Colloques en ligne

Camille Esmein (Univ. de Nice/Équipe Fabula)

L’effet recherché dans la poétique du roman de la deuxième moitié du xviie siècle : tromperie, illusion, identification ?

1À l’origine du mécanisme d’illusion du lecteur repose l’idée d’une tromperie. En effet, dans la seconde moitié du siècle, l’illusion fait l’objet d’une théorisation qui prend pour acquis les mensonges du romancier : la vérité romanesque alors élaborée consiste à persuader le lecteur et à lui plaire tout à la fois. Si la tromperie reste un phénomène envisagé du côté de l’auteur, il me semble que sa codification va de pair avec une réflexion sur l’effet produit par le récit sur le lecteur. Elle transparaît notamment dans l’usage, nouveau, de deux termes, qu’on rencontre essentiellement à la fin du siècle : intéresser et attacher. Chez Valincour, Charnes et Pavillon (les critiques de La Princesse de Clèves et de La Duchesse d’Estramène de Du Plaisir) et dans les Sentiments sur l’histoire de Du Plaisir, ces termes sont utilisés fréquemment ; ils servent à désigner l’effet produit sur le lecteur par la fiction romanesque en général ou par un roman particulier. La plupart des occurrences traduisent une réflexion sur le phénomène en lui-même, autrement dit sur son mode de fonctionnement : Valincour se demande comment « attacher l’attention » du lecteur, plus encore si celui-ci est un « esprit raisonnable »1 ? Pavillon propose la réponse suivante : en « [faisant] entrer les Gens dans les intérêts » du personnage2.

2Chez Du Plaisir, la notion d’attachement est avant tout montrée comme la conséquence de l’émotion du lecteur, puisque la proximité fictionnelle permet de « toucher », et partant de mettre en marche un mécanisme d’« application » :