Acta fabula
ISSN 2115-8037

2024
Décembre 2024 (volume 25, numéro 11)
titre article
Catherine Ménager

Les fantômes de Maxime Du Camp enfin réincarnés

Maxime Du Camp’s ghosts finally reincarnated
Maxime Du Camp, Le Chevalier du cœur saignant, présentation de Marie-France de Palacio, Billère : Éditions du 26 octobre, 2024, 198 p., EAN 9782492268205.

1Une saine tendance de la critique littéraire et de certaines maisons d’édition consiste à rendre justice aux voix qui se sont injustement tues ou à celles qui n’ont pas pu se faire entendre. Ainsi s’élargit le monde devenu étriqué des « grands écrivains », parfois rétrospectivement élus. Dans cette perspective, Maxime Du Camp, « vedette » du xixe siècle, anathémisé au cours du siècle suivant, ressuscite discrètement, progressivement, partiellement. En 1996, Gérard de Senneville a publié une biographie de l’écrivain1. Daniel Oster2, Marta Caraion3 et Thierry Poyet4 ont proposé de nouvelles éditions commentées de quelques-uns des quarante-six volumes parus du vivant de l’auteur. Plus récemment, Thomas Loué a rassemblé, sous le titre Les Académiciens de mon temps, une autobiographie manuscrite ainsi que divers textes et lettres inédits5. Enfin, grâce aux éditions du 26 octobre, nous pouvons désormais lire, sans recourir aux précieuses ressources de la Bibliothèque nationale de France, le deuxième recueil de nouvelles ducampiennes, Le Chevalier du cœur saignant, initialement paru en 1862. De surcroît, ces récits sont précédés d’une préface rédigée par Marie-France de Palacio, remarquable par son érudition, évitant le bavardage, les extrapolations, les envolées lyriques, constituant en soi une nouvelle et précieuse ressource, solidement étayée par des références précises au sujet d’un écrivain dont l’œuvre mérite effectivement d’être reconsidérée. Ces quelque quarante pages, liminaires et préliminaires, permettent, à l’appui constant du texte et du lexique, parfaitement maîtrisé, de l’analyse littéraire, un décryptage savant des fictions qu’elles introduisent. De la sorte sont mis en évidence la cohérence du recueil, sa réception, le contexte littéraire de sa parution, quelques-uns de ses hypotextes et surtout son originalité, autrement dit, sa valeur, laquelle réside principalement dans son traitement singulier du registre fantastique et dans son dialogue avec le saint-simonisme de Prosper Enfantin. S’y ajoute, nous semble-t-il, un enjeu éthique et médical plus déterminant que ne le suggère Marie-France de Palacio.

Le fantastique ducampien

Redéfinir le registre fantastique

2Dès la première phrase de sa préface, Marie-France de Palacio prend la peine de déterminer la matrice de ce recueil oublié. « Ces nouvelles peuvent, écrit-elle, être considérées comme des nouvelles fantastiques » (p. 5). Après sa théorisation par Todorov6, le registre fantastique semble devenu tellement codifié, en particulier appliqué à une certaine littérature du xixe siècle, qu’il pourrait paraître étonnant, car évident, de le trouver mentionné en amont d’un livre regroupant trois récits introduisant des évènements surnaturels dans un cadre réaliste, sans explication rationnelle définitive. Aussitôt s’imposent à notre esprit quelques noms illustres : Maupassant, le premier peut-être, — qui ne se serait sans doute pas réjoui de ce rapprochement7 — puis, bien sûr, Nodier, Nerval, Balzac, Barbey d’Aurevilly, Dumas, Villiers de l’Isle-Adam, Mérimée, et l’incontournable Gautier, ce dernier étant, à juste titre, largement cité dans la préface. Était-il donc nécessaire d’inscrire dans une si illustre filiation un livre de Du Camp, très probablement lu après ceux de ces écrivains contemporains, considérés comme les maîtres français du genre ? Certainement, car Marie-France de Palacio se prête à un exercice de resémantisation du fantastique à l’aune des nouvelles qu’elle s’apprête à introduire.

3Elle a d’autant plus raison de s’engager sur cette voie que l’irruption de la fantasy dans notre paysage littéraire tend à faire ressurgir de ses cendres le débat que l’on croyait clos entre le fantastique et le merveilleux. Roger Caillois a pourtant vaillamment combattu cette confusion générique, en proposant une définition du genre fantastique particulièrement adaptée au Chevalier du cœur saignant, en contraste avec « le féérique » :

Le féerique est un univers merveilleux qui s’oppose au monde réel sans en détruire la cohérence. Le fantastique, au contraire, manifeste un scandale, une déchirure, une irruption insolite, presque insupportable dans le monde réel […], le surnaturel [y] apparaît comme une rupture de la cohérence universelle. Le prodige y devient une agression interdite, menaçante, qui brise la stabilité d’un monde dont les lois étaient jusqu’alors tenues pour rigoureuses et immuables8.

4Le potentiel disruptif que suppose le registre fantastique gagnait à être mis en évidence puisqu’il sert, selon Caillois, à défier les « lois » connues de la réalité dans le cadre d’une confrontation directe avec l’incompréhensible. Dès lors, la stabilité des certitudes s’ébranle. La compréhension du monde doit être réévaluée. C’est précisément l’enjeu de ce recueil.

Du doute à la tolérance : une argumentation indirecte

5Forte de ces principes qu’elle suppose connus, Marie-France de Palacio, en annonçant d’emblée le fantastique strictement ducampien de ces trois nouvelles, s’apprête à démontrer avec brio « l’orientation très particulière qui leur est commune » à savoir « des cas de possession d’un individu par le fantôme d’un autre ou de soi-même — ou de soi-même comme un autre » (p. 5). De fait, des âmes transmigrées dans les corps des protagonistes font successivement « irruption » dans Le Chevalier du cœur saignant, premier récit, éponyme, du recueil, dans L’Âme du bourreau, puis dans Les Hallucinations du professeur Floréal, créant tour à tour une « déchirure » au sein de l’individualité fictive de leur hôte vivant. Or, s’il est excessif d’affirmer — en particulier sous couvert de la projection de la psychologie des personnages sur celle de leur créateur — que ce thème de « la métempsycose est chez [Du Camp] une véritable obsession, en poésie comme en prose » (p. 31)9, il est certain que la fiction s’apparente ici à une forme d’argumentation indirecte de l’écrivain en faveur, sinon des thèses de Prosper Enfantin sur la vie éternelle10, au moins d’une tolérance à l’égard de croyances s’éloignant de la doxa scientifique ou médicale de l’époque — voire, peut-être, encore de celle d’aujourd’hui, d’où la modernité de ce livre.

Un enjeu éthique et médical

Plaider en faveur des vrais-faux malades

6En ce sens, Marie-France de Palacio présente le fantastique comme un « prétexte » à une réflexion « métaphysique » (p. 24‑35) auquel s’ajoute un enjeu éthique qui répondrait à ces questions : est-il raisonnable, acceptable, souhaitable de railler des convictions vécues, ressenties, souffertes et partagées par quantité d’êtres humains trop vite qualifiés de « fous » ? La médecine prétend-elle guérir ces trop nombreux « hallucinés », ces « illuminés », ces incurables rêveurs, créateurs de revenants plus ou moins rassurants, en les réduisant au silence ? Du Camp, en guise de plaidoyer, donne précisément la parole à ces prétendus malades et — comble de l’ironie — il place bien souvent, à leur côté, un médecin à la fois incrédule et vaguement incompétent. Ainsi, le cœur du chevalier Fabio saigne constamment de jalousie parce qu’il voit, dans celui de sa maîtresse, ses amants, anciens et actuels. Quant au narrateur, impuissant, s’inquiétant de l’état de santé morbide de Fabio, il s’enquiert des chances de guérison du malade auprès de l’aliéniste chargé de son suivi médical :

— Croyez-vous pouvoir le guérir ? lui demandai-je.
— Mon cher enfant, répliqua-t-il, quand nous saurons ce que c’est que l’âme et où est le siège exact de ses maladies, je vous répondrai. (p. 101)

7Ce médecin, choisi évidemment parmi les plus réputés, a d’ailleurs chargé le narrateur de « faire causer11 » son patient, faute — limpide implicite ! — de savoir l’écouter, en agnostique plutôt qu’en athée, évoquer une foi qu’il ne partage pas. Bien sûr, le narrateur relayant essentiellement la parole du malade, c’est nous, lecteurs et lectrices, qui jouons le rôle de l’auditoire attentif, bienveillant et, par conséquent, indirectement, celui du thérapeute.

Un continuum thématique

8À ce titre, il aurait été intéressant de rapprocher plus franchement ces trois nouvelles des Mémoires d’un suicidé (1853), premier roman de Du Camp, prépublié dès 1852 sous le titre Le Livre posthume, puisque le narrateur y est aussi autodiégétique et qu’il se termine par une profession de foi proche de celle avec laquelle débute ce recueil. Y est en effet affirmée, grâce à la transcription de l’épitaphe du protagoniste12, cette même croyance en la transmigration des âmes. La dédicace à Charles Lambert — saint-simonien célèbre et disciple d’Enfantin — en exergue du Chevalier du cœur saignant, fait, par conséquent, explicitement écho à la clausule du roman, prolongeant la cohérence des nouvelles, prouvant la constance de son auteur. Parmi les trois récits du recueil, L’Âme du bourreau illustre, par son titre même, particulièrement bien la doctrine de la vie éternelle saint-simonienne, comme le soulignent amplement les commentaires de Marie-France de Palacio. Cependant, cette nouvelle sous-tend d’autres enjeux, à commencer par la lutte contre la violence sociale. Le « gentil » bourreau, hanté par l’âme d’un ancêtre infâme — dont nous tairons volontairement l’identité, tant l’effet de surprise est garanti — s’avère finalement plus contrarié par cette violence, subie et produite, qui le caractérise que par le partage de son âme, entre moralité et immoralité.

L’éloge de la non-violence en surimpression

9Paria en raison de son extrême douceur incompatible avec son métier de « coupeur de têtes », mélomane trop bruyant, trop honnête, trop seul, trop amoureux enfin, il symbolise la discordance entre humanité et brutalité. Son père, un « méchant » bourreau doublé d’un charlatan qui « réduisait les fractures, remettait les entorses et frictionnait les rhumatismes […], vendait fort cher du saindoux mêlé d’aromates, qu’ils [les paysans ignares et superstitieux] prenaient consciencieusement pour de la graisse humaine » (p. 123‑124) — cherche à lutter, à l’instar de la population, contre la prétendue couardise de son fils Jacques en l’exposant à des exécutions insupportables. Jacques, au terme de cette étrange éducation, déclare :

Pendant six mois, deux fois par semaine, j’allai avec lui voir de pauvres animaux qu’on assommait, qu’on saignait et qui tournaient des yeux pleins d’une souffrance presque humaine, en frémissant des dernières convulsions. Je m’habituai à voir périr violemment des bœufs et des moutons, mais plus tard je m’aperçus que je ne m’accoutumerais jamais à la mort juridique des hommes ! (p. 136)

10Si, malgré l’empathie et la pitié exprimées à l’égard de ces animaux décrits dans leurs dernières souffrances, le début de cette citation ne constitue pas vraiment un plaidoyer animaliste, la « mort juridique des hommes » renvoie explicitement à la peine capitale. En ce sens, cette nouvelle peut se lire comme une incitation politique manifeste à cesser l’action de la guillotine. Marie-France de Palacio rappelle d’ailleurs que Du Camp, en prépubliant cette nouvelle en 1857, s’est rendu « indirectement responsable de la fin de [La Revue de Paris] » dont il avait repris la direction avec Arsène Houssaye, Louis de Cormenin et Théophile Gautier six ans plus tôt, puisque L’Âme du bourreau a été censurée et la revue éliminée par le gouvernement de Napoléon III. Du Camp lui-même, dans ses Souvenirs littéraires, prétendra rétrospectivement avoir simplement voulu « expliquer la théorie de la transmigration des âmes13 ». Il est permis d’en douter tant ce récit, en utilisant le principe énonciatif, largement utilisé après la Seconde Guerre mondiale14, qui consiste à adopter le point de vue du bourreau, prend le contrepoint du Dernier Jour d’un condamné de Victor Hugo, pour délivrer, finalement, une semblable condamnation de la « loi du talion », selon l’expression de Robert Badinter15. Au reste, Du Camp réaffirmera explicitement, dans Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie jusqu’en 187016, son opposition à la peine de mort, autre combat de Prosper Enfantin dont l’ombre plane, telle une âme transmigrée, hors et dans Le Chevalier du cœur saignant.

Dialogue avec les doctrines enfantiniennes

De la nécessité de prendre en compte les deux Lettres de Prosper Enfantin

11 De facto, l’influence du « Père » Enfantin s’inscrit ostensiblement dans ce recueil. En ce sens, Marie-France de Palacio met à plusieurs reprises les nouvelles en perspective avec la Lettre à Charles Duveyrier. Elle en déduit, à juste titre, les différences de point de vue entre l’écrivain et le célèbre saint-simonien. Les nouvelles s’interprèteraient donc comme des « exemplifications des théories d’Enfantin » (p. 34) nuancées par un « droit de réponse » (p. 35), ce qui semble indéniable à condition, nous semble-t-il, d’ajouter, à la conceptualisation enfantinienne de la transmigration des âmes, non seulement le militantisme du Père contre la peine de mort17, mais aussi et surtout un ouvrage plus tardif, Science de l’homme. Physiologie religieuse comportant une autre Lettre : la Lettre au docteur Guépin18.

12En substance, dans cette seconde Lettre, Enfantin répond au médecin philosophe Ange Guépin19 qui aurait établi que le cerveau régissait nos pensées, nos actions, nos sentiments. Après avoir admis qu’il ne se prétendait pas physiologiste, ce qui ne l’empêchait pas de penser logiquement, Enfantin s’adresse à Guépin en ces termes :

Si je ne me trompe, vous avez voulu dire que le cerveau était l’organe non-seulement des facultés intellectuelles, mais des facultés que vous nommez animales ; et qu’il est aussi l’organe des facultés sociables […] et alors vous supposez que le cerveau est l’organe en qui se résument les sentiments, les raisonnements et les actes de cet individu sociable et progressif20.

13Opposé à cette supposée suprématie du cerveau, prônant par ailleurs la liberté sexuelle, Enfantin postule, au contraire de Guépin, l’égalité entre chacun des organes humains, plaçant ainsi la « chair » au même rang hiérarchique que l’esprit. Or, si L’Âme du bourreau a été prépubliée avant la Science de l’homme, si, comme le souligne Marie-France de Palacio, Le Chevalier du cœur saignant germait dans l’esprit et sous la plume de Du Camp bien avant sa parution dans La Revue des Deux Mondes en 1859, il n’empêche que ces deux nouvelles ont pu s’inspirer des théories enfantiniennes rassemblées dans cette seconde Lettre puisqu’elles étaient en gestation au moment même où l’écrivain fréquentait assidûment Enfantin. Le fait que ce « cœur saignant » matérialisant littéralement l’amour, engendrant un « sentiment » transmué en « sensation21 », se substitue au cerveau, semble le prouver. C’est en effet dans ce noble muscle, vecteur littéraire traditionnel et métaphorique de la passion, que tout se joue, comme dans un « théâtre, y compris intérieur » (p. 27) pour reprendre la jolie formule de Marie-France de Palacio, plutôt que dans la tête de Fabio, n’en déplaise au docteur Guépin.

Aporie de l’amour désincarné

14Bien plus, dans la troisième nouvelle, Les Hallucinations du Professeur Floréal, prépubliée en 1861, soit trois ans après La Science de l’homme, le protagoniste souffre de la mort de sa femme, Célestrie, dont l’âme vit pourtant en lui. Dans un premier temps, très bref, il se réjouit de cette présence-absence. Néanmoins, la solitude, vécue physiquement, le désole rapidement au point qu’il en arrive à cette réflexion :

Son âme identifiée à la mienne était en moi, je le sais, et ce fut un incomparable adoucissement à mes peines ; mais son corps, ce corps charmant qui avait la blancheur du duvet de cygne, où était-il ? Rien ne pouvait suppléer à son absence, et je me désespérais d’être seul après avoir été deux. Non, non, son âme ne me suffisait pas : elle m’aimait encore, elle me soutenait dans mes défaillances, c’est vrai ; mais l’apparence, cette apparence que j’avais idolâtrée, que je regrettais sans relâche, à laquelle j’avais dû tant de joies ineffables, cette apparence n’était plus là, et je m’agitais dans le vide, sans savoir que faire des trésors de tendresse que je sentais amassés en moi. (p. 178‑179)

15En clamant son désespoir « d’être seul après avoir été deux », alors que l’âme de Célestrie, toujours présente, s’est « identifiée à la [s]ienne », Jacques évacue l’immatérialité de sa femme morte. Il la substantifie, la fond dans son propre corps en proie à l’abstinence sexuelle, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit implicitement. En toute logique, Jacques « trompe » la défunte Célestrie — toujours aux aguets — avec une femme en chair et en os, Henriette, dont l’âme n’a pas lieu de se manifester. La morte tuera pourtant la vivante, par l’intermédiaire de l’homme qu’elles se partagent, puisque le corps de Jacques est régi par l’âme de Célestrie. Est-ce bien un hasard si celui qui se présente d’emblée comme Marius Floréal Longue-Heuze22 (Marius Floréal « longue jambe »), un « pantin dont les fils se sont desserrés » (p. 149), « le prince Échalas » (p. 150) — évident contre-blason de Du Camp — est plus physiquement manipulé que les protagonistes des deux nouvelles précédentes ? N’est-ce pas réaffirmer l’empire de la « chair » sur l’esprit, dans le cadre d’une réflexion continuée sur le thème de la vie éternelle, mais à l’aune de la Lettre au docteur Guépin ? Enfantin y suggère en effet que

pour le SENTIMENT, il pourrait n’être que le résultat d’une combinaison harmonique ou discordante de l’élément idée avec l’élément fait, chose, forme ; d’une combinaison psychique et physique, spirituelle et matérielle des deux piles antérieure et postérieure du cerveau. Je serais désireux que vous me prouvassiez que je me trompe ou que je vois juste en émettant cette dernière hypothèse23.

16Appliquée à la dernière nouvelle du recueil, cette définition du sentiment éclaire la « combinaison […] discordante » que forment Célestrie, élément « psychique » ou « spirituel » et Henriette, élément « physique » ou « matériel ».

*

17En somme, la richesse de ces trois nouvelles permet d’envisager le croisement de nombreuses interprétations, littéraires, linguistiques, politiques, éthiques, métaphysiques, en plus d’inviter à la relecture de l’œuvre de Maxime Du Camp. L’hypotexte enfantinien devrait d’ailleurs suffire à attirer un lectorat soucieux de mesurer l’impact de l’idéologie saint-simonienne sur la littérature du xixe siècle, notamment dans le cadre des interactions entre littérature et discours médical. Au demeurant, une « lecture naïve » de ce recueil suffit pour s’attacher aux personnages ducampiens dont les noms parfois cocasses et, sans mauvais jeu de mots, « enfantins », masquent la « substantifique moelle » du livre. Marius Floréal Longue-Heuze a longtemps côtoyé le commandant Pamplemousse24 dans les bibliothèques françaises. Faut-il à présent s’en gausser ? Quel type d’histoire littéraire peut bien naître d’un corpus expurgé a posteriori ? Gageons donc que cette réédition suscitera un intérêt mérité, aussi bien pour les fantômes qu’elle réincarne que pour l’admirable analyse de Marie-France de Palacio qui les accompagne.