Essai
Nouvelle parution
Vincent Debaene, La Source et le Signe. Anthropologie, littérature et parole indigène

Vincent Debaene, La Source et le Signe. Anthropologie, littérature et parole indigène

Publié le par Marc Escola

Comment entendre la parole de l’autre ? Comment la faire entendre ? L’anthropologie, en France, ne s’est pas construite dans un dialogue avec la parole « indigène ». Elle a réifié un discours, certes suscité et recueilli, mais réduit à la fonction de document à compléter (il est source) ou à interpréter (il est signe). Catégorie coloniale ou notion théorique, l’« indigène » est dans tous les cas objet de discours et non sujet d’énonciation.

À travers une histoire de la discipline en France et au prisme d’une comparaison avec les États-Unis, Vincent Debaene se penche sur les ambivalences des discours qui prétendent accueillir ou étudier la parole de l’autre. Il scrute l’héritage colonial de l’anthropologie et les possibilités de s’en déprendre. Sur la base d’un corpus de textes africains et malgaches, jadis désigné comme « littérature indigène d’expression française », il montre comment s’est instituée une hiérarchie entre écriture dominée et lecture dominante. Il montre surtout comment des auteurs ont, bien avant les indépendances, inventé des formes, littéraires et savantes, pour forcer la possibilité d’un dialogue et faire entendre leurs voix.

Ce livre retrace l’histoire de ces tentatives. Mais il interroge également la position de l’historien, du sociologue ou du critique qui s’en emparent, car eux aussi, à leur façon, transforment les discours en sources et en signes. Comment s’assurer de ne pas reproduire la condescendance coloniale dans la ressaisie de ces écrits ? Peut-on les envisager non pas seulement comme des documents au service d’une histoire à écrire mais comme des adresses, qui déplacent le projet savant lui-même ?

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Sommaire

Avant-propos - Anthropologie et littérature, Paris-New York - Deux points de vue sur le point de vue

Introduction

Première partie - Ethnologie indigène et littérature

I - L’impossible ethnographe indigène

Les « études indigènes »

Anonymat et signature

Parrains et patrons

Des auxiliaires sans feu ni lieu

« On ne peut pas être à la fois à l’école et au bois sacré »

II - L’invention de l’informateur

Gigognes et palimpsestes

La source et le signe

III - De l’ethnographie à la littérature ?

L’injonction ethnographique : la fabrique de l’auteur

Auctorialité, subjectivation, littérature

Une littérature disciplinée

La Renaissance « sous les tropiques »

Deuxième partie - Écrire en pays dominé, lire en pays dominant

IV - Sciences sociales, point de vue indigène et histoire de la littérature

Écrire l’histoire de la « littérature indigène d’expression française »

Point de vue indigène et colonialité

Une littérature aliénée ?

Paul Hazoumé et Fily Dabo Sissoko

V - Lire Doguicimi ?

Doguicimi : présentation

Doguicimi, roman historique

Une anti-épopée

Lisibilité de Doguicimi

VI - Les Caractères ou mœurs de ce siècle, par Fily Dabo Sissoko

Crayons et Portraits : présentation

Caractères, portraits, types

Contre « l’hybridation intellectuelle »

Littérature moraliste et situation coloniale

La Troisième République des lettres « sous les tropiques »

VII - À l’entre-deux des langues - Lire la poésie de Jean-Joseph Rabearivelo

Lire la « littérature indigène d’expression française »

Influences et imitation, marges et centre

Aristocratisme et aliénation : lecture sémiotique et lecture indexicale

De la traduction à la poésie bilangue

Traduire la traduction

VIII - Collecte ethnographique et renaissance poétique - Vers la négritude

Senghor, le bon élève ?

L’œil monocorde : « français d’Afrique » et poésie

De la grammaire à l’ethnographie

Retour au pays natal et « veillées noires »

Conclusion - Le prix de l’objectivation

Bibliographie.