Le théâtre grec au xxe siècle
1Cette publication est aussi considérable par son volume que par la richesse de l’information et de la réflexion. Elle vient combler une évidente lacune. On ne disposait, en effet, à ce jour, même en Grèce, que d’études ponctuelles (article ou thèses), souvent anciennes ou de quelques ouvrages de synthèse médiocrement informés sur la spécificité du théâtre immédiatement contemporain. Le propos de Thodoros Grammatas est ambitieux. Il ne s’agit pas pour lui, comme on pourrait le penser au vu du titre, d’une encyclopédie généreusement descriptive, mais bien d’une approche comparatiste, à partir d’une connaissance véritablement encyclopédique du théâtre hellénique contemporain, jusqu’en 2000.
2L’auteur qui a consacré plus de vingt années à la réflexion sur la pratique et sur diverses formes de théâtre, propose, à partir d’une documentation apparemment exhaustive, une analyse des modèles dramatiques et des sources d’inspiration des dramaturges grecs. Dans une première partie, intitulée « Contexte historique » (divisée en cinq chapitres), après un rapide survol (ch. I) de l’histoire du théâtre grec du xvie au xxe siècle dans ses relations avec les modèles européens, il propose une périodisation du théâtre au xxe siècle, fondée sur la connaissance des conditions socio‑historiques du pays et de la nature des représentations (ch. II). Ce dernier point est pris en considération dans les chapitres suivants, sous la forme (ch. III) d’une étude de l’espace théâtral grec (scènes, metteurs en scène, acteurs) et de la réception des pièces par la critique et par le public (ch. IV).
3Parmi les paramètres pris en compte dans l’analyse de l’évolution du théâtre, un dernier chapitre s’arrête plus particulièrement sur les influences successives de modèles étrangers : Ibsen, le théâtre américain, le théâtre de l’absurde, etc.
4Le deuxième volume (« Spécificités nationales et aspect de l’originalité ») comporte également cinq chapitres qui ont pour but d’examiner d’abord la spécificité du théâtre néo‑hellénique (ch. I) dans ses rapports avec la tragédie antique et les traditions populaires, puis (ch. II) d’analyser la présence et les différents aspects de la comédie. Un chapitre original (ch. III) est consacré au mélodrame qui, comme il arrive souvent, est presque ignoré par la critique en dépit de sa signification relativement à l’imaginaire social. Poursuivant cette enquête sur la spécificité du théâtre contemporain, le chapitre suivant (ch. IV) se fonde sur une étude typologique et s’interroge sur les rapports entre la réalité de l’histoire et de la société et sur les images qu’en donne le théâtre. Un dernier chapitre, en forme de conclusion, aboutit au constat que, par l’assimilation des diverses formes et des divers emprunts, l’hellénicité des siècles passés demeure très fortement affirmée dans le théâtre du xxe siècle. On pourrait d’ailleurs en dire autant du roman et de la poésie en Grèce, qui témoignent d’une comparable faculté d’assimilation sans aliénation. L’ouvrage de Th. Grammatas illustre comme typiquement hellénique une « identité de la différence » qui, forte de toutes les contradictions de l’homme grec est, de siècle en siècle, une manifestation du fonctionnement culturel et mental de ce peuple.
5Dépassant largement le cadre déjà vaste du théâtre au xxe siècle, Th. Grammatas aboutit, à partir d’une documentation utilisée avec une rigueur scientifique extrême, à une réflexion sur l’univers socio‑culturel de la Grèce contemporaine. Sa démarche, toujours très logique, fait de son livre beaucoup plus que la simple étude monographique annoncée par le titre. Il comporte un index très complet et présente de nombreuses illustrations provenant de diverses archives. Une ample bibliographie montre à quel point la critique internationale a été mal informée sur la vie culturelle de la Grèce moderne. Il serait souhaitable qu’une traduction de son livre permette à un plus grand nombre de lecteurs d’accéder, par delà la spécificité grecque, à cette ample et enrichissante réflexion sur la nature et le rôle du théâtre.