Acta fabula
ISSN 2115-8037

2009
Février 2009 (volume 10, numéro 2)
Katerine Gosselin

Claude Simon : nouvelles perspectives

Cahiers Claude Simon n°4, sous la direction de Jean-Yves Laurichesse, Perpignan : Presses Universitaires de Perpignan, 2008, EAN 9782354120351

1Dans sa dernière livraison, la revue de l’Association des Lecteurs de Claude Simon, les Cahiers Claude Simon, continue d’ouvrir les perspectives des études simoniennes. Après un numéro (n° 3, 2007) où elle apportait, notamment, un éclairage neuf sur les rapports entre Simon et Sartre1, elle met maintenant au jour ceux qui relient l’œuvre simonienne à la pensée de Georges Bataille et, plus largement, au Collège de Sociologie. Elle propose également, dans une autre perspective, trois lectures de L’Herbe, roman de 1958 quelque peu négligé par la critique, souvent éclipsé par La Route des Flandres (1960), et dont elle révèle l’importance en regard de l’œuvre simonienne telle qu’elle s’est constituée par la suite. En plus de ce riche dossier critique, le quatrième numéro des Cahiers Claude Simon offre une réédition d’un texte de Simon paru en 1960 dans les Lettres nouvelles, « Matériaux de construction ». Y figurent finalement une critique de L’Herbe par Charles Camproux, parue dans Les Lettres françaises en 1959, qui frappe par sa perspicacité et sa compréhension du style simonien, et un texte de l’écrivain autrichien Bodo Hell, « Lisant dans un paysage », qui porte sur la composition des Corps conducteurs et de la signification qu’y revêt l’image centrale d’Orion aveugle.

2Dans sa présentation du texte de Simon, Jean-Yves Laurichesse précise d’abord le contexte de sa parution dans les Lettres Nouvelles. Le numéro dans lequel est paru « Matériaux de construction 2 », en effet, revêtait un caractère exceptionnel, annonçant en couverture des textes, des chroniques et des essais de « Quelques-uns parmi les “121” ». Laurichesse rappelle le rôle important joué par Maurice Nadeau, directeur des Lettres Nouvelles, dans la diffusion de la « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie », couramment appelée « Manifeste des 121 », que Simon avait signée en septembre 1960. Dans son introduction au numéro, Nadeau réaffirme la « vocation avant tout “littéraire” » des Lettres nouvelles. Conformément à ce principe, qui lui est cher, de séparation de la politique et de la littérature, Simon produit pour ce numéro un texte qui, comme l’indique son titre, « émane du chantier de l’écriture » (p. 21), selon les termes de J.-Y. Laurichesse. « Matériaux de construction » est constitué de trois textes courts, portant sur des sujets différents, qu’il réunit sous la forme d’un triptyque. Laurichesse analyse ces trois textes en situant chacun d’entre eux dans la genèse de l’œuvre simonienne. Le premier texte, qui n’a jamais été repris, présente un tableau du Jura qui s’ajoute à ceux que produira par la suite Simon, dans Triptyque (1975), L’Acacia (1989) et Le Jardin des Plantes (1997). Le deuxième texte fait découvrir la genèse du personnage de l’oncle Charles, qui apparaîtra pour la première fois dans Histoire (1967). Le troisième texte sera intégré presque en totalité dans Le Palace (1962), selon des modalités dont Laurichesse mesure la portée. Laurichesse s’intéresse finalement aux personnages de ce troisième texte, deux émigrants « de ce type méditerranéen, sombre, taciturne patient et famélique », issus de « générations de conquérants ou pirates arabes tout le long des côtes » ; ces deux hommes, qui apparaissent comme « les frères de ces Algériens auxquels le numéro des Lettres nouvelles est dédié », peuvent apparaître du même coup, suggère-t-il, comme le « signe ténu mais bien présent d’un “engagement” du texte hors de tout discours engagé » (p. 27).

3L’article de Wolfram Nitsch (« Une poétique de la dépense. Claude Simon et le Collège de Sociologie ») interroge les rapports qu’entretient l’œuvre simonienne avec les œuvres de deux des fondateurs du Collège de Sociologie, Georges Bataille et Michel Leiris. Le Collège de Sociologie, rappelle W. Nitsch, a été fondé « à la veille de la Deuxième Guerre mondiale par un groupe d’anthropologues et de surréalistes tardifs pour explorer le rôle du sacrifice, de la dépense et de la transgression dans le monde moderne » (p. 33). Selon W. Nitsch, les romans de Simon, en regard des affinités qu’ils présentent avec certains essais de Bataille et d’une certaine « emprise » qu’a pu avoir sur eux l’œuvre de Leiris, peuvent être lus « à la lumière d’une poétique de la dépense » (p. 35), dont il esquisse les contours à partir d’une lecture, qui se veut exemplaire, d’un passage de La Bataille de Pharsale (1969). W. Nitsch identifie au cœur des romans de Simon une tension entre deux poétiques différentes, comprises dans la figure d’Orion aveugle, figure par excellence du romancier : une poétique de la recherche, qui renvoie à l’errance d’Orion, voyageur égaré cherchant son chemin « à tâtons », et une poétique de la dépense, qui renvoie à la violence subie autant que prodiguée, « dépensée » par Orion. Simon, remarque W. Nitsch, lorsqu’il commente la figure d’Orion, ne renvoie le plus souvent qu’à la première de ces poétiques. C’est afin d’expliciter cette poétique de la dépense, qui demeure implicite chez Simon, mais à laquelle le romancier renvoie bel et bien à travers la figure d’Orion, que Nitsch remonte à l’esthétique du Collège de Sociologie. Si à la poétique de la recherche correspond une écriture « nomade », à la poétique de la dépense correspond une écriture sacrificielle, définie par Leiris sur le modèle de la corrida espagnole, modèle que W. Nitsch met en lumière au moyen de la notion de « dépense » proposée par Bataille. Afin de cerner ce double mouvement de l’écriture simonienne, W. Nitsch étudie minutieusement la description du guerrier nu, luttant contre une nuée d’ennemis imaginaires dans le dortoir d’une caserne, dans la deuxième partie de La Bataille de Pharsale. Il montre comment, dans cette description, les digressions successives concourent à une accumulation et à une intensification qui fait de cette apparition du guerrier nu « le comble de toute une série d’actes sacrificiels » (p. 44). Or cette violence du spectacle qu’offre le guerrier nu se dévoile comme étant celle de l’écriture elle-même, qui éprouve le guerrier comme le lecteur, les entraînant dans son mouvement : à la dépense du guerrier nu correspond la dépense de l’acte sacrificiel d’écrire comme dépense verbale. Si le guerrier nu « s’impose comme figure allégorique de cette écriture » (p. 52), c’est bien, conclut W. Nitsch, en tant que figure double : car il est comparé, à la fin de la description, à « “Orion tituba[n]t en aveugle sur les monumentales assises de ses pieds” 3 » (id.). Il préfigure ainsi « ce géant mythologique qui […] présentera un modèle à double face pour la poétique simonienne » (id.).

4L’article d’Aurélie Renaud (« L’Espagne de Claude Simon sous la lumière de Georges Bataille ») porte sur l’Espagne simonienne, et tente d’en cerner les caractéristiques à partir de la pensée de Georges Bataille. Comme W. Nitsch, A. Renaud rappelle les réticences exprimées par Simon à l’égard du Collège de Sociologie et, plus particulièrement, de Bataille. Elle affirme cependant que, au-delà des « logiques différentes » (p. 56) qui sous-tendent l’écriture des deux écrivains, et dont il convient de tenir compte, des affinités réelles demeurent entre l’image de l’Espagne qui se dégage des essais de Bataille et celle que présentent les fictions simoniennes. C’est à partir de la notion de dépense, « clé de voûte de la pensée de Bataille » (p. 54), que A. Renaud définit l’Espagne simonienne. Elle cible trois aspects de celle-ci, qui apparaissent comme trois modalités de la dépense : la description des rituels espagnols, les portraits d’anarchistes et le traitement de la ville de Barcelone. A. Renaud montre la proximité des deux premiers de ces aspects chez Simon et Bataille, et relève qu’ils s’inscrivent dans la continuité de la tradition romantique, qui a mis de l’avant l’« altérité foncière » (p. 57) de l’Espagne et son outrance généralisée, violente. Pour Renaud, l’originalité de Simon réside dans le traitement qu’il accorde à la ville de Barcelone. La Barcelone simonienne, montre A. Renaud, est une ville complexe et ambiguë, caractérisée en tous points par l’excès. Ville moderne, ouverte à la croissance démesurée, d’une part, elle refuse la « dépense improductive », et donne ainsi lieu à des formes dégradées de la dépense, auxquelles correspond, par exemple, le luxe bourgeois. Cependant, la Barcelone simonienne est aussi, d’autre part, une ville archaïque, lieu de « dépenses authentiques », de débauches, d’ostentations et de consumations pures,  dont le palace décrit dans le roman du même nom (1962), « édifice profane [qui] se change en monument presque sacré » (p. 70), offre un exemple patent. Cet archaïsme, conclut A. Renaud, dans la mesure où il co-habite avec une modernité tout aussi excessive, consolide la parenté entre la Barcelone simonienne et l’Espagne de Bataille ; pour les deux écrivains, l’Espagne permet de penser ou de mettre en œuvre « la nature profonde de l’homme, que les “primitifs” donnent à voir d’une manière si spectaculaire », mais incarnée ici « dans une véritable “civilisation” » (p. 74).

5Le dossier sur L’Herbe s’ouvre par un article de Gérard Robichou (« L’Herbe face à la critique ») sur la réception critique de L’Herbe. Traçant un portrait général de la critique simonienne depuis le début des années soixante, G. Robichou y identifie trois grandes orientations, dont les deux dernières sont postérieures à l’attribution du Prix Nobel à Simon en 1985 : premièrement, une orientation « “d’ordre” pédagogique », deuxièmement, une « approche transversale plus “épistémologique” », et, troisièmement, une « approche transversale “thématique” ». En présentant ces trois grandes orientations de la critique, G. Robichou s’attarde plus précisément au traitement qu’elles accordent à L’Herbe, et constate : « […] bien que […] ce roman n’ait pas été ignoré, L’Herbe n’a pas non plus été sur “le chemin” qu’ont parcouru […] les études sur Claude Simon. […] [I]l a été progressivement plus ou moins oblitéré, voire évacué » (p. 81-82). G. Robichou maintient que L’Herbe « occupe […] une place particulière (à part ?) » (p. 78) dans l’œuvre simonienne. Dans un premier temps, il remet en question la division en périodes de l’œuvre, et, reprenant la définition du roman simonien comme « travail sur l’écriture », propose de la considérer plutôt comme une « donnée […] “organique” » (p. 82). « Lire » L’Herbe, dès lors, consisterait à déterminer en quoi et comment ce roman appartient « au grand “Texte” simonien en sa qualité de produit d’une écriture » (p. 83). Dans un deuxième temps, G. Robichou invite à interroger l’appellation générique « roman » en regard du roman simonien en général, et de L’Herbe en particulier. Car selon lui, la particularité de L’Herbe consiste en ceci qu’elle « reste tributaire d’une dimension fictionnelle » (p. 92), à laquelle se substituera peu à peu, à partir de La Route des Flandres, une dimension autobiographique. Cette substitution s’opère essentiellement dans le transfert, de L’Herbe à La Route des Flandres, de Louise à Georges, qui entraînera le roman simonien dans une série quasi infinie de variantes. Le statut particulier de L’Herbe dans l’œuvre simonienne, suggère finalement G. Robichou, résiderait ainsi dans la « fonction “séminale” » (p. 93) qu’il y accomplit.

6Les articles d’Anne-Yvonne Julien (« Le dire du “Rien” dans L’Herbe. Versions simoniennes du Nihil ») et de Michel Bertrand (« Inscriptions de l’Histoire dans L’Herbe de Claude Simon ») renversent la tendance observée par G. Robichou dans la critique, en proposant des lectures de L’Herbe qui dévoilent pleinement la richesse de sa composition, et circonscrivent la place spécifique qu’il occupe dans l’œuvre simonienne.

7Anne-Yvonne Julien interroge la « présence insistante et plurielle » (p. 95) du mot « rien » dans L’Herbe. Elle pose l’hypothèse selon laquelle Simon aurait « articulé autour du mot-thème “rien”, trois régimes d’écriture » (p. 96) : un régime théâtral, un régime narratif et un régime poétique. A.-Y. Julien considère ces trois régimes d’écriture comme trois dynamiques qui se recouvrent, et dont la cohésion, précisément, serait assurée par le mot « rien ». Julien montre d’abord que l’écriture, dans L’Herbe, procède à une scénographie : elle fait se projeter les événements sur la « scène » intérieure de Louise, qui devient un « espace dramatique imaginaire » (p. 97) clairement délimité et organisé. Dans ce « décor » se font entendre des dialogues qui déclinent, chacun selon des modalités précises, les multiples acceptions du mot « rien ». Le régime d’écriture narratif identifié par Julien renvoie à la présence dans L’Herbe d’une « forme latente de récit d’apprentissage » (p. 100). Cet apprentissage est celui de Louise, qui évolue profondément en accompagnant sa tante par alliance, Marie, dans la longue agonie qui précède sa mort. Pour A.-Y. Julien, c’est le « discours “nihiliste” » (p. 101) de la tante Marie qui constitue son véritable legs à sa nièce. Nihiliste, Marie se refuse à toute forme de « croyance » : elle ne croit en rien, ne craint rien dans la mort. Or ce nihilisme, montre A.-Y. Julien, a un envers constructif : il confère à Marie la capacité, qui s’avérera fondamentale pour les narrateurs simoniens, de « “regarder avidement” le monde visible et éphémère » (p. 104). Marie propose ainsi une certaine éthique, dont Louise pourrait devenir héritière, et apparaît comme « le personnage paradigmatique d’une traversée de l’équipée existentielle sous le signe du “rien” constructif » (p. 96). Autour du mot « rien » s’articule finalement un régime d’écriture poétique, qui déploie « toutes les déclinaisons ou configurations possibles d’un imaginaire […] de la néantisation de toute chose » (p. 104). Julien identifie les vastes réseaux métaphoriques qui s’enchaînent et s’entrecroisent dans L’Herbe, et insiste sur leur cohérence, qui s’organise autour de la figure de Marie. Celle-ci, affirme Julien, est une figure cohésive, dans la mesure où elle apparaît comme « le signe du processus toujours déjà commencé d’entrée en agonie du visible et conjointement comme l’indice d’une résistance à cette universelle dérive de décomposition » (p. 107). Figure hybride, à la fois très jeune fille et très vieille femme, Marie porte une interrogation sur l’existence qui sépare ces deux moments extrêmes. Elle est, conclut A.-Y. Julien, une personnification du temps non pas « retrouvé » mais « apprivoisé » (p. 109).

8L’article de Michel Bertrand porte sur l’inscription de l’Histoire dans L’Herbe. Il s’intéresse successivement à « l’insertion des histoires minuscules dans l’Histoire majuscule, au système de répétition qui régit toute histoire » (p. 112 ; nous soulignons), et, finalement, à l’inscription de l’Histoire dans l’œuvre, plus précisément aux fonctions que remplissent respectivement le texte et l’image dans son mouvement. M. Bertrand remarque que le roman de Simon narre une seule histoire qui s’insère directement dans l’Histoire, celle de l’exode de Marie, forcée de quitter sa maison lors de la débâcle, en juin 1940, et de traverser la France pour aller se réfugier chez son frère Pierre. À l’arrivée de sa sœur, celui-ci tire cette conclusion : « “si endurer l’Histoire […], c’est la faire, alors la terne existence d’une vieille dame, c’est l’Histoire elle-même, la matière de l’Histoire” 4 » (p. 114). Dans la mesure où l’Histoire est décrite dans L’Herbe comme le contraire d’« une série discontinue de dates », comme étant plutôt « sans limite » et « sans distinction » (p. 115), c’est toute l’existence de Marie, routinière dans son ensemble, à peine perturbée par quelques accidents, qui apparaît comme l’Histoire elle-même. L’Histoire, chez Simon, rappelle Bertrand, suit le mouvement des révolutions, c’est-à-dire qu’elle « repasse successivement par les mêmes points » (p. 116). L’étude de M. Bertrand révèle que la représentation du mouvement cyclique de l’Histoire se met en place, dans l’œuvre simonienne, dès L’Herbe, et non, comme on l’affirme communément, avec La Route des Flandres (1960). Pour M. Bertrand, cette mise en place d’une telle représentation de l’Histoire accompagne la volonté de Simon, jamais pleinement affirmée auparavant, d’écrire dans ce roman l’histoire familiale. Celle-ci, dans L’Herbe, est conçue autour de deux cycles distincts : le premier, masculin, linéaire, est marqué par la dégradation ; le second, féminin, transversal, est « régi par le mode de la transmission » (p. 117). C’est dans le cycle féminin que l’impulsion, en donnant lieu à une transmission, devient histoire. Ces considérations amènent Bertrand à définir L’Herbe comme un roman de la filiation, et, en regard de l’ensemble de l’œuvre, comme un roman matriciel. Dans sa dernière section, l’étude de Bertrand aborde L’Herbe comme le premier terme de ce que Robichou a appelé la « période centrale » de l’œuvre simonienne, qui se termine avec Histoire. Bertrand remarque, de L’Herbe à Histoire en passant par Le Palace, une convergence des métaphores au sein desquelles se confondent le moi, la révolution et l’Histoire. Si le roman familial recourt aux mêmes images que le roman de l’Histoire, poursuit Bertrand, ce doit être que « l’un s’écrit en palimpseste de l’autre et que tous deux s’inscrivent uniment au sein du roman simonien » (p. 121). C’est ce que Simon, selon Bertrand, énonce lui-même dans sa description des cahiers de Marie, noircis jour après jour pour la tenue minutieuse des comptes, et dont la couverture est ornée de motifs allégoriques, patriotiques et guerriers. Il apparaît ici non seulement que l’histoire minuscule s’écrit dans l’Histoire majuscule, mais également que c’est sous l’égide de l’image que s’écrit, au jour le jour, l’histoire. M. Bertrand y voit une mise en abîme du processus d’inscription de l’Histoire dans l’œuvre simonienne, au sein de laquelle « chaque texte est conjointement image » (p. 122). Il définit ce processus comme celui de l’écriture elle-même, qui fixe certaines scènes en des images qui les figent pour l’éternité, et qui représentent dès lors l’Histoire en train de se faire, non pas en elle-même, mais bien « au sein du roman en train de s’écrire » (p. 123). De la sorte, l’histoire apparaît dans le roman simonien comme une investigation du passé et du présent, et l’Histoire, comme le résultat de cette investigation, jamais définitivement accomplie, toujours en « décalage », prise dans le mouvement en spirale caractéristique des fictions simoniennes.

9Globalement, ce quatrième numéro des Cahiers Claude Simon se penche sur des œuvres qui appartiennent à une période plus « ancienne » de l’œuvre simonienne : le texte « Matériaux de construction », La Bataille de Pharsale, Le Palace et, bien sûr, L’Herbe nous ramènent à une étape de la production simonienne que les romans plus récents de l’auteur, ne serait-ce que par leur ampleur, avaient quelque peu mise dans l’ombre. G. Robichou remarque cette « focalis[ation] de l’attention critique » (p. 89) et l’explique ainsi : l’œuvre, « en se développant, à partir des Géorgiques (1981) notamment, dans des directions nouvelles », a exigé de nouvelles lectures « qui s’insèrent […] dans la production de [ces] nouveaux textes simoniens » (id.). Si, comme l’affirme Dominique Viart, « le signe majeur [de l’œuvre simonienne] est celui d’une cohérence exemplaire 5 », les lectures présentées dans le dernier numéro des Cahiers Claude Simon proposent des points d’entrée susceptibles de saisir cette cohérence là où elle se met en place, énonce ses termes et s’organise.