Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2015
Mai-juin-juillet 2015 (volume 16, numéro 5)
titre article
Olivier Migliore

Chanson & littérature : multiplier les approches

La chanson populittéraire. Texte, musique et performance, sous la direction de Gilles Bonnet, Paris : Éditions Kimé, coll. « Cahiers de marge », 2013, 384 p., EAN 9782841746255.

Il en va de la musique et de la chanson comme de multiples autres faits culturels : on a le plus souvent tendance à les traiter en fonction de nos références propres, de notre héritage, de nos habitudes, sans nous demander si ces faits ne comportent pas une certaine spécificité qui justifierait un discours critique spécifique1.

1Aragon repris par Georges Brassens ou Léo Ferré, Je voudrais pas crever de Boris Vian qu’adaptait encore il y a peu le groupe français Les Têtes raides sur leur album Fragile (2005), les références affichées à des auteurs tels que Lautréamont ou Vladimir Maïakovsky dans les chansons rock du groupe français Noir Désir, ou encore leur concert unique du 21 juillet 2002 donné au cloître des Ursulines à Montpellier autour d’une œuvre littéraire de Bertrand Cantat nommée précisément Nous n’avons fait que fuir (et non Nous n’aurons fait que fuir comme le note Gilles Bonnet dans l’avant‑propos de cet ouvrage, p. 18) ; nombreux sont les exemples d’emprunts, d’adaptations ou de citations de fragments d’œuvres littéraires dans la chanson française. Celle‑ci et la littérature entretiennent des relations multiséculaires parfois jugées incestueuses, entre le populaire et le raffinement, entre sphère orale populaire et savante, entre métrique musicale et métrique littéraire, relations qui influent progressivement et subtilement sur ces deux formes d’art. C’est précisément ce que cet ouvrage se propose de questionner, dépassant des tensions jusqu’alors assumées sous le dogme d’une éternelle séparation entre populaire et savant, préférence scientifique multiséculaire pour l’œuvre canonisée, au détriment de « chansonnettes » convenant certainement mieux « aux goûts de la population la moins cultivée2 ». Cet ouvrage collectif se propose d’ouvrir la boîte de Pandore en réunissant dix‑neuf contributions autour de la question, contributions principalement rédigées par des spécialistes de littérature. Le lecteur s’étonnera alors du manque évident d’articles de musicologues, absence qui s’explique encore par un désintérêt d’une discipline pour les musiques populaires. En effet, la musicologie peine encore à développer des méthodologies adaptées à l’analyse des styles musico‑littéraires populaires. Cela s’explique d’abord par un rejet institutionnel de ces formes mais également par son incapacité à analyser un matériau musical considéré comme pauvre, ne parvenant pas à déceler les caractéristiques esthétiques qui font l’intérêt de la chanson. Les approches littéraires, sociologiques et philosophiques, indispensables à la compréhension de cette dernière, se multiplient ainsi, mais délaissent en conséquence tout un pan de son esthétique. Le collectif La chanson populittéraire Texte, musique et performance dévoile ainsi des contributions inter, voire transdisciplinaires, qui viennent combler le manque d’approches musicologiques, associant majoritairement des articles dus à des linguistes, des chercheurs en littérature et des sociologues. L’optique générale est claire, il s’agit de dépasser les clivages savant/populaire, et ce, afin d’examiner sur nouveaux frais les relations qu’entretiennent la littérature et la chanson au fil des siècles.

Questions de formes

2Mais revenons sur le titre principal, La chanson populittéraire. Au delà du néologisme ou du « mot valise » (comme le qualifie Gilles Bonnet, p. 19), il introduit ou sous‑entend un ouvrage consacré à une étude d’un genre de chanson conçu comme populaire et littéraire dans un même temps. Le terme populittéraire est ainsi proposé et sous‑titré de trois éléments (texte, musique et performance) qui se rapprochent de ceux qui, selon Stéphane Hirschi et ses études cantologiques, permettent de considérer la chanson « dans sa globalité (paroles, musique et interprétation) » (p. 326), indiquant au chercheur averti l’actualité dans laquelle pourrait se placer le travail de recherche mené ici. Le titre annonce alors tout un programme, celui de la définition d’un nouveau terme ou d’une nouvelle forme en premier lieu, et les éléments constitutifs par lesquels il ou elle sera étudié. Seulement, le lecteur risque d’être surpris. Il s’agit plus d’exprimer par une métonymie l’axe principal (expliqué plus haut) par lequel sera abordé l’objet chanson que d’attribuer un terme à une nouvelle forme musico‑littéraire. L’avant‑propos de Gilles Bonnet l’explique par ailleurs très bien et explicite également les titres intrigants donnés au trois grands chapitres de cet ouvrage : Cantèmes, Cantextes et Cantogrammes. Cette classification permet ainsi d’organiser les contributions sans aucune distinction disciplinaire, favorisant la relation durant la lecture entre les disciplines, les méthodologies et les corpus.

3Cependant, nous pensons qu’il eût été plus ergonomique pour le lecteur que les articles soient réunis autrement car cette classification se base sur des concepts trop flous, ne permettant pas au lecteur de déceler de réel fil conducteur durant sa lecture. Les articles s’enchaînent, nous surprennent, nous intéressent, mais lorsque nous tentons de chercher une cohérence dans leur succession, nous envisageons assez rapidement d’opter pour une toute autre classification. Il eût par exemple été possible de réunir les articles en fonction de la période dans laquelle se situe les corpus étudiés, réunissant, comme il semble que ce soit souhaité, toutes les disciplines autour d’une époque délimitée, questionnant les liens entre chanson et littérature au travers d’œuvres d’une même période. Il eût également été possible de rapprocher des articles dont les méthodes sont analogues ou proches, ou encore d’établir des chapitres en fonction de la nature de l’objet étudié, s’agit‑il d’une œuvre pluridisciplinaire, d’une œuvre musicale ou d’une œuvre littéraire ? Au delà de ces quelques interrogations sur la structure de l'ouvrage, il s’agit à présent d’observer d’un regard critique les contributions qui le constituent.

Renouvellement d’un corpus

4Nous relèverons en premier lieu les articles novateurs et originaux de jeunes chercheurs qui, en se penchant sur des objets d’études contemporains ou insolites, viennent enrichir considérablement la recherche sur l’objet chanson, trop souvent cantonnée à un corpus situé dans la seconde moitié du vingtième siècle ou aux artistes populaires les plus « visibles » médiatiquement. De plus, leur analyse dépasse bien souvent le cadre de l’analyse littéraire ou de l’étude comparée, révélant des traits stylistiques nouveaux, grâce à des méthodes audacieuses quoique parfois mal maîtrisées. C’est notamment le cas de la contribution de Camille Vorger qui, en se penchant sur la nouvelle forme musico‑littéraire qu’est le slam s’efforce de condenser en quelques pages une historiographie, une filiation et une analyse de l’aspect vocal et littéraire, qui tend plus à la vulgarisation d’un genre encore très méconnu (et nous saluons là le coté pédagogique) qu’à une réflexion mûrie autour de cet objet nouveau. On peut cependant relever les rapprochements justement établis entre les interprétations clamées d’un Ferré et les premiers manifestes du genre slam, même si ces rapprochements ne sont à aucun moment justifiés par l’auteure d’un point de vue musicologique ou linguistique. Il eut été opportun de mettre à jour ces analogies par une analyse détaillée des relations qu’entretiennent voix et musique instrumentale au sein des deux genres. Ce manque d’analyse du matériau musical et vocal se prolonge en évidence dans le chapitre portant sur les liens de parenté entre slam et rap ; seul un schéma incertain vient évoquer les éventuelles différences entre les deux genres, signalant un potentiel terrain commun dans l’interdiscursivité, schéma que la subjectivité de l’auteure seule justifie. Il est pourtant à signaler qu’aucune étude sur le slam français n’a encore été réalisée à notre connaissance, attribuant à cet article un caractère innovant et audacieux irréprochable.

5Dans la verve de cette originalité conférée par l’objet analysé, les articles de Ludovic Bichler et de Domingo Pujante Gonzalez se démarquent également ; le premier livre une analyse comparée de deux romans dits « rock », de laquelle il parvient à faire émerger les identités des personnages autant que des auteurs. La pertinence de son analyse confère à ces romans peu ou pas encore étudiés une qualité « plastique » relevant plus de « l’autobiographie que de l’essai sur la musique » (p. 64), et ce selon une grille de lecture basée sur trois éléments : l’identité énonciative, la bande son textuelle, et la forme du récit. La méthodologie déployée est sans aucun doute innovante car adaptée à son objet d’étude, dévoilant les caractéristiques d’une démarche scientifique qui se veut contemporaine et que le chercheur spécialiste pourra sans aucun doute réutiliser. Par ailleurs, les différences de conception de la musique rock des deux auteurs mises à jour par Ludovic Bichler aussi bien que ses conclusions ne sont pas sans évoquer les différences de points de vue au sein même de la discipline musicologique en ce qui concerne les musiques populaires. Intertextualité, subjectivité, absence de recul ? Le lecteur jugera par lui‑même.

6Domingo Pujante Gonzalez, en se penchant sur un recueil de chansons peu étudié de l’artiste pluridisciplinaire Roland Topor (fondateur avec Alexandro Jodorowsky et Fernando Arrabal au début des années 1960 du mouvement panique), met au jour les traits littéraires caractéristiques d’un artiste subversif, provocateur, maniant le cynisme et l’autodérision en maître. Ainsi, des œuvres oubliées ou peu médiatisées font l’objet d’une analyse sémantique dévoilant les grands thèmes appréciés par Roland Topor. L’originalité de cet article tient au choix de l’artiste et de l’œuvre étudiés et à ce que révèlent les analyses sémantiques, en aucun cas à l’innovation méthodologique.

7Cette originalité et cette fraîcheur que nous jugeons indispensables à l’équilibre de cet ouvrage se manifestent particulièrement dans l’article de Damien Dauge. En partant de la conception flaubertienne de la musicalité d’un texte, il interroge la subjectivité de l’auteur dans sa conception même de la musique, subjectivité qui, selon lui, fausse les jugements émis sur la musicalité des textes littéraires. Il définit ainsi de nouveaux paradigmes invitant à « réfléchir au modèle musical », et ce, afin de « repenser la coïncidence entre musicalité et musique (p. 240). Et la théorisation ne s’achève pas là. L’auteur propose de « redonner sa place à l’imagination dans l’écoute » (p. 245), il pose ainsi les bases d’une nouvelle discipline qu’il intitule musicalogie, se détachant de la musicologie en ce qu’elle se fonde sur l’écoute, comprise comme le fait d’avoir des sons en tête, comme une discipline ne s’arrêtant pas « de penser la musique quand l’œuvre n’existe pas, ou plus, ou pas encore » (p. 247). Une discipline qui se focaliserait sur le musical et qui en cela n’opposerait plus catégoriquement littérature et musique. Cet article est sans aucun doute un des points d’orgue de cet ouvrage dans la mesure où il parvient à incarner par sa méthode, autant que par son propos et par la nature de son objet, le titre donné à ce dernier.

Approches musicologiques

8Il est également au sein de ce collectif des articles dont le contenu scientifique apporte directement ou indirectement à la musicologie, du fait des méthodes déployées, des grilles de lecture proposées ou des considérations de l’objet d’étude. C’est le cas de l’article de la musicologue Catherine Rudent, familière de l’objet chanson, qui établit ici une démonstration bien exemplifiée définissant la rime comme élément structurant de la chanson. Elle articule sa réflexion autour des trois axes exposés dans le sous‑titre de cet ouvrage que sont le texte, la musique et la performance (ici nommés tour à tour, le plan textuel, le plan musical et le plan vocal) en faisant directement référence à la cantologie de Stéphane Hirschi (p. 127). Malgré la pertinence du discours de Catherine Rudent, nous nous questionnons sur l’analogie implicite entre performance et plan vocal dans la mesure où la notion de performance associée à la chanson ne saurait se limiter à la performance vocale du chanteur, excluant de fait les rapports complexes entre musique et voix et par la même, l’analyse du matériau musico‑littéraire. Or, l’article de Stéphane Hirschi dans ce même ouvrage démontre bien que la performance ou l’interprétation ne peuvent être traitées uniquement d’un point de vue vocal. Son analyse comparée de deux adaptations musicales de textes de Prévert par Jean Guidoni montre bien l’importance de placer l’interprétation vocale au regard de son rapport à la musique instrumentale. L’analyse du phrasé vocal et de ses particularités ne semble pas suffire puisque c’est en s’associant au matériau musical que l’interprétation vocale forme l’objet chanson.

9Au‑delà de cette critique définitionnelle, la contribution de Catherine Rudent démontre et clarifie de nombreux points de la recherche musicologique et linguistique portant sur la chanson populaire française, notamment en ce qui concerne le terme « chanson à texte » qu’elle parvient à nous convaincre de remplacer par « chanson à rime », caractéristique principale d’un art de la chanson « à la française », qui permet de la différencier d’une chanson de toute autre nationalité (p. 129). Cette chanson à rime saurait intégrer à la fois dans ses finales de vers des sons confortables et adaptés au chant, tout autant qu’elle parviendrait à intégrer à son interprétation de nombreuses voyelles nasales posant des problèmes d’émissions chantées. L’auteure qualifie cette seconde particularité textuelle et performative d’ « anti‑lyrisme » et propose le terme d’« alyrisme » (p. 128).Cette considération entre par ailleurs en résonance avec un article de Sandra Glatigny. Si Catherine Rudent concentre avec raison son analyse autour de la rime comme élément structurant du texte de chanson et de son chant, Sandra Glatigny questionne plus largement la poésie lyrique au regard de la chanson de la seconde moitié du dix‑neuvième siècle, démontrant avec pertinence la dimension critique que son contenu textuel inflige à la poésie lyrique. Sandra Glatigny parvient ainsi à démontrer la porosité effective entre les deux genres, porosité qui engendre un renouvellement du lyrisme poétique.

10Mais revenons sur l’article de Stéphane Hirschi dont la démonstration cantologique sert également considérablement la discipline. Ce dernier insiste très justement sur l’utilité de concentrer les analyses sur plusieurs interprétations d’un même répertoire par le même artiste. Le déploiement de cette méthode montre à quel point l’objet chanson doit être considéré au delà de son enregistrement sur un support (vinyle, cd, etc.), permettant de mettre au jour des caractéristiques globales et non inhérentes à une seule interprétation ou à un seul artiste.

11Les articles de Joël July, et indirectement, celui de Romain Benini apportent et clarifient également la recherche musicologique autour de l’objet chanson, et ce, toujours au travers de ses liens à la littérature. Le premier parvient avec brio à réenchanter le mot « populaire » (comme l’indique si bien son titre) par une analyse bien construite de propos d’artistes ou d’essayistes et de textes de chanson ; alors que le second s’inscrit parfaitement dans la ligne éditoriale de cet ouvrage, retraçant une chronologie pertinente des liens complexes qu’entretiennent poésie et chanson au fil des siècles. L’auteur achève ce rappel historique sur les analogies entre les deux formes qu’il parvient à différencier du point de vue métrique, rappelant qu’il s’agit pour la chanson d’une métrique dont le temps se calcule en durée (ou mesures, ou secondes) alors qu’il s’agit pour la poésie d’une métrique dont le temps se mesure en syllabes. Il vient ainsi mettre sa pierre à l’édifice de la recherche sur la métrique de la chanson populaire, venant préciser les propos de chercheurs tels que Bruno Joubrel3, Louis-Jean Calvet4, et d’une jeune chercheuse, non moins pertinente sur le sujet, Céline Chabot-Canet5, en se penchant plus précisément sur un corpus peu abordé qu’est la chanson à timbre du dix‑neuvième siècle : « Les textes de chanson sont, tout autant que des supports pour l’expression chantée, de véritables artefacts de la tradition métrique littéraire. » (p. 111)

L’analyse populittéraire

12Enfin, il est des articles venant illustrer très précisément l’ambition de cet ouvrage, questionnant pragmatiquement par des études comparées ou des analyses de comparaison de sources les relations entre auteurs littéraires et auteurs de chanson, et/ou entre textes littéraires et textes de chansons. L’article de Lionel Verdier, par exemple, établit des liens « connus » entre la musique de Francis Poulenc et la musique populaire (sa bibliographie ne témoigne pourtant pas des nombreux travaux réalisés sur le sujet) en se basant sur des textes de revues de l’époque, des entretiens avec l’artiste ou avec ses proches, ou encore des sources épistolaires. L’étude de ces liens, quoique bien menée, n’apporte guère de nouveauté dans le paysage scientifique mais s’inscrit tout à fait dans la ligne éditoriale de cet ouvrage, dans le sens où elle renseigne, au sein de ce collectif, sur l’intérêt de mener de telles analyses. L’article de Florent Bréchet questionne quant à lui les « regards » de Chateaubriand sur l’œuvre et la personne de Béranger en se livrant à une analyse de comparaison de sources.

13On distinguera cependant la contribution de Marielle Macé qui livre une analyse transdisciplinaire de l’ouvrage autobiographique Les Années d’Annie Ernaux d’une grande précision, relevant subtilement des analogies entre l’impersonnalité de cette autobiographie et une « singularité interchangeable », une « impropriété du moi » inhérente aux rapports ambigus du chanteur à ses écrits, du chanteur à ses incarnations sous les traits de multiples canteurs6, entre l’absence de constitution d’une « identité narrative » (p. 50) et une dépersonnification du canteur dans son expression d’un quotidien banal. L’étude menée ici témoigne d’une nouveauté et d’une précision qui font de cet article une des pierres de voûte de ce collectif.


***

14Cet ouvrage nous dévoile des études multiplexes, au sens où les réflexions se construisent autour d’écrits autant littéraires que chansonniers ou scientifiques, impliquant des approches interdisciplinaires, voire transdisciplinaires tout à fait novatrices et actuelles qui correspondent à l’ambition annoncée dans l’avant‑propos.

15L’analyse de textes littéraires, ou de textes de chanson, autant que l’analyse d’écrits sur la chanson ou de conceptions de la chanson d’auteurs littéraires connus, la comparaison directe entre écrits littéraires et textes de chanson sont autant d’approches qui rendent cet ouvrage indispensable. Le lecteur regrettera peut‑être que le discours se concentre majoritairement sur des œuvres de la seconde moitié du vingtième siècle ou du dix‑neuvième siècle ; il regrettera sans doute la classification ambiguë des articles ; il regrettera certainement le manque d’approches musicologiques ou linguistiques ; mais il ne pourra dénigrer l’intérêt scientifique de cet ouvrage qui réunit à lui seul toute une armada de méthodes, d’approches et de corpus autour d’une thématique encore trop peu abordée.