Acta fabula
ISSN 2115-8037

2022
Décembre 2022 (volume 23, numéro 10)
titre article
Hans Färnlöf

Perspectives narratives

Narrative perspectives
Sylvie Patron (dir.), La théorie du narrateur optionnel. Principes, perspectives, propositions, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2022, 292 p., ISBN 978-2-7574-3685-1.

1Dans ce collectif de très haut niveau théorique sont rassemblées treize études relatives à la notion du « narrateur optionnel », dont Sylvie Patron s’est déjà fait l’avocate dans plusieurs ouvrages1. Certaines contributions se centrent davantage sur les principes théoriques en débat alors que d’autres font aussi d’amples références à des cas précis, que cela concerne le genre littéraire, la porosité de la notion du narrateur omniscient, l’historicité des récits ou les nuances narratives impossibles à saisir par la présence universelle d’un narrateur « imposé » et de sa « voix ». Précédée par une introduction critique de S. Patron, la première partie contient neuf essais centrés sur le domaine littéraire, suivis par une deuxième partie avec quatre contributions qui abordent d’autres domaines tout en rattachant la problématique à la narration fictionnelle. Le volume est disponible sous forme imprimée et sous forme numérique.

Prise de position théorique

2La notion du narrateur optionnel apparaît comme une alternative qui met en défi celle du narrateur, telle que celle-ci a été conçue par Kayser (1977) et promue par la narratologie structuraliste et ses successeurs. Pour Kayser, le narrateur est un rôle inventé et adopté par l’auteur ; Barthes affirmera la présence nécessaire du narrateur dans tout récit de fiction et Genette établira la « vérité binaire » selon laquelle il existerait un narrateur homo- ou hétérodiégétique dans tout récit de fiction (Barthes, 1966 ; Genette, 1972). Pour ces théoriciens, le récit de fiction postule donc un narrateur du fait de sa propre force : l’acte communicatif que constitue le fait de composer un récit présuppose un narrateur, nonobstant s’il opère en mode hétéro- ou homodiégétique, s’il se retrouve au niveau extra- ou intradiégétique ou s’il marque sa présence ou semble rester absent. Selon cette théorie de narration pan-narratoriale, il y a présence du narrateur, par principe, que ce soit dans un roman de Hemingway raconté de façon impassible à la troisième personne ou dans Manon Lescaut, où des Grieux, en tant que personnage et narrateur engagés, fait part au narrataire de ses aventures et mésaventures. En défendant l’idée que le narrateur est une option narrative, les contributeurs à ce volume collectif s’inscrivent fermement contre cette tradition théorique. Ils partent quant à eux d’un double postulat : (1) il n’y a pas forcément lieu de parler d’un narrateur dans tout récit de fiction et (2) pour parler effectivement d’un narrateur fictif, il faudra défendre l’emploi du terme en ayant recours à l’intention de l’auteur (sans laquelle on ne saurait parler de narrateur optionnel), qui se concrétise par le biais d’un narrateur présent dans le texte.

3Dans son introduction assez militante, S. Patron présente de nombreux arguments contre la stipulation ou l’hypothèse ad hoc de la narration pan-narratoriale (c’est-à-dire l’idée que tout récit de fiction « contient », « impose » ou « suppose » toujours un narrateur). Certains d’entre eux semblent à première vue relever d’objections de principe, s’approchant de jugements désapprobateurs : supposer la présence obligée d’un narrateur dans un récit de fiction serait dogmatique, inutile, contre-intuitif, irrationnel et incohérent. Son application risquerait d’aboutir à des analyses étranges, forcées, erronées, aberrantes et contradictoires. C’est aller peut-être bien loin contre une approche théorique qui a pourtant engendré de nombreuses études fondamentales pour l’étude du récit de fiction. On pourrait y répondre qu’il n’est guère convaincant d’argumenter que la narratologie classique serait dogmatique parce qu’un des contributeurs du volume (Brian Boyd) estime que cette approche relève du dogme ; que l’argument disant que telle approche est contre-intuitive n’a guère de portée scientifique puisque bien des expériences nous démontrent la faille de l’intuition face à la réalité des choses ; qu’il n’est pas non plus suffisant de parler du texte comme le résultat du « travail de l’auteur » pour disqualifier l’idée du narrateur omniscient, comme le voudrait Käte Hamburger (1986, p. 15-17). Or, il devient ensuite apparent, plus loin dans l’introduction, que ces jugements sont le résultat de considérations précises sur la nature du récit fictionnel, appuyées sur un fond théorique solide (dans l’optique de mieux laisser le lecteur suivre le raisonnement, il aurait sans doute été préférable de mener dès le début une discussion plus factuelle et finir par les jugements au lieu d’imposer ceux-ci au lecteur dès les premières lignes – ou bien de laisser le lecteur conclure sur les défauts et les avantages des théories respectives).

4Dans sa contribution « Le narrateur : une approche historique et épistémologique de la théorie narrative », qui intervient au milieu de la première partie (elle aurait pu enrichir l’introduction, puisqu’elle apporte des éléments importants à la discussion théorique qui y était entamée), Sylvie Patron fait aussi le point sur l’approche du narrateur à travers l’histoire. Mentionnant en passant la distinction entre mimésis et diégésis par Platon dans La République (Livre III), S. Patron discute l’introduction du terme narrateur à l’aube du xixe siècle en mettant en relief l’existence de deux types de narrateurs : celui qui vit l’aventure (à la première personne) et celui qui la raconte (à la troisième personne). Ce raisonnement conduit au manque d’historicisation dans l’application de la notion du narrateur à des récits appartenant à des époques différentes. À ce propos, les études d’A. C. Spearing (« La théorie narratoriale au défi des récits médiévaux anglais ») et de Marc Hersant (« Le despotisme narratif du marquis de Sade ») tentent toutes les deux de démontrer que leur corpus historique se prête mal à l’analyse narratologique classique, considérée comme un modèle universel. On en trouve l’écho dans la contribution de Lars-Åke Skalin, « Quand la théorie esthétique rencontre la théorie du narrateur optionnel », qui montre toutes les nuances qui peuvent exister entre différents types de narrateurs.

5En triant les nombreux arguments avancés par S. Patron (seize au total), on pourrait en distinguer quatre principaux : (1) la position ontologique du narrateur extra- et hétérodiégétique occupe un troisième espace entre réel et fiction qui est difficile à concevoir et qui se distingue de celui du narrateur homodiégétique ; (2) le récit de fiction, même écrit, ne doit pas forcément être vu comme un acte de communication, avec un locuteur (narrateur) et un locutaire (narrataire) inscrits dans le texte par le fonctionnement du langage ; (3) les études transmédiales du récit démontrent l’inutilité d’avoir recours à la notion du narrateur dans beaucoup de cas, ce qui serait également valable pour des récits littéraires ; (4) l’idée d’une narration pan-narratoriale fonctionne mal dans les analyses de textes littéraires relevant de certains genres ou datant de certaines époques. Comme on le voit, les deux premiers arguments sont d’ordre théorique alors que les deux derniers sont plutôt d’ordre empirique, offrant des exemples concrets de réfutation de l’argument no 2. Ce sont ces principes qui sous-tendent les reproches contre la théorie pan-narratoriale cités plus haut.

Le statut problématique du narrateur hétéro- et extradiégétique

6Si l’on conçoit effectivement le narrateur comme un pôle énonciatif nécessaire par le fait que les personnages de l’histoire sont présentés à la troisième personne, où doit-on placer ce narrateur dans l’échelle de toutes les relations qui existent entre le réel et la fiction, et comment doit-on le concevoir ? Dans sa contribution stimulante, « Auteurs implicites et narrateurs imposés – pourquoi pas des auteurs réels ? », Brian Boyd (p. 62) démontre la confusion qui règne parmi les narratologues classiques en listant leurs différentes solutions envisagées pour résoudre ce problème : le narrateur est (a) auteur implicite non humain, (b) narrateur indépendant de l’auteur, (c) narrateur non humain, (d) narrateur habitant dans et racontant depuis le monde diégétique, (e) narrateur réduit à une simple fonction du discours, (f) narrateur qui est ou (g) qui n’est pas une personne…

7En effet, placer le narrateur comme une personne (ou personnage) soit dans le monde diégétique soit en dehors du monde diégétique crée, inévitablement, un problème de transmission (est-ce que le narrateur peut nous donner accès au monde diégétique sans faire part du monde diégétique ?), d’extension (si le narrateur fait part du monde diégétique, comment peut-il avoir accès à toutes les informations communiquées ?) et d’intention (si le narrateur fait part d’un monde qui est pour lui « naturel », comment adapter sa présentation de ce monde et de ce qui s’y passe à l’intention poétique de l’auteur ?). Du fait de ces critiques, le statut ontologique du narrateur « absent » – et pourtant présent, d’après la narratologie classique – peut être vu comme diffus, difficilement concevable, et en tout état de cause résolument autre que celui du narrateur-personnage (homodiégétique). John Brenkman semble toucher à cette question dans sa contribution « Voix et temps » lorsqu’il cherche, de façon assez tâtonnante, à identifier une voix « littéraire » qui n’est ni celle de l’auteur, ni celle de l’auteur implicite et ni celle du narrateur, mais finalement la voix de l’œuvre.

8Jonathan Culler, qui inaugure la première partie du volume avec son essai intitulé « Quelques problèmes concernant les narrateurs des romans et les locuteurs des poèmes », fait un cas du locuteur (et non du narrateur) supposé du poème lyrique. Il critique une des idées structuralistes sur la narration, celle qui veut que le narrateur structuraliste se conçoive comme un être quasi anthropomorphe (quoique fictionnel) qui crée le texte, comme si l’auteur s’écartait de la création. Or, comment ce type de narrateur peut-il opérer les choix nécessaires pour garantir la dimension artistique de l’œuvre ? Quant à la fonction pratique du narrateur dans une perspective interprétative, à savoir celle de déresponsabiliser l’auteur des opinions exprimées dans le récit (ou valeurs implicites à tirer de la composition), Culler pense que le statut fictionnel du texte suffit en lui-même pour qu’on fasse la différence entre narrateur et auteur (ou, pour Culler, entre le texte fictif créé par l’auteur et l’auteur lui-même).

9Il serait intéressant d’approfondir cette dernière question, qui semble essentielle. La confusion possible entre narrateur (et le contenu ou le « message » du texte) et auteur (et ses possibles opinions) doit sans doute être évitée, ou au moins être toujours possible à éviter, afin de garantir la liberté créative de l’auteur de tout ce qui n’est pas esthétiquement, poétiquement ou politiquement correct. Il importe alors de voir que l’auteur, dans la qualité de cet « autre moi » dont parlait Proust, n’est pas à caractériser d’après le récit lu, que celui-ci contienne un narrateur-personnage ou non. De même, on ne souhaitera pas voir un retour vers la recherche du « message de l’auteur », avec l’idée que l’étude littéraire aurait pour but ultime de découvrir l’intention de l’auteur. Bien entendu, les contributeurs à ce collectif n’argumentent nullement pour de telles lectures ; il s’agit ici seulement de nous mettre tous en garde envers cette possible tendance biographique et réductrice face à laquelle la théorisation du narrateur « obligé » a pu jusqu’ici être efficace, de même que d’avoir été salutaire quant à l’ouverture du texte vers des interprétations et des approches théoriques multiples.

10Dans sa contribution déjà mentionnée, Brian Boyd mène un raisonnement terre-à-terre : pourquoi parler de narrateur quand il n’y en a pas, visiblement ? Cet emploi d’un narrateur « imposé » ne peut créer que de la confusion pour toute personne qui désire pénétrer dans l’œuvre, estime-t-il. On souhaiterait voir apparaître plus souvent cette perspective didactique (évoquée aussi par S. Patron) dans la théorisation des études littéraires. De plus, l’immersion dans la fiction, source de plaisir, serait selon Boyd « occultée » par cette couche inutile, qui installe comme une barrière entre l’auteur et ses lecteurs, barrière qui empêcherait le lecteur d’entrer pleinement dans le texte. Tout intéressant que soit ce deuxième argument, il repose sur une hypothèse qui demande à être validée par des études empiriques : on pourrait autant considérer que l’idée d’une œuvre close en elle-même, communiquée par ce narrateur « imposé », serait bénéfique à cette immersion dans un autre monde, dans lequel entre le lecteur, étant pour ainsi dire séparé à la fois de la consommation et de la production concrètes de l’œuvre (c’est-à-dire que le lecteur ne se dit pas qu’il est en train de lire une œuvre produite par un auteur mais « se perd » dans la fiction en partie grâce à cette idée du narrateur imposé, finalement).

Le communicateur absent

11Les défenseurs de la théorie du narrateur optionnel refusent aussi l’argument introduit notamment par Barthes (1966), à savoir qu’il faudrait imaginer un narrateur puisque le récit de fiction relèverait par définition d’un acte communicatif. Si le récit de fiction impose l’idée ou la présence implicite d’un narrateur, ne devrait-on pas, en ce cas, concevoir un narrateur dans tout récit (donc dans tout texte narratif ou dans toute création qui expose une suite d’évènements conformément aux définitions du récit) ? Par exemple, quand Meursault nous informe dans l’incipit de L’Étranger que sa mère est morte, y aurait-il même un narrateur « obligé » qui nous raconterait que Meursault nous raconte l’histoire à la première personne ?

12Dans « Auteurs réels, narrateurs réels et rhétorique de la fiction », Vincenz Pieper préfère considérer le récit ni comme le résultat de l’intention de l’auteur ni comme une structure détachée de l’auteur qui s’écrirait plus ou moins indépendamment de lui (certains romanciers du Nouveau Roman marqueraient peut-être l’avis contraire). Quant à la notion de l’auteur implicite, elle lui semble trop loin d’un pôle créatif, notamment d’après la perspective de Chatman (1993), qui voit l’auteur implicite comme un résultat interprétatif du texte. Celui-ci est considéré comme un projet poétique tout en étant détaché de sa création et donc de son créateur (l’auteur). Les réflexions intéressantes de Pieper sur le statut du pôle énonciateur restent à être précisées. Il faudra aussi éclairer comment la perspective de Pieper s’harmonise avec la notion du narrateur optionnel, qui présuppose un choix et donc une intention chez l’auteur.

13Intervient aussi l’argument transmédial : où trouver ce narrateur « obligé » ou même cette voix narrative dans un film ou une série d’images visuelles ? Cette « voix » serait-elle autre chose que le résultat de la construction de l’œuvre : les angles, les plans, la musique, les effets sonores, le coupage, etc. ? Dans cette veine, Kai Mikkonen développe dans « Le narrateur fondamental et le narrateur évanescent : sur les limites historiques et transmédiales du concept du narrateur » une étude comparative d’un roman d’aventures raconté à la troisième personne (en l’occurrence, Tartarin de Tarascon) et sa transposition en bande dessinée ; dans « Le paradoxe de la narration cinématographique », Paisley Livingston poursuit de son côté une piste semblable en démontrant que l’œuvre cinématographique n’implique pas nécessairement un narrateur, dans le sens structuraliste, même si elle offre pourtant une narration (donc expose une histoire racontée) au public.

14Au fond, il suffit de transposer le récit narratif vers le récit dramatique, en abordant la transgénéricité au lieu de la perspective transmédiale, donc sans quitter le domaine littéraire, pour poser la même question : le public perçoit-il vraiment un narrateur en assistant à un drame (et donc un récit) joué au théâtre ? Et que faire d’ouvrages littéraires sans narration, comme le roman épistolaire ? Ce sont ce type de questions qu’abordent Robert S. Kawashima (« Le récit biblique et la mort du narrateur ») et Greger Andersson (« Le narrateur dans les récits bibliques ») en mettant chacun à sa façon en question la validité générale de la théorie pan-narratoriale.

Options théoriques

15On l’aura compris, ce volume constitue une contribution majeure à la théorisation du récit, et peut-être en particulier à la théorisation française du récit, qui montre parfois une légère tendance à se focaliser sur certains instants historiques de la théorie littéraire (comme le structuralisme) de même qu’à certains « instaurateurs de discursivité » (comme Genette). On n’hésitera pas à parler d’une certaine ouverture intellectuelle qui se transmet par ce collectif, peut-être due en partie à la distribution internationale parmi les contributeurs et (par conséquent ?) à la multiplication de toutes les références « optionnelles » (Banfield, Booth, Chatman, Culler, Friedemann, Hamburger, etc.) qui ne figurent pas nécessairement dans les exposés plus traditionnels de la théorie du récit, où semble s’imposer en revanche le point de vue de certains critiques incontournables (Barthes, Genette, Bal, Ricoeur, etc.).

16Le sujet de ce volume demande du temps et de la réflexion pour être entièrement assimilé. Néanmoins, même après une première lecture, on pourrait proposer quelques points de discussion. D’après la définition du narrateur optionnel donnée dans l’introduction, celui-ci serait le résultat d’une « démarche qu’on peut considérer comme intentionnelle » (p. 12). L’idée de suivre la possibilité (« qu’on peut considérer ») de voir tel aspect du récit comme relevant de cette intention, n’ouvre-t-elle pas vers un certain relativisme, vers une méthodologie partiellement interprétative ? La présence du narrateur ici dit « optionnel » (et donc le bien-fondé d’utiliser ce terme dans les analyses) ne s’identifie-t-elle pas plutôt par des marques textuelles objectivement repérables que par la supposition d’une intentionnalité ? S’il s’agit de simplifier la présupposition théorique de la narratologie structuraliste, on pourrait plus simplement parler de narrateur-personnage (au lieu de narrateur homo- ou intradiégétique). Il est aussi difficile de comprendre pourquoi il faudrait faire de l’intention un critère sine qua non ? Si le récit présente de facto un narrateur homo- ou intradiégétique, toute démonstration de l’éventuelle intention ne serait-elle pas superflue ? Encore une fois, si l’on peut induire une « intention » en lisant le récit, c’est bien la conséquence de la présence de certains faits linguistiques, discursifs et narratifs qui font concevoir au lecteur l’image d’un certain auteur. On se rapproche alors du fameux auteur impliqué, d’après la notion de Booth2, notion qu’on aura sans doute raison de discuter plus en relation avec la distinction du narrateur (optionnel) et l’auteur. Seraient peut-être aussi bienvenues davantage de réflexions sur le statut fictionnel du récit (par exemple d’après Ryan, 1991) et la théorie des mondes possibles (Doležel, 1998).

17Cela étant, on accueillera chaleureusement cette réflexion dynamique qui enrichit en définitive le dialogue narratologique. Pour ceux qui souhaitent s’orienter plus généralement dans cette question, on indiquera pour commencer (mis à part l’introduction, bien entendu) les contributions de Boyd, Pieper, Patron et Skalin, qui semblent explorer des problématiques plus englobantes, suivies par les autres articles, Culler en tête, qui s’approchent davantage d’applications sur des matières diverses selon des méthodologies variées. Dans le volume rigoureusement présenté, chaque contribution affiche ses références bibliographiques et le volume contient à la fin une bibliographie générale. Cependant il faut remarquer que cette bibliographie contient presque exclusivement des références à ranger sous l’approche du narrateur optionnel (ou compatibles avec cette approche) : une bibliographie incluant également les ouvrages « classiques » aurait été plus pratique pour celui qui souhaiterait aborder la problématique du narrateur également par l’angle pan-narratorial. En entrant dans les détails, on pourrait aussi noter que la lisibilité est parfois réduite en raison des renvois assez généraux vers des pages dans d’autres ouvrages : « voir par exemple Andersson et Sandberg, 2018, p. 246, 251-252 ; 2019, p. 379 ; Andersson, Klingberg et Sandberg, 2019, p. 13 » (p. 27). Tout en étant admirablement précis, ces renvois présupposent que le lecteur ait accès à ces œuvres afin d’approfondir sa compréhension. Il aurait sans doute été préférable d’inclure des citations ou d’offrir des paraphrases plus développées dans certains cas. L’index des noms ajoute à l’emploi pratique du volume comme future œuvre de référence ; on regrettera seulement l’absence d’un index des notions, qui aurait été bienvenu compte tenu du sujet examiné. Toutefois, ces possibles défauts, légers tout au plus, n’empêcheront pas les chercheurs de réfléchir sur – et peut-être de mettre en question – leurs convictions (ou présuppositions ?) théoriques à travers cette très précieuse contribution à la narratologie contemporaine.

Barthes, Roland, « Introduction à l’analyse structurale des récits », Communications, no 8, 1966, p. 1-27.

Booth, Wayne C., The Rhetoric of fiction, Chicago, University of Chicago Press, 1961.

Chatman, Seymour, Reading narrative fiction, New York, Macmillan, 1993.

Doležel, Lubomir, Heterocosmica. Fiction and Possible Worlds, Baltimore, Londres, Johns Hopkins University Press, 1998

Genette, Gérard, « Discours du récit. Essai de méthode », in Figures III, Paris, Seuil, 1972.

Hamburger, Käte, Logique des genres littéraires, Paris, Seuil, [1957] 1986.

Kayser, Wolfgang, « Qui raconte le roman ? », in G. Genette et T. Todorov (éd.), Poétique du récit, Paris, Seuil, [1958] 1977, p. 59-84.

Sylvie Patron, Le Narrateur. Introduction à la théorie narrative, Paris, Armand Colin, 2009 ; Le Narrateur. Un problème de théorie narrative, Limoges, Lambert-Lucas, 2016.

Sylvie Patron, « Théories de l’absence du narrateur / théories du narrateur optionnel : étude critique de quelques propositions récentes. Pour une histoire des concepts en théorie narrative », dans La Mort du narrateur et autres essais, Limoges, Lambert-Lucas, 2015, p. 165‑186.

Ryan, Marie-Laure, Possible Worlds, Artificial Intelligence and Narrative Theory, Bloomington, Indiana University Press, 1991.