Acta fabula
ISSN 2115-8037

2017
Juin 2017 (volume 18, numéro 6)
titre article
Simona Jişa

De ville en ville (guide du routard littéraire québécois & acadien)

Anne-Yvonne Julien & André Magord (dir.), Littératures québécoise et acadienne contemporaines. Au prisme de la ville, Rennes : Presses universitaires de Rennes, coll. « Plurial », 2014, 530 p., EAN 9782753532892.

1« Ville » provient de villa, signifiant, à l’origine, « ferme », « maison de campagne », donc « village », pour devenir ensuite « une agglomération urbaine formée autour d’une ancienne cité, sur le terrain d’anciens domaines ruraux », proche en cela de « vicus », qui désigne « un pâté de maisons, un quartier dans une ville, un bourg, un hameau » : rappelant l’étymologie du mot-clé du volume, Mireille Calle Gruber (p. 371) et Jean Levasseur(p. 468) illustrent ainsi l’évolution thématique du roman canadien au début du xxe siècle, du topos rural vers le topos urbain. La littérature canadienne s’ouvre à la thématique de la ville après la Seconde Guerre Mondiale, avec comme point de départ fictionnel le roman de Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion. Depuis lors, elle ne cesse de s’enrichir en perspectives urbaines.

2Le volume coordonné par Anne-Yvonne Julien et André Magord recueille les contributions d’une trentaine de spécialistes dans les littératures québécoise et acadienne, s’attardant sur différents genres littéraires (roman, nouvelle, poésie, théâtre, essai, science-fiction, musique, etc.). Ils ont opté pour une organisation thématique qui permet des comparaisons beaucoup plus enrichissantes, faisant miroiter efficacement les facettes du « prisme » appliqué au regard porté sur la ville. Anne-Yvonne Julien anticipe, synthétise ou complète les grandes articulations du volume par des introductions utiles qui nuancent les articles des différents collaborateurs.

3Il nous semble juste que ce volume n’ait pas opéré une scission forcée entre les deux littératures qui apparaissent dans le titre, ce qui aurait conduit à une ségrégation non fonctionnelle au niveau des imaginaires. Les articles trahissent néanmoins des difficultés terminologiques que chaque contributeur essaie de résoudre à sa manière. Lucie Hotte propose ainsi de nommer les corpus acadien, franco-ontarien et franco-manitobain sous la forme généralisante de littératures franco-canadiennes. Nous considérons que l’appellation de littérature canadienne d’expression française est un concept politiquement correct (pour les lecteurs hors Canada, pour qui les frontières fédérales comptent moins que la valeur des textes lus), à compléter par l’indication de la province, si cela est important pour distinguer les topoï ou les particularités socio-historiques.

4Le mérite de ce volume consiste aussi à attirer l’attention, par cette focalisation organisatrice, sur le chronotope, afin de mieux réfléchir sur les particularités des villes qui représentent la toile de fond des narrations ou des descriptions. Pour ces textes, le syntagme « art pour art » est trop simpliste, car, de façon plus ou moins intentionnelle, ils permettent au lecteur de connaître aussi les aspects politiques et socio-économiques du Canada, sans lesquels l’interprétation risque d’être erronée.

5Les articles sont regroupés thématiquement dans le volume. Toutefois, nous voudrions faire une présentation qui part des villes francophones les plus importantes, chaque contributeur venant avec son morceau de puzzle littéraire. Nous désirons en effet apporter au prisme éclaté proposé dans le présent volume une nouvelle facette, celle du lecteur européen, certainement intéressé par une littérature canadienne dynamique, qui a suivi un itinéraire différent de la littérature française métropolitaine. Pour éviter la confusion nominale avec les écrivains, les noms des auteurs des articles seront mis en italiques.

Montréal

6Le volume bénéficie d’une longue étude introductive, réalisée par une spécialiste en la matière, Lise Gauvin, qui fixe chronologiquement les particularités de chaque période, afin de répondre à la question : « Comment peut-on être montréalais ? ». Cette ville cosmopolite s’est constituée un statut mythique, avec ses quartiers et rues célèbres (le faubourg Saint-Henri, le Plateau Mont-Royal, Outremont, Westmount, Côte-des-Neiges, Outremont, Mile-End, la rue Sainte-Catherine), toile de fond ou de surface pour plusieurs textes qui font ici l’objet d’analyses.

7Ainsi l’avènement de la ville dans la littérature canadienne québécoise et acadienne a été thématique dans un premier temps, avant d’être formel. Lorsqu’elle fait son entrée dans la littérature, Montréal apparaît dans les romans réalistes comme un « lieu de dépossession » et « d’isolement » (p. 15) ; dans les années 1950 et 1960, la nouvelle impose déjà la vision fragmentée et la nostalgie de la campagne dont souffrent les personnages déracinés ; les décennies ultérieures traitent la ville ou le quartier comme un véritable personnage qui parle joual, qui plonge parfois dans le fantastique, ce qui contribue à les transformer en espaces mythiques ; dans les années 1980, la ville de Montréal devient un « chaos » et un « cahot » (p. 22), « mystérieuse », « secrète », « cachée » ou actuellement « tentaculaire », un « ghetto » (p. 24). Elle est aussi la ville des migrants, pleine ou non de promesses, où les cultures et les modes de vie se superposent comme un patchwork. En assumant le terme de « rhizome » d’Édouard Glissant (via Deleuze et Guattari), la ville met en scène la parole migrante qui définit une société microcosme de l’humanité entière.

8La ville (Montréal, en l’occurrence, mais une généralisation est fort possible) est « arpentée » dans toutes les directions ; elle devient, à tour de rôle, de la « ville des autres », une « ville-personnage », une « ville réappropriée », une « ville-fragment », « éclatée », « inhumaine », « rhizome » (p. 14) « désertée » (p. 17), « fresque » (p. 18), « hétéroclite » (p. 23), « caméléon », « cosmopolite » (p. 28) que les autres contributeurs s’empressent de nuancer. Incontournable est, dans la vision d’Anne-Yvonne Julien, Michel Tremblay, véritable « chroniqueur de plateau ».

9Ce canevas introductif proposé par Lise Gauvin est enrichi par d’autres interventions, bâtissant un « Montréal imaginaire » à mille visages, inépuisable, toujours en projet et jamais en forme définitive. Daniel Laforest remarque l’importance du groupe homonyme (« Montréal imaginaire ») qui, dans les années 1990, a constitué un point de repère dans l’analyse de l’espace urbain.

10Alex Demeulenaere déplace la discussion vers le syntagme de Michel de Certeau – la ville-concept, régie par les lois du progrès – pour le rendre opérable dans le cas du roman Nikolski de Nicolas Dickner. Il y remarque le passage obligé par l’histoire sociétale, d’une ville moderne à une ville postmoderne et postanationale.

11Montréal est aussi le (non-)lieu où les riches et les pauvres, les forts et les faibles cohabitent, comme il découle de l’analyse de Jean-Simon Desrochers faite par Louis Bélanger. Emmanuelle Tremblay voit chez Rachel Leclerc une sorte d’exil lorsqu’on vient de l’arrière-pays vers la ville et qui entraîne une dégradation de l’être humain. Gabrielle Parker analyse, par le prisme de Dany Laferrière, « la ville intérieure » qui est le double luxueux, propre, vivant de la ville extérieure sordide, peuplée de déracinés. De façon complémentaire, pour Cécilia W. Francis, la Montréal d’Abla Farhoud illustre le topos de la transculture et de l’hospitalité.

12Peter Wurm remarque que « l’insularité » de la ville de Montréal la prédispose aux solitudes, et il met aussi en valeur le côté américain de la ville retrouvé chez Réjean Ducharme. L’auteur nomme Montréal ville « trophou », selon le mot-valise inventé par Roch Plante (pseudonyme de Réjean Ducharme), mélange du mot « trophée » et « trop fou », mot-hommage à cette ville cosmopolite, dynamique, mais que chaque écrivain plie à son rythme et à sa sensibilité propres.

13Les autres villes n’ont pas l’étendue « littéraire » de la « capitale culturelle » qu’est Montréal. Dans le cadre de ce compte-rendu, nous nous bornerons à certains aspects des autres villes canadiennes, dans l’espoir qu’ils donneront au lecteur le désir de continuer l’exploration.

Autres villes canadiennes

Québec

14Stefania Cubeddu-Proux synthétise l’image du quartier du Vieux-Québec chez Jacques Poulin en extrapolant l’image symbolique de la maison, en tant que protection, vers ses frontières naturelles (le fleuve Saint-Laurent) et murales. La ville de Québec, nommée ou devinée chez Anne Hébert attire l’intérêt de Maurice Arpin : c’est l’espace de la flânerie, mais il atteste aussi d’une référentialité modifiée conformément aux lois intertextuelles, capable de créer un imaginaire cohérent, mais qui ne vise pas une reproduction exacte de la réalité.

Moncton

15Ariane Brun del Re voit Moncton comme la capitale culturelle de l’Acadie. Le poète Gérard Leblanc est celui qui est à l’origine du mythe de la ville, continué, plus récemment, par France Daigle. Gerardo Acerenza attire l’attention sur la réception problématique de quelques textes de Jacques Ferron, placés à Moncton : tout espace littéraire renvoyant à une dénomination réelle court le risque d’être identifié avec la réalité même, et tout écart inquiète le public.

Sudbury

16Générant dans la vision de François Paré une « littérature de la conscience », Sudbury, la cité du Nickel, relève plutôt selon Johanne Melançon d’un « espace imaginé » (p. 152). C’est un espace contradictoire qui se meut selon des perceptions personnelles : si Patrice Desbiens y voit une ville infernale, Robert Dickson en extrait la sensibilité.

Ottawa

17Ariane Brun del Re étudie les causes pour lesquelles la capitale officielle du Canada n’est pas devenue aussi une capitale littéraire, sans pour autant nier son rôle dans la promotion de la littérature franco-ontarienne. Elle met en évidence le rôle de Daniel Poliquin dans l’introduction de cette ville sur la carte culturelle du Canada.

Chicoutimi

18Denisa Oprea y voit « la malédiction des petites villes » (p. 232), ville en train de perdre sa personnalité, de s’américaniser chez Lise Tremblay sous l’empreinte d’une postmodernité sombre.

Les villes du monde

19Lucie Hotte constate que le topos qui intéresse les écrivains n’est pas exclusivement canadien. Paris reste une ville mythique, mais aussi secrète pour les Canadiens, « ville internationale de l’écriture » (p. 166). Carla van den Bergh passe en revue plusieurs formules parisiennes : le roman (satirico-) touristique, le roman de l’échec de l’écrivain québécois, le roman du roman, le roman poétique. Camille Deslauriers y ajoute les villes anglaises des nouvelles de Christiane Lahaie.

20Si certaines interprétations visent le particulier individualisant, d’autres se prêtent à des généralisations, dont la conclusion la plus importante est que la ville est un microcosme qui reproduit le monde et ses différents rapports de force, identifiables partout. Ainsi, dans l’introduction au deuxième chapitre, Anne-Yvonne Julien, établit les pôles de valeurs en tension ; elle envisage l’antinomie rural-urbain, développé par Lucie Hotte qui fait référence au fait que certains écrivains, surtout hors-Québec (en l’occurrence France Daigle, Simona Chaput et Daniel Poliquin) sont nés dans des zones rurales et qui laissent transparaître dans certains de leurs textes « la ruralité de l’urbanité » (p. 44).

21Anne-Yvonne Julien remarque aussi le rapport conflictuel centre-périphérie, se superposant sur une autre dichotomie de souche linguistique (entre les anglophones et les francophones) ou financière (riches-pauvres ou plutôt bourgeois-ouvriers). Elle envisage non seulement Montréal, mais aussi Québec (ville mythique des origines), Moncton (cité acadienne), Ottawa (pour la littérature ontarienne), Sudbury (nouvelle mine littéraire) ou même Paris en tant que ville de référence, cachée, énigmatique se prêtant à des connexions subtiles.

22Une attention est accordée aussi à la figure du « nouveau venu » (Lucie Hotte), alter ego des écrivains, ou de l’« exogène » (Juliette M. Rogers) qui a remplacé le conquérant traditionnel, mais qui offre un regard frais sur une réalité amorphe pour les habitants, réinvestissant le banal de valeur littéraire. C’est Dany Laferrière qui parle de Montréal, mais aussi des villes de son Haïti natal ou de Miami à un niveau sensoriel (analyses de Juliette Valcke et Gabrielle Parker), la perception des différences entre ces villes conduisant l’auteur à une profonde connaissance à la fois urbaine et de soi-même.

23La « flânerie » de Régine Robin dans ces « mégapolis » est analysée par Klaus-Dieter Ertler. tandis que Jonathan Lamy Beaupré réfléchit sur la déambulation urbaine poétique qui met l’individu en crise.

24Ainsi, l’époque actuelle, nommée par Michel Biron « période postnationale de la littérature québécoise » fait, de la ville, une ville du monde, ancrage pour toute histoire et toutes sortes de personnages ; la ville s’ouvre au monde, devient Ville du monde.

La banlieue

25La banlieue comme segment essentiel de la topologie urbaine est analysée par plusieurs contributeurs : Gerardo Acerenza parle de celle de Montréal (la Ville Jacques-Cartier), « en perdition » (p. 81), qui se développe rapidement, et qui constitue la toile de fond pour la description des mouvements sociaux de la fin de la sixième décennie. Geneviève Chovrelat-Péchoux apporte en discussion le terme de « rurbain » (chez Jacques Ferron, p. 89) pour montrer que les mentalités ne changent pas aussi rapidement que la ville qui englobe les petites localités avoisinantes. Daniel Laforest remarque la vision anhistorique et stéréotypée de la banlieue, en tant que zone marginalisée du point de vue culturel, espace de la solitude, de la recherche désespérée d’un bonheur, souvent matériel, intangible, en prenant pour exemple le premier roman québécois sur le périurbain, Negrès blancs d’Amérique de Pierre Vallières.

26Un type particulier d’espace est relevé par Jean Levasseur : l’entre-ville, qu’il analyse dans le cas de Sergio Kokis, un entre-deux qui reflète le désir de l’homme de faire partie de l’espace urbain et de l’espace rural.

La ville-langue

27Une particularité claire de la littérature de ces territoires canadiens est l’association de l’espace à la langue française. Ainsi l’aspect linguistique donne une note définitoire par le lexique, par la prononciation, par l’influence de l’anglais – qu’elle soit constatée objectivement ou perçue comme une menace –, l’utilisation du français standard, du joual ou du chiac.

28Plus problématique nous semble l’aspect relevé par Gerardo Acerenza et Geneviève Chovrelat-Péchoux et qu’illustrent les livres de Jacques Ferron, celui de la crise du français à Montréal, langue qui court le danger de disparaître au profit de l’anglais (« l’enfer urbain »), à l’opposé de la situation du français en Gaspésie (« un paradis linguistique », p. 77).

Approches socio-urbaines

29Daniel Laforest analyse la ville non pas en termes de spatialité, mais d’habitabilité, mettant en valeur le processus socio-historique de l’urbanisation. Il insiste sur un topos, « l’arrivée en ville » et sur l’instauration de la polysémie textuelle à partir du « kaléidoscope social de l’urbanité » (p. 116).

30Une constante hors frontières dans la symbolisation de la ville va dans la direction infernale : villes-labyrinthe, villes apocalyptiques (relevant plus ou moins de la science-fiction), non-lieux où l’homme perd ses repères et son identité. L’« anthropologie de la surmodernité » que proposait Marc Augé pour circonscrire certains endroits qu’il nommait « non-lieux » ne pouvait pas faire l’économie d’une lecture de la ville contemporaine (visant les grandes surfaces, les gares). Les « lieux de mémoire » (Pierre Nora) sont surtout ceux de la mémoire générationnelle. Sarah Anaïs Crevier Goulet s’intéresse à un imaginaire bien particularisant, celui de Catherine Mavrikakis et sa « nécro-polis », relevant la fascination pour le cimetière, hétérotopie emblématique pour un monde infernal.

31Des visions inattendues sont proposées par Élodie Vignon et par Pamela V. Sing. La première s’intéresse à Nicole Brossard en étudiant son « désert mauve » comme un espace féminisé en opposition avec la ville, espace plutôt masculin. La deuxième, s’attachant à l’œuvre de Ying Chen, analyse la ville dans la perspective d’une femme transformée en chatte, ce qui offre une découverte sensorielle de la ville.

32L’approche écocritique est envisagée par Irène Oore qui parle de la ville malade polluée et par Juliette M. Rogers qui recourt à la géocritique pour analyser les textes de Monique Proulx, afin de montrer des clivages survenus dans la perception d’un même topos grâce à une triple optique (endogène, exogène et allogène).

33Une perception intéressante sur la reconfiguration de l’espace urbain est donnée par la littérature de la « migrance » (Émile Ollivier). Anne-Yvonne Julien insiste sur la rupture des deux concepts, l’identité et la territorialité, dont l’alliance n’est plus fonctionnelle dans le cas des migrants. Les écrivains « postexiliques » (Simon Harel) et la « littérature néo-québécoise » atteste d’un paradoxe résumé par Klaus-Dieter Ertler : l’« enracinement des écrivains migrants traditionnels et [l’]entrée en migrance des anciens "pures-laines" » (p. 404). Les écrivains pris en considération sont nombreux (Dany Laferrière, Ying Chen, Sergio Kokis, Abla Farhoud) et ils illustrent majoritairement l’opinion de Simon Harel (sur les traces de la « créolisation » chez Édouard Glissant) visant le refus d’une intégration, mais affirmant plutôt une relation rhizomique, qui, selon Cécilia W. Francis, reflète « la possibilité de cumuler plusieurs langues et signalisations identitaires, renvoyant au croisement culturel que favorise le cosmopolitisme des mégapoles. » (p. 492).

34L’impact des genres en marge de la littérature proprement dite, comme la revue Mainmise qui a marqué la septième décennie, issue du courant de contre-culture hippie, est étudié par Jean-Philippe Warren. La ville y est objet de dénonciation, comme topos déshumanisant de la société de consommation, perçue par couches sociales, donc fragmentée (Irène Oore).

35Conviée à donner son opinion sur le reflet littéraire de la ville dans la science-fiction, Sophie Beaulé montre que le fantastique sert lui aussi à transfigurer les angoisses, les mouvements socio-politiques et les espoirs des dernières décennies.

36Robert Proulx cherche à montrer que la chanson peut elle aussi refléter la ville, en analysant la thématique des vers du groupe montréalais Beau Dommage. Larry Steel fait de même en prenant le cas des artistes acadiens Lisa Leblanc et le groupe Radio Radio.

Conclusion

37Ce volume fait apparaître la façon dont l’histoire est étroitement liée au topos, conférant un statut particulier au chronotope canadien, entraînant des quêtes identitaires et incitant à des découvertes. Néanmoins, plusieurs critiques n’oublient pas de mentionner le désir des écrivains canadiens de créer une littérature-monde.

38Il est à remarquer l’intérêt que la ville de Montréal présente, se constituant comme toile de fond ou personnage dans beaucoup de textes. Cela nous fait tirer la conclusion que la littérature québécoise se porte au mieux et que Montréal est en train de bénéficier de la même fascination mythique que Paris pour les écrivains français. La valeur ajoutée de ce livre consiste dans le texte de la célèbre écrivaine Régine Robin, « Montréal, l’apprentissage de la bigarrure » qui parle de son rapport à cette ville « métissée, polyphonique », « Montréalissime » (p. 423).

39Par son éclectisme, le volume offre un panorama opératoire sur la thématique de la ville et propose des grilles différentes pour aborder des genres variés. Les topoï littéraires traditionnels (la promenade, la flânerie, l’errance) ou modernes (la dérive, la migrance) invitent à une traversée esthétique de la ville qui offre de belles suggestions de lecture. Les contributeurs ne se sont pas tant attachés à remettre en question les théories portant sur la définition du topos urbain qu’à relever la richesse de la mise en fiction de la ville dans la littérature francophone canadienne.