Marcelle Delpastre :
une femme-monde
Journées d’étude
23-24-25 octobre 2024
Toulouse, Université Toulouse-Jean Jaurès
Carcassonne, GARAE
Dans une brève autobiographie rédigée en 1986, Marcelle Delpastre (1925-1998) se présente elle-même ainsi : « Cultive principalement la ferme familiale et la poésie, accessoirement le dessin, la broderie, le chant traditionnel, l’ethnographie et la littérature française autant qu’occitane ». Toute sa vie, Marcelle Delpastre (1925-1998) l’a passée, en effet, dans sa ferme de Germont, dans la commune de Chamberet, en Corrèze, à exploiter une petite propriété familiale, d’abord avec ses parents puis, après leur disparition, toute seule. Paysanne du Limousin, Marcelle Delpastre est aussi, en parallèle, l’auteure d’une œuvre foisonnante, écrite en français et en occitan limousin, où se côtoient la poésie de langue française ou occitane, des nouvelles, des poèmes dramatiques, ainsi qu’une vaste entreprise ethnographique comprenant des collectages de contes, leur analyse, des études sur les pratiques culturelles du Limousin et leur interprétation ethnologique, le tout complétée par une autobiographie répartie en sept tomes de 500 pages chacun, alors qu’elle était talonnée par une maladie fatale, sans parler de chroniques dans des journaux et d’une correspondance volumineuse.
Par les genres pratiqués, par les sujets abordés, par l’une de ses langues d’écriture, cette œuvre se veut profondément attachée à un lieu géographique unique, la ferme de Germont, en Limousin. Une liaison si étroite avec le local a rapidement et durablement conduit à ne voir en elle qu’une « pastourelle limousine », une écrivaine pour grands-mères nostalgiques, une « paysanne-au-cul-des-vaches » qui écrit, dont les livres sont à ranger dans le rayon typiquement français du « régionalisme ». Toutes ces « assignations localistes » empêchent un large public de percevoir la dimension universelle d’une écriture qui dépasse le factuel et le terroir pour les inclure dans la vision globale d’un monde en mutation. L’œuvre de Delpastre conte – poétiquement et scientifiquement – la fin de la civilisation agro-pastorale multimillénaire en même temps qu’elle propose une méditation sur la condition de l’homme confronté à la perte du lien natif avec son environnement naturel et culturel. En donnant à lire, à partir de sa propre expérience et de sa mémoire personnelle et selon une approche à la fois marquée par la subjectivité poétique et la neutralité ethnographique, la « discrète apocalypse » d’une civilisation finissante, Marcelle Delpastre apparaît comme un de ces individus-mondes, tels que l’anthropologue Daniel Fabre les a définis, qui portent en eux une façon unique, léguée par les générations antérieures et portée par la langue, d’appréhender le réel, un univers menacé de disparition dont ils se perçoivent (ou sont perçus) comme les derniers représentants.
De nos jours, les manuscrits de Marcelle Delpastre sont conservés à la bibliothèque de Limoges. Son œuvre est publiée par l’éditeur limousin Jan Dau Melhau (éditions Lo Chamin de Sent Jaume) qui fut un ami proche et est son légataire universel. Quelques études, depuis le début du XXIe siècle, ont été réalisées, mais, cinquante ans après la publication du recueil Saumes pagans (1974) qui révéla son génie poétique, il reste fort à faire pour mieux connaître l’œuvre de cette femme confrontée à des mondes d’hommes (les poètes « occitans », les ethnographes…), à la fois écrivaine du local, de l’universel et du cosmique, l’un des plus grands souffles de la littérature qui, en notre temps si troublé, ne peut que trouver une résonnance pleine d’actualité.
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Proposition de communication
La proposition de communication est à adresser par mail à Jean-François Courouau et Jean-Pierre Cavaillé avant le 30 novembre 2023.
Elle doit présenter le sujet et être accompagnée d’une brève bibliographie secondaire.
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Bibliographie secondaire
DAU MELHAU, Jan (dir.), « Marcelle Delpastre », Plein chant 71-72, 2001 (dossier spécial).
GARDY, Philippe, Figuras dau poèta e dau poèma dins l’escritura occitana contemporanèa. Marcela Delpastre, Bernat Manciet, Mas-Felipe Delavouët, Renat Nelli, Montpeyroux, Jorn / Bordeaux, Tèxtes occitans, 2004.
GARDY, Philippe, « Literatura orala, literatura escricha. A prepaus de Joan-Baptista Fabre, Frederic Mistral e Marcela Delpastre », in Claire Torreilles et Marie-Jeanne Verny (éds), Contes e cants. Les recueils de littérature orale en pays d’oc, XIXe-XXe siècles, Montpellier, Université Paul Valéry, 2005, 15-38.
CAVAILLÉ, Jean-Pierre, « Marcelle Delpastre (1925-1998). Relégation au local et aspiration à l’universel », Les Dossiers du Grihl 2/1, 2008 [en ligne].
STENTA, Miquèla, Marcelle Delpastre. À fleur de l'âme, photographies de Charles Camberoque, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2016.
FABRE, Daniel, « Chinoiserie des Lumières. Variations sur l’individu-monde », L’Homme 185-186, 2008, 269-299 [en ligne].
STENTA, Miquèla (dir.), « Marcela Delpastre, una cosmogonia del vivent », Lenga e país d’òc 52-53, 2012 (dossier spécial).
FABRE, Daniel, « Roman régionaliste et région romanesque : frontières de la littérature », in Sylvie Sagnes (dir.), Littérature régionaliste et ethnologie, Carcassonne, GARAE / Arles, Museon Arlaten/Actes Sud, 2015, 199-218.
CAVAILLÉ, Jean-Pierre, « Marcelle Delpastre (1925-1998), conscience d'auteur, situation périphérique et statut subalterne », in Nicolas Berjoan, Écrire en langue minoritaire, 2018 [en ligne].
GARDY, Philippe, « Trois grands poètes d’Occitanie: Delavouët, Delpastre, Manciet. Une conférence de Max Rouquette lue à Namur en 1990 », Les Cahiers Max Rouquette 13, 2019, 52-56.
VIROLLE, Marie / DAU MELHAU, Jan, « Marcelle Delpastre : femme-terre », A Littérature-Action 6, 2019 (dossier spécial).
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Contacts
Jean-François COUROUAU (PLH-ELH) : jean-francois.courouau@univ-tlse2.fr
Jean-Pierre CAVAILLÉ (LISST, EHESS) : jean-pierre.cavaille@ehess.fr