Colloques en ligne

Justine Huppe, Lucie Amir et Julien Jeusette

Politiques de la littérature. Retour sur une formule

The politics of literature and how to understand it

1Depuis les années 2000, la critique littéraire de langue française a vu émerger une nouvelle manière de penser et de nommer les rapports entre littérature et politique. Popularisée par l’œuvre de Jacques Rancière — qui conçoit, en 2007, l’écriture littéraire comme une pratique politique —, la formule « politique(s) de la littérature » s’est imposée simultanément dans les travaux de Benoît Denis (2006) puis de Jean-François Hamel (2014), pour désigner une volonté commune : écrire une histoire culturelle des liens entre littérature et politique.

2Depuis lors, la formule s’est répandue dans les discours tenus par les auteur·ices et théoricien·ne·s au sujet de leurs pratiques et de leurs objets, quitte à s’affranchir de ses fondements conceptuels. On la rencontre aussi bien au détour d’un entretien d’écrivain (Larnaudie, 2022, p. 137) que parmi les mots clés d’articles universitaires, ou encore en titre de publications (Crépon, 2023). Au-delà d’une allusion rapide à l’essai éponyme de Rancière, une livraison de la revue Esprit (2021) misait, à raison, sur l’évidence acquise par la formule ces dernières années : y était soulignée la capacité des textes littéraires à défaire les hiérarchies symboliques, à outiller éthiquement les lecteurs et lectrices, ou encore à faire considérer d’autres formes de vie. Dans un sens désormais presque courant, on parle de « politique de la littérature » comme on parle de « politiques de la mémoire », de « politique des algorithmes » ou encore de « politique de la nature » – autant de tournures commodes pour désigner la capacité d’une abstraction, d’une institution ou d’un ensemble d’entités inanimées à produire et à orienter des comportements humains (faire croire, faire penser, faire agir, etc.).

3Cet élément de langage participe d’un tropisme politisant de la critique contemporaine qui a tout récemment fait réagir en plusieurs endroits du champ littéraire. L’importante vague, en 2023-2024, de publications consacrées aux rapports entre littérature et politique témoigne ainsi d’un nouveau moment réflexif, auquel participent activement auteurs et autrices. Cette notice s’inscrit dans le prolongement de cette actualité critique, en proposant de retracer les origines, les forces et les limites d’une formule particulière (« politique(s) de la littérature ») désormais inscrite dans le répertoire discursif des études littéraires.

1. Aux origines de la formule

4Au sein de ce répertoire, on observe plusieurs reconfigurations qui ont contribué à l’émergence et à la popularisation des « politiques de la littérature », au premier rang desquelles le déclin de deux grands modèles de politisation des textes : l’engagement et l’avant-garde. Tout se passe comme si la formule permettait de désigner et de penser à nouveaux frais l’articulation de la littérature à la chose politique.

5Le reflux des discours au sujet de l’engagement est nettement attesté. À l’exception de Sylvie Servoise (2023), qui revient précisément sur les origines du concept pour en interroger les prolongements contemporains, la plupart des historiens de la littérature s’accordent à restreindre « la littérature engagée » à la période et à la définition étroite qu’en a donnée Sartre1. Bien que cruciale pour l’histoire intellectuelle, cette manière très spécifique de croire dans les pouvoirs de dévoilement de la littérature et dans la responsabilité de l’écrivain a par ailleurs été rapidement contrebalancée par d’autres propositions (on pense bien sûr à Roland Barthes, 1953) avant de se figer et de se simplifier dans la mémoire collective. Aujourd’hui, la plupart des écrivains s’en détournent, l’utilisant volontiers comme repoussoir (Florey, 2013).

6Le modèle de l’avant-garde a lui aussi connu, quoique plus tardivement, une forme de péremption sociologique et terminologique. Historiens de l’art et théoriciens de la littérature s’accordent sur la disparition des avant-gardes historiques : depuis la fin des années 1970, on ne trouve plus de collectifs fondés sur une sociabilité exclusive, des manifestes programmatiques et une identité esthétique bien définie2. Et à l’instar de ce qui se joue pour la notion d’engagement, les auteur·ices contemporain·e·s tendent à se désolidariser3 et à se distancier de cet imaginaire symbolique, en ironisant sur sa rhétorique belliqueuse et compassée, ou en inventant des formes de collectifs plus ouvertes et moins prescriptives (Glinoer et Lacroix 2020, Baud, 2023).

7Si, jusqu’à récemment, les théorisations des « politiques de la littérature » accordaient peu de place à la production littéraire contemporaine (Rancière, Denis et Hamel s’arrêtant le plus souvent aux années 1960), il importe de rappeler que la formule a émergé dans un contexte de reconfiguration des pratiques et des vocabulaires. Par ailleurs, de même que la théorie de l’engagement s’est constituée à un moment où l’action politique des écrivains n’avait rien d’évident (Denis, 2000, p. 52-56), les réflexions sur les « politiques de la littérature » s’élaborent dans une période marquée par une forte incertitude quant à la capacité de la littérature à agir dans et sur un monde social où elle paraît de plus en plus marginalisée (Louis, 2021).

8La formule « politiques de la littérature » recouvre deux grandes orientations théoriques qu’il est essentiel de distinguer, afin qu’elle ne se dilue pas dans une évidence qui en émousserait les arêtes : celle de Jacques Rancière, d’un côté ; celles de Benoît Denis et de Jean-François Hamel, de l’autre. Toutes trois partagent une même mise à distance du modèle sartrien de l’engagement. Dans le sillage des hypothèses avancées dans Le Partage du sensible (2000), Rancière considère la politique comme « la constitution d’une expérience spécifique où certains objets sont posés comme communs et certains sujets regardés comme capables de désigner ces objets et d’argumenter à leur sujet » (Rancière, 2000, p. 11). Loin du geste de dévoilement valorisé par Sartre, la dimension politique d’une œuvre serait à trouver dans la façon spécifique dont elle bouleverse un « partage » donné (c’est-à-dire la manière dont la parole, la visibilité, l’écoute sont agencées et distribuées dans un espace commun). Et Rancière de prendre pour exemple des cas a priori éloignés des réflexions classiques sur l’engagement, notamment Mallarmé.

9Chez Denis et Hamel, la notion de « politique de la littérature » fonctionne plutôt comme un outil méthodologique destiné à éclairer les divergences théoriques et pratiques qui traversent le champ littéraire. L’engagement sartrien y apparaît comme une politique de la littérature parmi d’autres. Dans son article intitulé « Engagement et contre-engagement : des politiques de la littérature » (2006), Denis montre que la doctrine de l’engagement, tout comme la batterie de contre-arguments qu’elle a suscités, partagent une même ambition : défendre une manière singulière dont la littérature serait susceptible d’« agir dans la sphère sociale ». Denis propose dès lors de nommer « politiques de la littérature » l’ensemble des prises de position conflictuelles visant à faire reconnaître l’autorité sociale de la littérature – qu’il s’agisse d’en valoriser la portée subversive, la dimension didactique ou morale, ou encore sa capacité de retrait face aux langages dominants.

10C’est en ce sens que Hamel reprend la formule, l’élevant au rang d’opérateur de relecture d’une histoire culturelle des articulations entre littérature et politique :

Ne se réduisant ni à l’engagement des écrivains en tant qu’intellectuels, ni à la thématique politique des textes dans le sillage du roman engagé, une politique de la littérature désigne un système de représentations, plus ou moins largement partagé, élaboré par les acteurs du champ littéraire, qui, en réponse à un impératif de justification, contribue à établir la grandeur de la littérature dans le monde social. Dans une visée agonistique, tributaire des tensions et rivalités qui structurent le champ littéraire, les politiques de la littérature s’affrontent pour identifier l’être de la littérature et mesurer à la fois sa présence et sa puissance dans l’espace public (Hamel, 2014, p. 14-15).

11En somme, les sillons creusés par Rancière d’un côté et par Denis et Hamel de l’autre permettent de penser les tensions, fécondes, inhérentes à la formule :

  • tension entre une approche normative et une approche descriptive : Rancière défend une conception spécifique du geste politique, tandis que Denis et Hamel prennent en compte tout discours sur la dimension sociale de l’écriture littéraire ;

  • tension entre le travail des œuvres et la réflexivité des acteur·rices du champ : Rancière s’intéresse essentiellement à la poéticité des romans et poèmes, tandis que Denis et Hamel prennent plutôt en compte les discours d’escorte et autres déclarations d’intention ;

  • tension, enfin, entre deux acceptions de l’expression « politique de la littérature » en tant que génitif subjectif ou objectif : Rancière s’intéresse à « la littérature [qui] fait de la politique en tant que littérature » (2000, p. 11), tandis que chez Denis et Hamel, le « de » est moins attributif que complétif – il s’agit pour eux de pointer la pluralité des conceptions sociales de la chose littéraire.

2. « Politiques de la littérature » : quelques précautions d’emploi

12Plastique, la formule « politiques de la littérature » demeure ouverte à la réélaboration. Ses théorisations les plus fécondes reposent néanmoins sur quelques principes communs qu’il nous semble nécessaire de garder à l’esprit – nous proposons ici d’en exposer trois en particulier.

Les politiques de la littérature décrivent des représentations

13Il convient, en premier lieu, de rappeler la vocation analytique de la notion. Au sens où l’entendent les théoriciens mentionnés précédemment, parler de « politiques de la littérature » n’implique ni de postuler une essence intrinsèquement politique de la littérature, ni d’affirmer que toute littérature serait politique. Denis, et Hamel à sa suite, ont ainsi proposé de prendre « l’engagement » non comme une catégorie critique, mais comme une « notion », ou un « univers de discours », dont on peut retracer l’histoire. Les choses se présentent différemment chez Rancière : dans son travail, la littérature est en prise avec un certain « partage du sensible4 » hégémonique, qu’elle contribue à confirmer ou à subvertir par le biais d’un geste esthétique. Son concept de « politique de la littérature » se prête alors d’emblée à un regard évaluatif sur les œuvres. Mais la littérature n’est pas pour autant systématiquement « politique » : elle ne le devient que dans la mesure où elle bouleverse un partage donné du sensible.

14Au-delà de leurs différences, les réflexions de ces trois auteurs ont partie liée avec l’histoire des idées, les études culturelles et la philosophie politique. Dans leurs usages respectifs, la formule « politique(s) de la littérature » ne constitue jamais un plaidoyer univoque en faveur de la littérature. Elle vise plutôt à décrire la complexité des interactions entre la production littéraire et l’univers des représentations.

Les politiques de la littérature sont en conflit

15La deuxième précaution a trait au pluriel de la formule « politiques de la littérature ». Un emploi relâché de celle-ci tend à en faire l’indice d’une multiplicité d’articulations possibles entre la littérature et la politique. Dans cette perspective, étudier les « politiques de la littérature » reviendrait à dresser un panorama de pratiques littéraires abordant des questions communément considérées comme « politiques » (la migration, la crise écologique, le genre, etc.), et à en célébrer la diversité heureuse. Or, chez Denis, Hamel et Rancière, le mot « politique » est indissociable de l’idée de dissensus : puisque « le donné sur lequel la politique se fixe est toujours litigieux » (Rancière, 2000, p. 11), penser les politiques de la littérature suppose de se rendre attentif aux conflits qui travaillent le champ littéraire dans sa relation au monde social. Denis analyse par exemple comment la doctrine sartrienne de l’engagement naît du refus des positions littéraires qui revendiquent l’autonomie de la littérature ; inversement, des courants comme celui des Hussards se construisent en opposition explicite à l’engagement sartrien. C’est précisément « ce fond de luttes et d’affrontements à l’intérieur duquel, à partir du XIXe siècle, se développe la chose littéraire » (Denis, 2000, p. 107) qu’il s’agit d’interroger.

Les politiques de la littérature sont prises dans des situations historiques

16Le champ de forces qu’expriment les politiques de la littérature est lui-même tributaire de contextes sociaux, culturels et historiques : de la situation économique de la littérature, de son poids symbolique dans la société, de sa position objective dans le monde politique. Les combats politiques ne sont pas les mêmes d’une époque à une autre, d’une société à une autre. Comme l’ont montré Gisèle Sapiro pour la Seconde Guerre mondiale en France (1999 ; 2018) ou Boris Gobille pour le « moment critique » de mai 68 (2018), certaines conjonctures historiques sollicitent plus intensément les écrivains, accroissent leur responsabilité, polarisent leurs positionnements. Si, au milieu du XIXe siècle, la conquête de l’art pour l’art pouvait marquer une rupture avec la bourgeoisie au pouvoir (Bourdieu, 1998, p. 100-105), le choix d’un style pur par les Hussards, dans l’après-guerre, ne les empêche pas de s’inscrire politiquement dans la filiation de l’Action française (Berthelier, 2022, p. 243-245) : « politiques de la littérature » semblables, mais enjeux politiques radicalement différents.

17Parler de « politiques de la littérature » suppose dès lors non seulement de « comprendre pourquoi tel ou tel agent est conduit à adhérer à une vision de l’engagement plutôt qu’à une autre », mais aussi de se donner pour tâche d’expliciter « ce qui fait que l’une s’impose collectivement au détriment d’une autre à certaines époques » (Denis, 2000, p. 107), en contextualisant leur apparition et leur diffusion.

3. Prolongements théoriques et littérature contemporaine

18Dans leurs réflexions respectives au sujet des politiques de la littérature, Denis et Hamel s’inscrivent dans « l’Histoire sociale des représentations » (Hamel, 2014, p. 17). Leur méthode se veut avant tout descriptive : comme nous l’avons rappelé, ils se proposent d’étudier les différentes manières dont la littérature se rapporte au monde social. Si une telle approche a le mérite de dresser une série de constats théoriques, d’établir des périodisations, et permet ainsi de mieux comprendre l’Histoire littéraire, les choses s’avèrent plus complexes lorsqu’on aborde l’époque contemporaine. Ce n’est sans doute pas un hasard, en ce sens, si dans son texte théorique, Hamel ne s’aventure pas au-delà de ce qu’il nomme le quatrième moment, à savoir les « années 68 ». Est-ce à dire, pour autant, que l’on devrait se garder d’étudier les politiques de la littérature contemporaine ? Il nous semble que non, à condition peut-être d’adopter une position réflexive. Comme nous l’a appris Donna Haraway (1988), tout savoir est « situé », et l’étude du politique l’est sans doute au carré, dans la mesure où les chercheurs sont eux-mêmes mus par des intérêts sociaux qui orientent leurs choix et leurs approches. Être conscient de ce biais, ainsi que des positionnements de genre et de classe, permet d’adopter une position de prudence dans nos descriptions du champ littéraire. Celle-ci est d’autant plus nécessaire dans l’étude du contemporain que le discours critique implique potentiellement une dimension normative (dès lors que l’on appuie ou minorise certaines politiques de la littérature).

19Ensuite, on peut interroger le rapport entre l’approche descriptive et l’évaluation : toutes les politiques de la littérature d’une époque se valent-elles ? C’est là une question que ne pose pas « l’histoire sociale des représentations ». Prenons, par exemple, l’un des discours majeurs du nouage entre littérature et politique, à savoir la revendication des effets sociaux de la littérature. En suivant l’approche de Denis et de Hamel, celle-ci sera considérée comme un discours parmi d’autres, qu’il s’agit de décrire et d’analyser : l’interrogation sur la pertinence d’un tel discours est laissée de côté. Il nous semble pourtant que l’approche descriptive gagnerait à être couplée à une telle interrogation. La valorisation du Nouveau Roman par Jean Ricardou, qui consiste à dire que celui-ci arme ses lecteurs contre les signes mensongers de la société marchande, a-t-elle une pertinence historique et politique, ou s’agit-il d’un « beau discours » de légitimation ? Répondre à cette question nécessiterait une recherche interdisciplinaire, qui mêlerait approche sociale, historique et économique de l’acte littéraire, et qui tiendrait compte des configurations de l’espace public, de la structure du lectorat, de l’état de l’économie du livre, de l’histoire des axiologies impliquées (didactisme, parlementarisme, stratégie de choc, etc.), voire des effets empiriques des textes sur des panels de lectrices et de lecteurs.

20Le dernier point concerne la définition du terme « politique ». Par rapport à celle-ci, Denis et Hamel s’inscrivent dans un héritage sartrien : quoi que l’on fasse, on est engagé. C’est d’après ce postulat qu’ils envisagent les politiques de la littérature. À cette conception large, Rancière oppose une notion nettement plus restreinte : est « politique » (par opposition à « police ») ce qui bouleverse le « partage du sensible ». Parce que Rancière se focalise avant tout sur le XIXe siècle dans Politique de la littérature, Hamel estime que son étude « constitu[e] un objet davantage qu’une méthode pour l’histoire culturelle des politiques de la littérature » (Hamel, 2014, p. 15). La réflexion de Rancière pourrait toutefois aisément être transformée en méthode : elle permettrait alors d’interroger la capacité des textes à remettre en jeu le « partage du sensible » tel qu’il se configure à une époque donnée – un roman contemporain qui évoque la migration a certes un ancrage social, mais est-il pour autant politique, au sens où il bouleverse le « partage du sensible » (tel qu’il est transmis par les médias, par exemple)5 ?

21Pour Rancière, la question de la forme est fondamentale. Le philosophe considère d’ailleurs – tout en avouant son ignorance relative quant au contemporain – que la littérature d’aujourd’hui a perdu sa dimension politique parce qu’elle ressasse les formes du passé : elle « n’invente pas aujourd’hui des catégories de déchiffrement de l’expérience commune, comme elle a pu le faire jusque dans le milieu du XXe siècle » (Rancière, 2007). Pour lui donner tort, il ne suffit pas de noter que la littérature contemporaine s’empare de thèmes d’actualité : cela demande une recherche qui explicite les partages du sensible qui travaillent notre époque, une analyse interne des moyens poétiques par le biais desquels ces thèmes sont convoqués, mais aussi une étude en termes de pragmatique et de sociologie de la réception. Peut-être pourra-t-on alors établir plus précisément quels textes littéraires – sans doute plus rares que ce que l’on imagine a priori6 – sont (contextuellement et provisoirement) politiques.

4. L’année 2024 : un nouvel élan critique

22Au début de l’année 2024, la réflexion sur les rapports entre littérature et politique connaît un nouvel élan d’intensité critique. En l’espace de quelques mois, pas moins de cinq ouvrages portant sur la question sont publiés : Contre la littérature politique, ouvrage collectif (au titre ironique) publié aux éditions La fabrique7 ; Défaire voir. Littérature et politique de Sandra Lucbert ; Littérature et révolution de Joseph Andras et Kaoutar Harchi ; Abrégé de littérature-Molotov de Mačko Dràgàn (tous parus en janvier) ; L’Ordinaire de la littérature. Que peut (encore) la théorie littéraire ? de Florent Coste (paru en avril). À ces publications s’ajoutent, d’une part, le dossier Acta Fabula intitulé « Littérature et politique. Nouvelles perspectives théoriques », paru en février, et d’autre part, fin 2023, La Littérature embarquée de Justine Huppe.

23Si ces travaux diffèrent par leurs objets, leurs corpus ou leurs styles théoriques, ils ont en commun de réinterroger les conditions d’efficacité symbolique de la littérature et d’examiner la validité même de la catégorie de « littérature politique ». Par ailleurs, ces ouvrages partagent une visée prescriptive très nette : aux hypothèses définitoires (Rancière) et à l’objectivation des discours (Denis et Hamel) succède ainsi une série de prises de position sur ce que peut, ou ne peut plus, la littérature face aux injonctions contemporaines. Sans consacrer un nouveau paradigme homogène, cette effervescence éditoriale, souvent militante, signale la réouverture d’un questionnement désormais attentif à la diversité des gestes littéraires, à leur historicité conflictuelle et aux formes multiples de dissensus qu’ils peuvent engager dans le renouvellement actuel des politiques de la littérature.