Colloques en ligne

Francesca Ippoliti

La construction de l'authenticité : L'homme et la nature dans la science-fiction contemporaine

The construction of authenticity: Human and Nature in contemporary science fiction

1. De nouvelles façons de finir : de la météorite au désastre écologique

1La science-fiction a une certaine familiarité avec la fin du monde. Depuis un siècle environ, elle nous parle avec nombreuses variations de la fragilité de l’humanité, de son existence menacée : des civilisations entières mises en péril par une météorite, ou par un peuple barbare venu de l’autre bout de la galaxie. Dans la plupart des cas, il ne s’agit que d’un risque superficiel, qui conduit à reconfirmer les certitudes de l’homme, sans même les entamer. Cependant, même la pire science-fiction nous enseigne que la fin du monde est possible, que notre planète n’en est qu’une parmi tant d’autres. De même, la littérature dite « haute », c’est-à-dire non populaire, nous rappelle que l’individu peut mourir, qu’il n’est qu’un parmi tant d’autres, perdu dans une masse. La première parle de l’extinction des mondes, la seconde des individus.

2Depuis une vingtaine d’années, alors que la crise climatique s’aggrave, la science-fiction nous raconte de plus en plus une autre sorte de catastrophe : celle qui est due à la crise climatique. Compte tenu de l’importance de cette nouvelle orientation, s’est imposée l’étiquette « climate fiction » (souvent abrégée en cli-fi), désignant les œuvres - principalement en anglais, mais pas seulement - qui décrivent une catastrophe environnementale, en analysant ses causes et en imaginant ses conséquences. Cependant, une nouvelle sensibilité écologique est devenue transversale à la science-fiction, puisqu’on la retrouve également dans des œuvres qui ne traitent pas directement de la crise climatique. 

3En effet, parallèlement à la cli-fi, d’autres courants plus traditionnels ont continué d’exister : par exemple, celui de la space opera et des rencontres extraterrestres (qui nous semble être principalement l’apanage du cinéma), ou celui qui étudie les découvertes scientifiques et les nouvelles technologies. En particulier, dans ce dernier domaine, deux questions très actuelles sont souvent étudiées, celles de l’intelligence artificielle et du génie génétique. Il n’est pas rare que la réflexion sur ces aspects se mêle à celle sur le risque écologique : il nous semble en effet que les travaux les plus intéressants sont ceux qui sont capables d’intervenir sur plusieurs fronts. On pense au film Interstellar (Christopher Nolan, 2014), où le voyage le plus classique dans l’espace pour coloniser d’autres planètes est motivé par une crise climatique très grave. Ou encore aux animaux génétiquement modifiés de la MaddAdam Trilogy (2003-2013) de Margaret Atwood, créés pour résoudre les problèmes alimentaires d’un monde dévasté par la pollution.

2. Raconter la catastrophe de façon plausible

4Au-delà de la science-fiction catastrophique, le récit de catastrophe est une chose ancienne : il y a toujours eu une littérature apocalyptique et dystopique visant à imaginer la fin du monde. Il suffit de rappeler que presque toutes les cultures ont dans leur patrimoine mythologique des récits du déluge : des civilisations éloignées et radicalement différentes ont transmis pendant des siècles les récits d’un événement destructeur, suivi de la construction d’un monde nouveau. Si ces mythes peuvent faire référence à un événement climatique désastreux qui s’est réellement produit (comme l’ont supposé de nombreux chercheurs), ils naissent également pour exprimer certaines constantes universelles : la peur de la mort et le besoin de palingénésie.

5La science-fiction catastrophiste réunit les deux aspects des mythes du déluge : la destruction et la reconstruction, la réponse à un danger réel et le besoin inné de renouveau, la peur de la mort et l’impulsion de l’action. Son but ultime est l’invention de mondes. Mais ces mondes, contrairement à ceux du mythe, sont toujours concrets et tendent à une rationalité interne. Par rationalité interne, on entend une plausibilité qui ne peut être définie comme telle qu’à l’intérieur de l’univers fictif, mais qui répond néanmoins à une logique rigoureuse. Il s’agit d’une caractéristique qui affecte non seulement les récits de catastrophes, mais aussi toute la science-fiction, et qui a déjà été discutée par les critiques à plusieurs reprises1. On peut facilement supposer que cet aspect est étroitement lié au sujet traité, à savoir l’interaction entre le fantastique et la science. Si la fantaisie prévalait, comme dans le genre fantastique, au lieu d’un vaisseau spatial, il suffirait d’un sortilège pour entrer dans un nouveau monde. En effet, la force perturbatrice de la magie et de la technologie est probablement la même, mais seule cette dernière exige le respect de certains critères scientifiques, qui doivent être stricts même lorsqu’ils sont inventés.

6Dans un certain type de science-fiction, plus critique et problématique, la focalisation sur les événements possibles et la plausibilité interne sont des outils qui ouvrent la voie à l’adoption d’une perspective sociopolitique2. Cela fait de ce genre littéraire le lieu idéal pour parler non seulement du changement climatique, mais aussi d’autres sujets éthiquement importants : comme nous l’avons déjà mentionné, l’intelligence artificielle et la manipulation des codes génétiques. Cependant, dans la science-fiction qui traite de ces questions, les perspectives sont nombreuses et complexes, alors que dans la climate fiction, le point de vue est presque toujours le point de vue écologique, articulé selon le plus classique des schémas narratifs, celui de la lutte entre le bien et le mal.

3. Définir l’identité humaine par rapport à la nature

7Au-delà des différences entre les divers volets, la science-fiction contemporaine présente certaines caractéristiques récurrentes. En particulier, si l’on considère les ouvrages en langue anglaise publiés depuis 2000, une orientation commune peut être observée même lorsqu’ils traitent de questions très éloignées. Les romans les plus significatifs apparaissent essentiellement comme des tentatives de définition de l’identité humaine par rapport à un trauma, celui de la violation de ce qui est considéré de manière variable et problématique comme la « nature ».

8La crise climatique oblige à reconsidérer les concepts d’homme et de nature. Cela conduit presque inévitablement à une réflexion sur le rapport entre le naturel et l’artificiel, que la science-fiction d’aujourd’hui semble explorer en profondeur. En d’autres termes, qu’est-ce qui est naturel et qu’est-ce qui est artificiel ? Normalement, dans cette opposition, le terme naturel est synonyme d’authentique, tandis qu’artificiel est surtout utilisé comme synonyme de faux. Ainsi, en reformulant notre question, nous pouvons demander : qu’est-ce qui est authentique et qu’est-ce qui est faux ? Il s’agit d’une opposition qui provient directement des origines romantiques de la science-fiction, mais qui, par rapport à la production du siècle dernier, revêt des exigences différentes : non seulement en raison de la crise climatique, comme nous l’avons déjà souligné, mais aussi en raison des progrès du génie génétique et de l’intelligence artificielle, qui imposent de nouvelles considérations sur ce que signifie pour l’homme d’être authentiquement humain. Bien entendu, la question se pose également en raison de l’importance de l’image dans le monde contemporain, en particulier lorsqu’elle est véhiculée par les médias.

9Dans la science-fiction, la définition de l’identité humaine se réalise toujours dans la confrontation avec une altérité qui constitue une menace et provoque une crise. L’altérité peut être biologique (végétaux, animaux, extraterrestres, monstres) ou technologique (machines en général et logiciels), mais les cas les plus intéressants sont ceux qui se situent à la frontière entre les deux possibilités, confondant les paramètres de jugement établis. La confrontation avec l’autre se fait également à travers des lieux : des planètes lointaines, dans la science-fiction la plus classique, ou notre propre planète, peut-être rendue méconnaissable par des événements catastrophiques (comme c’est souvent le cas dans la climate fiction), ou soumise à un effet de distanciation qui la rend « étrangère » à nos yeux (comme c’est le cas, par exemple, dans les uchronies). Dans ces cas, il y a un bouleversement du paysage et des coordonnées spatiales qui conduit inévitablement à des questions sur l’identité humaine et la nature. Enfin, la définition de ce qui rend l’homme tel se traduit par une emphase sur la subjectivité en crise, qui est parfois représentée par l’utilisation habile de points de vue narratifs. Dans la science-fiction plus traditionnelle, la confrontation avec l’autre, le contraste entre l’homme et le barbare, se règle le plus souvent sans trauma, par une reconfirmation des paramètres cognitifs établis. Dans la production plus récente, en revanche, la perspective anthropocentrique est considérée de manière beaucoup plus problématique, faisant parfois allusion à la possibilité d’une correction, voire d’un renversement3.

10L’identité humaine, la définition de l’homme par rapport à la nature, l’emphase sur la subjectivité en crise : tels sont, nous semble-t-il, les nœuds thématiques récurrents de la science-fiction d’aujourd’hui qui, ensemble, la reconnectent à ses origines et la projettent dans l’avenir. Le romantisme avait déjà redécouvert la nature sauvage et placé au centre de la vision un sujet menacé, qui devait faire face à la dynamique d’opposition entre le naturel et l’artificiel, entre l’authentique et le faux. Mais la science-fiction d’aujourd’hui est aussi l’interprète de cette crise de l’anthropocentrisme qui caractérise le monde contemporain et qui traverse toutes les sciences humaines dans leurs développements les plus récents. En particulier, il nous semble significatif de nous référer à l’expérience du réalisme spéculatif qui, à partir de la critique du corrélationnisme kantien, a contribué non seulement à l’effondrement de la vision anthropocentrique mais aussi à l’émergence de perspectives non-humaines. Le débat sur les concepts de agency et intentionality peut également être très pertinent, car il permet d’interpréter la relation entre l’homme et la nature, et la manière dont celle-ci est représentée dans une partie de la science-fiction contemporaine4.

4. La weird ecology de Jeff VanderMeer

11Parmi les auteurs de science-fiction contemporains les plus représentatifs, on trouve Jeff VanderMeer, qui a combiné science-fiction et weird fiction, contribuant ainsi au développement d’un courant appelé new weird. La fiction de VanderMeer a toujours été animée par une conscience écologique très forte, à laquelle il associe dans certains cas la représentation problématique des manipulations génétiques. Son œuvre la plus importante, qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, est la Southern Reach Trilogy, composée de trois romans, tous publiés en 2014 : Annihilation, Authority, Acceptance. Il s’agit d’un ouvrage très complexe, mais nous allons essayer d’en résumer les fondements.

12Dans une planète Terre en proie à une crise environnementale, une région a été soudainement frappée par une violente contamination, ce qui lui a valu le nom de « zone x5 ». Comme on l’apprend dans le troisième volume, la contamination est probablement due à la rencontre entre notre réalité et celle d’un monde extraterrestre, dont les caractéristiques biologiques sont si différentes des nôtres qu’elles en deviennent incompréhensibles. Ceux-ci sont étudiés par une agence gouvernementale qui envoie de nombreuses expéditions dans la zone contaminée, toutes sans succès. La zone extraterrestre semble se développer grâce à un mécanisme d’imitation et de déformation d’autres formes de vie, notamment par la création de clones humains et la naissance de créatures hybrides. Elle trouve son origine dans les travaux d’un mystérieux Scribe, qui semble s’employer à réécrire les codes génétiques de la planète Terre et à modifier les paramètres de l’espace et du temps. L’écriture ouvre une plaie dans le paysage, une entaille secrète qui contamine peu à peu tout l’environnement, repoussant les limites de la région. La contamination apparaît d’abord comme une étrange luminosité, puis se consolide comme une tour-tunnel reliant la terre et le ciel dans une écriture végétale complexe qui reproduit sans cesse le monde avec des variations illimitées. La luminosité amène toute créature à la dissolution de son identité biologique et en même temps à une guérison miraculeuse, c’est-à-dire à une véritable appartenance au nouvel écosystème extraterrestre.

13Dans la trilogie, il n’y a pas d’identités définies, seulement des identités libres en transition qui, en renonçant à elles-mêmes, acceptent une plus grande ouverture à l’altérité. La contamination elle-même semble en fait initier un processus de restauration et de purification du monde naturel détruit par l’homme : une perspective écologiste radicale est suggérée, dans laquelle la renaissance de la « nature » semble plus importante que l’extinction de l’humanité. Mais cette renaissance semble aussi avoir quelque chose de monstrueux, non seulement dans le sens commun d’effrayant, mais aussi dans le sens latin de « monstrum », c’est-à-dire de prodige, de merveille. Au fond, c’est une merveille effrayante : comme si le mythe de la pureté de la nature sauvage – la fascination de la wilderness - poussé à ses conséquences extrêmes, conduisait en fait à une désintégration du concept d’individu tel que nous l’avons toujours conçu.

14Il est très utile d’observer le choix des narrateurs d’un livre à l’autre. En effet, il nous semble que l’une des stratégies de la science-fiction la plus intéressante de ces dernières décennies est précisément celle qui consiste à utiliser la narration à la première personne ou les voix de narrateurs multiples comme moyen de problématiser la vision anthropocentrique. Dans la trilogie de VanderMeer, les narrateurs changent fréquemment : dans le premier volume, la biologiste, l’une des participantes à une expédition de reconnaissance dans la « zone x », raconte à la première personne ; dans le deuxième, la narration est menée à la troisième personne et se concentre sur un personnage masculin ; dans le troisième, s’alternent la troisième personne (destinée à raconter les événements de deux personnages masculins) et la deuxième (réservée à la directrice de Southern Reach, qui s’adresse à elle-même dans un dialogue intérieur). En somme, seuls les personnages féminins peuvent s’autoreprésenter par le biais de la narration. Nous verrons plus loin que l’utilisation d’une perspective féminine n’est pas un phénomène isolé dans le récit de Jeff VanderMeer, qui l’utilise pour bouleverser les paramètres établis de la vision, alors que les points de vue masculins sont plus souvent liés à une perspective anthropocentrique. L’œuvre est influencée par deux modèles importants : pour la présence d’une zone contaminée par des extraterrestres, Пикник на обочине – Stalker : pique-nique au bord du chemin (1972) des frères Strugaskij ; pour la présence de clones, le modèle est sans doute le Solaris de Stanislav Lem.

15VanderMeer reviendra à nouveau sur le problème de la définition de l’identité dans un écosystème menacé avec le roman Borne, paru en 2017. Dans cet ouvrage aussi, la réflexion sur l’identité humaine passe par la confrontation avec l’Autre et par une narration à la première personne. Nous nous trouvons dans une ville post-apocalyptique, où une jeune femme, Rachel, survit en ramassant les ordures dans une ville dégradée, habitée par des formes de vie hybrides et des créatures nées en laboratoire. Un jour, Rachel, qui est aussi la narratrice, tombe sur une créature ressemblant à une anémone. Immédiatement frappée par le charme de cette étrange bio-tec, la femme décide de l’emmener avec elle et de l’appeler Borne, ce qui fait évidemment allusion à la maternité. La créature grandit et passe par des stades de développement très complexes, remettant constamment en question sa propre identité tout en établissant des relations d’imitation avec le monde extérieur. Dans cette quête de soi, le « monstre » est accompagné par Rachel, qui établit une relation mère-fils avec lui. Borne a d’abord un tempérament enjoué, comme celui d’un enfant, mais il traverse ensuite une adolescence bizarre, au cours de laquelle il est en proie à des doutes sur sa propre identité. Après tout, le cœur thématique du roman consiste précisément en l’impossibilité de définir clairement ce que signifie être une personne6. L’inquiétude conduit Borne à s’éloigner de Rachel et finalement à se battre avec le monstre Mord, un énorme ours qui hante la ville, né d’une expérimentation qui a mal tourné. Dans un environnement urbain dévasté, où l’opposition entre naturel et artificiel s’est complètement dissoute, la survie de l’humanité dépend de l’affrontement entre deux créatures « fabriquées » par l’homme. Dans le final, un nouveau sens de la communauté semble réapparaître, ainsi qu’une nouvelle harmonie avec la nature, qui semblerait presque guérir de l’œuvre destructrice de l’homme. Cependant, cette ouverture recompose l’histoire très rapidement, en éludant les questions beaucoup plus complexes abordées dans le livre.

16Enfin, VanderMeer revient également pour parler des risques écologiques dans son suivant roman, Hummingbird Salamander, publié en 2021. Une fois de plus, une femme nous raconte à la première personne son existence dans un monde en proie à la crise climatique. La perte de biodiversité et donc l’extinction de nombreuses espèces sont au cœur du roman. En ce sens, la terminologie précise concernant les animaux et la végétation n’est pas seulement un trait stylistique, mais un indicateur d’une vision précise. La protagoniste est une experte en sécurité informatique qui, dans des circonstances complexes, entre en contact avec un groupe d’écoterroristes. Finalement, poussée par sa fascination pour les deux animaux mentionnés dans le titre, elle renonce à sa vie de famille tranquille pour suivre les traces d’une activiste importante, qui est entré en contact avec elle. La protagoniste ne se reconnaît plus dans le rôle d’épouse et de mère que la société lui a assigné et met en péril toute son existence. Il en résulte une représentation de l’homme comme destructeur de l’écosystème, tandis que les autres animaux incarnent le pôle positif d’une pureté perdue. Le mythe de la pureté menacée était également très important dans la Southern Reach Trilogy, où il était chargé de valeurs ambiguës qui sont absentes ici. L’auteur tente à nouveau, comme dans Borne, de retrouver une certaine ouverture dans le final, mais semble proposer une solution trop simple aux problèmes exposés, puisqu’il émet l’hypothèse d’une sortie de crise reposant uniquement sur l’intervention des individus.

5. La MaddAddam Trilogy de Margaret Atwood

17Margaret Atwood est un autre auteur clé pour la discussion sur la climate fiction. Pour le type de recherche que nous menons ici, nous sommes particulièrement intéressés par la MaddAddam Trilogy, composée des volumes suivants : Oryx and Crake (2003), The Year of the Flood (2009), MaddAddam (2013). L’univers décrit dans la trilogie est en effet très élaboré et permet de nombreuses pistes d’interprétation : tâchons d’en faire une brève description.

18Dans un monde dystopique, gravement compromis par la crise environnementale, les privilégiés mènent une vie protégée dans des villes spéciales organisées par de grandes entreprises, tandis que les pauvres vivent dans des villes dangereuses, infestées de crimes et de maladies. L’expérimentation scientifique a perdu toute retenue et le génie génétique a conduit à la création de créatures hybrides, destinées à remplir des objectifs divers : optimiser la production de viande, fournir de nouveaux organes à l’homme, améliorer l’esthétique, faciliter la reproduction, etc. Dans ce contexte, les animaux n’ont évidemment aucun droit, ils sont au service de la science, dans une vision farouchement anthropocentrique. La plupart des gens acceptent de perdre toute liberté pour bénéficier de la protection des entreprises, tandis que ceux qui s’y opposent s’exposent à toutes sortes de dangers. Face à un récit très précis de la crise climatique, les différentes orientations sociopolitiques sont représentées de manière très complexe : d’une part, une perspective écologiste et parfois antispéciste est défendue ; d’autre part, les contradictions et les extrêmes des mouvements qui s’opposent aux entreprises et au désastre environnemental sont également habilement saisis. L’histoire prend un tournant lorsque, soudain, un jeune et brillant scientifique invente un nouveau prototype d’être humain capable de surmonter toutes les imperfections des « vrais hommes ». Il décide donc de répandre un virus mortel pour exterminer l’humanité et repeupler le monde avec ce nouvel homme créé en laboratoire : selon lui, seule l’éradication de l’humanité permettra de réparer l’écosystème. Sur cet aspect, le point de vue du scientifique est le même que dans la Southern Reach Trilogy, où en fait la présence de l’homme est perçue comme une menace pour la planète.

19Après la destruction de l’humanité, le récit suit la naissance d’une nouvelle civilisation marquée par la fusion d’hommes « fabriqués » et hommes « authentiques », et consolidée par l’enseignement de l’écriture, afin de transmettre la mémoire du passé et la construction de l’avenir. L’écriture joue un rôle fondamental dans ce processus de fondation d’une nouvelle civilisation, comme dans la Southern Reach Trilogy : dans les deux cas, elle est un élément nécessaire à la construction de l’identité. On peut également noter que Borne, le monstre du roman homonyme, tient un journal intime qui l’aide à prendre conscience de lui-même.

20La narration se fait principalement à la troisième personne, avec quelques insertions à la première personne dans le deuxième volume. La première personne est toujours féminine, comme on le voit également dans les romans de VanDarMeer, et se prête à un renversement des paramètres cognitifs établis. De plus, elle est fortement liée au développement narratif : l’humanité est détruite par un scientifique masculin qui a poussé la pensée écologique à l’extrême ; mais elle renaît principalement grâce aux personnages féminins, qui construisent de nouvelles communautés et ont des enfants avec des hommes « fabriqués » en laboratoire, fondant ainsi une nouvelle espèce.

21L’importance du point de vue féminin et du thème de la maternité est également évidente dans l’autre grand succès d’Atwood, The Handmaid’s Tale (1985). Nous ne l’aborderons pas directement ici, car il dépasse le cadre temporel que nous examinons, mais nous voudrions en rappeler certains aspects. Dans ce récit, Atwood nous montre comment la crise climatique conduit à repenser la société humaine et le concept de communauté. Elle établit également un lien entre la stérilité de la nature (l’agriculture est en crise) et la stérilité de l’humanité (très peu d’enfants naissent). Par rapport à la trilogie, la critique de la perspective anthropocentrique est laissée à l’arrière-plan, tandis que la représentation de la crise climatique n’est que le contexte dans lequel est étudiée la soumission des femmes dans un système politique oppressif à matrice religieuse.

6. La science-fiction des outsiders

22Le problème de l’identité est également fondamental dans certaines œuvres de science-fiction écrites par des auteurs issus d’autres parcours : je me réfère à Never Let Me Go (2005) et Klara and the sun (2021), du prix Nobel Kazuo Ishiguro, japonais naturalisé anglais, et à Machines like me (2019), de l’auteur britannique Ian McIwan. Dans ces romans, la perspective écologique est totalement absente, mais les nœuds thématiques cruciaux nous semblent les mêmes que dans la climate fiction. Les modèles narratifs, en revanche, sont très différents et influencent à la fois le développement romanesque et le style : il s’agit en effet de romans qui dialoguent principalement avec la grande tradition anglaise, plutôt qu’avec la science-fiction. Le grand succès de ces œuvres est dû précisément au fait qu’elles sortent du cadre de la genre fiction, ainsi que, bien sûr, à l’actualité des thèmes qu’elles abordent.

23Never Let Me Go est un roman uchronique qui se déroule dans les années 1980. Dans une école modèle de la campagne anglaise, nous suivons les aventures de trois élèves, racontées par la protagoniste Kathy. Il ne s’agit pas d’êtres humains « authentiques », mais de clones dont le destin est de fournir des organes de remplacement aux malades. Le collège a été fondé pour sensibiliser aux conditions de vie des clones, afin de montrer qu’ils ne sont pas des choses mais des personnes. L’enseignement tend à encourager l’activité artistique, considérée comme une preuve de la nature humaine des clones. Suite à un malentendu, de nombreux clones sont convaincus que leur vie sera sauvée s’ils trouvent le grand amour, comme si l’amour était en soi une preuve d’ « authenticité », alors qu’ils ne peuvent échapper à leur destin. Dans le final, on nous explique que les hommes « normaux » éprouvent un mélange de dégoût et de peur à l’égard des clones, parce qu’ils les perçoivent comme des monstres, des créatures contre nature. Cependant, l’écrivain nous montre les clones dans leur vérité subjective, comme porteurs d’un monde intérieur qui ne se distingue pas de celui des autres êtres humains. En particulier, dans les dernières pages, Khaty éprouve pleinement ce sentiment du caractère éphémère de la vie qui est inhérent à tous les hommes, mais que les clones ressentent avec d’autant plus d’intensité qu’ils sont destinés à mourir très jeunes. En somme, ce qui rapproche l’homme de sa copie de laboratoire, c’est la peur de la mort.

24Ishiguro revient à des thèmes similaires dans le très récent Klara and the Sun (2021). Dans un futur dystopique, les enfants sont soumis à des manipulations génétiques pour améliorer leurs capacités intellectuelles. La manipulation est très dangereuse, voire mortelle, mais sans elle, il est impossible d’accéder aux universités les plus prestigieuses, et l’on est condamné à un avenir de discrimination et de pauvreté. L’amélioration de l’intelligence humaine est, après tout, un grand classique de la science-fiction. Pensez, par exemple, à la célèbre histoire de Daniel Keyes, Flower for Algernon (1959), où un homme mentalement infirme devient incroyablement intelligent après une opération. La narration est à nouveau menée à la première personne, et toujours d’un point de vue féminin comme dans de nombreux romans de Jeff VanderMeer, mais dans ce cas, le narrateur n’est pas humain : il s’agit de la poupée Klara, une IA destinée à être la compagnonne de jeu de la petite Josie, qui est entre la vie et la mort après un « editing » difficile. Klara est également invitée à imiter Josie si elle venait à mourir. Et c’est là que s’ouvre le nœud central du roman : qu’est-ce qui distingue vraiment Klara et Josie ? Y a-t-il quelque chose qui appartient exclusivement à Josie et qu’aucune IA ne pourra jamais reproduire7 ?

25La figure de Klara, le jouet intelligent qui défie notre concept d’identité, nous ramène aux protagonistes d’une histoire de Richard Chwedyk, The Measure of All Things (2001). L’histoire se déroule dans un refuge pour « bio-toys » dans le besoin. Il s’agit d’animaux fabriqués en laboratoire et vendus à des familles. Considérés comme de simples jouets, ils sont souvent maltraités, détruits ou plus simplement abandonnés. Dans le récit à la première personne du responsable du centre, nous découvrons la souffrance de ces formes de vie et surtout leur statut si difficile à définir : simples objets ou animaux ? L’un des « bio-toys » semble avoir la possibilité de procréer, mais la question reste ouverte. Le titre est évidemment une citation de Protagoras, reprise de manière critique : si l’homme est la mesure de toutes choses, il est impossible de comprendre et de respecter les autres formes de vie. Mais alors que dans le roman d’Ishiguro, le terme de comparaison était une poupée intelligente, donc un substitut mécanique de l’homme, ici c’est le monde animal. Les niveaux considérés sont deux : celui des relations entre l’homme et les autres animaux, d’abord, et celui des relations entre les animaux considérés comme « authentiques » et les animaux considérés comme « faux » parce que fabriqués. Les enjeux sont donc d’une part la critique de l’anthropocentrisme, qui vire ici à l’antispécisme, et d’autre part le problème de l’authenticité, qui est l’un des nœuds thématiques les plus répandus dans la science-fiction contemporaine. Ces problèmes, comme nous venons de le voir, sont également très importants dans la climate fiction de Vandermeer. En particulier, la figure de Borne, avec son tourment intérieur, ne diffère guère de celle des « bio-toys », tandis que la dialectique entre l’authentique et l’artificiel est la même que celle entre « la zone x » et le monde non contaminé par les extraterrestres.

26Nous souhaitons ouvrir une brève parenthèse. La représentation littéraire de la relation entre l’homme et les autres animaux mérite un autre type d’investigation. Nous nous limiterons ici à signaler quelques romans contemporains qui ont posé cette question de manière efficace et problématique. Tout d’abord, nous nous référons à le monde fictif de la MaddAdam Trilogy, où l’expérimentation audacieuse sur les animaux est devenue une pratique établie, tandis que certaines sectes écologistes choisissent le véganisme et respectent toute forme de vie. Pour sortir du contexte anglo-américain, il existe aussi des exemples italiens intéressants : surtout Sirene (2007), de Laura Pugno, mais aussi le plus récent L’ultima foresta (2023), de Mauro Garofalo.

27Pour en revenir à Ishiguro, et en particulier à la représentation de l’IA, le lien avec Machine like me de McEwan, paru deux ans seulement avant Klara and the Sun, nous parait vraiment utile. Il s’agit d’un roman uchronique dont le cadre est anglais, tout comme Never let me go. Il décrit une Angleterre où Turing a choisi la prison plutôt que la castration chimique et a ainsi survécu, contribuant par ses immenses découvertes scientifiques à l’avancement de l’IA. C’est également grâce à ses études qu’une entreprise a pu mettre sur le marché des prototypes d’un modèle d’androïde particulièrement intelligent. Ce sont des machines extrêmement raffinées, qui vivent leur identité par rapport à l’homme de façon tout à fait problématique. Leur tourment intérieur est si fort que beaucoup se suicident parce qu’elles ne trouvent pas de justification existentielle à leur vie. On suit notamment les péripéties d’Adam, un androïde qui échappe aux pulsions suicidaires, probablement parce qu’il est amoureux. La femme qu’il aime deviendra plus tard la fiancée de son propriétaire, qui conduit la narration à la première personne. L’un des épisodes les plus intéressants est celui où le père de cette femme ne parvient pas à distinguer l’homme de la machine. Le point culminant est cependant représenté par le dernier monologue de Touring, qui condamne sévèrement la destruction d’Adam, la qualifiant de meurtre pur et simple8. Le thème de l’automate impossible à distinguer de l’homme est également très exploité au cinéma plus récent, par exemple dans Ex machina (2015) d’Alex Garland, le même réalisateur qu’Annihilation (2018), adaptation du roman éponyme de Jeff VanderMerr. Considérez également la série russe Лучше, чем люди (Mieux que nous, 2018), qui raconte une histoire très similaire à celle de McIwan. L’écrivain britannique développe cependant un autre aspect, absent d’Ex Machina et de Mieux que nous, à savoir le problème de l’éthique : Adam n’est pas programmé pour mentir et ne comprend pas la malhonnêteté9. D’une certaine manière, il comprend et respecte la beauté et la justice humaines bien plus que les humains eux-mêmes.

7. La construction de l’authenticité

28Les quelques exemples présentés ici ne nous permettent pas de dresser un tableau d’ensemble. Toutefois, nous pouvons esquisser quelques considérations générales qui serviront de base à des travaux plus vastes.

29Dans tous les ouvrages pris en exemple, l’homme s’interroge sur lui-même se confrontant à l’altérité : pour se définir, il a besoin de se tourner vers les animaux et les machines ; ou vers une nature perçue tantôt comme une entité extérieure à dominer ou par laquelle on peut être dominé, tantôt comme un tout dont on fait partie, au nom d’une prétendue authenticité biologique.

30Dans la science-fiction récente, l’utilisation de la première personne est très courante, car le filtre de la subjectivité est plus apte à court-circuiter tous nos préjugés sur l’identité humaine. Ceci est évident lorsque le narrateur est une machine, comme dans Klara and the sun. En particulier, la reconnaissance de soi semble passer avant tout par la capacité à se représenter soi-même, comme l’a déjà observé Serena Micali,10 qui se réfère à son tour aux études de Judith Butler11. La prédilection pour la première personne nous semble confirmer une tendance qui caractérise également la littérature « majeure » (pensons par exemple au développement actuel de l’autofiction). L’individualisme du monde post-moderne est en fait l’autre face de la disparition de l’individu dans la société de masse, la prolifération des récits subjectifs témoignant en fait de l’isolement du sujet et de sa marginalisation. Dans la société de l’image, prendre la parole et se raconter, c’est en somme remplacer l’absence de vision collective. Les grands récits universels des idéologies ont été remplacés par le récit particulariste que chaque individu fait de lui-même, de l’autobiographie fictive au journal intime en passant par le récit des social media (qui n’est souvent que la forme populaire et plus accessible de l’autofiction). En particulier, dans la science-fiction, la première personne féminine semble souvent plus apte à représenter une identité menacée et précaire, telle que celle de l’être humain, et à émettre des hypothèses sur de nouvelles visions.

31Selon le chemin que nous venons de parcourir, il semble que l’homme se reconnaisse comme tel parce qu’il prend sur lui le poids de la première personne ; et même les machines, si elles veulent paraître humaines, doivent se montrer comme des sujets capables de parler pour elles-mêmes. En ce sens, l’autoreprésentation compte plus que le développement d’une intelligence du même niveau de l’intelligence humaine.

32L’autoreprésentation ne passe pas seulement par la narration à la première personne, mais aussi par l’art et l’écriture. En particulier, ce qui remet en question la perspective anthropocentrique, c’est la possibilité pour les formes de vie non humaines de s’exprimer sous forme artistique et littéraire. Dans Machines like me, Adam est capable de composer des haïkus pour la femme qu’il aime. Dans la Southern Reach Trilogy, la contamination provient du travail d’un Scribe, qui semble modifier l’ADN de toute forme vivante, créant ainsi une biologie entièrement nouvelle. Dans Borne, la mystérieuse anémone, monstre incompréhensible et enfant, tient un journal intime. Dans la MaddAddam Trilogy, les hommes apprennent à écrire aux nouveaux prototypes humains créés en laboratoire. Dans Never let me go, l’enseignement dispensé dans l’école pour les clones met fortement l’accent sur les qualités artistiques comme preuve d’authenticité.

33Par rapport aux machines, l’infériorité de l’intelligence humaine est presque toujours reconnue, lorsqu’elle est considérée comme une simple capacité de calcul ; cependant, dans la littérature de science-fiction, l’homme se distinguerait par une prétendue authenticité de ses sentiments, pour laquelle, cependant, aucune explication structurée n’est jamais donnée : la question est toujours posée comme un problème ouvert, qui reste à définir. Elle s’impose évidemment lorsqu’il est question de clonage et d’androïdes, mais elle est également fondamentale dans certaines fictions sur les catastrophes environnementales, telles que Borne, Southern Reach Trilogy et MaddAddam Trilogy, parce qu’elles nous montrent des créatures hybrides et des êtres vivants créés en laboratoire.

34Le système entre en crise lorsque de nombreuses formes de vie non humaines présentent des caractéristiques qui sont généralement considérées comme pertinentes pour les humains, ce qui devrait garantir leur authenticité. Il est assez fréquent que dans les fictions narratives, la question de l’authenticité soit déclinée, au moins à un tout premier niveau, comme l’authenticité des sentiments. Dans Machines Like Me, l’androïde prétend être amoureux et le narrateur, d’une part, croit qu’il ne s’agit que d’un sentiment simulé et, d’autre part, pense que c’est ce faux sentiment qui sauve la machine du suicide. Dans ce même roman, une forme de reproduction est également envisagée pour les androïdes, qui pourraient être intelligents au point de créer d’autres machines semblables à eux. Dans Acceptance, un homme supposé « authentique » éprouve une forte attirance pour une femme qui s’avère être un clone. Dans Never let me go, certains clones croient qu’ils peuvent se sauver parce qu’ils sont capables d’aimer ; en outre, à certaines pages, il est fait allusion au désir de maternité qui a été nié. À cet égard, il convient de mentionner que dans l’histoire The Measure of All Things, il est suggéré que les « bio-toys » peuvent probablement aussi se reproduire. En bref, la capacité d’aimer est censée être une caractéristique inhérente à l’homme, mais la science-fiction nous montre qu’elle est également inhérente à d’autres formes de vie. Il en va de même pour la capacité de reproduction, que les humains ne devraient partager qu’avec d’autres animaux, mais qui, dans les univers de science-fiction, est à la portée de l’IA.

35L’une des raisons pour lesquelles l’accent est mis sur la dimension intérieure est la grande disponibilité de modèles fictifs dans ce sens, alors que la représentation d’une éventuelle authenticité biologique par opposition aux machines n’a pas beaucoup de précédents puisqu’elle est l’expression d’un problème relativement récent. Cependant, nous pouvons émettre l’hypothèse que l’insistance de la science-fiction sur l’authenticité des sentiments comme preuve de la subjectivité fait allusion à une question plus radicale : les humains se distinguent des machines non pas tant par le niveau d’intelligence qu’ils possèdent, mais par l’instinct de recherche d’une continuation de soi. Cette continuation pourrait se faire par l’amour, considéré comme la pulsion de survie de l’espèce12, et par l’autoreprésentation au moyen de l’écriture et de l’art. L’authenticité consisterait donc en cet élan vers l’éternité et donc dans la peur de la mort. Cependant, ce système de croyances sur l’identité humaine, qui semble être véhiculé par la science-fiction, est lui-même remis en question par celle-ci, puisque des mondes possibles sont envisagés dans lesquels même les machines, les clones ou d’autres entités (hybrides ou entièrement fabriqués) peuvent éprouver des sentiments et accéder à la continuation du soi par le biais de l’autoreprésentation et de la reproduction13. Si même la peur de la mort n’est pas exclusivement humaine, le système de référence s’effondre complètement : il n’est pas surprenant que l’une des choses les plus troublantes dans la figure d’Adam soit peut-être la terreur d’être éteint, c’est-à-dire de disparaître à lui-même.

36De même, la question de l’authenticité de la nature n’est jamais clairement définie dans la science-fiction : elle apparaît plutôt comme un fantôme que l’on poursuit en vain. La nature est-elle authentique lorsqu’elle est contaminée par l’homme ou lorsqu’elle est « sauvée » de la contamination extraterrestre ? La pureté de la nature implique-t-elle l’éradication de l’humanité, ou les humains font-ils eux-mêmes partie de la nature ? Existe-t-il une nature primitive que l’homme a compromise à jamais, ou le fantôme de la pureté fait-il partie d’une mythologie entièrement humaine ? Il est évident que la science-fiction ne peut pas résoudre des questions aussi complexes : après tout, la tâche de la littérature de haut niveau est de formuler des questions, alors que les produits littéraires commerciaux fournissent toutes les réponses. Ce que fait donc la science-fiction la plus féconde de nos années, c’est dévoiler les courts-circuits, les mettre à nu, tout en continuant à représenter le même paradoxe : celui d’une authenticité - de l’homme et de la nature - qui est toujours une conquête intellectuelle historiquement déterminée. Donc de l’authenticité comme artifice, et de l’identité comme invention narrative.