Traduire la mythologie par l’image au trait (fin XVIIIe-début XIXe s.) avec Agathe Salha & Élise Lehoux (Séminaire TIGRE, Guyancourt & en ligne)
Séminaire TIGRE, Traduire la mythologie par l’image au trait (fin XVIIIe-début XIXe siècles)
Agathe Salha, « Entre rêve et matière, les dessins au trait de John Flaxman sur l’Iliade et l’Odyssée d’Homère
Au début des années 1790, le sculpteur anglais John Flaxman (1755-1826), alors en séjour à Rome, réalise une série de dessins au trait inspirés de l’Iliade et de l’Odyssée accompagnés de références à la traduction anglaise des poèmes homériques par Alexander Pope. Ces dessins reproduits sous forme de gravures et recueillis dans des albums connaissent une diffusion européenne et rencontrent un succès public et critique. Dans un article paru en 1799 dans la revue Athenaeum (« Über Zeichnungen zu Gedichten und John Flaxman’s Umrisse », « Sur les illustrations de poèmes et les silhouettes de John Flaxman »), August Wilhelm Schlegel salue l’économie des dessins de Flaxman dont les «signes deviennent presque des hiéroglyphes», mais il souligne également leur exactitude archéologique, ajoutant que si Flaxman ne savait pas le grec, il possédait une connaissance plastique de l’Antiquité. Entre texte et image, entre antiquité rêvée et matérialisée, on s’interrogera sur le statut ambigu de ces dessins, sur leur place dans l’œuvre de l’artiste, sur leur diffusion à travers des supports variés et sur leur relation complexe aux poèmes d’Homère.
Élise Lehoux, «Graver au trait la mythologie autour de 1800 : les Galeries illustrées d’Aloys Hirt et d’Aubin-Louis Millin
Autour de 1800, un nouveau genre d’ouvrages centrés sur les objets d’art voit le jour entre la France et l’Allemagne : les « galeries illustrées », accompagnant sur le papier l’ouverture progressive des musées et galeries à un public plus large. Certaines d’entre elles sont dédiées aux antiques, dont les figures sont souvent interprétées comme illustrant des thèmes mythologiques. Parmi ces ouvrages figurent le Bilderbuch für Mythologie, Archäologie und Kunst (Berlin, 1805-1816, 2 vol.) d’Aloys Hirt (1759-1837) et la Galerie mythologique. Recueil de monuments pour servir à l’étude de la mythologie, de l’histoire et de l’art, de l’antiquité figurée, et du langage allégorique des anciens (Paris, 1811, 2 vol.) d’Aubin-Louis Millin (1759-1818).
De plus petit format par rapport aux prestigieux ouvrages du siècle précédent, ces livres renouvellent la vision des objets antiques, grâce au développement de la gravure au trait, qui permet l’impression de nombreuses images et une plus grande diffusion de ce type de publications, grâce à des coûts d’édition moins importants. Par ailleurs, cette technique de reproduction introduit une nouvelle esthétique, s’éloignant des codes visuels des gravures baroques. Enfin, ces livres accompagnent étroitement le développement de l’enseignement académique de l’ « Antiquité figurée », grâce à la multiplication des chaires d’archéologie, notamment en Allemagne depuis le dernier tiers du xviiie siècle, en tant que relais de ces nouveaux savoirs en construction.
Comment cette nouvelle économie du livre transforme-t-elle les modalités de représentation et d’interprétation de la mythologie ? C’est ce que nous allons essayer de montrer en comparant ces deux ouvrages qui, bien qu’appartenant tous deux à des traditions bibliographiques, savantes et institutionnelles différentes, participent à construire un nouveau régime d’exposition de la mythologie classique, notamment par le biais de leurs planches iconographiques.