Atelier


Proust dans la recherche comparatiste, bilan et nouvelles perspectives (Comparatisme : l'exemple de Proust)
Première journée d'étude (vendredi 1er juin 2007, Paris X-Nanterre) : Proust et l'incertitude

Présentation, par Karen Haddad-Wotling
Le tremblé de l'image.

Cette journée d'études, « Proust et l'incertitude », était conçue à l'origine comme l'une des séances d'un séminaire de recherche du Centre de recherches Littérature et poétique comparées, inauguré en 2006, De l'incertitude en littérature. Les hasards des rencontres et des projets ont fait que la séance consacrée à Proust s'est transformée en journée d'études, et que celle-ci, à son tour, est à présent la première d'une série de trois journées (à Paris 10 aujourd'hui et en juin 2008 ; à Paris 13 en novembre 2007), avant le colloque international "Proust : dialogues critiques", qui aura lieu en mars 2009.
Autant dire que cette première journée n'est pas, à nos yeux, une énième « manifestation proustienne ». C'est le résultat d'un constat, celui dont nous faisons état dans notre présentation générale : aujourd'hui, plusieurs d'entre nous ont de manière plus ou moins récente travaillé sur Proust et quelqu'un d'autre, Proust et autre chose : et Virgile, et Joyce, et Faulkner, et Broch, et Musil, et Dostoïevski [1]
Pourtant, la plupart des livres ou articles sur Proust publiés actuellement en France, la plupart des manifestations auxquelles je faisais allusion, s'en tiennent à une approche exclusivement nationale ; le pari que nous avons fait, en discutant avec Vincent Ferré, ce qui a été le point de départ de ce projet est celui de redonner sa place à l'étranger : à l'étranger chez Proust, au regard étranger sur Proust.

L'étranger chez Proust : je viens d'insister sur le et, car il m'a toujours paru que ce lien, essentiel dans la méthode comparatiste, et qui peut, à nos yeux, ne pas se résumer à un simple parallèle, cette conjonction, dans le cas de Proust et de l'étranger, insiste sur l'activité de lecture et de réception qu'il implique, comme j'avais d'ailleurs essayé de le montrer à propos de Dostoïevski, sur ce qu'il révèle aussi de l'étranger. Replacer Proust dans ses relations avec la littérature étrangère, c'est insister, lorsqu'il s'agit d'œuvres qu'il connaissait, sur la relation singulière, unique, que l'auteur entretient avec chaque écrivain en particulier : le Dostoïevski de Proust, ce n'est pas le Tolstoï de Proust, ce n'est pas le roman russe en général, comme on peut être tenté de le croire (et même encouragé par certaines déclarations de Proust parfois) pas plus que son Ruskin ne se confond avec son Thomas Hardy, pas plus d'ailleurs que son Flaubert ne représente la même chose que son Balzac...
Le et a aussi une valeur herméneutique à rebours. On le sait bien : de même qu'il y a un « coté Dostoïevski de Madame de Sévigné », il y a un côté Proust de Dostoïevski, un côté Proust de Thomas Hardy ou de Racine. Inversement, lorsqu'il s'agit d'un auteur étranger moderne ou contemporain pour qui Proust a compté, celui-ci n'est pas interchangeable avec un simple représentant de la modernité romanesque ; le Proust de Calvino n'est pas celui d'Eco, sans doute, pas plus que le Proust de Woolf n'est celui de Nabokov.
Replacer Proust dans le mouvement littéraire international, ce n'est donc pas à nos yeux proposer une simple perspective d'histoire littéraire ou de littérature générale, c'est prendre en compte une relation singulière qui tient souvent à la présence d'un détail, d'un détail comparable, surprenant, d'une citation, d'un pastiche, d'une simple réminiscence ; les contributions qui sont présentées aujourd'hui sont soit des micro-lectures, soit des vues d'ensemble.
Enfin, le regard étranger sur Proust : voilà l'autre point important sur lequel nous espérons innover. La recherche proustienne étrangère est très active ; elle n'est pas toujours connue parmi les proustiens français ; moins sacralisée, plus audacieuse, elle s'attache souvent à renverser les perspectives ou à les déjouer — c'est d'ailleurs le dialogue avec ces différentes traditions critiques qui sera au cœur du colloque de mars 2009. C'est bien ainsi que s'explique aussi le titre de cette journée, « l'incertitude », dans son décalage apparent avec l'affiche qui juxtapose différentes couvertures d'éditions étrangères de la Recherche. Si l'on regarde l'affiche, on est atteint d'un sentiment d'incertitude, d'étrangeté, qui tient aux couleurs, au lettrage, aux titres, différents de ceux que nous connaissons par cœur, à un tremblé en somme de l'image que nous connaissons si bien. Ce portrait de Proust avec son nom en cyrillique, cet Um Amor de Swann portugais à la couverture qui rappelle étrangement un pan de mur jaune, ne sont que quelques images des découvertes que nous espérons faire ensemble.

http://www.univ-paris13.fr/cenel/colloques/AfficheProustincertitude.pdf

  • Karen Haddad-Wotling : Présentation (texte complet, voir ci-dessus)

  • Anna Isabella Squarzina (Macerata / Rome La Sapienza): Proust et Cervantès (Texte complet en ligne)

  • Vincent Ferré (Paris 13): Proust et la philosophie : lectures croisées et réflexions génériques (Texte complet en ligne)



[1] Voir Florence Godeau, Les désarrois du moi : « A la recherche du temps perdu » de M. Proust et « Der Mann ohne Eigenschaften », de R. Musil, Tübingen, M. Niemeyer, 1995, vii, 300 p. ; Karen Haddad-Wotling, L'Illusion qui nous frappe : Proust et Dostoïevski, une esthétique romanesque comparée, Paris, H. Champion, 1995, 581 p. ; Hugo Azérad, L'univers constellé de Proust, Joyce et Faulkner : le concept d'épiphanie dans l'esthétique du modernisme, Berne, P. Lang, 2002, 474 p. ; Vincent Ferré, L'essai fictionnel chez M. Proust, H. Broch et J. Dos Passos (A la Recherche du temps perdu, Les Somnambules et U.S.A.) (thèse de doctorat, Rennes 2, 2003) ; Anna Isabelle Squarzina ", bis nigra videre tartara" : Proust et la catabase virgilienne", in Marcel Proust aujourd'hui, 2, Mille et une nuits dans la Recherche, textes réunis par Sj. Houppermans, N. de Hullu-van Doeselaar, M. van Montfrans, S. van Wesemael.


Pages associées: Littérature comparée, littérature mondiale, Comparatisme : l'exemple de Proust, Intertextualité, Bibliothèques.

Bérenger Boulay

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Dernière mise à jour de cette page le 2 Janvier 2009 à 23h21.