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  • Posture d'auteurs: du Moyen Âge à la modernité
Article publié
le 11 juillet 2014

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Posture d'auteurs: du Moyen Âge à la modernité2014

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Margherita Romengo

Lit-on jamais l’œuvre d’une reine tout à fait comme une œuvre quelconque ?

Image d’auteur et péritexte éditorial : l’exemple de Marguerite de Navarre

Introduction

1Rescapé d’un long débat sur sa nature et sa fonction dans les études littéraires1, le terme d’auteur désigne aujourd’hui non plus une instance monolithique qui serait l’origine principielle du discours littéraire et de son sens, mais un dispositif complexe qu’on nomme auctorialité. Ce terme présente l’avantage de rendre manifeste la dimension performative de la figure auctoriale, c’est-à-dire son caractère en devenir : l’écrivain devient auteur au terme d’un processus d’auctorialisation qui engage des médiateurs et des médiations divers et variés au fil du temps2.

2Ces dernières années, l’essor des formes numériques de production, de publication et de réception littéraires a entraîné un retour sur l’histoire de l’écriture, de ses supports et de ses acteurs, donnant lieu notamment à des travaux sur la figure de l’auteur, étudiée sous l’angle de l’histoire du livre et de la bibliographie matérielle3. De ce point de vue, il semble que le Moyen Âge tardif et la Renaissance représentent un terrain privilégié pour étudier la relation entre la fabrication du livre et la fabrication de la figure de l’auteur4.

3En effet, les XVe et XVIe siècles assistent à la mise en circulation d’un nouveau support de l’écrit, le livre imprimé, qui témoigne à la fois d’une transformation matérielle et fonctionnelle de l’objet-livre ainsi que d’une transformation relationnelle, ou communicationnelle, entre d’une part, le pôle de production et le pôle de réception du livre5, et d’autre part, l’auteur et les nouveaux acteurs impliqués dans la production du livre imprimé. Ces nouveaux rapports, notamment entre l’auteur et les co-élaborateurs de l’œuvre6, vont se manifester dans et par le péritexte, qui désigne à la fois la dimension matérielle du livre et l’ensemble des discours qui entourent le texte dans l’espace du livre7. Le dispositif péritextuel va ainsi constituer un espace d’observation optimal des stratégies de construction et de légitimation des figures et des fonctions auctoriales et éditoriales à l’époque prémoderne.

4En outre, cette perspective se révèle intéressante pour traiter de manière judicieuse de l’émergence de figures auctoriales féminines dans le champ littéraire au tournant de la première modernité. Des travaux récents ont donné un nouvel éclairage sur le rôle de premier plan joué par l’imprimerie et ses agents dans le processus d’auctorialisation des femmes au XVIe siècle8, permettant notamment de mettre au jour des cas attestés ou supposés d’impostures auctoriales, comme ceux de Jeanne Flore9 ou de Louise Labé10. Si d’aucuns voient dans ces cas une démonstration de l’intérêt réduit qu’offre ce pan de la recherche seiziémiste (par absence d’objets réels et authentifiés11), il nous semble, au contraire, qu’ils ouvrent de nombreuses pistes de recherche en soulignant le caractère collectif et hétérogène du processus de construction et de transmission de toute figure d’auteur12. Une piste possible consiste ainsi à examiner l’apport des éditeurs vis-à-vis de la formation et de la transmission des figures auctoriales féminines durant la période renaissante, notamment à travers l’analyse du péritexte éditorial13 de textes composés ou attribués à des femmes.

5Dans le cadre de cette étude, nous portons notre attention sur le cas de Marguerite de Navarre (1492-1549)14, puisqu’il s’agit là d’une femme écrivain dont l’historiographie a gardé de nombreuses traces, notamment en raison de son statut royal. Tandis que la critique actuelle insiste sur la valeur intrinsèque de sa production littéraire pour légitimer le statut d’auteur de la reine, nous nous interrogeons, pour notre part, sur l’incidence de cette position sociale dans le processus de construction et de réception de son image auctoriale15, et, de manière spécifique, sur sa portée potentielle au sein des stratégies promotionnelles de ses premiers éditeurs au moyen d’un sondage du péritexte éditorial de quelques-uns de ses textes imprimés au XVIe siècle.

Marguerite, reine et écrivain, et inversement

6Parmi les femmes écrivains du XVIe siècle, la critique actuelle s’accorde à reconnaître le caractère exceptionnel d’une figure auctoriale comme celle de Marguerite de Navarre16. Cependant, si nombres d’études, durant ces cinquante dernières années, ont mis en évidence la richesse de ses écrits et de sa pensée17, notamment sur le plan des idées religieuses, la haussant au rang d’auteur majeur dans l’histoire des lettres françaises, force est de constater qu’il s’agit là d’un tournant non négligeable dans l’histoire de sa réception critique18. Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, Marguerite de Navarre est en effet considérée avant tout comme une femme de lettres19, auteur de contes et nouvelles, fréquemment absente des anthologies ou des ouvrages d’histoire littéraire.

7D’après Nicole Cazauran20, Marguerite de Navarre a longtemps été reléguée parmi les minores « en vertu du préjugé affirmant qu’une reine ne saurait être en même temps un grand écrivain. »21 Pour contrer ce mécanisme d’invalidation, qui fait du statut social de Marguerite de Navarre le motif principal de son exclusion littéraire, la critique actuelle tend quelque peu à scinder sa « vie d’auteur » de sa « vie officielle » pour proposer une lecture renouvelée de sa posture esthétique, marquée par une conscience auctoriale émancipée, et parvenir ainsi à prouver la valeur et la portée proprement littéraires de son activité auctoriale22. Par conséquent, l’accent est principalement placé, dans les travaux récents sur Marguerite de Navarre23, sur les mises en scène textuelles de soi qui révèlent un ethos auctorial qui la singularise et qui l’autorise au sein du champ littéraire et culturel en tant qu’écrivain à part entière, et non pas en tant que princesse lettrée. Le recours à une posture d’humilité24 est lu comme un indice laissant supposer que le statut social de Marguerite de Navarre ne pouvait suffire à la légitimer en tant qu’auteur, et surtout en tant que femme auteur.

8Or, il n’est pas rare que Marguerite de Navarre se mette en scène à la fois dans sa posture d’écrivain et dans sa position de reine, comme c’est le cas, par exemple, dans La Coche, le Dialogue en forme de vision nocturne ou même l’Heptaméron. Partant de ce constat, il y a lieu, selon nous, de poser à nouveaux frais la question de la part jouée par le statut royal de Marguerite dans la construction et la promotion de son image d’auteur25.

9Bien qu’elle apparaisse incongrue ou inopérante à l’aune des scénarios auctoriaux26modernes et contemporains, nous pouvons supposer que cette scénographie auctoriale a joué un rôle notable dans le processus de reconnaissance de son image d’auteur au XVIe siècle. D’autant plus, en effet, qu’elle semble avoir été relayée par les médiateurs de cette image auctoriale dans le champ littéraire et culturel de l’époque, étant sans doute eux-mêmes concernés par les enjeux liés à sa promotion. Parmi ceux-là figurent non seulement les écrivains et les intellectuels qui gravitent autour de Marguerite de Navarre – pensons notamment à Clément Marot et à ses épigrammes dédiés à la reine27, ou à Etienne Dolet, à qui elle doit le surnom de « Minerve de France »28 –, mais encore ses premiers éditeurs. En effet, ces derniers ayant participé de manière fondamentale à la genèse éditoriale de ses œuvres29, il y a lieu de croire qu’ils ont également contribué de manière significative à la construction de son image auctoriale.

10Dès lors, quelle Marguerite nous donnent-ils à voir ? Quels sont les traits, les aspects ou les composantes identitaires qu’ils valorisent ? Mais avant cela, quels peuvent être les enjeux qui ont sous-tendu la création de l’image auctoriale de Marguerite de Navarre au XVIe siècle ?

Publier une reine-écrivain au XVIe siècle : la portée d’une genèse éditoriale

11Jean-Philippe Beaulieu et Diane Desrosiers-Bonin ont défini le Moyen Âge finissant et la Renaissance comme « une époque fondatrice pour l’écriture au féminin »30. Depuis Christine de Pizan31 jusqu’à Marie de Gournay, en France et ailleurs32, il est en effet possible d’observer « un développement exponentiel du nombre de femmes ayant cherché à accéder au statut d’auteur »33. Cette période de mutations multiples voit « les femmes apparai[tre] dans le champ littéraire comme sujets et non plus seulement comme objet », note encore Michèle Clément34 : de fait, outre à une intensification de la production et de la circulation de textes pour et sur les femmes sur le marché du livre imprimé, il se produit une entrée progressive d’écrits composés par des femmes35, comme en témoigne la liste des écrits de femmes édités au XVIe siècle36.

12Favorisée par plusieurs facteurs37, l’introduction d’une production littéraire féminine sur le marché du livre imprimé a sans doute constitué une gageure pour les éditeurs qui en ont cautionné non seulement la valeur littéraire, intellectuelle ou idéologique mais aussi la valeur économique. En effet, à une époque où l’écriture est une pratique réservée aux hommes et où les femmes sont au mieux considérées aptes à lire38, comment justifier et encourager la production et la diffusion, la vente donc, de livres contenant des œuvres composées par des femmes ? Comment les autoriser à écrire ? Comment légitimer leur statut auctorial ? C’est au sein de ce contexte éditorial – qui, dès lors qu’il s’ouvre à la production littéraire féminine, doit mettre en œuvre des dispositifs et des stratégies de valorisation du produit et de légitimation du producteur – qu’il faut vraisemblablement resituer la genèse éditoriale de Marguerite de Navarre, dont l’un des enjeux principaux a probablement été celui de parrainer l’émergence d’une auctorialité féminine39.

13En effet, Marguerite de Navarre est l’une des premières femmes écrivains à susciter l’intérêt des éditeurs40 : le XVIe siècle voit paraître, en France, six éditions originales et de nombreuses rééditions et réimpréssions41, ce qui est considérable par comparaison à d’autres femmes écrivains contemporaines, comme Hélisenne de Crenne, Pernette du Guillet et, plus tardivement, Louise Labé, Madeleine et Catherine Des Roches. Parmi ces six éditions originales, quatre œuvres, en vers, sont publiées du vivant de la reine ; il s’agit du Miroir de l’âme pécheresse (Alençon, Simon du Bois, 1531), du Dialogue en forme de vision nocturne (Alençon, Simon du Bois, 1533), de la Fable du faux cuyder (Paris, Adam Saulnier, 1543), et des Marguerites de la Marguerite des Princesses et leur Suyte (Lyon, Jean de Tournes, 1547). Deux œuvres – l’une en vers, l’autre en prose – paraissent de manière posthume : le Miroir de Jésus Chris crucifié (Toulouse, Guyon Boudeville, 1552), et les Histoires des Amans Fortunez (Paris, Gilles Gilles, 1558). Les raisons d’un tel engouement éditorial, durable et diversifié, sont multiples – notamment religieuses et politiques42 –, et on ne peut douter que les éditeurs aient perçu et mesuré toute la valeur symbolique43 et promotionnelle recélée par une figure auctoriale comme celle de Marguerite de Navarre. De fait, représentante d’une lignée prestigieuse de reines et de princesses de France, patronnes et mécènes44, femmes de lettres à leurs heures45, Marguerite incarne une forme d’auctorialité féminine acceptée et acceptable.

14Cette position sociale, qui justifie et autorise son accès aux savoirs et à l’écriture46, ainsi que sa proximité avec les poètes et les penseurs de la cour et son contact avec d’autres qui évoluent hors de ce cadre, constitue donc une plus-value supposément exploitable par les producteurs du livre imprimé au moyen des dispositifs propres à leur mode de communication, c’est-à-dire à travers une forme de discours qui combine des éléments textuels, iconographiques et matériels47 et dont la vocation est publicitaire.

15S’inscrivant dans cet espace du livre qui relève principalement de la responsabilité de l’instance éditoriale et que Genettenomme péritexte éditorial48, le discours éditorial est un discours pluri-sémiotique qui porte non seulement sur l’œuvre et sa consommation (son contenu et son usage) mais aussi sur les conditions de production de l’œuvre, dans ses dimensions esthétique et matérielle, ainsi que sur les différents acteurs impliqués, parmi lesquels figure l’auteur. Ainsi, il est possible d’appréhender le péritexte éditorial des éditions de Marguerite de Navarre comme un espace de représentation de son image auctoriale.

16Il s’agit dès lors d’analyser la représentation de Marguerite de Navarre dans le cadre du péritexte éditorial qui se situe au seuil des éditions imprimées de ses œuvres : comment est-elle présentée au lectorat ? Comment se construit son image d’auteur ? Que valorise-t-on ? Pour fournir quelques éléments de réponses, nous avons choisi de limiter notre sondage à la présence et à la teneur de l’image auctoriale de Marguerite de Navarre sur les pages de titre des six éditions originales précitées en tant qu’il s’agit là de la seule pièce liminaire qui apparaît dans tous les exemplaires analysés49. Rappelons qu’au XVIe siècle, en raison du développement progressif, graduel, du livre imprimé, la composition du péritexte éditorial est variable d’une édition à l’autre, d’un tirage à l’autre, voire, à quelques occasions, d’un exemplaire à l’autre50.

Page de titre et nom d’auteur : présence, forme et valeur

17Dans le livre imprimé du XVIe siècle, le nom auctorial apparaît sur une page de titre en voie de développement51, certes non pas encore de manière systématique – comme nous pourrons l’observer dans le cas de Marguerite de Navarre –, mais néanmoins de façon fréquente. Si l’apparition d’un nom d’auteur sur la page de titre rend visible l’attribution d’un texte à un individu identifiable, celle-ci ne traduit pas nécessairement une volonté d’affirmation auctoriale52, mais peut relever également d’une démarche éditoriale qui obéit à des impératifs symbolique et économique53. En effet, associé au nom de l’éditeur et, parfois, au nom du dédicataire54, le nom auctorial peut figurer dans l’ensemble des stratégies publicitaires des producteurs du livre.

18Dans Seuils, Genette affirme l’impact des données contextuelles ou factuelles lisibles au niveau de la page de titre sur la réception d’une œuvre littéraire.« Et lit-on jamais un ‟roman de femme” tout à fait comme un roman tout court, c’est-à-dire un roman d’homme ? »55, interroge-t-il, résumant l’idée selon laquelle le nom d’auteur constitue une donnée factuelle, fonctionnelle et signifiante, qui se situe au croisement du péritexte et de l’épitexte56. En tant que nom propre, le nom d’auteur n’a pas pour unique fonction l’identification d’un individu : il « reflèt[e] [également] les classifications de la société et inform[e] sur le sexe, la filiation, la classe, le mariage, l’ethnicité, la religion, etc. »57 Ainsi, le nom d’auteur se définit, simultanément, comme un « désignateur rigide et [un] réceptacle de descriptions variées et [potentiellement] contradictoires » ; autrement dit, il renvoie, à la fois, à une identité auctoriale précise et à une variété d’images dont cette identité peut être investie58.

19Concernant Marguerite de Navarre, nous avons examiné les modalités d’apparition du nom de l’auteur sur les pages de titre des six éditions originales précitées59 :

1. Le miroir de lame pecherresse. || ouquel[sic] elle recongnoist ses || faultes et pechez. aussi || les graces & benefi= || ces a elle faictz par || Jesuchrist || son || espoux. || ¶ La Marguerite tresnoble & precieu= || se/ sest preposee a ceulx qui de || bon cueur la cerchoient.

2. Dialogue en forme de vision || nocturne/ entre tresnoble & ex= || cellente princesse ma dame || Marguerite d' France/ || soeur vnique du || Roy nostre sire/ || par la grace || de dieu || Royne de || Nauarre/ duchesse || Dalencon & Berry/ Et || Lame saincte de defuncte ma= || dame Charlote de France/ fille aysnee || dudict sieur/ & niepce de ladite dame Royne. || ¶ Le miroir de lame pecheresse: auquel elle || recongnoiste ses faultes & pechez. aussy || les graces & benefices a elle faictz || par Jesus Christ son espoux. || Discord estant en lhomme par la con= || trariete d’ Lesperit & d’ la Chair: || & sa paix par vie spirituelle. || ¶ Vne oraison a nostre seigneur Iesus Christ.

3. La fable du faulx || CUYDER CONTENANT || L’histoire des Nymphes de Dyane, || transmuees en saulles faicte par vne no= || table dame de la court, enuoyée à ma= || dame Marguerite fille vnicque du || Roy de France.

4. MARGVERITES || DE LA MARGVERITE || DES PRINCESSES, || TRESILLVSTRE || ROYNE || DE || NAVARRE.

5. LE || MIROVER || de Iesus Christ || CRVCIFIE, || Composé par feu tresillustre Princesse, || Marguerite de Vallois, Royne || de Nauarre.

6. HISTOIRES || DES AMANS || FORTVNEZ.

20Sur ces pages de titre, le nom auctorial présente une forte instabilité formelle60. En effet, il apparaît sous une forme différente sur les quatre éditions qui le mentionnent. Ces formes ne correspondent pas aux formes actuelles, c’est-à-dire à la forme internationale de catalogage, « Marguerite d’Angoulême », ni à la forme courante, « Marguerite de Navarre ». Ces formes nominales peuvent être constituées de deux composants ou plus, à savoir : le prénom, le patronyme, les titres de noblesse, les attributs relatifs à ces titres statutaires. Ces composants sont également variables – l’ensemble n’apparait pas d’une édition à l’autre – et mouvants – l’ordonnancement est aléatoire ; le seul composant fixe et constant est le prénom « Marguerite ».

21On remarque que cette présence récurrente du prénom « Marguerite » est significative. Elle donne lieu à des procédés analogiques qui se fondent sur son sens étymologique, On observe, sur la page de titre du premier Miroir, un jeu analogique basé sur l’étymon du mot « marguerite »61 : de fait, l’adjectif « précieuse », qui qualifie l’auteur, renvoie à la valeur de la perle. De plus, cette préciosité semble renforcée par un caractère sélectif que pourrait traduire l’expression « La Marguerite tres noble et precieuse s’est preposee à ceulx qui de bon cueur la cerchoient » en renvoyant à la locution « Ne jetez pas vos marguerites aux pourceaux »62. Un procédé analogique similaire apparaît sur la page de titre des Marguerites63, où l’énoncé titulaire peut se traduire par les « perles » de la « perle des Valois »64.

22Cette connotation de la valeur de l’auteur et de sa production s’effectue aussi par le bais des composants instables et mouvants, c’est-à-dire les titres de noblesse et les attributs laudatifs, qui participent d’une sorte de rhétorique de l’éloge65 à travers laquelle est exhibée la position sociale de l’auteur. Notons, en effet, que le statut social de l’auteur peut encore être suggéré lorsque son nom n’est pas mentionné : c’est le cas notamment sur la page de titre de la Fable du faux cuyder, où le rang de Marguerite de Navarre est évoqué par le syntagme nominal « une notable Dame de la Cour », l’adjectif « notable » soulignant à la fois l’éminence, l’autorité et la notoriété de ladite « Dame de la Cour ».

Conclusion

23Lit-on l’œuvre d’une reine tout à fait comme une œuvre quelconque ? Là est sans doute le pari qu’on pu faire les premiers éditeurs de Marguerite de Navarre.

24Les pages de titres analysées montrent une valorisation de l’image de la princesse, ce qui nous laisse raisonnablement penser que le statut social de Marguerite de Navarre est à la fois un argument de vente et une donnée indispensable pour comprendre la construction et la réception de son image d’auteur dès le XVIe siècle.

25(University of British Columbia – Université Catholique de Louvain)

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Wilson-Chevalier Kathleen (dir.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, Publications de l’Université Saint-Étienne, 2007.

notes

1  Nous renvoyons aux articles, désormais célèbres, qui donnèrent le coup d’envoi à ce débat : R. Barthes, « La Mort de l’auteur », et M. Foucault, « Qu’est ce qu’un auteur ? ».

2  Cette approche renouvelée de l’auteur est illustrée dans de nombreux travaux récents. Nous retenons ici ceux de J. Meizoz, Postures littéraires Iet Postures littéraires II,de R. Amossy, « La Double Nature de l’image de l’auteur », de M.-P. Luneau et J. Vincent (dirs), La Fabrication de l’auteur, et de D. Martens et M. Watthee-Delmotte (dirs), L’Écrivain, un objet culturel.

3  Voir le site de la Society for the History of Authorship, Reading and Publishing : http://www.sharpweb.org.

4  Voir notamment A. Réach-Ngô, « Instances et stratégies éditoriales à la Renaissance : de la fabrique du livre à la fabrique de l’auteur », p. 333-362.

5  Au sujet des transformations suscitées par l’imprimerie, voir L. Febvre et H.-J. Martin, L’Apparition du livre, et R. Chartier et H.-J. Martin, Histoire de l’édition française. I : Le livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du xviie siècle.

6  Voir M. Furno (dir.), Qui écrit ? Figures de l’auteur et des co-élaborateurs du texte. XVe-XVIIIe siècle.

7  Pour une définition du péritexte, voir l’ouvrage pionnier de G. Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987, p. 20-36.

8  Voir M. Clément et J. Incardona (dirs), L’Émergence littéraire des femmes à Lyon (1520-1560).

9  Voir, parmi d’autres, N. Frelick, « Attribuer un sexe à Jeanne Flore ? », p. 239-250.

10  Voir M. Huchon, Louise Labé. Une créature de papier.

11  Il s’agit là de la critique majeure formulée contre de l’ouvrage de Mireille Huchon de la part notamment de Daniel Martin, « Louise Labé est-elle ‘une créature de papier’ ? », p. 7-37, ou Éliane Viennot, « Louise Labé en papier, un canular mal venu ».

12  Dans Postures littéraires I, J. Meizoz définit l’auteur précisément comme « une création collective, fruit des lecteurs, des pairs et des critiques. » (p. 10) et, encore, comme « [c]réation collective des lecteurs, des médias et de la critique savante » (p. 187).

13  La zone du péritexte qui relève principalement de la responsabilité de l’éditeur. Voir G. Genette, op. cit.

14  Cet article est issu de notre projet de recherche doctorale, en cours, sur la réception éditoriale de Marguerite de Navarre au XVIe siècle.

15  Au sens où l’entend R. Amossy dans « La Double Nature de l’image d’auteur ».

16  Marguerite d’Angoulême, duchesse d’Alençon et de Berry, reine de Navarre, communément nommée Marguerite de Navarre et, plus rarement, Marguerite de Valois. Elle est considérée, de nos jours, comme un auteur majeur de la littérature française prémoderne, et, de manière plus générale, comme un agent intellectuel, culturel et politique significatif de la Renaissance. Plusieurs études biographiques lui ont été consacrées ; nous retiendrons, parmi d’autres, l’ouvrage de P. Jourda, Marguerite d’Angoulême, duchesse d’Alençon, reine de Navarre (1492-1549) : étude biographique et littéraire, ainsi que, plus récemment, l’étude de P.F. Cholakian et R.C. Cholakian, Marguerite de Navarre : Mother of the Renaissance.  

17  Voir H.P. Clive, Marguerite de Navarre : An Annotated Bibliography.

18  On souligne fréquemment l’ironie dont Montaigne fait preuve vis-à-vis de l’Heptaméron, qu’il qualifie de « gentil livret pour son estoffe ». Voir Montaigne, « De la cruauté ». Les critiques ont aussi souvent rappelé la contestation violente de la faculté de théologie de la Sorbonne en 1533 en raison de la réédition du Miroir de l’âme pécheresse par Antoine Augereau. Si le livre ne fut censuré grâce à l’intervention du roi, l’auteure fut insultée et parodiée. Voir à ce sujet, F. Frank, « Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre », et P. Jourda, Une Princesse de la Renaissance : Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre.

19  Au sujet de la connotation péjorative du terme « femme de lettres » et, plus généralement, du terme « femme », voir l’étude de F.H. Baider, Hommes galants, femmes faciles : étude socio-sémantique et diachronique.

20  Responsable, avec Sylvie Lefèvre, de l’édition des Œuvres complètes de Marguerite de Navarre chez Honoré Champion dans la collection « Textes littéraires de la Renaissance ».  

21 N. Cazauran, Marguerite de Navarre 1492-1992, p. 7.

22  Ibid., p. 9.

23  Consulter, parmi d’autres, les travaux de M. Audet, « Marguerite de Navarre épistolière et l’abolition de la subjectivité dans la lettre de confession » et « Marguerite de Navarre épistolière : autoreprésentation dans la correspondance » ; ainsi que l’article de Luc de Vaillancourt, « Mouvements réflexifs dans la poésie de Marguerite de Navarre ».

24  Il s’agit du topos de la modestie féminine, fréquemment décelable dans les prologues des femmes écrivains de la Renaissance. À ce sujet, voir Fr. Rigolot, « La Préface à la Renaissance : un discours sexué ? ».

25  Dans « Postures épistolaires et effets de dispositio dans la correspondance entre Marguerite d’Angoulême et Guillaume Briçonnet », J.-Ph. Beaulieu souligne, en effet, un « jeu de postures » de la part de Marguerite de Navarre. 

26  Voir J.-L. Diaz, L’Écrivain imaginaire : scénographies auctoriales à l’époque romantique.

27  Voir, par exemple, le dizain De Madame la duchesse d’Alençon.

28  Marguerite de Navarre est ainsi surnommée dans le Second Enfer d’Estienne Dolet (Lyon, 1544) ; cité par P. Jourda, « Le Mécénat de Marguerite de Navarre »

29  Au sujet de l’implication éditoriale de Marguerite de Navarre, voir notamment S. Lefèvre, « L’Heptaméron entre éditions et manuscrits », p. 437-482. Dans cet article, S. Lefèvre souligne que le rôle de Marguerite de Navarre s’apparenterait davantage à celui de commanditaire, et l’établissement de ses textes aurait été confié à des proches.

30  J.-Ph. Beaulieu et D. Desrosiers-Bonin, « État présent : les études sur les femmes écrivains du XVIe siècle français », p. 371. Toutefois, il ne faut pas négliger les jalons posés dès le Haut Moyen Âge par des femmes écrivains issues de communautés religieuses, comme Hildegarde de Bingen (XIe s.) ou Marguerite Porete (XIIIe s.), ou du milieu curial, comme Marie de France (XIIe s.).

31  La figure de Christine de Pizan marque un tournant dans l’histoire de l’écriture féminine. Première femme écrivain de métier, sa production est abondante et significative, notamment en regard de l’histoire du concept d’auteur (statut et fonction), et plus spécifiquement en regard du statut de femme-auteure. L’origine de la Querelle des femmes (discours polémique qui, du Moyen Âge à la Révolution française, porte sur la question, épineuse, de l’égalité des hommes et des femmes) lui est attribuée pour la place qu’elle a tenu dans la « Querelle de la Rose », où elle prend position en tant que femme de lettres contre les propos misogynes tenus par Jean de Meun dans la seconde partie du Roman de la Rose. Au sujet du débat autour du Roman de la Rose, voir É. Hicks, « Situation du débat sur le Roman de la Rose », p. 51-67. Au sujet de la Querelle des Femmes, J. Kelly, « Early Feminist Theory and the Querelle des Femmes, 1400-1789 », p. 4-28.

32  Notamment en Italie, voir M. King, « Thwarded Ambitions : Six learned Women of the Italian Renaissance », p. 280-304 ; et en Grande Bretagne, voir J. Kelly, art. cit.

33  J.-Ph. Beaulieu et D. Desrosiers-Bonin, art. cit., p. 371.

34  M. Clément et J. Incardona (dirs), op. cit., p. 8. On passe des listes de femmes illustres, des discours sur les femmes, aux discours des femmes sur elles-mêmes et à la publication de ces discours. À ce propos, voir M. Clément, « Comment un nouveau champ littéraire est créé à Lyon : ‘en donnant lieu à la main féminine’ (1530-1555) », p. 15-28.

35  E. Viennot, « Ce que l’imprimerie changea pour les femmes », p. 14-21.

36  Pour le XVIe siècle devrait paraître bientôt la bibliographie de William Kemp chez Honoré Champion sous le titre Bibliographie des imprimés féminins jusqu’en 1610. La première partie est déjà disponible sous la forme d’un article paru dans Littératures (1998) sous le titre « Textes composés ou traduits par des femmes et imprimés en France avant 1550 ». Pour les siècles suivants, voir, parmi d’autres, D. Goodman, Becoming a Woman in the Age of Letters et I. Brouard-Arends, Lectrices d’Ancien Régime.

37  Parmi ces facteurs figurent la pensée humaniste et le mouvement réformateur. Voir l’introduction de M. Clément et J. Incardona, op. cit.

38  À propos de ce partage des compétences, voir notamment R. Chartier, « Culture écrite et littérature à l'âge moderne », p. 783-802.

39  Au sujet de la question de l’émulation féminine, voir notamment M. d’Ennetière (ou Dentières), « Epistre tres utile faicte et composée par une femme chrestienne de Tornay, envoyée à la Royne de Navarre seur du Roy de France ».

40  Voir M. Clément, art. cit. En effet, le premier Miroir de Marguerite de Navarre est publié la première fois en 1531, suivi des Comptes amoureux de Jeanne Flore en 1532. Les Angoisses douloureuses de dame Hélisenne de Crenne paraîtront en 1538, les Rymes de Pernette du Guillet en 1545 et les Euvres de Louise Labé en 1555.

41  H.P. Clive, op. cit., et P. Jourda, « Tableau chronologique des publications de Marguerite de Navarre ».

42  Ces questions seront traitées dans le cadre d’une prochaine contribution.

43  Au sens où l’entend P. Bourdieu dans Les Règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire.

44  À ce sujet, voir notamment K. Wilson-Chevalier (dir.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance.

45  Peuvent être citées, en guise d’exemples, Anne de Bretagne, Louise de Savoie, pour la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle et, plus tardivement, Jeanne d’Albret, Marguerite de Valois.

46  Grâce à la libéralité de Louise de Savoie, Marguerite de Navarre bénéficie, au même titre que son frère cadet, d’une éducation poussée, notamment dans le domaine des langues anciennes et des lettres. Voir à ce propos, P. Jourda, Marguerite d’Angoulême, op. cit.

47  Certains désignent ce discours éditorial pluri-sémiotique sous le terme d’énonciation éditoriale (voir E. Souchier (dir.), L’Énonciation éditoriale en question), d’autres sous celui d’écriture éditoriale (voir A. Réach-Ngô, L’Écriture éditoriale à la Renaissance).  

48  G. Genette, op. cit., p. 20.

49  De ce fait, les exemplaires examinés montrent des compositions qui peuvent varier fortement, notamment en raison de l’évolution de la réglementation liée au traçage du livre imprimé.

50  Fr. Roudaut, Le Livre au XVIe siècle, p. 50.

51  Voir J.-Fr. Gilmont et A. Vanautgaerden (dirs), La Page de titre à la Renaissance.

52  Fr. Roudaut, op. cit., p. 28.

53  A. Armstrong, Technique and Technology, p. 8-9.

54  G. Mauger, « Roger Chartier et l’histoire de la lecture », p. 97.

55  G. Genette, op. cit., p. 13. 

56 Ibid., p. 8-11.

57  I. Østenstad, « Quelle importance a le nom de l’auteur ? », URL : http://aad.revues.org/665.

58  Ibid.

59  Des exemplaires des six éditions originales sont consultables sur Gallica : http://gallica.bnf.fr. Notons ici que ces pages de titre présentent des caractéristiques topographiques et typographiques représentatives du livre imprimé au XVIe siècle : la zone de l’auteur et la zone du titre se confondent dans une structure triangulaire qui va en se resserrant, le titre et le nom d’auteur présentent la même police typographique, dont la taille et le corps peuvent toutefois changer, ce qui peut être observé tant sur la page de titre du premier Miroir (1531) que sur celle du second Miroir (1552).

60  Sur les pages de titre d’œuvres modernes et contemporaines, le nom d’auteur apparaît sous une forme qui fait montre d’une plus grande stabilité (dans le temps, dans l’espace et à travers les supports) et qui comporte un nombre réduit de composantes (une ou deux).

61  DMF. « Marguerite », subst. fém. Du latin margarita, qui signifie à la fois « perle » et « fleur ».

62  DMF. Par référence à Matth. VII, 6.On trouve également la variante « Ne jetez pas vos perles aux pourceaux ». Une exploitation similaire de la locution peut être observée dans le Songe du Vergier (éd. M. Schnerb-Lièvre, t. ii, Paris, Éditions du CNRS, 1982) : « Lez margarites ne devent mie estre semees devant lez porceaux, et doit estre chascun precheur sage de considerer ceulx devant qui il palle. »

63  Le même procédé est repris tel quel sur la page de titre du second volume du recueil. L’énoncé titulaire de cette seconde page de titre se distingue de celui de la première page de titre uniquement par l’ajout du mot « Suyte » au-dessus de la zone du titre.

64  Le titre anglais du florilège est d’ailleurs Pearls from the Pearl of Princesses. Voir, à propos du recueil, P.F. Cholakian et R.C. Cholakian, Marguerite de Navarre : Mother of the Renaissance.

65  Notons d’emblée que ces modes de valorisation de la figure féminine n’ont rien d’original. Nous les trouvons déjà chez les Grands Rhétoriqueurs dans un souci de valorisation de la femme au pouvoir. Voir à ce sujet, T. Van Hemelryck, « La Femme et la paix. Un motif pacifique de la littérature française médiévale », p. 243-270 ; et Fr. Cornilliat, « Or ne mens. » Couleurs de l’éloge et du blâme chez les Grands Rhétoriqueurs.

plan

  • Introduction
  • Marguerite, reine et écrivain, et inversement
  • Publier une reine-écrivain au XVIe siècle : la portée d’une genèse éditoriale
  • Page de titre et nom d’auteur : présence, forme et valeur
  • Conclusion

pour citer cet article

Margherita Romengo, « Lit-on jamais l’œuvre d’une reine tout à fait comme une œuvre quelconque ? », Fabula / Les colloques, Posture d'auteurs: du Moyen Âge à la modernité, URL : http://www.fabula.org/colloques/document2406.php, page consultée le 18 mai 2022.

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