Desbordes-Valmore, poète parmi les poètes (Baudelaire, Verlaine, Rimbaud)
1Lorsqu’en 1843, dans Bouquets et prières, elle recommande à une « plume de femme » de poursuivre le « charme mystérieux de la fiction », Marceline Desbordes-Valmore lui adresse l’injonction de se détourner rapidement de ses « sources tristes » : « À ce prix donc, trempée d’encre ou de larmes, courez, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne » (« À une plume de femme », Desbordes-Valmore, 1843, p. 4). L’œuvre de la poète de Douai est creusée par le parcours singulier des larmes, cette encre diaphane de la poésie, qui inonde l’univers :
Sonnez, cloches ruisselantes !
Ruisselez, larmes brûlantes !
Cloches qui pleurez le jour !
Beaux yeux qui pleurez l’amour1 !
(« Les Cloches et les larmes », Desbordes-Valmore, 1860, p. 8.)
2C’est en neutralisant la portée poétique de ce thème que les premiers lecteurs de Desbordes-Valmore se sont rapprochés de son inspiration, dont ils ont néanmoins souligné la singularité : son exception dans la communauté des poètes découle, à leurs yeux, de sa nature féminine, ou plutôt de son naturel féminin, source de naïvetés et d’enchantements2. En 1833, quand la parution des Pleurs clôt la phase romantique de Desbordes-Valmore, Sainte-Beuve la relègue parmi les minores de son temps, s’illustrant dans « une gloire modeste et tendre » (Sainte-Beuve, [1833] 1846, p. 371)3. Maître de l’éloge réticent, il fait du fluide vivifiant des larmes de la poète la condition de sa solitude humaine et poétique :
Elle est un poète si instinctif, si tendre, si éploré, si prompt à toutes les larmes et à tous les transports, si brisé et battu par les vents, si inspiré par l’âme seule, si étranger aux écoles et à l’art, qu’il est impossible près d’elle de ne pas considérer la poésie comme indépendante de tout but, comme un simple don de pleurer, de s’écrier, de se plaindre, d’envelopper de mélodie sa souffrance. (Sainte-Beuve, [1833] 1846, p. 358.)
3Sainte-Beuve ébauche une théorie de la floraison artistique qui valorise l’exception, la tonalité nouvelle, imprévue : nos systèmes, nos « méthodiques arrangements » d’appréciation sont là pour être ruinés par ce « poète que nos poétiques n’admettaient pas » (Sainte-Beuve, [1833] 1846, p. 353) – comme il déportera plus tard Baudelaire à la « pointe extrême du Kamtschatka romantique » (Sainte-Beuve, [1862] 2007, p. 347). Desbordes-Valmore se serait alors fait une place à part parmi les « poëtes lyriques » (Sainte-Beuve, [1833] 1846, p. 380) par la fidélité spontanée à sa nature naïve et douloureuse.
4Hapax ou emblème féminin, solitaire dont l’élan paraît embrasser, selon Sainte-Beuve, la souffrance de tous ses semblables, Desbordes-Valmore se soustrait pourtant à toute catégorisation restrictive et au stéréotype de la « poésie féminine » : « seule au rendez-vous », pour reprendre le titre du dix-huitième poème des Pleurs, elle interroge la place de la femme poète au xixe siècle, et surtout la manière, souvent condescendante, dont elle est admise par les hommes poètes parmi eux. Dans ce même siècle qui n’a pas lésiné sur les gloses et les hommages, nous retiendrons les réflexions de deux lecteurs, qui absorbent la première réception de l’œuvre de Desbordes-Valmore, avec ses orientations persistantes, pour mieux la récrire : Baudelaire et Verlaine.
Les pleurs de l’hystérie
5Desbordes-Valmore est l’une des quatre femmes incluses dans le t. IV des Poëtes français (1862), consacré aux poètes contemporains. Elle se trouve à côté de Louise Ackermann (notice par Paul Barbet-Massin), Delphine de Girardin (notice par Philoxène Boyer) et Amable Tastu (notice par Léon de Wailly). Cet ambitieux projet anthologique avait été mis en chantier en 1859 par Eugène Crépet. Baudelaire, auteur de dix notices, dont seulement sept ont été publiées4, s’empare de l’occasion pour consacrer un texte au ton nécrologique à Desbordes-Valmore, disparue en juillet 18595. Il fait de son œuvre un terrain d’essai pour vérifier la règle de l’attirance des contraires, elle-même ancrée dans le principe de contradiction, auquel il confie une valeur heuristique : « apprendre c’est se contredire » ([Aphorismes], Baudelaire, 1975, p. 710), comme le rappelle Astolphe de Custine6. Si la philosophie et la littérature, selon l’auteur du Salon de 1859, pivotent sur l’antithèse et la contradiction7, il n’y a rien de surprenant dans l’appréciation d’une beauté qui contrarie nos présuppositions esthétiques : notre goût peut parfois se trouver en « complet désaccord » avec nos « passions » et notre « doctrine », et manifester ainsi la « violente contradiction » constitutive de notre être (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. II. Marceline Desbordes-Valmore », Baudelaire, [1861] 1976, p. 146).
6La correction, l’exactitude et la maîtrise des moyens de composition sont, selon Baudelaire, le propre des grands poètes, tels qu’Edgar Poe, qui joint à une imagination ample et heureuse un amour des règles et une attention scrupuleuse aux principes esthétiques : « le poète doit toujours faire juste ce qu’il veut faire » (Baudelaire, 1976, p. 366), lit-on dans un canevas de la lettre-dédicace à Arsène Houssaye, parue le 26 août 1862 en tête des Petits poëmes en prose. L’admiration pour Desbordes-Valmore, poète dont le travail semble affecté par le « manque » et la « négligence », ne peut que s’exprimer par un postulat intégrant la contradiction : « Si le cri, si le soupir naturel d’une âme d’élite, si l’ambition désespérée du cœur, si les facultés soudaines, irréfléchies, si tout ce qui est gratuit et vient de Dieu, suffisent à faire le grand poëte, Marceline Valmore est et sera toujours un grand poëte » (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. II. Marceline Desbordes-Valmore », Baudelaire, [1861] 1976, p. 146). Malgré cette formule à l’apparence restrictive, Baudelaire fait état d’un charme qui s’opère spontanément et attribue à l’œuvre de Desbordes-Valmore une beauté « soudaine, inattendue, non égalable » (ibid.). Sa voix s’inscrit en faux contre la cohérence de ses principes esthétiques, en exprimant une forme alternative de vitalité poétique.
7Quelques thèmes ont pu rapprocher Baudelaire de Desbordes-Valmore : le dolorisme, l’amour du beau, l’élan spirituel. D’autres l’ont éloigné d’elle. Mais comment justifier cette fructueuse contradiction que l’auteur des Fleurs du Mal remarque ? Trois dispositifs, formulés dans la continuité de la première réception de l’œuvre de Desbordes-Valmore, viennent étayer ce paysage critique : le naturel du sentiment et de l’expression ; l’éternel féminin ; la purification par les larmes. Si Sainte-Beuve avait observé que le seul moyen poétique de Desbordes-Valmore est la « note naturelle » (« Notice », dans Desbordes-Valmore, 1842, p. i), Baudelaire attribue à Desbordes-Valmore l’accomplissement d’un art sans art8, « original et natif » : « Jamais aucun poète ne fut plus naturel ; aucun ne fut jamais moins artificiel » (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. II. Marceline Desbordes-Valmore », Baudelaire, [1861] 1976, p. 146). Bien qu’elle soit souvent associée à la production poétique des femmes, cette qualité de l’âme appartient également aux hommes. Cette « aristocratie naturelle », qui doit « infiniment plus à la nature qu’à l’art » (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. IX. Leconte de Lisle », Baudelaire, [1861] 1976, p. 175), regroupe des écrivains comme Pierre Dupont, Auguste Barbier et Desbordes-Valmore.
8Puisque chez la femme aussi bien que chez l’homme la nature suggère le crime et la démolition9, la femme « naturelle » restera intrinsèquement paradoxale. « [C]ontraire du Dandy » (Mon cœur mis à nu, fo 5, Baudelaire, 1975, p. 677), abolisseur de l’enfer comme la « femme Sand » (ibid., fo 28, p. 687), elle sera « abominable » (ibid., fo 5, p. 677). Mais elle atteindra aussi le sublime d’une « Ève touchante », à l’instar de Mme de Tourvel des Liaisons dangereuses, qui paraît à Baudelaire une « admirable création » ([Notes sur Les Liaisons dangereuses], Baudelaire, 1976, p. 71) : selon Alain Vaillant (2007, p. 87), elle incarne la nostalgie d’un « amour intégral » et de l’impossible unité d’avant la chute. Quant à Desbordes-Valmore, qui représente ce même idéal, suspendu dans l’hypothèse d’une beauté poétique avant l’artifice, elle transfère la création dans l’éternel féminin. Elle « fut femme, fut toujours femme et ne fut absolument que femme ; mais elle fut à un degré extraordinaire l’expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme » (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. II. Marceline Desbordes-Valmore », Baudelaire, [1861] 1976, p. 146-147), écrit Baudelaire, en accord avec Victor Hugo, qui s’était ainsi adressé à l’auteure des Pleurs : « Vous êtes la femme, vous êtes la poésie même10. » À l’écart de la tentation du masculin et de ses ambitions ridicules (philanthropiques, politiques ou philosophiques), Desbordes-Valmore prête sa voix au sentiment qui caractérise la femme : s’il nous paraît excessif d’affirmer, avec Adrianna M. Paliyenko, que dans le texte de Baudelaire, « le concept de féminité absorbe sa créativité » (2020, p. 58), on y retrouve sans doute la formulation d’une créativité foncièrement féminine. Son mouvement imaginatif est involontaire, irréfléchi, inconscient, et rejoint, mutatis mutandis, cet « asile dans l’impeccable naïveté » que Baudelaire invoque comme barrage aux systèmes utopiques et aux « apostasies philosophiques » (« Exposition universelle – 1855 – Beaux-Arts. Méthode de la critique. De l’idée moderne du progrès appliquée aux Beaux-Arts. Déplacement de la vitalité », Baudelaire, [26 mai 1855] 1976, p. 578).
9La manifestation la plus poignante de la douleur, chez Desbordes-Valmore, la larme qui « effeuille le bonheur » (« XLVII. Les Fleurs », v. 6, GF, p. 173), est elle-même, selon Baudelaire, involontaire et contradictoire, par ses vertus régénératrices. Le lecteur de Joseph de Maistre trouve ainsi un pendant au sang qui coule « à flots11 » et submerge la ville dans le « déluge inévitable de larmes » des Pleurs, qui rend aux choses « la fraîcheur et la solidité d’une nouvelle jeunesse » (« Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains. II. Marceline Desbordes-Valmore », Baudelaire, [1861] 1976, p. 149). Ces « hysterical tears », ces « pleurs de l’hystérie » que la littérature médicale de l’époque associe à la sensibilité féminine12, se révèlent ainsi étonnamment familiers au poète que tout paraît éloigner de Desbordes-Valmore : « J’ai cultivé mon hystérie avec jouissance et terreur », s’avoue Baudelaire dans Hygiène.
Poétiser les pleurs
10Ce régime de contradiction et d’exception, qui permet paradoxalement d’intégrer Desbordes-Valmore dans le cénacle des poètes, se convertit, chez Verlaine, en une relation solidaire et complice13. Figure tutélaire, elle est l’inspiratrice de deux poèmes de Verlaine, l’un daté du 21 avril ou de mai 1895, selon les versions manuscrites14, et composé pour célébrer l’érection d’un monument en son honneur, à Douai, sur l’initiative de Robert de Montesquiou15, l’autre publié en février 1896 dans La Revue du Nord. Elle fait également l’objet d’une notice, recueillie dans l’édition des Poètes maudits parue en 1888 chez Léon Vanier, et d’un article, « À propos de Desbordes-Valmore », publié le 8 août 1894 dans Le Figaro. L’auteure des Pleurs est en outre l’un des « poètes du Nord » auxquels Verlaine a consacré une conférence, en mars 1894, à Paris16. Nous nous pencherons principalement sur la notice des Poètes maudits, qui rend un hommage prismatique au « vraiment grand poète » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 673).
11Dans ce texte, Verlaine souhaite rendre justice à une « maudite » restée « inconnue »17, malgré les articles de Sainte-Beuve, de Baudelaire et de Barbey d’Aurevilly18, dont il reprend certaines réflexions. Il lit Desbordes-Valmore « les larmes littéralement aux yeux » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 669) : les éléments qui organisent la fortune de la poète au milieu du siècle, sa « compétence » féminine, ses « ingénuités de style » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 666-667), la chasteté de sa passion, l’association avec George Sand, la poétique du cri, sont complètement absorbés et laissent affleurer chez Verlaine une attitude mimétique. « La plume nous tombe des mains et des pleurs délicieux mouillent nos pattes de mouche », écrit-il après avoir cité le texte des « Sanglots » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 678)19. La solidarité s’exprime à travers une émotion profonde, dont Verlaine veut témoigner en donnant à lire plusieurs poèmes de Desbordes-Valmore, comme « Une lettre de femme20 », « Jour d’Orient21 » et « Renoncement22 ».
12Une émotion semblable est suscitée par la langue de Desbordes-Valmore : poète « philologue » (Bivort, mai 1991, p. 249-269), Verlaine observe qu’elle est « suffisante », voire « très suffisante » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 667). Mais c’est avant tout la versification novatrice de la poète de Douai qui remporte son admiration : « Marceline Desbordes-Valmore a, le premier d’entre les poètes de ce temps, employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités, celui de onze pieds entre autres, très artiste sans trop le savoir et ce fut tant mieux » (ibid., p. 674). Et dans le sonnet qu’il lui consacre, Verlaine célèbre la « poëte au verbe plein par cette langue creuse » (ibid., p. 642). Dans une lettre du 25 juin 1873, il invitait Émile Blémont à lire une strophe de « Dormeuse », poème recueilli en 1839 dans Pauvres fleurs. L’« art inouï » de Desbordes-Valmore se manifeste dans des vers « larges, subtils » (Verlaine, 2005, p. 329) :
Si l’enfant sommeille
Il verra l’abeille
Quand elle aura fait son miel
Danser entre terre et ciel ! etc.
(voir Verlaine, 2005, p. 329).
13Encouragé par Rimbaud, grand lecteur de Desbordes-Valmore23, Verlaine en explore l’œuvre et tend l’oreille à son rythme singulier, dont il se souviendra dans les « Ariettes oubliées » des Romances sans paroles (1874) :
IV
De la douceur, de la douceur, de la douceur.
(Inconnu.)
Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses :
De cette façon nous serons bien heureuses
Et si notre vie a des instants moroses,
Du moins nous serons, n’est-ce pas, deux pleureuses.
Ô que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes,
À nos vœux confus la douceur puérile
De cheminer loin des femmes et des hommes,
Dans le frais oubli de ce qui nous exile !
Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Éprises de rien et de tout étonnées
Qui s’en vont pâlir sous les chastes charmilles
Sans même savoir qu’elles sont pardonnées24.
(Verlaine, 1962, p. 193.)
14Dans ses hendécasyllabes, Verlaine adopte de préférence le schéma 5-6, inspiré par Desbordes-Valmore, qui, selon Christine Planté, compose ce vers, proche du décasyllabe et de l’alexandrin, comme une combinaison de vers courts, hérités des formes chantées25. Elle l’utilise par exemple dans « La Fileuse et l’enfant26 » :
J’appris à chanter en allant à l’école :
Les enfants joyeux aiment tant les chansons !
Ils vont les crier au passereau qui vole ;
Au nuage, au vent, ils portent la parole,
Tout légers, tout fiers de savoir des leçons.
La blanche fileuse à son rouet penchée
Ouvrait ma jeune âme avec sa vieille voix
Lorsque j’écoutais, toute lasse et fâchée,
Toute buissonnière en un saule cachée,
Pour mon avenir ces thèmes d’autrefois.
(Desbordes-Valmore, 1860, p. 61.)
15Desbordes-Valmore s’est illustrée dans l’emploi de vers impairs (principalement pentasyllabes, heptasyllabes et hendécasyllabes), qui constituent environ 11 % de son corpus versifié, avec une progression constante au fil des années27. Pour la musique « préfère l’Impair », recommande Verlaine dans son « Art poétique » (recueilli dans Jadis et naguère, Verlaine, [1884] 1962, p. 326), en faisant écho à « Celle » qui lui a « ouvert un horizon cordial et montré le voie » (« Les Poètes maudits. Marceline Desbordes-Valmore », Verlaine, [1885] 1972, p. 629).
16Loin du cliché de la facilité, l’ars poetica de Desbordes-Valmore recourt à une versification subtile pour exprimer une émotion mêlant évocation du silence et chuchotement. Ses mots qui se renient aussitôt dits inspirent et annoncent les poèmes de 1872-1873 de Rimbaud, qui, selon Verlaine, travaillait alors dans « le naïf, le très et l’exprès trop simple, n’usant plus que d’assonances, de mots vagues de phrases enfantines ou populaires », en accomplissant ainsi des « prodiges de ténuité, de flou vrai, de charmant presque inappréciable à force d’être grêle et fluet » (Verlaine, 1972, p. 656) :
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.
Ah que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent.
Je me suis dit : laisse,
Et qu’on ne te voie.
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t’arrête
Auguste retraite.
(Rimbaud, 2009, p. 211.)
17Ces pentasyllabes de « Chanson de la plus haute tour » de Rimbaud semblent prolonger les vers de « L’Adieu tout bas », publié quarante ans plus tôt dans Le Chansonnier des grâces et recueilli dans Les Pleurs :
Éloignez la flamme
Qui nourrit mes pleurs,
Car je n’ai qu’une âme
Pour tant de douleurs !
La raison regarde
À trop d’amitié ;
J’en pris, par mégarde,
Plus de la moitié !
Dormez à ma plainte,
Quand j’écris tout bas
Ces mots que ma crainte
N’exhalera pas !
(« XIX. L’Adieu tout bas », v. 5-16, GF, p. 88-89.)
18Les pleurs de Desbordes-Valmore, selon Verlaine et Rimbaud, s’émancipent de l’épanchement romantique ou hystérique. Leur prosodie de romance, maîtrisée et intériorisée, est à la source d’une nouvelle « alchimie du verbe ».