Où commencent et où finissent les albums ? (Rascal, Corentin, Ponti, Douzou)
1Gérard Genette dans Seuils proposant l’analyse des composantes et des fonctions du paratexte, classe les éléments contenus sur la première et la quatrième de couverture dans ce qu’il nomme le péritexte éditorial. Il y inclut également les deuxième et troisième pages de couverture. Seuils aux fonctions multiples qui renseignent, interpellent le lecteur et l’orientent vers l’intérieur du livre.
2Si tous les albums pour la jeunesse sont conformes à ces critères, proposant ainsi le nom de l’auteur, le titre, une illustration et le nom de la maison d’édition sur la première de couverture et sur la quatrième, plus variable, souvent une autre illustration, le N°ISBN, et éventuellement l’amorce d’un résumé de l’histoire, voire des éléments de commentaires, certains albums remettent en question le statut de ce péritexte, jouant sur les libertés offertes par un genre nouveau dont les auteurs sont loin d’avoir exploré toutes les possibilités. Ainsi la première et la quatrième de couverture, tout en gardant les fonctions du péritexte, constituent des éléments à part entière de l’œuvre, c’est à dire pour l’album narratif, des éléments d’une histoire qui se construit dans le dialogue entre le texte et les images.
3En effet, à la différence des illustrations qui peuvent apparaître sur les pages de couverture de certains livres, notamment lorsqu’ils passent au format de poche ou dans les romans pour la jeunesse dont la couverture change quasiment à chaque réédition, l’illustration de couverture de l’album est indissociable de l’ouvrage et s’il arrive que l’album soit publié sinon dans une autre maison d’édition (ce qui est fort rare) du moins dans un autre format, l’illustration reste identique. Il en va de même pour la quatrième de couverture. À travers quelques albums qui tiennent compte de cette spécificité et qui jouent de ses possibilités, j’essaierai donc d’aborder la fonction de ces pages (de début et de fin ) dans l’économie narrative des albums.
4Certes, les albums que j’ai choisis ne remettent pas en cause les fonctions premières du péritexte. L’illustration est parfois la reprise d’une image qui se trouve à l’intérieur de l’album et elle fournit des informations sur les protagonistes, sur les lieux de l’intrigue et parfois la nature de l’action. Ainsi si l’on observe un album comme L’Afrique de Zigomar1, elle présente les trois personnages principaux, un merle, une souris et une grenouille, en plein vol. Elle promet donc, à l’aide également du titre, une aventure en forme de voyage vers l’Afrique. De même, dans la première de couverture d’un album du Rouergue, intitulé les quarante coups2, l’illustration montre un personnage en habit rayé derrière des barreaux et semble annoncer une histoire qui se passe en partie du moins dans une prison, ce que la suite de l’album confirmera.
5Cependant si j’ai choisi ces deux premières de couverture, c’est qu’elles débordent largement les fonctions d’information et d’anticipation sur le récit à venir et, chacune à sa manière, constituent des éléments d’interprétation de l’album dans sa totalité.
6Louis Marin commentant le frontispice des Histoire, ou Contes du temps passé de Perrault souligne son importance et sa fonction :
D’où cette importante et sans doute décisive relation du livre écrit et du livre en général, c’est-à-dire de sa fonction à la limite et comme limite ; d’où la nécessaire interrogation sur les valeurs indicielles, iconiques et symboliques de cette mise en représentation de la limite par le frontispice […] représent[ant] l’intérieur clos d’une pièce, dans une maison, où se trouve cadrés non le titre du livre, ni même les personnages d’un des contes […] mais au contraire la mise en représentation de la narration de ces histoires, celle de leur énonciation. L’image frontispice représente en image, le dispositif producteur du récit.3
7Le statut du frontispice, malgré tout séparé de l’œuvre, est différent de la première de couverture des albums mais il me semble que l’analyse de Louis Marin reste relativement pertinente dans le cas de L’Afrique de Zigomar. En effet, l’album raconte comment un souriceau et une grenouille désireuses de découvrir l’Afrique se font transporter par un merle beau parleur et qui prétend tout savoir. Or l’Afrique annoncée se révèle, pour le lecteur seulement, être le pôle nord. Le merle qui ne reconnaît pas ou n’a pas conscience de son erreur présente à ses passagers un éléphant, des singes et des crocodiles que l’on identifie, grâce à l’image, plutôt comme un morse, des pingouins et des phoques. Ni les personnages, ni le narrateur ne formulent la possibilité d’une erreur et le récit fonctionne dès lors sur une forme d’ironie – verbale et de situation – , jouant sur les différentes voix de l’image et du texte. Or l’image de couverture qui n’est d’ailleurs pas reprise, mais que l’on pourrait cependant replacer à certains endroits du récit, dans la suite de l’album peut apparaître à la fois comme le dispositif producteur du récit et indiquer de ce fait le mode de réception suggérée. En effet, elle représente les trois personnages au milieu du ciel bleu : leur regard et leur expression respectives sont complètement différents, divergents. Ainsi Zigomar le merle regarde au loin avec un air un peu stupide. La souris pour sa part, regarde vers le bas, l’air assez effrayé. Quant à la grenouille qui regarde aussi en bas elle a le sourire aux lèvres. Soit ils ne regardent pas la même chose, soit quand ils semblent regarder la même chose, ils ne semblent pas en avoir la même perception. La divergence de leur regard invite le lecteur à s’interroger sur d’éventuels propos des passagers que l’on n’entend pas et sur les objets de leur inquiétude ou de leur satisfaction que l’on ne voit pas, car ils sont hors champ, annonçant ainsi le fonctionnement ironique de l’album qui joue à la fois sur des formes d’implicite et sur un va-et-vient entre la visibilité et l’aveuglement. Et si ces commentaires latents ne sont pas saisis immédiatement, le geste de lecture d’un album fait aussi qu’une fois la lecture terminée, le lecteur se retrouve souvent devant la couverture qui apparaît alors comme un prolongement paradoxal de l’album et invite le jeune lecteur à réaffirmer l’interprétation qu’il a pu construire au fur et à mesure du récit.
8C’est sans doute ainsi que l’on peut analyser la couverture de l’album du Rouergue, Les Quarante coups. Album particulier, minimaliste qui associe sur chaque page une vignette et une légende contenant une expression avec le mot coup – « coup du sort », « coup de pot », « coup de cœur » … – pour raconter l’histoire d’un homme qui, après avoir fait involontairement tomber un pot de fleur sur la tête d’un gendarme, se retrouve en prison. Après plusieurs tentatives, il réussit à sortir, rencontre une femme et lors d’une danse amoureuse heurte un pot de fleur qui a de fortes chances, comme nous l’indique la dernière image, de tomber de nouveau sur la tête du même gendarme. Récit circulaire donc qui s’appuie sur des formules figées : tout concourt à exprimer dans un premier temps l’enfermement, jusqu’aux vignettes dont le cadre est fortement soulignées. Or ce qui est à l’œuvre dans cet album, c’est précisément le contraire, c’est un jeu sur la remotivation possible des formules figées, sur les effets de polyphonie entre le texte et l’image, sur les possibilités offertes par les deux codes de représentation d’inventer une forme de liberté qui est aussi celle du lecteur à qui le texte très lacunaire accorde une grande place. Ainsi l’image de première de couverture peut s’interpréter comme le signe non d’un enfermement mais d’une liberté : en effet, à la différence des vignettes encadrées, elle ne comporte pas de cadre, les barreaux ne sont accrochés à aucun support, laissant une forme de liberté. Là encore, la première de couverture peut apparaître comme l’indice d’un mode de lecture mais aussi comme le prolongement du récit lui-même, comme une clé a posteriori de son interprétation.
9Je terminerai ce premier temps par un autre ouvrage de Philippe Corentin qui met en place un jeu très particulier sur les pages de titres dans l’album intitulé Zigomar n’aime pas les légumes4. C’est l’histoire d’une souris qui veut apprendre à voler. Encore une fois c’est le merle qui lui propose des séances d’initiation. Après plusieurs essais, la souris semble être capable de voler et les deux animaux se retrouvent prisonniers de légumes prêts à leur imposer des châtiments identiques à ceux qu’on leur fait généralement subir en tant que légumes5. Prise d’angoisse, la souris appelle sa mère qui vient à leur secours et leur propose un goûter (tarte aux noix et aux cerises) que la petite souris refuse de manger. Ceci est une première version de l’histoire qu’on lirait sans s’apercevoir qu’en fait, lors de ses essais, la petite souris fait une chute et perd connaissance. Tout l’épisode des légumes se donne dès lors à lire comme le récit de son cauchemar. Cependant rien dans le texte ne signifie ce passage et les indices à l’image se réduisent à des changements – quasi imperceptibles à première lecture – des vêtements. L’album joue sur le passage invisible d’un plan fictionnel à un autre et la fin de l’album montre comment la fiction par le biais du cauchemar vient déborder sur la réalité, ce qui est un des traits récurrents dans l’œuvre de Corentin6. L’album présente d’abord une couverture où l’on voit les deux animaux sur une branche. La page intérieure qui reprend le titre, le nom de l’auteur et représente un merle sur une branche. Or au milieu de l’album, apparaît une nouvelle page de titre qui ressemble à une affiche de cinéma et qui reprend la même organisation typographique en modifiant quelques éléments : le fond ocre, le merle sur la branche sont identiques mais le nom des personnages a remplacé le nom de l’auteur et le titre s’est développé : « Zigomar n’aime pas du tout les légumes et il a bien raison ». Mais ce qui peut paraître plus surprenant, c’est que cette deuxième page de titre ne marque aucune rupture : le récit qu’elle interrompt n’est pas clos et la page immédiatement postérieure (p.16) est la suite chronologique de celle située avant la page de titre (p.13). La présence de cette page ne peut donc qu’interroger le lecteur et lui suggérer un décalage ou une rupture mais qui ne se situe pas là où la page de titre semble l’indiquer. Corentin joue ici sur le signal conventionnel du début d’un album pour signifier qu’il peut constituer aussi bien un signal qu’un leurre, en tout état de cause un signe qui interroge les frontières du récit, les marques des différents plans de fiction. Où commence le récit ? C’est aussi la question que pose, a posteriori, la première page de l’album qui est en fait une scène non signalée du cauchemar de la souris où on la voit en compagnie du merle et que le narrateur présente de la manière suivante : « C’est un oiseau et un autre oiseau». Le récit ne commence pas où il semble commencer ou recommencer, pas plus qu’il ne s’achève sur le mot « fin », inscrit sur fond ocre comme les autres titres internes. En fait, on peut même s’interroger sur les possibilités et les impossibilités de son énonciation dans la mesure où le moment de l’énonciation est situé dans le temps du cauchemar, c’est-à-dire précisément un temps qui n’a pas de réalité. Dès lors on a en quelque sorte à faire à une énonciation uchronique, qui n’a pas véritablement d’origine temporelle. Ainsi par ce jeu de leurre sur les débuts, les pages de titre vraies et fausses, Corentin cherche à faire saisir à ses jeunes lecteurs, le jeu de la parole fictionnelle, le caractère paradoxal de toute fiction dont les frontières sont nécessairement mouvantes et perméables.
10À travers l’exemple précédent, nous avons déjà amorcé cette question. Dans un article intitulé « Et l’image me fait signe que le livre est fini », Isabelle Nières fait un classement des principales clausules iconographiques dans les albums. Parmi les signes de la fin, elle évoque le regroupement des personnages : « Tous les protagonistes se trouvent réunis, un peu comme dans une scène finale au théâtre ». Elle renvoie également à la réduction et à la modification de l’image, au passage du quadrilatère au cercle : « Nous interprétons ce cercle un peu comme celui d’un objectif qui se referme alors que cette forme est sans doute d’abord un héritage des vignettes anciennes »7. Référence à l’imagerie ancienne ou à certaines pratiques cinématographiques, l’arrondi de la dernière page indique de manière ultra-conventionnelle la fin de l’histoire. Je voudrais revenir dans un premier temps sur ce signal stéréotypé de la fin pour voir comment certains auteurs jouent de cette convention et font déborder le cadre de la parole narrative.
11Chez Ponti, dans l’Arbre sans fin8 qui raconte le travail de deuil d’un petit personnage, la dernière image rectangulaire qui semble signaler la fin est relayée par deux autres images : l’une en forme de médaillon, l’autre sur la quatrième de couverture, sous la forme d’une fenêtre. Toutes deux représentent le personnage principal, Hipollène, mais la seconde, celle de la couverture la montre épanouie, regardant vers l’intérieur de l’album, vers son aventure intérieure, vers le récit qui vient de se dérouler, renvoyant le lecteur à l’intérieur de la fiction, comme si l’aventure de la vie et de la mort était encore à revivre, à raconter de nouveau, à relire sans cesse. Le trajet d’Hipollène qui l’amène à prendre conscience de la finitude de toute chose, et même de l’arbre géant dans lequel elle vit, lui fait aussi comprendre que cette finitude-là est l’origine même d’une parole qui ne cesse pas, trouvant toujours une voix dans laquelle elle peut se déployer. Toutefois ce débordement de la fin reste relativement en consonance avec tout le récit. Le jeu avec les médaillons successifs confirme en quelque sorte le sens proposé dans l’ensemble de l’ouvrage. D’autres albums au contraire vont jouer de ce procédé pour créer des effets de distorsion. Le médaillon signale alors l’espace du contrepoint.
12Ainsi dans l’album de Corentin intitulé Patatras !9 on retrouve l’arrondi final qui rassemble tous les protagonistes, loup et lapins, autour d’un gâteau d’anniversaire. Le texte renforce cette impression d’harmonie et de joie. Cependant on peut aussi noter que si le loup est bien au centre, les oreilles des lapins qui l’entourent débordent du cadre, comme si malgré le signal de la fin, il fallait continuer à tendre l’oreille et chercher à entendre autre chose, à saisir une tension qui traverse en fait tout l’album10.
13On pourrait aussi songer à cette même utilisation parodique du médaillon comme signal de fin dans l’album de Petit Lapin Rouge11 de Rascal, auteur connu pour créer des fins ambiguës, indécidables12. Petit Lapin Rouge est un récit parodique du Petit chaperon rouge qui thématise le problème de la fin des récits. C’est l’histoire d’un petit lapin, devenu malencontreusement rouge, qui part chez sa grand-mère pour lui porter « un pain d’épice, une botte de jeunes carottes et du sirop pour la toux ». En chemin, il rencontre le Petit Chaperon rouge à qui il dit qu’il connaît son histoire et que vraiment elle se termine très mal. Le Petit Chaperon Rouge, de son côté, avoue au lapin qu’il connaît aussi son histoire et qu’elle se termine également très mal. Ils décident alors de réécrire la fin de leur histoire respective13, enlevant loups et chasseurs, ce qui donne une situation totalement édulcorée : le soleil brille, les oiseaux chantent et les deux personnages dressent une nappe de pique-nique au milieu d’un champ de coquelicots. La dernière image se présente encore sous la forme d’un médaillon orné de manière désuète. Et le Petit Chaperon Rouge achève sa phrase entamée sur la page précédente : « Viens mon lapin… (p.31)/ … j’ai une faim de loup » (p.32). Ainsi à l’idéalisme suggéré par le médaillon – renforcé par le caractère désuet des ornements et des enjolivures – s’oppose un énoncé ambivalent qui, par ironie, tend à remettre en cause les stéréotypes de la clôture en suggérant la possibilité- monstrueuse – d’une autre fin mais aussi une faim qui met un terme différent au récit, signalant d’une autre manière que la fin n’est pas là où on pouvait l’attendre, qu’elle est à construire par le lecteur lui-même.
14Je voudrais encore évoquer un dernier type de débordement de la fin à partir d’un autre album de Rascal, Le petit chaperon rouge14, album sans texte qui suppose connue la version de Perrault. Les images sont réduites à des représentations quasi symboliques des différentes phases du conte : confection du chaperon, le pot et la galette, le schéma de l’espace fictionnel, la rencontre avec le loup et le choix des chemins, l’arrivée du loup chez la grand-mère puis celle du petit chaperon rouge qui sur ce qui pourrait être la dernière image ouvre la porte de la maison. Mais est-ce bien la fin ? La page de droite en effet, qui est un grand carré rouge peut aussi représenter de manière non figurative la fin du conte de Perrault, la dévoration de la petite fille, ou plus crûment encore son viol. D’autre part la première et la quatrième de couverture anticipent et prolongent le récit en représentant pour la première, peut-être, la scène la plus attendue, celle du face à face du loup et du Petit Chaperon Rouge dans le lit de la grand-mère, scène qui n’est pas reprise à l’intérieur de l’album. D’une autre manière encore, la quatrième de couverture à travers des dessins qui font songer à des hiéroglyphes, évoque le dialogue qui se déploie lors de ce face à face sous la forme d’un jeu de questions-réponses. Les bras, les yeux, les oreilles et pour finir, les dents sont précisément l’objet des interrogations du Petit Chaperon rouge. Dans cet ouvrage assez étonnant, le « cœur » du conte se trouve donc aux extrémités de l’album. La fin est également représentée sur la page de garde à travers des tracés qui peuvent faire d’abord songer à une carte – et donc au parcours du personnage – mais qui correspond au tracé des patrons en couture, activité évoquée dans la page intérieure de titre avec la présence d’une machine à coudre et dans les deux premières images qui racontent la confection du chaperon. Or après précisions prises auprès de spécialistes en la matière le fil rouge qui apparaît sur la page de garde correspond à un point zig-zag appelé aussi point de surjet qui permet le surfilage et dont on peut donner la définition suivante :
L’action de surfiler est réalisée au niveau du surplus de couture, partie du tissu qui dépasse la limite du patron. Le surfilage évite au tissu de s'effilocher. On surfile pour cette même raison tous les bords du tissu sur lequel on travaille.
15Or le fil rouge qui semble s’interrompre brutalement pourrait alors symboliser la fin malheureuse, violente, en forme de rupture du personnage et en même temps indiquer ce jeu avec les bordures du récit auquel se livre l’album. L’interruption du fil laisse alors entendre que tous les bords ne sont pas rassemblés et que sans doute, pour le plus grand bonheur du lecteur, ils peuvent s’effilocher, laisser du jeu, des béances, des possibilités de débordement dans la lecture elle-même.
16Cette réflexion est loin d’avoir élaboré une liste complète de tous les débordements des débuts et des fins mis en œuvre dans un certain nombre d’albums contemporains. Ainsi j’aurais pu évoquer de manière plus systématique d’autres pages de garde qui, au même titre que l’incipit, assurent des fonctions de passage telles que les définit Andrea Del Lungo dans son ouvrage, ou encore le jeu auquel se livrent des auteurs comme Ponti, Rascal et certains auteurs du Rouergue sur les codes-barre dont Genette dit dans Seuils : « C’est sans doute la seule indication dont le lecteur ne puisse strictement rien faire, mais j’imagine que les bibliophiles finiront par y investir une part de leur névrose »15. En l’occurrence ce sont plutôt les auteurs d’albums qui ont investi ce symbole pour le détourner de sa pure fonction informative et l’intégrer de diverses manières à leur fiction, signalant encore son débordement ou les manières dont on peut l’aborder16.
17L’album, à la fois support et genre spécifique, porte en lui des possibilités dont les auteurs contemporains ne cessent d’interroger et de repousser les limites à travers des créations expérimentales. Or ces jeux de débordements que j’ai pu évoquer sont pour eux un moyen d’interroger les rapports à la fiction, les débordements des univers réels et fictifs et de souligner, sans doute, la perméabilité voire la continuité qui existent entre ces deux univers, proposant ainsi au jeune lecteur une expérience littéraire à part entière.