Présentation de Raymond Espinose
On pourrait presque limiter Céleste Prudhomat au cas clinique, son étude. La conclusion en serait alors : « Voilà où conduit l’école de la République, voilà où conduit la libération des mœurs ». Mais il y a le reste, tout le reste, c’est-à-dire l’art de Guiches. Tout en ce roman est mouvement. Mouvement purement géographique d’abord, lorsque Céleste, à l’issue d’un concours, quitte son triste village pour une bourgade bourgeoise – conséquence qui devrait être heureuse et qui ne l’est point. Mouvement d’une conduite ensuite, laquelle conduite est menée par les sens – ils vont, au fil des pages, s’aiguillonnant jusqu’au délire. Si, certes, l’évolution du comportement de Céleste semble être le vrai sujet du roman, l’art de Guiches, cependant, ne se limite pas à une étude de la personnalité. En effet, il ne se révèle jamais aussi brillamment que dans la description tout en nuances (paysages, bourgades, saisons…) ; que dans le portrait de personnages visualisés immédiatement grâce au trait évocateur ou explicite (parents, relations de Céleste, notables…). Ainsi, descriptions et portraits contribuent à peindre une société provinciale qui n’est pas sans défauts. Peut-être, cependant, faudra-t-il retenir avant tout de cet admirable roman ce qu’il doit à l’esprit naturaliste à savoir : l’accent mis sur une personnalité singulière étudiée dans le détail. Le comportement de Céleste Prudhomat frappe les esprits. Il rend le personnage inoubliable, à l’instar de celui d’Emma Bovary.
Gustave Guiches (1860-1935) a écrit de nombreux romans d’obédience naturaliste, notamment L’ennemie et Un Cœur discret ; et des pièces de théâtre. Avec Paul Bonnetain, J.-H. Rosny Ainé, Paul Margueritte, Lucien Descaves, il est un des signataires du Manifeste des Cinq – lettre pamphlétaire publiée dans Le Figaro (1887), dirigée contre Zola, lors de la parution de La Terre.