Actualité
Appels à contributions
Événements de réception (Tartu, Estonie)

Événements de réception (Tartu, Estonie)

Publié le par Marc Escola (Source : Sara Bédard-Goulet )

Appel à communications 

Événements de réception

Colloque à l’Université de Tartu (Estonie),

19-21 novembre 2020

 

Ce colloque s’inscrit dans un projet de recherche transdisciplinaire sur l’événement de réception mené conjointement à l’Université de Tartu, Aix-Marseille Université et l’Université Côte d’Azur. Il vise à étudier la réception des représentations (littéraires, artistiques, mais aussi médiatiques, historiques, etc.) et comment celles-ci peuvent faire événement pour des lecteurs/spectateurs donnés. Laissant de côté l’événement que peuvent provoquer certaines représentations et qui s’apparente au fait historique (pensons à certains scandales littéraires causés par la parution d’œuvres réprouvées), il s’attache aux représentations du point de vue de leur réception, où se sont les expériences de lecture/spectature singulières (éventuellement partagées par une communauté) qui font événement. Dans le contexte actuel de prolifération des représentations et de leurs supports – notamment écraniques –, il semble pertinent de ré-interroger l’expérience de réception à travers les événements qui peuvent s’y manifester.

Dans ce projet de recherche, la notion d’événement de réception s’appuie sur celle d’événement de lecture, « avènement du sens pour le lecteur », elle-même fondée sur l’appréhension de l’événement théorisée notamment par Alain Badiou : « l’événement c’est d’abord l’apparition de l’inexistant et l’apparition d’un inexistant entraîne toujours dans sa périphérie une figure de destruction », et Claude Romano, pour qui l’événement prend sens à travers un sujet « ouvr[ant] un monde en (re)configurant ses possibles ». Aussi, même si l’événement de réception est soumis au hasard d’une rencontre inattendue avec une représentation, il semble répondre à une situation arrivée à maturité, à une nécessité du sujet. Cet événement n’existe pas en dehors du sujet récepteur, mais il peut faire l’objet d’une mise en récit, d’un partage. L’intérêt et la complexité de l’événement de réception tiennent notamment aux réactions et transformations qu’il peut susciter : sa dimension destructrice peut entraîner une forme de perte chez les récepteurs, mais aussi produire une résistance comme un détachement, qui pose alors la question du non-événement, en l’absence d’identification et de réaction des sujets. 

Dans ce colloque, l’événement de réception pourra être saisi à partir d’autres approches, afin notamment d’étoffer l’appréhension de ce phénomène. En effet, si l’événement de réception peut procéder des théories de la réception et de la lecture, il concerne de près d’autres perspectives qui ont la représentation et ses dispositifs pour objet d’étude. On peut tout d’abord penser au vaste champ de l’esthétique qui se préoccupe notamment de la relation entre l’œuvre et le spectateur, abordant entre autres l’expérience du Beau, la délectation esthétique, l’expérience esthétique, l’esthétique de la rencontre, mais aussi la dimension déceptive des œuvres, la stimulation faible des sens, voire leur anesthésie recherchée. On peut également penser à la sémiologie et à sa notion d’interprétant, de même qu’aux concepts de punctum et de studium que Roland Barthes a développé pour la photographie, où « [l]e punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)». En outre, la théorie des affects souligne la place des affects vis-à-vis de la raison quant aux représentations qui circulent dans la société civile et permet de réfléchir à la constitution de communautés à travers la réception. Par ailleurs, en s’intéressant aux liens complexes entre expériences traumatiques, objets culturels et récepteurs, la théorie des traumatismes offre une appréhension nuancée de la temporalité de l’événement et de sa mise en récit. De manière approchante, certaines études sur l’image, comme celles de Georges Didi-Huberman à la suite d’Aby Warburg, insistent sur la survivance de certaines images (nachleben), entre remémoration et anticipation, permettant peut-être de renouveler l’appréhension du fonctionnement des images dans l’événement qu’elles peuvent susciter. En contrepoint, les études sur l’altérité (en anthropologie, mais aussi plus marginalement dans d’autres disciplines – pensons à l’exotisme de Victor Segalen) permettent, elles, de penser le rapport entre confrontation et construction dans l’expérience des représentations et des événements qu’elles peuvent provoquer. Enfin, à la suite de Freud, les psychanalystes ont fréquemment dialogué avec des œuvres (littéraires, picturales, plus rarement musicales ou scéniques), proposant à cette occasion des modélisations des effets subjectifs ou subjectivant d’une œuvre. On sait ce que la psychanalyse a apporté à la pensée sur l’événement, tant dans sa temporalité (avec l’effet d’après-coup, nachträglichkeit), que dans sa réalité (l’abandon de la neurotica reviendrait à renoncer à l’évènement réel pour faire du fantasme lui-même un évènement). Mais de quelle manière pense-t-elle la question de la réception ? Tandis que l’Unheimlich révèle que l’hôte était déjà présent avant même la réception, certaines rencontres avec une œuvre relèvent plus de la sidération, requérant dès lors l’invention d’un signifiant nouveau pour en rendre compte (désidération). Entrelacer événement et réception permet donc de relancer la position du psychanalyste devant l’œuvre aussi bien que la réflexion sur l’usage des œuvres dans les dispositifs de médiations thérapeutiques par l’art, fortement référés à la psychanalyse. 

Cet appel à communications s’adresse aux chercheurs et étudiants des cycles supérieurs en sciences humaines et en arts, ainsi qu’aux artistes et écrivains, qui s’intéressent aux événements de réception. Les présentations, d’une durée de 20 minutes, pourront être faites en français ou en anglais. Les propositions seront reçues jusqu’au 1er mai 2020, par courriel, aux trois organisateurs : sara.bedard-goulet@ut.ee, damien.beyrouthy@univ-amu.fr et frederic.vinot@univ-cotedazur.fr. Elles devront être composées du titre de la présentation, d’un descriptif de 10 à 20 lignes, du nom de la conférencière ou du conférencier, de son affiliation institutionnelle et de son statut, ainsi que de son adresse courriel. Une réponse sera rendue le 1er juin 2020. Les frais de déplacement et de séjour devront être pris en charge par les participants.

Le colloque est organisé par

Sara Bédard-Goulet (Université de Tartu),

Damien Beyrouthy (Aix-Marseille Université)

et Frédéric Vinot (Université Côte d’Azur).

 

***

 

Call for proposals Response Events

Conference at the University of Tartu (Estonia), 19-21 November 2020

 

This conference is part of a transdisciplinary research project about response events led jointly at the University of Tartu, Aix-Marseille University and University of Côte d’Azur. It aims to study responses to representations (literary, artistic, media, historical, etc.) and how these representations can produce an event for given readers/spectators. Leaving aside the events that certain representations can provoke and that are similar to historical facts (as for literary scandals caused by the publication of condemned works), it focuses on representations from the point of view of their response, where the singular experiences of reading/spectating (that are eventually shared) are identified as events. In the current context of representations’ and their media’s–notably screens–proliferation, it appears relevant to re-interrogate the response experience through the events that it can trigger.

In this research project, the notion of response event is based on that of the reading event, “advent of meaning for the reader”, itself established on the understanding of the event by Alain Badiou: “the event is first the onset of the inexistent and the onset of an inexistent brings about in its periphery a figure of destruction”, and Claude Romano, for whom the event makes sense through a subject “opening a world by reconfiguring its possibilities”. Thus, even if the response event is submitted to the chance of an unexpected encounter with a representation, it seems to respond to a matured situation, to a subject’s necessity. This event does not exist outside of the receptive subject but it can constitute a narrative, it can be shared. The response event’s significance and complexity are due, among other things, to the reactions and transformations that it can generate: its destructive dimension can cause a form of loss for the receptors but it can also produce a resistance or a disconnection, which then raise the question of the non-event, in the absence of its identification and of reaction from the subjects.

In this conference, the response event would gain to be approached from other perspectives in order to enrich the understanding of this phenomena. Indeed, if the response event can proceed from (reader-)response theories, it concerns closely other approaches that have representation and its devices as a research subject. First, we can think about the vast field of aesthetics which, among other things, is interested in the relation between the artwork and the spectator, dealing, for example, with the experience of Beauty, the aesthetic delight, the aesthetic experience, the encounter’s aesthetic, but also the deceptive dimension of artworks, the weak stimulation of senses, or even their pursued anesthesia. We can also think about semiotics and its notion of interpretant, as well as the concepts of punctum and studium developed by Roland Barthes about photography, where “the photo’s punctum is this chance that, in it, points (at) me (but also wounds me, grasps me)”. Furthermore, affect theory underlines the place of affects vis-à-vis reason regarding representations that circulate in civilian society and allow to reflect on the constitution of communities through response. Moreover, by studying the complex connections between traumatic experiences, cultural objects and receptors, trauma theory offers a nuanced understanding of the event’s temporality and its narrative. Similarly, some image studies, such as Georges Didi-Huberman’s, following Aby Warburg’s, insist on the survival of some images (nachleben), between recalling and anticipation, thus allowing to renew the comprehension of how images work in the event that it can cause. In counterpoint, studies on alterity (in anthropology but also more marginally in other disciplines–such as Victor Segalen’s notion of exoticism) allow to think the relation between confrontation and construction when experiencing representations and the events that they can induce. Finally, following Freud, psychoanalysts have frequently dialogued with artworks (literary, visual, more rarely musical or theatrical), suggesting models of the subjective or subjecting effects of an artwork. Psychoanalysis has contributed to the event’s conception, whether in its temporality (with the hindsight effect, nachträglichkeit) or in its reality (abandoning neurotica would amount to giving up the real event to make an event of the fantasy itself). But how does it think the question of response? While the Unheimlich reveals that the host was already present before the response, some encounters with an artwork rather involve stupor (Verblüffung), thus requiring the invention of a new signifier to account for it (de-stupor). Intertwining event and response thus allow to interrogate the psychoanalyst’s position toward the artwork as well as to reflect on the use of artworks in therapeutic art-mediated devices, closely connected to psychoanalysis. 

This call for proposal is intended for researchers and graduate students in human sciences and arts, as well as artists and writers, who are interested in response events. The 20-minute long presentations will be delivered in English or French. Proposals, in English or French, will be received until 1 May 2020, by email to the three organisers: sara.bedard-goulet@ut.ee, damien.beyrouthy@univ-amu.fr et frederic.vinot@univ-cotedazur.fr. They should contain the title of the paper, a description of 10 to 20 lines, the name of the speaker, his/her institutional affiliation and status, and an email address. A response will be given before 1 June 2020. Speakers will have to bear the costs of travel and accommodation.

This conference is organised by Sara Bédard-Goulet (University of Tartu),

Damien Beyrouthy (Aix-Marseille University)

et Frédéric Vinot (University of Côte d’Azur).