la question. Écrit par Lucie Amir, Justine Huppe et Julien Jeusette, ce texte introductif fait retour sur l’héritage théorique auquel nous devons la formule de « politique(s) de la littérature », en s’efforçant d’en éclairer à la fois la richesse, les ambiguïtés et les limites. Il ouvre ce faisant sur un ensemble de contributions individuelles, qui chacune explore l’une des ramifications possibles de cette problématique.
3En se plaçant du point de vue de la création littéraire, Éric Trudel, d’abord, définit et questionne les contours d’une certaine politique de la littérature, telle qu’elle se déploie dans la littérature contemporaine : celle qui essaie de faire advenir une « écriture du vivant », ou du moins une écriture « à l’écoute du vivant ».
4Les deux contributions suivantes, de Giorgia Testa d’abord, puis de Julien Jeusette, reviennent sur le caractère déterminant de la critique dans le cadrage politique de la littérature. Creusant le sillon des « politiques de la lecture » ouvert par Jean-François Hamel dans Camarade Mallarmé, Giorgia Testa souligne la « compénétration » de la théorie et de la praxis littéraire, en revenant sur les enjeux des lectures sartriennes de Mallarmé. Julien Jeusette, quant à lui, s’appuie sur la pensée de Jacques Rancière pour penser une « politique de la critique » logée tout autant dans ses gestes les plus ordinaires que dans ses théorisations de la littérature.
5Julien Lefort-Favreau, ensuite, part d’un autre des trois lieux de formalisation des « politiques de la littérature » pensés par Hamel, à savoir les « médiations » éditoriales de la production littéraire. Il envisage les politiques éditoriales du livre en se focalisant sur l’indépendance éditoriale, la bibliodiversité et l’espace public.
6Prenant acte de l’assise bourdieusienne du concept de « politiques de la littérature », Lucie Amir soulève la question de l’échelle (celle du champ, du genre littéraire ou de la famille de genres) à partir de laquelle il convient de penser les « politiques de la littérature », et se demande, à partir de l’exemple du polar, comment celles-ci s’imbriquent d’un espace à un autre.