Acta fabula
ISSN 2115-8037

2006
Octobre 2006 (volume 7, numéro 5)
Sandrine Bretou

Artémis, Diane, Hécate : figures de l’art

De « la cruelle douceur d’Artémis ». Il mito di Artemide-Diana nelle lettere francesi. Milan, Cisalpino, Istituto editoriale universitario, 2006 (Quaderni di Acme 53).

1Cet ensemble d’articles propose de nous pencher plus particulièrement sur la présence et l’évolution du personnage d’Artémis et des autres figures féminines qui lui sont associées, dans les œuvres littéraires. S’attachant à différents poètes, les auteurs nous donnent une vision toujours différente d’Artemis. Même si l’apparition de Diane devient récurrente dans la littérature, elle garde sa force symbolique dans les mythes.

2Artémis se retrouve également apparentée à Hécate liée, elle, à la magie et aux mondes des ombres, en ayant cette double fonction maléfique mais créatrice aussi. La figure d’Artémis fait ressortir la condition de la femme.

3Plusieurs œuvres dont celles de J. de Bellay et Catherine de Retz se trouvent ainsi étudiées sous l’angle d’Artémis. Elle est présente dans l’imaginaire des auteurs de la littérature française de façon persistante en nous rendant compte de leurs aspirations et leurs rêveries.

4La légende d’Artémis – Diane est présente un peu partout dans l’art, aux XVIe et XVIIe siècles, aux niveaux politique, littéraire et artistique. Subissant des transformations de toutes sortes. Et comme l’avance Maria Teresa Puleio ce mythe possède des caractères de flexibilité pouvant ainsi s’adapter et être adapté. Elle est souvent associée à Vénus, Apollon, Mars, Sémélé, Adonis…En France, les auteurs reprennent souvent le thème de sa beauté, lié aux thèmes de l’eau et du miroir. C’est « à la manière de » que nous retrouvons Artémis-Diane. « C’est en imitant qu’on invente1 »

5Sous l’avènement du romantisme, les mythes antiques reviennent à la vie. Les arts ont joué un grand rôle dans la persistance de ces images amoureuse et féerique. Stendhal avec La Chartreuse de Parme en est un très bon exemple. Artémis et Phébus souvent liés comme le soleil et la lune.

6Toutes sortes de Diane nous sont offertes par les artistes, par exemple « avec Offenbach qui, dans orphée aux enfers (1858), nous présente une Diane manquant évidemment de dignité, en paroles comme en actes. 2 »

7Les poètes parnassiens également sont inspirés par cette figure mythologique qu’est Artémis. D’après Laura Todisco ces poètes se servent des mythes et fables mythologiques comme des référents iconographiques. « Leur expérience de la poésie peut donc être vue comme une réflexion sur le principe de la traduction de l’œuvre d’art dans l’œuvre littéraire.3 »

8On peut constater alors aisément de la présence encore au XXe siècle du mythe de Diane/Artémis, dans des œuvres telles que Hécate et ses chiens de Paul Morand, Le bain de Diane de Pierre Klossowski (1956) ainsi que La Diane rousse de Patrick Grainville (1978). La Diane rousse hérite des avatars du mythe des siècles précédents du monde classique, c’est-à-dire de la divinité protectrice.

9Diane est une figure souvent représentée dans le théâtre : apparition dans la pièce inventée par Zola, au début de Nana, en 1880. Mais la forme préférée n’est certes pas l’opéra mais plutôt la cantate nous signale Gui Cherqui.

10Diane, identifié à Artémis est une déesse crainte, elle est farouche et vindicative, et ses colères sont terribles voire meurtrières. Associée à la fécondité, on la voit souvent avec des fauves, qui sont eux associés dans l’antiquité au monde asiatique. « Mais elle est aussi dans l’antiquité une intermédiaire dans la recherche du salut, objet de cultes sectaires proches de ceux d’Isis ; elle est à la fois femme et divinité, sainte et vierge, comme l’Artémis de Nerval.4 »

11En tout état de cause c’est son caractère énigmatique qui assure sa présence dans l’imaginaire ainsi que son charme et sa forme tragique.

12Ressort alors une certaine triade et poly-fonctionnalité du mythe :

13Diane : chasseresse qui protège les hommes et les femmes, être lunaire et mystique sinon chaste qui vit sur deux cultures ( Europe et Océanie) ;

14Artémis, encore à l’état sauvage, qui suit le chemin du mariage ;

15Hécate, elle, conduit dans le monde des esprits.

16Pour Anna Soncini Fratta, Diane est au centre de cette triade ; c’est elle qui a en charge les figures parentales et met en jeu le double courant attraction-répulsion, c’est-à-dire les relations de séduction narcissique.

17Artémis est une figure mythique marquée par des fluctuations et des variantes dans son mythe : thériomorphie dans sa forme fugace et sous sa forme dévorante, eau profonde, chevelure, toilette féminine, cris, dramatisation négative, « le tout enrobé dans une atmosphère de terreur et de catastrophe. 5 »

18D’autres thèmes apparaissent également : la « terreur sacrée », sa cruauté impitoyable, son goût pour le carnage, son caractère indomptable et farouche, la « scène du bain » paraît aussi comme une particularité importante, le « destin parfois effroyable réservé à ses fidèles, ainsi que sa fonction de protectrice de l’accouchement, de la fidélité amoureuse .6 »

19On en conclut que la déesse et ses mythèmes sont des représentations de la déesse-mère dans tous ces archétypes. Elle a été le vecteur métaphorique pour organiser des oppositions binaires : « culture/nature, nature réglée/nature déréglée, sacré/profane, vie/mort, présence/absence7 »

20La figure d’Artémis traverse le temps par hypostases successives, incarnée dans des femmes mystérieuses et redoutables.

21Comme le souligne Liana Nissim, « l’étude de la présence d’un mythe dans la littérature est toujours le moyen le plus avantageux pour en vérifier les valeurs invariables et en même temps les variations les plus symptomatiques, la permanence d’un imaginaire universel et les fluctuations infinies dont la présence désigne les changements de la vision du monde.8 »