Atelier


Proust dans la recherche comparatiste, bilan et nouvelles perspectives
Première journée d'étude : « Proust et l'incertitude »
Hugues Azérad (Cambridge): « L'image comme (mé)connaissance chez Proust et Faulkner»

En m'inspirant des récents travaux de Philip Weinstein sur la fiction moderniste, des travaux de Marie-José Mondzain sur l'image, et des écrits de Gadamer et Ricœur sur l'image herméneutique, je voudrais essayer de montrer que l'esthétique « moderniste » de Proust et de Faulkner pose en son centre une conception de l'image comme espace de rencontre. Les images apparaissent bien souvent chez Proust et Faulkner comme autant de fausses routes, de chemins de méconnaissance où la fiction s'égare, entraînant avec elle un sujet écartelé entre un réel en fuite (cf Anne Simon) et un réel défiguré par le désir et le fantasme: c'est ce qui se passe le plus souvent chez Marcel ou chez Quentin Compson d'Absalon et Le Bruit et la Fureur. Est-ce dû à la croyance encore naïve aux pouvoirs de l'image, verbale dans ce contexte, de capturer l'invisible, de reproduire une expérience perdue, une identité perdue dans l'Histoire ? L'image ainsi perçue assure bien un contact avec le passé, mais le sujet n'en tire aucun savoir véritable. C'est là l'échec dénoncé du réalisme photographique. Pourtant, un autre type d'images, souvent dans l'ombre même des images trompeuses, comme le narrateur, ou l'auteur, se trouve dans l'ombre du personnage, se profile et naît à notre regard. Ces images, en suivant Pierre Reverdy je les appelle « images esthétiques », sont nichées dans la narration, le style même, elles sont le texte même. Comme dans la philosophie de la lecture esquissée par Proust, et dans les peintures de Chardin commentées dans le Contre Sainte-Beuve, l'image, verbale et visuelle, est capable de ressusciter ce qui était mort au regard et au moi, ce qui a été perdu. L'image esthétique, que l'on retrouve chez de nombreux modernistes (Joyce, Woolf, Kafka ) et poètes (Reverdy, Char, etc.), fondée dans la méconnaissance, qui en fournit son énergie « négative », deviendrait le lieu ou site privilégié d'une rencontre, moi-réel, lecteur-texte, soi-autre, fiction-histoire, où une nouvelle connaissance/vision du monde, aux origines bien réelles et historiques, viendrait naître sur les ruines de la représentation et du réalisme. En regardant comment ces images sont mises en scène et apparaissent dans quelques passages de Proust et Faulkner, je voudrais essayer de re-définir ce qu'on entend par esthétique moderniste, ce qui devrait établir des liens/ponts avec d'autres perspectives de la recherche actuelle.

Hugues Azérad



Bérenger Boulay

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Dernière mise à jour de cette page le 20 Décembre 2007 à 14h42.