Essai
Nouvelle parution
D. Baron, À travers le verbe. Cioran ou la hantise de la perfection

D. Baron, À travers le verbe. Cioran ou la hantise de la perfection

Publié le par Perrine Coudurier

Référence bibliographique : D. Baron, À travers le verbe. Cioran ou la hantise de la perfection, Editura Muzeul Literaturii Române, 2015. EAN13 : 9789731672458.

 

Dumitra Baron, À travers le verbe. Cioran ou la hantise de la perfection

 

 

București, Editura Muzeul Literaturii Române

EAN 9789731672458

198p.

Présentation de l'ouvrage :

Structuré en trois parties, le livre vise à identifier et à approfondir les caractéristiques de l’œuvre cioranienne en fonction des différents états de la création. Le volume contient une série de textes qui ont fait l’objet de présentations lors de plusieurs colloques nationaux ou internationaux. Leur organisation dans un volume unitaire s’est faite presque d’elle-même, grâce au fil conducteur qui les traverse : l’obsession de la perfection chez Cioran, une obsession qui se déploie au niveau scriptural mais aussi au niveau de l’être. Cette hantise de la perfection est une coordonnée fondamentale de son écriture, Cioran exprimant plusieurs fois son insatisfaction à l’égard de ses textes. Si nous regardons ses manuscrits ainsi que ses Cahiers nous constatons un penchant constant pour la reprise non seulement des thèmes mais aussi des syntagmes qui sont soumis à un long processus de refonte, de transformation, voire de détournement créateur. La quête de la perfection ne se fait pas uniquement à l’aide des mots, par le biais des vocables, mais parfois contre ces matériaux qui lui « regimbent ». Les multiples valences de la locution « à travers » sont actualisées dans ce contexte. Écrire ne signifie pas seulement « parcourir » les mots, mais aussi les « franchir », comme on franchit un obstacle, le sens de la locution « à travers » étant ici celui d’ « en dépit de, malgré (une difficulté, un obstacle) ».

La première partie, « En marge de l’œuvre », s’ouvre par une approche paratextuelle des écrits cioraniens ayant comme élément commun le rapport problématique qui s’instaure entre les paratextes (notamment les lettres, les épigraphes, les titres et les entretiens de l’auteur) et l’œuvre en train de se faire. Après l’analyse des matériaux paratextuels et de leur métamorphose en vue de l’intégration au niveau du texte proprement dit, notre regard s’oriente vers leur rôle dans la construction de l’identité du moi auctorial. La paratextualité se retrouve au cœur même de la question de la marge, de la frontière. La locution « à travers » comprend aussi cette dimension de parcours, de traversée, de recherche. Elle refuse l’installation dans un lieu fixe et n’aide point le lecteur qui se voit obligé de déceler soi-même le processus de l’écriture. L’oscillation constante entre l’extérieur et l’intérieur, entre l’ouvert et le fermé, entre le verbe et le silence, entre la vie et la mort, entre l’être et le non-être représente une caractéristique de l’écriture cioranienne, trait qui correspond en égale mesure à la condition « incomplète », « brisée », assumée totalement par l’homme Cioran. Située au cœur du vaste domaine de l’intertextualité, cette approche paratextuelle convient à merveille à cette œuvre ouverte, qui mise notamment sur le dialogue entre les textes.

La deuxième partie s’articule autour des « Gestes de création » et se réfère aux ressorts de l’écriture comme vengeance et à la dimension temporelle de l’acte d’écriture. Le trait formel qui se distingue, le fragmentaire, semble répondre à une véritable esthétique de l’inachèvement. Le fragmentaire renvoie à une quête perpétuelle de la perfection. Les textes cioraniens nous dévoilent une œuvre ouverte, inachevée, plurielle. L’écriture intègre les silences, les intervalles, l’être essayant à travers les lettres de trouver le mot juste, « le symbole même de la caducité ». La deuxième section se termine par une interrogation portant sur les ressorts « comiques » et « ironiques » du texte cioranien.

La dernière partie, « Écriture et identité », vise une approche comparatiste, l’œuvre de Cioran étant analysée en rapport avec celle de son ami « lointain », Constantin Noïca, mais aussi en rapport avec les textes de Gaston Miron. Si dans le premier cas, le rapprochement est fait en vertu d’un lien biographique évident qui unit les deux auteurs, la comparaison avec l’écrivain québécois ne concerne que le domaine d’une « rencontre » purement littéraire, l’association étant faite par le lecteur en fonction des éléments thématiques communs qui ont pu être identifiés dans les textes des deux auteurs. Cioran et Constantin Noïca partagent une préoccupation évidente pour le mot, aspect qui sera étudié en trois étapes (le mot en tant qu’objet de questionnement philosophique et poétique, le mot intraduisible et le mot comme possible fondement de l’être). Cioran et Gaston Miron mettent en avant la dimension fragmentaire de l’individu, l’homme à fragments et l’homme rapaillé, scission identitaire qui se manifeste surtout dans le cas des écrivains bilingues. Le volume se termine par une réflexion sur l’aventure de l’être pendant le processus de création scripturale et propose une discussion centrée sur l’ « essentiel » de la vie et de l’écriture selon Cioran et sur les valences d’une poétique de l’entre-deux.

Voici le projet de ce livre : poursuivre, disséminer, risquer des mots afin de traverser et ouvrir les textes cioraniens. À travers des lectures incessantes, nous voulons parcourir cette œuvre paradoxale, ambiguë et incitante, franchir le seuil et s’installer, même un instant, dans la magie de l’être.

 

L'auteur

Dumitra Baron enseigne la littérature et la civilisation françaises du XXe siècle à la Faculté des Lettres et des Arts de l’Université « Lucian  Blaga » de Sibiu. Elle est docteur en littérature comparée de l’Université Sophia-Antipolis de Nice et de l’Université de Craiova, avec une thèse sur « Les matériaux intertextuels anglo-américains dans l’œuvre de Cioran », publiée sous le titre Variations po(ï)étiques (2011). Dumitra Baron a co-dirigé avec Maria Cristina Pîrvu et Béatrice Bonhomme le séminaire de recherche Bilinguisme, double culture, littératures (2009-2011) et le volume Traversées poétiques des littératures et des langues, paru chez l’Harmattan en 2013. Ses recherches concernent principalement l’intertextualité, la poïétique et la traduction.