Acta fabula
ISSN 2115-8037

2022
Décembre 2022 (volume 23, numéro 10)
titre article
Anton Hureaux

Pour une poétique de la relique

For a poetics of relics.
Guillaume Artous-Bouvet, Derrida. Le poème, Paris, Hermann, coll. « Échanges Littéraires », 2022, 160 p., EAN 9791037014580

1« Il y a là cendre ». On se souvient que cette phrase de Derrida, et le livre que lui dédia le philosophe de la déconstruction (Feu la cendre), occupaient une place stratégique dans le précédent essai de Guillaume Artous-Bouvet, Inventio. Poésie et autorité (2019). Situé dans les dernières pages de son étude en guise de synthèse conclusive, le commentaire de cette phrase et de sa glose inépuisable désignait le fond derridien de sa conception non mimétique d’une certaine modernité poétique, héritière de Mallarmé. De même qu’il définissait le poème moderne à la fois comme l’épreuve de l’exception du monde, du sujet et d’une parole première par rapport au langage, qui prétend pourtant se fonder en eux, et comme l’exercice d’une répétition inventive de cette origine absente, de même G. Artous-Bouvet reconnaissait dans la phrase « il y a là cendre », dans l’expérience de sa littéralité quasi mutique et dans sa rémanence insistante, « tout à la fois la force d’expropriation qui habite la parole et la puissance de répétition qui la constitue comme le corps consistant d’une mémoire1 » (Artous-Bouvet, 2019, p. 196).

2Derrida, le poème. De la poésie comme indéconstructible, paru en février dernier, est l’approfondissement critique de cette filiation. De là, l’accomplissement d’un double geste dans cet essai. D’une part, l’auteur replace la poésie dans l’entreprise derridienne de déconstruction de l’ontothéologie occidentale de manière à circonscrire sa pensée de la poésie, mais aussi, si l’on peut dire, la poésie de sa pensée. Il ne s’agit naturellement pas d’identifier la poésie à la déconstruction, mais plutôt de reconnaître — c’est la thèse principale et le mouvement général de l’ouvrage — que l’opération derridienne, en faisant en même temps de la poésie un objet « déconstructible » et à déconstruire, parce que reconduisant le fantasme d’une parole de la présence (partie I), et une « force-de-déconstruction » nécessaire à la critique du logocentrisme métaphysique (partie II), éprouve la poésie comme un « indéconstructible » (partie III), ce qui reste à l’issue de l’opération déconstructrice et n’est autre que sa « condition de possibilité “nucléaire” » (p. 15). Mais d’autre part, la lecture de Derrida vise à éclaircir, à partir de cet indéconstructible, le mouvement d’inventivité de la poésie moderne mis au jour dans Inventio. À travers le corpus poétique élargi (puisqu’il intègre des romanciers comme Sollers ou Genet) convoqué par l’œuvre derridienne, mais aussi les textes de Derrida où l’écriture ressortit moins au didactisme philosophique qu’à l’expérimentation poétique (Envois, Feu la cendre et Circonfession), il semble que G. Artous-Bouvet situe dans ce qu’il évoque, furtivement, comme une « poétique du reste » ou « de la relique » (p. 147), la cohérence archivique de cette modernité poétique qui rêve et s’efforce de sortir du langage par le langage.

Le genre sans genre du poème

3La poésie se dit donc, avec G. Artous-Bouvet, comme « indéconstructible », terme emprunté à Derrida qui constitue à l’origine un opérateur philosophique permettant de désigner ce qui réchappe de l’opération déconstructrice, et partant se situe hors de la clôture conceptuelle de la métaphysique. Ce choix lexical dessine en cela un programme et une ambition : il s’agit de dégager les conditions d’une intelligibilité de la chose poétique qui échappe à la législation du logos philosophique. Derrière cet arraisonnement de la littérature à la philosophie, se reconnaît le paradigme de l’absolu littéraire, dont la critique, déjà ancienne chez l’auteur (elle remonte à son premier essai, L’Exception littéraire), se voit ici étayée et recentrée sur la poésie. S’appuyant sur la déconstruction derridienne du signifiant poésie, G. Artous-Bouvet remarque notamment que la consécration de la littérature en une puissance de véridiction est corrélée à l’élaboration de la poésie en un genre identifié à l’essence du langage et au langage de l’essence. Que ce soit en effet dans les systèmes de Rousseau, Hegel ou Heidegger (tous trois convoqués dans le premier chapitre), leurs définitions respectives de la poésie comme « langage originel », « entéléchie » ou « parlé à l’état pur » déclinent la même tentative de cerner le lieu d’une consubstantialité de l’Être et du langage, de manière à valider en retour la prétention du logos à la vérité. « C’est donc en dernière analyse, constate G. Artous-Bouvet, l’idée du langage comme véridiction qui détermine la possibilité d’existence du genre poésie » (p. 27).

4L’approche derridienne de la poésie offre au contraire la possibilité d’une saisie libérée de l’empire du genre, soit de l’impérialisme philosophique. Comme le souligne G. Artous-Bouvet, en réinscrivant la poésie dans l’empirie de l’écriture, non seulement Derrida opère une « dédifférenciation générique » (p. 99) qui accueille des textes traditionnellement exclus du champ poétique (le roman, voire la philosophie), mais il assure aussi la singularisation de toute expérience poétique en faisant valoir contre le poien, production soumise à la législation du genre, le poème, admis comme tel « en tant qu’il excède son genre » (p. 31). Le poème est le nom d’un excès inassignable à quelque concept qui en déterminerait le propre, par quoi le genre sans genre de la poésie se comprend, dans l’économie de l’opération déconstructrice, comme « force-de-déconstruction », c’est-à-dire un instrument par lequel peut s’opérer la critique du logocentrisme, sous condition de son actualisation. À ce titre, la mise en page de Glas, abordée dans le chapitre IV, est sans doute le déploiement le plus spectaculaire de cette activation : l’essai est écrit sur deux colonnes opposant un texte consacré au rationalisme totalisant de Hegel et une lecture de Genet portant son attention sur « cela même que la gestique philosophique ne peut pas intérioriser comme un moment de sa dynamique propre » (p. 63), ce par quoi le logos fait l’expérience de sa limite.

5Pour autant, G. Artous-Bouvet se garde de dramatiser une opposition entre deux modèles de conceptualisation que seraient le genre poésie (déconstructible) et le poème-excès (force-de-déconstruction). Attentif à la leçon de Derrida, qui reconnaissait dans les textes de la modernité littéraire « la manifestation et la déconstruction pratique » (Derrida, 1972, p. 93) de l’idée de la littérature, G. Artous-Bouvet affronte l’antinomie en la resituant au cœur même de la poésie. Pas plus qu’il n’y a de poésie qui soit parole de l’Être, il n’y a de « pur poème de la différe/ance » : « la poésie n’apparaît que sous condition de sa rature » (p. 146), elle se déconstruit en elle-même et par elle-même, ce que révèle l’analyse, au chapitre III, de la lecture derridienne de « Mimique » de Mallarmé. Si Derrida fait jouer le poème mallarméen contre la mimesis platonicienne, il reconnaît aussi et surtout que le poème fait lui-même jouer, contre la référentialité de son langage, la mimique qui, comme la danse, caractérise analogiquement le poème « décisivement dégagé de la littérarité de sa lettre » (p. 59) en tant que tracé de l’Idée sans autre consistance que son tracé. Le poème mallarméen actualise ainsi le « fantasme métaphysique » de son genre en même temps qu’il s’élabore en « maximum de déconstruction » (p. 32) par son excès dans les genres exogènes de la mimique ou de la danse.

6Cette double appartenance, Derrida la désigne, quant à Mallarmé, par le mot « hymen » qu’il trouve dans « Mimique ». L’hymen, à ses yeux, est la figure de l’entre-deux, « ENTRE la littérature et la vérité » (Derrida, 1972b, p. 219), c’est-à-dire entre la littérarité scripturale du poème et l’idée de la poésie (comme mimesis selon la perspective logocentrique), dans laquelle G. Artous-Bouvet décèle un des « noms figuraux par lesquels la déconstruction stabilise provisoirement le mouvement de sa propre rature » (p. 139), soit un des noms de l’indéconstructible. On peut dès lors mieux appréhender la définition de la poésie comme indéconstructible, qui fait la thèse de l’ouvrage. Celle-ci doit s’entendre selon deux sens tenus ensemble et confondus, entre autres, dans la notion d’hymen : elle décrit d’une part la poésie comme « pure intensité déconstructrice » (p. 9), où l’hymen désigne l’indécidabilité du poème qui défait la logique du genre et appelle le geste déconstructeur, et d’autre part la poésie comme « le reste de la déconstruction » (p. 15), ce qui résiste à l’opération déconstructrice et persiste à son issue, en l’occurrence cet « hymen », mot ou morceau du poème qui le soustrait au modèle mimétique et ontologique. La poésie est indéconstructible d’abord parce qu’elle met en crise, dans l’occurrence insigne de son énoncé scriptural, les procédures de signification et de véridiction du langage.

Restance, reste, relique

7En abordant la notion de « reste », G. Artous-Bouvet s’écarte pourtant de l’orthodoxie derridienne. Ce n’est pas qu’il conteste l’argumentaire de Derrida ; il remarque plutôt, dans son écriture, des débordements proprement poétiques — dans le nouveau sens du terme — qui corrigent, plutôt qu’ils ne contredisent, une définition du reste qui, à s’en tenir au seul exposé théorique, répète la règle de la différance. Le problème porte en particulier sur « l’aporétique du reste » (p. 65) telle qu’elle se condense dans le concept derridien de « restance ». Comme le rappelle G. Artous-Bouvet, ce néologisme, forgé par « contraction syllabique de résistance », nomme « l’effet d’une résistance “non ontologique” » (p. 101), autrement dit, dégagée de toute logique qui voudrait lui donner une consistance phénoménale, ontique ou verbale. La « restance » ne réfère ni à une chose du réel qui échapperait au langage (et donc qui resterait à dire), ni à une objectalité chosale du texte écrit (qui resterait une fois épuisée la procédure herméneutique). Elle renvoie plutôt à une « chose d’écriture excédant la densité phonique ou graphique de l’objet verbal » (p. 81), pur effet de la dissémination où s’éprouve le pli différantiel de l’archi-écriture, en somme un « effet de restance sans reste » (p. 65).

8Le fait est, malgré tout, que les commentaires derridiens s’appuient sur une « matérialité du reste » (p. 100), une marque ou trace verbale insistante qui produit l’effet de restance, à l’instar de « l’hymen » mallarméen. L’analyse de cet impensé s’articule en deux moments. Dans un premier temps, reprenant la dialectique du signe et de l’indice exposée dans La Voix et le phénomène2, G. Artous-Bouvet s’attache à restituer la « qualité indicielle du texte poétique » (p. 95) et de ses signes. Ainsi de la date qui ouvre le poème de Celan « Dreizehnter Februar ». À suivre Derrida, cette date ne renvoie à rien, l’écriture l’a coupée de sa circonstance : comme indice d’un évènement, elle est cryptée et illisible ; comme signe, elle est lisible, mais fondue dans une universalité qui la prive de la singularité de l’évènement. Mais l’argument se retourne dès lors qu’on interroge la cause de l’interprétation derridienne : c’est l’expérience de lecture de cette date qui conduit le philosophe à l’alternative entre lisible et illisible, précisément parce que « le poème fait signe vers la nécessité d’une circonstance » (p. 95) qu’il intègre à son écriture comme une absence, et non comme une présence. Aucune logique mimétique donc, mais une logique de « l’exception » selon laquelle le poème est « force de preuve ou d’impreuve qui témoigne qu’il y eut quelque chose, plutôt que rien » (p. 108). Le poème, en ce sens, constitue le reste de quelque chose (évènement, chose) ou quelqu’un (sujet ou destinataire) qui s’éprouve, dans son exception au langage, comme son origine irréfutable quoiqu’insaisissable sur le mode de l’être, et par conséquent ne pouvant jamais valoir de référent transcendantal.

9Dans un second temps, G. Artous-Bouvet s’efforce de resituer le reste dans la corporéité langagière du poème, retrouvant par-là une des conclusions d’Inventio : « contrairement à ce que pourrait suggérer la thèse d’une dissémination illimitée, il y a toutefois poème, c’est-à-dire proposition ou imposition affirmatives d’une forme qui insiste selon la puissance d’une mémoire paradoxale : ainsi, de l’énoncé Il y a là cendre » (Artous-Bouvet, 2019, p. 204). Le propos se précise dans le présent essai, grâce au redoublement de la lecture de Feu la cendre par celle de Circonfession : le poème donne moins « forme » au reste, ce qui reconduirait à une analyse allant des mots aux choses, quand bien même le référent serait une absence, qu’il n’est « configuration d’un reste » (p. 97), avènement d’une phrase qui rétrospectivement, par le seul fait de son évènement, s’éprouve comme mémoire d’une origine absente. « Phrase » signifie avec Circonfession « force d’évènement » qui « promeut l’occurrence “unique” d’un “nom propre” […], c’est-à-dire de ce nom comme troué par l’exigence d’un autre nom » (p. 141). Dans l’énoncé il y a là cendre, ce n’est en effet pas le mot « cendre » qui localise et identifie le reste d’un feu, c’est la phrase elle-même, dans son surgissement et sa résurgence, qui est conflagration où s’affirme un « il y eut » non reconstituable dans un nom.

10Ainsi redéfini, le reste est rendu solidaire d’une mémoire. C’est pourquoi, au terme de son parcours, G. Artous-Bouvet choisit au lieu du « reste », pour qualifier le poème, le terme de « relique », emprunté à Michel Deguy, qu’il décrit comme ce qui permet non de « “faire signe” vers » mais de « manifester visiblement (et lisiblement) une absence » (p. 150). Car, l’auteur y insiste, cette mémoire est une « mémoire paradoxale », qui se soutient dans la répétition d’une expérience (celle d’un 13 février) ou d’une phrase (il y a là cendre) premières illisibles, qui ne s’actualisent jamais pleinement dans le poème pas plus qu’elles n’arrêtent un point de réalité tangible antérieur où se résorberait le sens du poème. La mémoire poétique n’est ni remémoration, ni imitation, elle est invention : « l’inventio, la trouvaille du cœur » (p. 19), où le « cœur » doit s’entendre dans l’économie de l’expression « apprendre par cœur », et par conséquent « l’inventio » comme la réécriture ou le dépli périphrastique de cet énoncé originaire, qui n’a d’autre consistance ou existence que la trace de son absence dans le poème voué à son itération. Mais cette inventivité n’est pas création de nouveauté : elle est reliquaire, donc répétition « d’une singularité qui revient dans l’incomparable de sa littéralité » (p. 20).

Résistance de la poésie

11L’indéconstructibilité de la poésie procède ainsi de sa condition reliquaire. La relique, en effet, n’est ni un thème, ni une figure : elle est la force de résistance même de la poésie à toute interprétation qui voudrait en épuiser la signification par la filiation du poème à l’unité d’un sujet, d’un objet du réel, ou de l’expérience vécue de leur relation. Certes, G. Artous-Bouvet maintient l’idée d’une « cause » ou « Chose » du poème — ce que M. Deguy appelait la « raison poétique » (Deguy, 2000) pour désigner à la fois la pensée du poème et son principe de raison suffisante — en « cela qui fut » ou « cela qui suscite la surrection singulière d’une forme reliquaire » (p. 152). Mais cette Chose ne se trouve nullement affectée, par quelque effet de récursivité du poème, d’un coefficient de présence, pas plus qu’elle ne constitue un secret qu’il reviendrait au commentaire d’élucider en le ressaisissant dans une langue rationnelle capable d’expliciter la vérité du poème. Avec la relique, c’est précisément l’effet de présence « qui ne se trouve même plus promis », pas même dans le négatif de l’absence, car « la présence de ce qui reste (en relique) a été détruite, irrémédiablement » (p. 151), ne serait-ce que par le passage de sa singularité dans l’universalité de la langue. Le déplacement est capital, il touche au régime du commentaire littéraire : contre l’herméneutique orientée par la reconstitution d’un sens définitif du poème, G. Artous-Bouvet fait valoir une hermétique du poème, qui reconnaît l’irréductibilité de sa Chose au commentaire, et par-là son inépuisabilité dans le geste interprétatif.

12Mais, dans un même temps, il assume la nécessité du commentaire herméneutique, induite par la poésie même. C’est que la cause ou Chose du poème ressortit moins à une volonté référentielle qu’au geste énonciatif de « l’appel » (p. 92), qui ouvre indéfiniment à l’altérité d’un autre discours voué à explorer le secret ou l’énigme insaisissable de ce qui fait relique. D’où le renversement qui s’opère dans la conclusion de l’essai : la Chose du poème est tout autant « cela qui fut » que « cela qui sera » (p. 153), par son itération exigée dans un commentaire, mais aussi et surtout dans un autre poème, qui peut être le poème d’un autre, et de n’importe quel autre. G. Artous-Bouvet parle à ce propos d’une « bénédiction » : « l’appel du poème à la bénédiction est, conformément à l’étymologie, un appel à un dire (bene dicere), c’est-à-dire en quelque façon à en répondre par un autre poème » (p. 153), sans pour autant que la futurition n’épointe sa force de résistance à toute tentative de figement de sa signification. Indéconstructible en ce qu’elle est inépuisable dans un sens, la poésie l’est aussi en ce qu’elle est impérissable dans son insistance reliquaire, sur le mode moins d’une survie que d’une « survivance3 » itérative de sa Chose.

***

13On l’aura compris, la « poétique de la relique » mise au jour dans Derrida, le poème ne relève nullement d’un ensemble de traits définitoires délimitant une esthétique, mais d’une éthique des écritures poétiques modernes, qui engage une politique. Cette éthique, G. Artous-Bouvet la résume dans la notion de « spectre », telle que la décrit « l’hantologie » développée par Derrida dans Spectres de Marx (Derrida, 1993, p. 31). Si « l’expérience poétique relève du spectral » (p. 153), c’est parce qu’elle tient le pli sujet-langage-monde non dans l’économie ontologique et mimétique de la présence (du sujet au langage, du langage au monde, du sujet au monde), mais dans l’économie d’une « revenance » ou retour, dans le langage, du sujet ou de l’objet du dire dans une altérité à eux-mêmes. Par ce retour du même dans l’autre, l’éthique rejoint la politique : non seulement le poème, en éprouvant l’impossibilité de dire son expérience originaire, constitue « la novation d’une forme inédite » (p. 96) qui rompt le cadre normé de l’horizon expérientiel, mais de surcroît, cette forme ne vaut que réinvestie par le lecteur, soit n’importe quel autre sujet qui répond à l’exigence de la répétition en approfondissant la lacune du poème, par le poème. Le poème reliquaire est démocratique car « en puissance d’une (autre) écriture » (p. 153), ce que J. Rancière décrivait comme une « démocratie de la lettre muette-bavarde » (Rancière, 2011, p. 100), coupée de son origine (muette) et ouverte à tous (bavarde). N’est-ce pas d’ailleurs ce geste démocratique qu’accomplit G. Artous-Bouvet, cette fois le poète, dont le dernier recueil, Glacis, que l’on pourrait sous-titrer « reliques de Balzac », avive et partage, par sa réécriture des incipits de La Comédie humaine, l’inquiétude et l’énigme insoluble d’une habitation humaine du monde, cette « hypothèse d’un lieu (tout, que pèse la main) » (Artous-Bouvet, 2021, p. 18) ?

Artous-Bouvet Guillaume, L’Exception littéraire, Paris, Belin, coll. « L’Extrême contemporain », 2012.

Inventio. Poésie et autorité, Paris, Hermann, coll. « Échanges littéraires », 2019.

Glacis, suivi de Bêtes sans dieu et de Fungi, Vareille, La Rumeur libre, 2021.

Deguy Michel, La Raison poétique, Paris, Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2000.

Derrida Jacques , La Voix et le phénomène, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1967.

Positions, Paris, Minuit, coll. « Critique », 1972a.

— « La double séance », in La Dissémination, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 1972b.

Spectres de Marx, Paris, Galilée, coll. « La philosophie en effet », 1993.

Rancière Jacques, La Parole muette, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2011.