Colloques en ligne

Louis-Gilles Pairault

Le « fonds Édouard-Bourdet » à la bibliothèque-musée de la Comédie-Française

The douard Bourdet collection" at the Comédie-Française library-museum

1« Je vous connaîtrai à votre travail », déclara Édouard Bourdet le jour de sa prise de fonction le 15 octobre 1936 : élégante manière d’indiquer qu’il ne savait « presque rien de la Maison » à sa prise de fonction1. Les archives conservées à la bibliothèque-musée de la Comédie-Française (BMCF) sont naturellement le reflet de cet état de fait2. Le don d’archives privées effectué par son petit-fils, M. Nicolas Bourdet, en juillet 2024, est donc d’une particulière importance. Il illustre une nouvelle fois l’apport inestimable à la recherche que constituent les dons d’archives privées, qui complètent et enrichissent d’une manière irremplaçable les fonds d’archives publiques. Cela est particulièrement vrai dans le cas d’archives d’auteurs, dramaturges ou artistes, à propos desquels les archives publiques, de par leur nature administrative et technique, laissent bien souvent dans un angle mort la dimension artistique, pourtant si prisée des chercheurs.

2Un premier don d’archives privées d’Édouard Bourdet avait été remis en avril 1995 à la bibliothèque-musée de la Comédie-Française par son fils Claude. De moindre dimension, il se composait de correspondances, de coupures de presse et de quelques documents administratifs (1936-1941) ; les pièces les plus remarquables en étaient probablement les deux cahiers autographes dans lesquels Bourdet racontait d’une plume alerte, presque au jour le jour, les circonstances de sa nomination et les débuts de sa prise de fonction.

3D’une tout autre ampleur, l’ensemble remis en 2024 se composait de vingt-quatre cartons d’archives de format variable (qui ont été reconditionnés), de plusieurs œuvres graphiques (en cours d’inventaire), ainsi que d’un ensemble de manuscrits originaux, le tout représentant près de trois mètres linéaires de documents. À notre sens, ce sont les manuscrits originaux qui forment, avec l’abondante correspondance de Bourdet conservée dans une partie des cartons, les deux ensembles les plus précieux de ce don.

Les manuscrits originaux, les inédits et les nouvelles

4Cet ensemble se compose d’une part de sept manuscrits autographes reliés et conservés dans des étuis. Les manuscrits, en bon état, sont tous autographes, rédigés à l’encre bleue, pourvus d’annotations et de béquets. Ces manuscrits du dramaturge, sur lesquels une étude systématique des variantes, remords et annotations mériterait d’être menée, constituent un ensemble superbe en même temps qu’émouvant, qui permet de suivre la progression de son travail et de sa pensée. Les œuvres concernées sont ses sept dernières pièces :

  • Le Sexe faible (1929, 75 pages, conservé à la BMCF sous la cote Res MS 25 161) ;

  • La Fleur des pois (1932, 40 p., Res MS 25 160;

  • Les Temps difficiles (1934, 81 p., Res MS 25 156) ;

  • Margot (1935, 236 p., Res MS 25 162) ;

  • Fric-Frac (1936, 38 p., Res MS 25 157) ;

  • Hyménée (1941, 46 p., Res MS 25 158) ;

  • Père (1942, 40 p., Res MS 25 159).

5Les élégantes reliures de ces manuscrits, faites de maroquin de différentes couleurs (blanc, bleu, brun, rouge et vert), richement ornées et dotées de fer et de titres dorés, ont toutes été réalisées par Marie-Blanche de Polignac, qui fut la maîtresse d’Édouard Bourdet.

6À cet ensemble joliment relié se rattache d’autre part un ensemble de manuscrits non reliés, certains inédits : les manuscrits de Père (première version et brouillon), le tapuscrit d’Hyménée, et les copies de tapuscrits de L’Aventure et de Vient de paraître (deux versions), ainsi que le manuscrit (à notre connaissance inédit) de l’unique roman de Bourdet, La Prisonnière (à distinguer de la pièce homonyme, jouée en 1926). L’un des cartons d’archives contient également les manuscrits de La Cage ouverte (sa deuxième pièce, jouée en 1912) et du Joli garçon, de plusieurs nouvelles et de plusieurs textes annoncés comme inédits.

Correspondance

7Avec les manuscrits, il s’agit certainement de l’ensemble le plus remarquable contenu dans ce don, ensemble considérable et particulièrement riche, qui représente sept cartons d’archives. L’inventaire pièce à pièce en est encore en cours de réalisation à l’heure où nous écrivons. Il faut donc nous résoudre à n’en donner que la description sommaire portée sur les cartons d’archives qui les contenaient : « correspondance avec des écrivains, musiciens et personnalités » (une boîte), « correspondance avec des comédiens, metteurs en scène, décorateurs, musiciens, théâtre » (une boîte), « correspondance pendant l’Occupation, duel, [Henry] Bernstein, M. de Saint-Aubin, lettre à Pierre Fernet, Jean Yonnel et autres, droits d’auteur, condoléances après sa mort, cartes de visite », auxquelles s’ajoutent deux boîtes non décrites.

Archives relatives aux représentations des pièces de Bourdet

8Une collection de coupures de presse se compose de quatorze registres reliés contenant la revue de presse des pièces suivantes : L’Heure du berger (1922), L’Homme enchaîné (1922-1924), Vient de paraître (1927, 1945), Le Sexe faible (1929 et 1974), Fric-Frac (1936, 1939), La Fleur de pois (1932-1933, 1949), Les Temps difficiles (1934-1935, 1965), Margot (1935-1936), L’Hyménée (1941), et Père (1942), ainsi que la saison à Versailles (1932-1935).

9À cet ensemble se rattachent :

  • un ensemble de huit dossiers de coupures de presse non reliées sur les mêmes pièces, ainsi que sur la pièce The Other Rose de George Middleton, d’après Bourdet (New York, 1923) ;

  • Un autre ensemble de huit dossiers contient des programmes et affiches des pièces de Bourdet, représentées à Paris, en province et à l’étranger (1922-1978), ainsi que des exemplaires d’éditions des pièces de Bourdet, essentiellement en revue (L’Avant-scène, Paris Théâtre, La Petite Illustration…, 1922-1986).

Archives relatives à la carrière, aux articles et conférences d’Édouard Bourdet

10Un ensemble d’une soixantaine de tapuscrits de chroniques théâtrales écrites par Bourdet (1932-1938) constitue une matière précieuse sur son activité de chroniqueur. Se rattachent également à cet ensemble :

  • un dossier de coupures de presse sur Bourdet (1928-1941) et sur son décès (1945) ;

  • un dossier comprenant deux interviews de lui (dont une en anglais, non datée, et l’autre de 1940) ;

  • un dossier comprenant le texte de deux conférences et d’une allocution prononcées par Bourdet (1930 ; 1941, 1953) ;

  • et enfin un ensemble d’une soixantaine d’articles et de chroniques sur des pièces et des sujets divers, toujours sur la vie théâtrale, mais dont le lien avec Bourdet n’apparaît pas toujours clairement, et dont fait partie une série d’articles signés « Domino » (non datés).

Fonds complémentaires préalablement versés à la bibliothèque-musée de la Comédie-Française

11Disons un mot pour finir des fonds d’archives déjà conservés à la bibliothèque-musée préalablement à ce don et dont la consultation pourra s’avérer un utile complément. Ils se composent d’une part des archives d’Édouard Bourdet en tant qu’auteur et dramaturge de pièces jouées à la Comédie-Française :

  • archives sur les mises en scène et les pièces de Bourdet à la Comédie-Française (qui comprennent en général photographies et programmes de chaque spectacle) :

    • Le Peintre exigeant (de Tristan Bernard, mise en scène d’Édouard Bourdet, 1937) : maquettes planes de décor et de costumes ;

    • Le Sexe faible (mise en scène de Jean Meyer, 1957, et reprises) : relevé de mise en scène, conduite figuration, revue de presse ;

    • Les Temps difficiles (mise en scène de Pierre Dux, 1948) : maquette en volume, conduite lumière, relevé de mise en scène, maquettes planes de décor ;

    • Les Temps difficiles (mise en scène de Maurice Escande, 1965) : revue de presse, conduites régie et son, relevé de mise en scène ;

    • Les Temps difficiles (mise en scène de Jean-Claude Berutti, 2006) : revue de presse, photographies, brochure de répétition, documents de diffusion, captation, extraits audio, maquettes planes de décor.

  • Archives des lectures radiophoniques de ses pièces : Fric-Frac, 1967 ; Le Rubicon, 1974 ; Les Temps difficiles, 1961-1962, Vient de paraître, 1960-1961.

  • Dossier d’Édouard Bourdet en tant qu’auteur (sous-série ARAD).

12Et d’autre part des archives de Bourdet en tant qu’administrateur général de la Comédie-Française (1936-1940) :

  • dossiers conservés sous la cote ARAD 23 (dans la sous-série ARAD composée de l’ensemble des archives des différents administrateurs généraux) qui couvrent la période 1936-1940, avec plusieurs documents qui vont jusqu’à 19453. De nature beaucoup plus administrative, ce sont les archives de fonctionnement en tant qu’administrateur général : correspondances (moins personnelles que dans le fonds privé, encore que la délimitation entre les domaines professionnel et privé demeure fluctuante suivant les époques et les emplois), rapports, comptes rendus, dossiers techniques… En complément de ces dossiers, signalons également d’autres sous-fonds de la bibliothèque-musée dont la consultation pourra apporter des éclairages complémentaires sur le mandat de Bourdet :

    • archives des secrétaires généraux pendant son mandat, Jean Valmy Baysse (1927-1937), et Robert Cardienne Petit (1937-1945)4 ;

    • dossiers de personnalités (autres que les administrateurs) ayant exercé pendant son mandat : auteurs (sous-série ARA), décorateurs et costumiers (sous-série ARD), membres du personnel (ARMP), metteurs en scène (ARMS), etc.

    • registres, notamment ceux des comités (sous-séries 4 AL et 4 AS) ;

    • archives concernant la radio et l’audiovisuel5 ;

    • archives techniques et administratives pendant son mandat : archives de l’administration générale et de la régie (sous-série 4 AG), archives comptables (sous-série 4 AC), archives relatives aux bâtiments (sous-série 4 AB)6.