Colloques en ligne

Julien Hage

Les éphémères de l’âge de l’imprimé à l’ère numérique. Un champ disciplinaire en révolution

Les matériaux familiers d’un champ scientifique interdisciplinaire dynamique

1Malgré une longue réticence des milieux académiques à l’égard de ces objets, l’étude des éphémères a considérablement gagné en légitimité au sein des sciences humaines et sociales comme des études littéraires dans les dernières décennies. Ce processus de légitimation a été porté par des études fondatrices, parmi lesquelles les Mazarinades de Christian Jouhaud ont constitué une étape décisive1, ensuite relayées par les études sur les usages de l’imprimé2 et leurs circulations3, la culture de masse et la culture médiatique dans les années 1990, notamment portées par les études sur l’image politique et la propagande4. Le rôle des historiens du contemporain ont relayé les continuités avec l’Ancien Régime, que ce soit pour les cris de Paris et la bibliothèque bleue de Troyes5, et la persistance du colportage dans les sociétés européennes. Mais ils ont aussi saisi les ruptures amenées par l’avènement de l’alphabétisation et de la culture de masse par l’imprimé, porté notamment par le journal6.

2Les éphémères ont pu donner lieu à des projets interdisciplinaires, à la rencontre des travaux des études littéraires, de l’histoire et de l’histoire de l’art, de la sociologie et de l’anthropologie, bientôt rejointes par les nouvelles études de médiologie. Dès 1986, Christian Jouhaud appelait à l’issue de son travail sur les Mazarinades à historiciser le littéraire, tandis qu’aujourd’hui Ivan Jablonka répond qu’il faut en quelque sorte « re-littérariser » l’histoire7. Ces objets ont en effet souvent d’abord été saisis avant tout comme une ou des formes spécifiques – ou pour mieux dire, un ou des genres – abordées par une approche monodisciplinaire. Ensuite, dans une perspective interdisciplinaire, ils ont été utilisés comme une source parmi d’autres, et une source souvent auxiliaire, pour documenter autre chose qu’eux-mêmes : l’histoire politique pour la saisie des événements8 et donc dans une approche synchronique de ceux-ci, l’histoire de la littérature populaire et de ses objets9, ou encore l’histoire de la presse à bon marché10. Aujourd’hui, il est absolument nécessaire de les penser et de les saisir d’une manière à la fois diachronique et transmedia, comme des dispositifs à l’intersection de l’oralité, de l’imprimé et du numérique.

3Progressivement, de grands chantiers interdisciplinaires ont réuni des équipes de recherche, que ce soient les cultures de masse11, la culture médiatique12, la culture dite « républicaine »13, la « culture populaire », et, même, plus marginalement, sur la culture ouvrière14, avant de faire place à une histoire vue par le bas15. Ils permettent de questionner la litteracy16 et la numeracy17 de la révolution de papier, autant que les usages de la propagande politique18 et de la conflictualité sociale19. Depuis les années 1990, les réflexions interdisciplinaires sur le rôle des images ont été des moteurs importants de la réflexion sur les éphémères, notamment sur les affiches20. Les objets qui étaient restés davantage dans l’ombre jusque-là, ont fait l’objet d’études récentes, que ce soit les tracts ou les autocollants21. Vecteurs privilégiés de la politisation de l’entre-deux-guerres, les brochures ou les papillons demeurent encore été trop peu étudiées d’une manière globale, à l’ombre de ces affiches, dont elles constituent pourtant souvent le péritexte22. Afin de penser l’interaction de ces objets et les intenses circulations textuelles et graphiques en leur sein, il est nécessaire de les saisir globalement sous l’angle des formes brèves23 et de penser les stratégies et les expressions de ce recours au bref dans le temps long24.

4Ces objets sont donc tout à fait privilégiés pour aborder la coexistence et la concurrence des temps25 conçus face à la pluralité des acteurs et avec les différenciations des espaces qu’ils construisent et manifestent26. Ils scandent le temps court des émotions au plus près des acteurs en contextes de crises, qu’il s’agisse de l’Affaire Dreyfus, des batailles d’imprimés de la Guerre froide, jusqu’aux répercussions du 11 septembre 200127. Mais ils permettent aussi de se confronter au temps moyen des organisations et des institutions, dans la construction des cultures politiques et des savoirs militants. Enfin, il permet d’interroger le temps long des mémoires et des imaginaires28. Les éphémères s’inscrivent aussi dans l’espace du quotidien ou des conflictualités qu’ils construisent tous deux : leurs « iconographies rebelles »29 dessinent des « paysages de sens » à travers le déploiement du répertoire des mobilisations, et ce, jusqu’à l’âge numérique30. Graffitis, fresques politiques, affiches, tags, autocollants sont autant de vecteurs de politisation des espaces qui véhiculent également de grandes circulations sémiotiques et graphiques dans les sociétés contemporaines, des circulations que le numérique est venu renouveler, pour en décupler encore les échos.

Éphémères d’hier, éphémères d’aujourd’hui : quel « retour numérique » ?

5Aujourd’hui, les multiples démarches de numérisation, qu’elles soient d’initiative privée ou publique, individuelle ou collective, dans un cadre institutionnel ou bénévole, ont concerné au premier chef les éphémères. D’une manière empirique ou au contraire raisonnée et normative, les éphémères d’hier ont ainsi reparu au grand jour sur nos écrans sous une forme numérique, tandis que leurs homologues de l’ère numérique, dits « born digital », se faisaient chaque jour plus envahissants, à mesure du succès des dispositifs de twitter, d’instagram ou encore de Tumblr. Images du passé convoquées au présent, les éphémères d’hier se sont ainsi invités à la table des éphémères d’aujourd’hui31. Il n’est pas exagéré d’avancer que ceux-là ont ainsi fait retour dans nos sociétés, en se plaçant au premier rang des usages publics des objets du passé. Aujourd’hui, ces usages publics évoluent avec la mise en ligne d’images, issue d’initiatives aléatoires de particuliers (sites, blogs…) ou plus raisonnées d’institutions publiques, de nombreux documents, renouvelant complètement les us, coutumes et stratégies du court dans nos sociétés32 d’après la logique des flux. Ils glissent de la mobilisation d’archives vers l’utilisation massive de contenus redocumentarisés par la numérisation. Par là même, les éphémères d’hier deviennent des objets profondément transmedia, saisis dans le cadre des rééditorialisations numériques et mobilisés par la participation à des dispositifs conversationnels.

6Les éphémères se trouvent en effet au cœur des pratiques des archivistes comme sur le métier des chercheurs de toutes disciplines, mais aussi, dans les pratiques quotidiennes des amateurs d’histoire et du grand public. Jusque-là condamnés à la disparition et à l’oubli, à l’exception de quelques recueils bien spécifiques, ces éphémères, davantage détachés des contraintes de droit et d’autorité qui pourraient limiter leur saisie numérique, ont fait l’objet de nombreux programmes de sauvegarde, de numérisation et de mise en ligne, dans un retournement fort spectaculaire dont l’origine comme les effets restent à interroger avec précision. Les sites des amateurs comme les sites institutionnels des archives fourmillent de plus en plus de recueils d’éphémères, et la popularité de leur consultation, mais aussi les circulations sur les réseaux sociaux d’images et de documents issus de ces sites d’une manière plus ou moins référencée, ne cesse d’étonner.

7Ces initiatives sont souvent motivées par le nouveau statut qu’on prête aujourd’hui aux éphémères dans des sociétés contemporaines obsédées par les querelles mémorielles et la quête comme l’invocation de traces du passé, dont ces objets sont les symboles33. Traces conçues comme d’autant plus essentielles d’un passé perdu qu’elles semblaient marginales jusque-là, et matériaux souvent anonymes et encore relativement illégitimes du point de vue institutionnel et académique, les éphémères laissent au chercheur avisé comme à l’amateur éclairé une marge de manœuvre et une plasticité non négligeables, soit une forme « d’appropriabilité » chère aux dispositifs des industries culturelles34, tandis que leur continent englouti, aux contours incertains, laisse espérer des horizons infinis. Ils manifestent aussi les nouvelles missions et les nouvelles ambitions des archives à l’orée du xxie siècle, à l’heure du web 2.0, et témoignent des nouveaux usages publics numériques du passé par le grand public, dans une geste qui se conjugue avec la passion française du patrimoine.

8Tous ces éphémères, et notamment les éphémères imprimés – libelles, pamphlets, affiches, papillons, tracts, images ou autocollants – sont des matériaux aussi protéiformes que produits d’une manière sérielle, notamment après le tournant de la culture de masse. Conçus pour être accessibles et performatifs, ils demeurent familiers du plus grand nombre, cristallisant avec aisance les émotions, les identités et les représentations et se prêtant autant aux prises de vue aléatoires qu’aux topiques biographiques et aux plongées ponctuelles dans un passé situé. Ils s’inscrivent ainsi dans un temps d’emblée pluriel, dans le cadre d’usages publics aussi multiples que divers, parfois arbitrés, ou pas, par un cadre ou une intervention scientifique. On le voit, la patrimonialisation numérique des éphémères est en marche. Elle pose d’une manière radicale la question des conditions de leur recueil et de leur conservation, celle du rôle des archivistes et des chercheurs dans leur indexation et leur contextualisation.

La carte & le territoire d’un monde englouti à l’ère numérique

9Parfois considéré comme un territoire définitivement englouti, le grand massif des éphémères contemporains dévoile de fréquentes découvertes, qui relancent toujours l’attrait pour une quête ultérieure et une connaissance plus approfondie, à l’image de l’encyclopédie des éphémères anglo-saxonne35, en accompagnant les initiatives de collecte contemporaines, concernant la Grande guerre, la guerre d’Algérie ou encore Mai 68. Dans les années 2000, l’intérêt pour ces objets s’est renforcé, porté par les premières saisies numériques de collections, tels les tracts surréalistes sur le site Mélusine, bientôt rejointes par les initiatives de la Bibliothèque nationale avec Gallica et des sites supportant de plus en plus des contenus visuels élaborés. Jusque-là, la carte complète de ce territoire paraissait une gageure complète, tant aux chercheurs qu’aux archivistes en quête de plan de classement, et relevait tout au plus d’une chimère de collectionneur. Le défi, posé aux spécialistes du passé comme les historiens comme aux spécialistes des dispositifs d’information et de communication, de penser et d’ordonner ces traces à l’heure de leur inflation36 autour de l’enjeu déterminant de l’indexation.

10Ces éphémères ont pu être numérisés et ordonnées d’après le fond patrimonial auquel ils pouvaient appartenir37, d’après les récolements des collections, d’après la reconstruction de sources autour d’un contexte particulier, d’après de nouvelles sérialisations que la numérisation permet de constituer ou de reconstituer. D’immenses bibliothèques numériques ont ainsi été conçues, d’une manière raisonnée, harmonisée sous l’exigence d’interopérabilité, sous la forme de corpus numériques des mondes contemporains, ou au contraire plus empiriques et plus éclatées, relevant des initiatives de particuliers.

11Ces numérisations ont été menées selon des modalités très différentes, suivant des objectifs parfois confondus, mais souvent divergents : valorisation d’archives, projet scientifique, démarche pédagogique ou ludique, démarches mémorielles, dimension sociale et participative, démarche artistique ou encore finalité commerciale. Toutes initiatives dans le cadre de dispositifs numériques ont ainsi amené une considérable explosion des usages publics de ces sources numériques ainsi re-documentarisées38, même si elles sont souvent encore désignées et convoquées par les utilisateurs du grand public « d’archives ». Elles prennent une part croissante dans la construction des « présences numériques » individuelles et collectives sur internet.

12Ces « éphémères » ont ainsi été conservés, ordonnés et constitués selon des modes et des logiques d’acteurs très différents. Jusqu’à aujourd’hui, les collectionneurs et leurs manies passionnelles ont joué un rôle décisif dans la conservation. Ensuite, les archivistes, documentalistes, bibliothécaires ont imposé leurs choix raisonnés de conserver, d’ordonner, de référencer, voire même d’exposer les éphémères, dès lors qu’ils ont décidé de les conserver. Les chercheurs ont aussi leur rôle à jouer dans les éditorialisations numériques contemporaines des archives, main dans la main avec les archivistes et documentaristes, afin de composer une raison scientifique qui puisse composer avec la raison numérique39, voire même avec une raison artistique qui se serait saisie de ces objets40, ainsi qu’avec les logiques conversationnelles et mémorielles des usagers.

Usages publics & usages politiques des éphémères

13Dans les sociétés européennes, le Centenaire de la Grande Guerre et la Grande Collecte de la Mission Centenaire ont constitué en 2014 un point d’orgue de ces collectes d’éphémères, vouées à l’exposition par la mise en ligne41 et à la conversion aux usages numériques, auxquelles se sont livrées toutes les grandes institutions publiques, des archives départementales et nationales à la Bibliothèque d’information et de documentation contemporaine, des initiatives relayées par les collèges et les lycées sur tout le territoire. L’entreprise témoigne bien des nouvelles légitimités qui leur sont prêtées, par l’entrée d’objets jusque-là marginaux et personnels dans le panthéon des archives publiques, des objets désormais jugés dignes de figurer dans la mémoire nationale, là où les recueils contemporains avaient été plus modestes et ponctuels42. Mais le retour de ces éphémères dans le cadre de dispositifs numériques a participé à relancer d’une manière décisive leurs usages.

14D’éphémères et aléatoires, ils deviennent contre toute attente idéotypiques, convoqués et assénés dans les médias comme preuves du passé et supports de l’anamnèse contemporaine43. Les éphémères s’invitent même parfois dans les polémiques des scènes et des discours politiques44 : François Hollande eut ainsi recours à ces sources dans un discours qui stigmatisait l’idéologie du Front national pour dénoncer ses arguments « dignes d’un tract du Parti communiste » des années 1970. Il s’agissait là de pratiquer un amalgame entre l’extrême gauche et l’extrême droite, dans une geste dénonciatrice qui pouvait également viser un medium politique identifié à un autre âge, celle d’une pratique militante quotidienne, à l’heure des controverses numériques et de la communication moderne : le tract.

15Ces images des éphémères, désormais plus accessibles sous la forme de documents numériques de toutes sortes en ligne sur la toile, sont ainsi fréquemment convoquées par les particuliers, les amateurs, mais aussi parfois les scientifiques comme traces du passé, illustrations de représentations ou même en tant qu’arguments des discours de commémoration et des querelles de mémoire. Désormais « fluides », ils deviennent des arguments dans les dispositifs conversationnels et les nouvelles écritures numériques qui se déploient dans les nouveaux réseaux sociaux. Les carnets de 14-18, jusque-là destinés à des succès éditoriaux d’estime, des lendemains de la guerre relevés par Jean Norton Cru45, jusqu’à la conjoncture plus récente, tels les Carnets de Louis Barthas, connaissent un succès public important, y compris sur les sites d’amateurs, forts de plusieurs millions de consultations, comme celle des pages facebook crées, telles celle du poilu Vivien, conçu par une agence marketing à l’instigation du musée de Meaux soucieux de valoriser ses collections dans une démarche participative. Le grand public se saisit ainsi de ces documents et images du passé, parfois d’une manière référentielle et contextualisée, parfois d’une manière absolument libre et décalée, réinventant un langage et des codes visuels complètement inédits.

16Les éphémères, comme traces peuvent être ainsi employés comme éléments de narration biographique, ainsi les traits des « biographèmes », esquissés par Roland Barthes, de Sade Fourier Loyola en 1971 jusqu’à la Chambre claire, son dernier texte, où il lie la biographie à l’image et à la photographie :

Si j'étais écrivain et mort, comme j'aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d'un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons des « biographèmes », dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la manière des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion46.

17Glissant ainsi du signe à la trace47, Barthes esquisse, plutôt que la chronique d’une identité biographique substantielle et unifiée, répondant à un ordre analogique ou emblématique, la saisie des manifestations fragmentaires de cette identité dans l’espace, en archipel, qui assume sa part d’anecdotique, d’arbitraire et de profil48. Les éphémères, au croisement des arbitraires et des aléatoires, en seraient ainsi le matériau privilégié.

Du livre à l’imprimé, de l’imprimé à l’éphémère

18Le « tournant numérique », à l’heure des premiers bilans en sciences humaines et sociales49, a donc complètement renouvelé l’approche des éphémères d’hier et d’aujourd’hui. Les usages contemporains, et la contamination du modèle des « éphémères » numériques qu’ils impliquent, ont donc renouvelé complètement le statut, les usages comme les connaissances que nous avons de ces objets. Les nouvelles approches des études de ces éphémères en témoignent, et notamment la réouverture de l’hypothèse sérielle de leur traitement, autrefois écartés pour les mazarinades. Il n’est pas exagéré d’avancer par ailleurs qu’ils sont l’un des principaux vecteurs aujourd’hui de l’irruption des passés dans le présent50, et cela n’est pas sans conséquence pour eux. Le régime d’historicité et le sens même des éphémères sont ainsi en train d’être complètement bouleversés, dans un mouvement à la fois prolixe et complexe de patrimonialisation numérique51.

19S’ils désignaient auparavant la part du passé nécessairement voué à la désuétude et au nécessaire oubli – c’est-à-dire le symbole même du passé –, pour des objets dont la conservation paraissait une gageure rituelle pour les archivistes dans les sociétés contemporaines, les éphémères, qui constitueraient alors une forme de part intraitable du passé, semblent bien aujourd’hui venir encombrer le présent, et se trouver condamnés à être assimilés au « bruit » né du trop plein d’information des sociétés contemporaines, dont ils peuvent, parfois à raison, être les responsables. Ainsi que le souligne Karine Douplitzky : « Trop plein des déchets, accumulation des papiers, inflation des archives, gonflement des traces. L’éphémère est lourd52 ». Il n’est pas exagéré de relever que les archives elles-mêmes puissent être menacées par l’inflation des éphémères, comme le régime des temps brouillé par la pluralité des temporalités qu’ils manifestent. D’autre part, si leurs usages, sous la forme de données numériques, désormais indexées, participe à les rendre à nouveau traitables, quelle que soit leur nature, leur volume et leur disparité, ils les ordonnent d’après une raison essentiellement numérique, d’après la loi des algorithmes qui pourrait désormais sur-déterminer et la curiosité de l’amateur et la sagacité, menacée, du chercheur.

20L’enjeu de l’approche des éphémères aujourd’hui est de donc légitimer un nouvel objet d’études interdisciplinaires encore plus globalisant qui puisse constituer un nouveau chantier au sein des sciences humaines et sociales, des études littéraires et des sciences de l’information de la communication. Les éphémères exigent en effet aujourd’hui cette saisie et la mise en place d’une raison scientifique à même de leur restituer un ordre et un sens, et de placer quelques repères contextualisés de leurs flux contemporains. De la même manière que l’histoire du livre a su progressivement faire place à l’histoire des imprimés, il faut aussi désormais sans doute donner toute sa place aux éphémères. Ils constituent en effet un objet tout à fait privilégié pour penser la transition de l’ère de l’imprimé à l’ère numérique – les médiologues parlent du passage de la graphosphère à la vidéosphère –, les mutations techniques et anthropologiques en cours, et la place de l’oralité et de l’image en leur sein. Ce chantier est à même de réunir autour de lui tous les métiers qui font profession du passé au présent, de l’histoire et de la mémoire: les conservateurs, archivistes et bibliothécaires, les enseignants comme les chercheurs, afin de répondre au défi constitué de penser, d’ordonner et de mettre en partage les éphémères, leurs régimes d’historicité et leurs usages contemporains.