Revue
Nouvelle parution
K. Yoshikawa, Proust et l'art pictural

K. Yoshikawa, Proust et l'art pictural

Publié le par Matthieu Vernet

Proust et l'art pictural

Kazuyoshi Yoshikawa

Paris : Honoré Champion, coll. "Recherches proustiennes", 2010.

EAN 978-2745318510

Prix 75EUR

Présentation de l'éditeur :

Nombreux sont les tableaux qui jouent un grand rôle dans l'économie d'ensemble du roman proustien, tels que La Vue de Delft de Vermeer devant le " petit pan de mur jaune " de laquelle succombe Bergotte, ou Le Patriarche di Grado exorcisant un possédé de Carpaccio dans lequel le héros reconnaît le manteau de Fortuny que portait Albertine avant sa fuite. Le roman de Proust fournit toute une galerie d'artistes de tous pays : Carpaccio, Giotto, Léonard, Mantegna, Memling, Bruegel, Vermeer, Hals, Rembrandt, le Greco, Turner, Whistler, Chardin, Manet, Monet, Moreau, et les portraitistes mondains de l'époque tels que Boldini et Helleu. Nous examinons tout d'abord quand et comment Proust a pu voir les tableaux de tel ou tel artiste, en enquêtant sur les musées, les expositions, les collections particulières, les monographies de l'art de l'époque, et sur les brouillons et les notes de l'écrivain. Ensuite sont analysées les fonctions remplies par ces artistes dans À la recherche du temps perdu. Comment faut-il expliquer les diverses façons de présenter la peinture : tableaux désignés, suggérés et cachés dans le roman ? Et quel est le rôle de l'idolâtrie artistique chez Swann aussi bien que chez Proust ? La dernière partie est consacrée au peintre imaginaire Elstir et ses tableaux : Miss Sacripant, Une botte d'asperges et le Port de Carquethuit.


Présentation de l'auteur :

Kazuyoshi Yoshikawa est professeur de littérature française à l'Université de Kyoto et responsable de la Société japonaise d'études proustiennes. Il a publié entre autres Index général de la Correspondance de Marcel Proust (Presses de l'Université de Kyoto, 1998), La lecture du monde de Proust (Éditions Iwanami, Tokyo, 2004), La lecture d'" Un amour de Swann " (Hakusuisha, Tokyo, 2004). Auteur de nombreux articles sur Proust, il collabore au Dictionnaire Marcel Proust (Champion, 2004) et à l'édition des Cahiers 1 à 75 de la Bibliothèque nationale de France (Brepols).

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Dans Le Monde des livres du 25/2/10, on pouvait lire cet article de M. Contat:

[…] Le sujet est pour ainsi dire inépuisable.L'importance de la peinture dans le grand roman proustien se marqued'abord par la présence d'un peintre, Elstir, qui joue un rôle analogueà celui du musicien Vinteuil, dont une petite phrase devient "l'hymne national"de l'amour entre Swann et Odette, la demi-mondaine. Il est d'abord leBiche du salon Verdurin, où il joue les bouffons. On lui doit Miss Sacripant,peinture d'une jeune femme qui n'est autre qu'Odette en actricedébutante. Plus tard, il devient, sous le nom d'Elstir, la figure mêmedu grand peintre impressionniste, l'égal des Monet, Whistler, Turner,l'auteur d'une toile intitulée Le Port de Carquethuit oùl'esthétique même du roman est en jeu, définie par la métaphore. Grâceà celle-ci, qui permet d'évoquer la mer en termes terrestres et laterre en termes maritimes, c'est "l'impression vraie" quiprévaut contre ce que l'on croit savoir du monde. Ainsi, par le style,qui est affaire de vision et non de savoir, on accède au "moi profond", sans rapport avec le "moi social",fait d'habitudes et de conventions. Elstir est le porteur, etl'intercesseur pour le narrateur, de la mystique artistique qui fondele roman proustien.

Mais la peinture apparaît dans celui-ci sousd'autres formes, que l'érudit japonais inventorie de façon exhaustive.C'est seulement lorsque Swann découvre chez Odette, dont la beauté nelui a pas semblé spontanément désirable, des traits communs avec "la fille de Jéthro"dans une toile de Botticelli qu'il tombe amoureux d'elle. Despersonnages prennent leur relief grâce à leur ressemblance avec desfigures picturales. Ainsi Charlus est comparé au "grand inquisiteur peint par le Greco", une fille de cuisine de Combray à la "Charité de Giotto". Des oeuvres célèbres jouent un rôle dans le roman : la Vue de Delft, de Vermeer, et son "petit pan de mur jaune" sur lequel se fascine l'écrivain Bergotte. Les Asperges, de Manet, évoquées comme un Elstir que le duc de Guermantes éreinte, prouvant ainsi son inanité mondaine.

Les "tableaux cachés"abondent. Immense était la culture picturale de Proust, qui, par sestraductions de Ruskin, notamment, alliait esthétique et érudition. Ilfréquentait les musées, les expositions, les galeries, les salonsmondains où l'art nouveau trouvait abri, il faisait des voyages, commeà Amsterdam pour voir des Rembrandt et des Hals, consultait livres,gazettes d'art et albums de reproductions. L'impeccable érudition deKazuyoshi Yoshikawa reconstitue avec élégance les voies de cette information multiple".