« J’ai écrit ce texte comme un hommage à celle que j’avais tant aimée, et que j’avais si brutalement congédiée, car se construire en tant que jeune femme avait d’abord signifié pour moi, comme pour beaucoup de filles de ma génération : apprendre très tôt à mépriser les choses que nous avons adorées. Petite fille, il n’y avait pas d’autre destin pour moi que de devenir Britney. Plus tard elle a incarné le symbole de tout ce que je méprisais de la féminité. À l’âge de trente ans, j’ouvre ses mémoires, et ce que je découvre me glace : un destin féminin rejoué sous tous les soleils et qu’elle allait incarner de façon paroxystique. La jeune femme brûlée sur l’autel de sa gloire. Son histoire si particulière, et pourtant si classique, a résonné en moi avec celle de Nelly Arcan (écrivaine, a publié Pute, aux éditions du Seuil en 2001, se suicide le 24 septembre 2009) dont je venais de découvrir l’écriture incandescente. Nelly, l’un des esprits les plus lucides et les plus brillants qu’il m’ait été donné de rencontrer, qui avait eu le malheur de s’incarner dans un corps de femme, d’être en prison dans ce corps-là, et qui finirait par se donner la mort. »
Ce texte entremêle le destin et l’œuvre de ces deux femmes, apparues sur la scène du monde à l’aube du XXIe siècle, qui aurait dû être celui de leur triomphe mais qui allait les broyer. Le suicide de Nelly, l’enfermement de Britney sous la tutelle de son père, voilà deux preuves éclatantes de la violence qui se déchaîne dans ce monde contre toute femme qui aurait l’audace de se penser et de se vivre, puissante, libre et sauvage. Violence dont Louise Chennevière comprend ici avoir été la complice involontaire en se détournant si brutalement de Britney Spears, et en ignorant jusqu’à aujourd’hui l’œuvre de Nelly Arcan. Ce texte est une tentative de réparation. C’est aussi un cri de révolte contre la figure envahissante de la jeune fille, qui domine les imaginaires et soumet les corps. Cette figure idéaliste et mortifère que les hommes n’ont de cesse de traquer et après laquelle courent les femmes jusqu’à leur perte. À cette figure-là, le texte oppose un devenir femme qui saurait s’affran¬chir des peurs et des normes.