L’objet de ce livre est de présenter les grands axes de la philosophie de l’histoire de Dostoïevski. En premier lieu, il entend donc réhabiliter l’idée d’un Dostoïevski philosophe. À ce titre, le texte a pour ambition de montrer la manière singulière dont le romancier s’est approprié bon nombre des thèmes et concepts classiques de la philosophie occidentale : la liberté, la conscience, l’être, la moralité, la croyance, la subjectivité.
Plus spécifiquement encore, ce texte tâche de montrer en quoi ladite philosophie de Dostoïevski constitue une tentative particulièrement forte de s’opposer à la philosophie de l’histoire de Hegel. La doctrine hégélienne est en effet caractérisée par une vision positiviste du temps, en cela que l’esprit, par sa nature même, fait advenir dans le présent un moment philosophiquement supérieur au passé. Dostoïevski, au contraire prend le contrepied radical de cette conception de l’histoire, tâchant d’en montrer le caractère éthéré d’une part, mais aussi et surtout, dangereux, car servant de justification à toutes les élaborations intellectuelles arbitraires, le plus souvent violentes et amorales.