
La mise par écrit d’un conte ne rime pas forcément avec son entrée dans un régime de pure écriture. Aussi, le lecteur de bon nombre de contes arabes mis par écrit, ceux des Mille et une nuits en l’occurrence, peut-il discerner entre les lignes du texte qu’il a sous les yeux – et à des profondeurs variables – tant les effets de la composition mémorielle à laquelle procédait le conteur, que les traces de la présence de l’auditoire devant lequel il se produisait. D’ailleurs, la comparaison des textes contenus dans les Nuits avec des contes dont l’oralité ne souffre aucune contestation, comme le conte marocain de tradition orale, laisse paraître des points de contact plaidant en faveur de leur profonde affinité. Le lecteur rompu aux récits contenus dans le recueil arabe et qui s’intéresse de près au conte de tradition purement orale, pourrait relever que sous les divergences de surface se trouvent des similitudes d’ordre structurel qui rendent facile la transgression de la ligne trop fragile que représente l’écrit. Un conte des Nuits et un conte populaire marocain peuvent alors confondre leurs frontières sans que cela porte à conséquence.
Rachid Bazzi est docteur de l’École des hautes études en sciences sociales. Les travaux qu’il a pu entreprendre au sein de différents groupes de recherche et les ouvrages et articles qu’il a publiés s’articulent autour du récit persan et arabe classique ainsi que le conte marocain de tradition orale.
Sommaire
La vessie et le bonnet, ou l’ombilic du conte
Hârûn ar-Rashîd chez les Berbères
La princesse et le singe : les amours perverses dans les Mille et une nuits
La belle, la bête et le trésor : retour au thème des amours perverses
Le conte et ses paradoxes
Les expressions de l’oralité dans un conte des Mille et une nuits
Conte et irréversibilité
Le conte et ses « absences »