
Il y a des fins qui chantent
« But Time, unfortunately, though it makes animals and vegetables bloom and fade with amazing punctuality, has no such simple effect upon the mind of man. The mind of man, moreover, works with equal strangeness upon the body of time. »
Virginia Woolf, Orlando 1
1On connaît les multiples facettes de Paul B. Preciado — philosophe, curateur, théoricien du genre, observateur des mutations contemporaines —, mais celle qu’il déploie dans Dysphoria Mundi est singulière, précisément parce que son écriture s’élabore comme mise en forme de la singularité chaotique de notre époque. Comment penser, écrire, aimer et faire la révolution dans un monde out of joint ? Quel sens donner à ce qui, en apparence, n’en a que peu ? Telles sont les interrogations que Preciado explore avec une lucidité radicale, dans un élan à la fois critique et prospectif. Figure incontournable de la pensée queer, qu’il participe à implanter tant dans le champ universitaire que dans les milieux alternatifs, son Manifeste contra-sexuel ouvre la décennie 2000, laquelle accueillera également les traductions françaises de (entre autres) Gender Trouble (édition originale de 1990, Trouble dans le genre pour la traduction française en 2006) de Judith Butler et de la pensée de Teresa de Lauretis, développée notamment dans Technologies of Gender: Essays on Theory, Film, and Fiction (édition originale de 1987), dont certains passages ont été repris et traduits dans Théorie queer et cultures populaires. De Foucault à Cronenberg en 2007.
2Dysphoria Mundi apparaît comme un prolongement des pensées en action dans les ouvrages précédents de Preciado. D’une part, la subjectivité en mutation qui déborde de la réflexion croisée autobiographique et théorique rappelle l’articulation de la trajectoire intime et de l’analyse biopolitique de l’« ère pharmacopornographique »2 — telle qu’expérimentée à travers la prise de testostérone — de Testo junkie. Sexe, drogue et biopolitique (2008). D’autre part, sa forme fragmentée et hybride convoque les chroniques d’Un appartement sur Uranus (2019), où des chapitres courts déploient une pensée de la transversalité. Avec Dysphoria Mundi, l’expérience subjective excède les frontières du personnel pour glisser vers le collectif, puis le planétaire. Ces trois ouvrages dessinent une traversée intellectuelle et politique nécessaire : l’élaboration d’une pensée critique à partir des corps, l’émancipation des schèmes binaires qui en entravent le devenir mutant et l’articulation d’une écologie des subjectivités affranchie des cadres identitaires.
3Dysphoria Mundi est aussi singulier par son caractère hybride et fragmenté : il mêle les formes de l’essai théorique, du journal de bord et du journal intime, les « mesures des micro-tremblements provoqués par le mouvement de systèmes complexes de connaissances » (p. 28) et les oraisons. Il en résulte un ouvrage à la fois pluriel et personnel. Pour Preciado, « c’est un livre dysphorique ou, peut-être mieux, non binaire : il fuit les distinctions conventionnelles entre la théorie et la pratique, entre la philosophie et la littérature, entre la science et la poésie, entre la politique et l’art, entre l’anatomique et le psychologique, entre la sociologie et la peau, entre le banal et l’incompréhensible, entre le débris et le sens. » (p. 28) Cette porosité entre fond et forme produit un vaste essai-manifeste de plus de 500 pages, dans lequel læ lecteurice navigue, porté·e par une structure composite et multipolaire. Publié en 2022, Dysphoria Mundi a été rédigé durant les confinements liés à la pandémie de Covid-19 et dans les mois qui ont suivi. Preciado affirme avoir voulu « restituer le désordre du langage qui a lieu lors d’un changement de paradigme » (p. 29), situant ainsi son écriture au croisement d’une expérience historique globale et d’une transformation épistémologique.
4Les pages liminaires sont consacrées à une mise en contexte dense, riche de références et définitions, qui pose les cadres conceptuels et personnels de l’écriture et en explicite les filiations. Preciado se réfère ensuite notamment à William S. Burroughs, pour penser une « insurrection trans-cyborg » (p. 79) dans un monde techno-addict peuplé de « télécorps ». Un essai sur l’ère du Covid ne pouvait ignorer la place centrale du numérique, décuplé à la fois comme outil de relation et comme instrument de vérification et de contrôle. À partir de cette base, le texte se déploie en une série de courts chapitres empruntant à divers registres, formant une vue d’ensemble foisonnante et rhizomatique de l’expérience de la pandémie, inscrite tant dans le corps individuel (celui de Preciado comme ancrage), que dans notre somatique collective et dans le corps planète. Peu avant la fin de l’ouvrage, un rituel chamanique marque un point culminant : il accompagne la mort du système pétro-sexo-racial et l’émergence d’une mutation révolutionnaire collective. Avec le qualificatif « pétro-sexo-racial », Preciado s’inscrit dans le sillage de penseureuses de la classe, du sexe, du genre et de la race — comme, notamment, Angela Davis, Monique Wittig et Judith Butler — et se réfère à l’« organisation sociale et ensemble de technologies de gouvernance et de représentation qui ont émergé à partir du xviᵉ siècle avec l’expansion du capitalisme colonial et des épistémologies raciales et sexuelles de l’Europe à la planète entière. » (p. 40) En conclusion de l’ouvrage, Preciado rédige une lettre adressée à une nouvelle génération d’activistes, dont le ton et l’énergie résonnent à la lecture comme un mégaphone à la fin d’une manifestation.
5La dysphorie, notion centrale de l’ouvrage et inscrite dès son titre, traverse l’ensemble du texte. À l’origine, le terme provient du champ médical et désigne l’expérience trans d’une incohérence entre la perception de soi et le corps (dysphorie physique), ou entre la perception de soi et celle renvoyée par l’entourage (dysphorie sociale). Preciado en élargit la portée à notre espace-temps, opérant un glissement sémantique décisif : la dysphorie est appréhendée non plus comme une expérience marginale, mais comme un paradigme révélateur des crises écologiques, sociales, sanitaires, politiques et économiques. Elle devient dès lors le symptôme ambivalent d’une cassure, « la forme que prend la subjectivité politique lorsqu’elle reste suspendue entre la rupture du seuil de perception de la modernité pétro-sexo-raciale et l’émergence de la conscience d’un dehors par rapport à l’épistémologie dominante. » (p. 282)
L’expérience pandémique entre amplification et dévoilement
Il faut comprendre le dysphoria mundi comme l’effet d’un décalage, d’un écart, d’une brèche entre deux régimes épistémologiques. Entre le régime pétro-sexo-racial hérité de la modernité occidentale et un nouveau régime, encore balbutiant, qui se forge par des actes de critique et de désobéissance politique. (p. 25)
6Dans le contexte de cet héritage pétro-sexo-racial, l’épidémie de Covid-19 agit comme révélateur et met en évidence des déséquilibres profonds en les amplifiant à différents niveaux. Analyser les répercussions de la pandémie de Covid-19 à la lumière de l’héritage de celles du sida en révèle des effets similaires, bien que transposés dans des logiques biopolitiques différentes et avec un contrôle étatique et des dispositifs d’(auto)représentation plus présents. En effet, si l’épidémie du sida a marqué l’ère télévisuelle, le Covid-19 a été la première grande épidémie de l’ère du numérique, rendant possible la diffusion massive des discours et images de la maladie et de celleux qu’elle touche. Dans ce paradigme, la pandémie de Covid-19 agit non seulement comme amplificateur des inégalités, mais aussi comme opérateur conceptuel : Preciado interroge les notions d’immunité et de vulnérabilité, en les déplaçant de leur acception biomédicale vers une lecture biopolitique. Ce qui pourrait apparaître, à tort, comme une condition strictement individuelle révèle en réalité une inscription dans un champ de luttes. Preciado convoque les travaux d’Élisabeth Lebovici, de Emily Martin, de Michel Foucault et de Roberto Esposito et observe que « les différentes épidémies matérialisent dans le corps individuel et collectif (dans la somathèque) les obsessions qui dominent la gestion politique de la vie et de la mort dans des populations à une période donnée. » (p. 119)
7Le Covid-19 « a mis en avant des questions sur la construction politique du corps qui semblaient auparavant ne concerner que les “anormaux”, les “homosexuels”, les “migrants”, les “trans” ou les personnes “racisées”. Cette fois-ci, les “normaux” sont au centre de l’ouragan. » (p. 256) Preciado échappe à la simplification et souligne la dimension ambivalente de la vulnérabilité, qui se déploie aussi bien dans l’accès aux soins que dans les disparités d’exposition à la surveillance et au contrôle (déplacements, passe sanitaire, etc.). Comme il l’écrit :
À la précarité de la classe, de la race, du genre et de la sexualité s’ajoutent désormais d’autres segmentations de l’oppression :
— ceux qui peuvent préserver leur immunité et ceux qui sont exposés à la contagion ;
— ceux qui sont nettoyés et ceux qui nettoient ;
— ceux qui peuvent s’isoler dans leur maison et ceux qui sont sans abri ;
— mais, surtout, ceux qui sont soignés et ceux qui soignent les autres. (p. 279)
8On peut prolonger cette analyse en mettant également en lumière la situation des personnes âgées et dépendantes ou atteintes de maladies chroniques, notamment les personnes immunodéprimées, qui, bien que pouvant bénéficier de soins, demeurent inscrites dans une vulnérabilité structurelle en subissant un isolement accru et une sensibilité à la contagion parfois incompatible avec la proximité des soignant·es et aidant·es. Leur condition montre, en écho avec la réflexion de Preciado, que l’opposition binaire entre soigné·es et soignant·es ne peut rendre compte de la complexité des rapports entre immunité et exposition.
Le(s) sens disloqué(s)
9L’expression « out of joint » revient comme un refrain dans Dysphoria Mundi, cadençant certains chapitres thématiques (« Time is out of joint », « Biopolitics is out of joint », « The narrator is out of joint », « Life is out of joint », « Sexual difference is out of joint », « Identity is out of joint », etc.). On entend ici ce qui est disloqué, désajusté, voire « queer » — écrit Preciado — lorsqu’il est question du temps. Cette expression, dont les versions françaises se révèlent ironiquement out of joint — manière de signaler que toute traduction est en décalage —, renvoie à une « crise du sens » (p. 278) qui accompagne une crise des sens. En effet, la maladie fonctionne, d’une part, « par l’hyposensibilisation […], c’est-à-dire par le blocage des systèmes sensoriels dominants du corps de la modernité » (p. 345) et, d’autre part, par « la numérisation forcée des relations sociales » (p. 346). Preciado relate son expérience du confinement (et de la privation du toucher) puis de l’infection au Covid-19 : la maladie, la fièvre, la perte momentanée de la vision de l’œil gauche, l’épuisement extrême et, ensuite, un rétablissement qui s’étire dans le temps. Puisque le manque révèle, le texte de Preciado se montre indéniablement sensible ; les sens y sont présents, mutent, soutiennent l’articulation d’une esthétique propre à l’époque dépeinte. Au sujet de cette dernière, Preciado évoque Jacques Rancière et sa définition de l’esthétique dans Le Partage du sensible comme une « régulation sociale et politique des sens » (p. 42) — que Preciado puise tant dans les cadres classificatoires occidentaux que dans les régimes sensoriels issus de traditions indigènes ou extra-occidentales. Le Covid-19 produit donc une esthétique out of joint.
Une révolution, malgré tout : suspension, ruptures et recomposition
10Dysphoria Mundi offre une analyse éclairante des mouvements sociaux de ces dernières années en soulignant que des réactions conservatrices succèdent aux événements et dynamiques émancipatrices dans un constat encore observable aujourd’hui. Les contextes historiques récents qu’il dépeint sont variés et riches de sens. Preciado analyse tour à tour les déboulonnages des statues de propagande coloniale et raciste — manifestation d’iconoclasme qu’il met en lien avec les travaux de Françoise Vergès — et les mobilisations publiques issues des mouvements #Metoo et Ni una menos (Pas une de moins), Black Lives Matter et Black Trans Lives Matter. En parallèle, l’ouvrage en documente les réponses patriarcales, transphobes et racistes : la récupération de certains mouvements féministes par des activistes TERF (Trans-Exclusionary Radical Feminist ou, en français, féministe radicale excluant les personnes trans du mouvement), les révisions sur l’accès à l’avortement associées à la déclaration de Genève, ou encore l’assaut contre le Capitole après la défaite de Trump en 2021. À ce propos, Preciado précise : « l’assaut contre le Capitole est, suivant l’argument de Carol Anderson3, la réponse des traditions racistes de l’histoire coloniale américaine au soulèvement pacifique mené par les mouvements Black Lives Matter et Black Trans Lives Matter au cours des derniers mois […] » (p. 463). Ainsi, le texte met en lumière la succession et l’articulation des dynamiques émancipatrices et des réactions conservatrices dans un contexte encore profondément marqué par les héritages coloniaux et patriarcaux. C’est dans ce contexte que la pandémie de Covid-19 se répand et avec elle un renforcement des outils de contrôle et de surveillance des populations.
11En effet, si la pandémie a interrompu la vie quotidienne, elle a aussi produit une mise à l’arrêt brutale des soulèvements en cours. Preciado écrit que :
[…] nous étions au bord d’un soulèvement transféministe décolonial, nous avions rassemblé nos commandos et, comme disent les zapatistes, nous avions « géré notre colère ». Mais tout ça c’était quelques jours avant l’arrivée du Covid-19, avant que nous soyons enfermé·es dans nos maisons, avant que nos corps soient objectivés comme des organismes susceptibles de transmission et de contagion, avant que nos stratégies de lutte soient décollectivisées et nos voix fragmentées. (p. 539)
12Ce que met en avant Preciado est moins l’abandon de ces luttes que leur suspension : les temporalités de la révolte et celles du confinement, de l’isolement et de la surveillance entrent en collision. Alors qu’elles s’inscrivent dans une dynamique collective, les luttes contre l’ordre pétro-sexo-racial auxquelles Preciado fait référence se retrouvent diffractées en expériences individuelles de vulnérabilité et de résistance.
Construire un monde post-identitaire
13La révolution que Preciado évoque est « celle des monstres, la révolution des corps vivants jugés abjects par la modernité pétro-sexo-raciale. » (p. 577) Face aux menaces sanitaires mais aussi climatiques, il écrit : « Rester en vie face aux virus, mais aussi face au changement climatique, implique de mettre en place des formes structurelles de coopération planétaire. Comme le virus mute, si nous voulons résister à la mort et à la soumission, nous devons nous aussi muter. » (p. 552) Cette mutation, pour advenir, nécessite un changement de paradigme radical. Appréhender l’expérience de la vie en dehors des cadres contraints historiquement permet à Preciado de déployer une réflexion sur l’identité et son devenir, convoquant Foucault et sa conception de l’identité comme un « in‑existant ».
En termes ontologico-politiques, l’identité est ce qui, sans exister, fait irruption dans le domaine du tangible, devient visible, mesurable, quantifiable. Elle n’existe pas, mais elle peut être vue. Elle n’existe pas et, pourtant, tout le système administratif et architectural d’une société se comporte comme si elle existait. (p. 223)
14Preciado souligne un paradoxe central : les catégories décrites comme « inexistantes » structurent pourtant, de manière décisive, nos réalités sociales et politiques. La tension produite par ce constat traverse le texte et s’impose aussi comme épistémologie du pouvoir et des représentations lorsque Preciado écrit :
[…] il n’y a pas de peuple, pas de nation, pas de race, pas de différence sexuelle binaire, pas d’homosexualité, pas d’hétérosexualité, pas de handicap, pas de schizophrénie, pas d’autisme, pas de transsexualité… De la même manière que l’hystérie ou la mélancolie ont « existé » sans exister à d’autres époques. Et pourtant, ces « non-existants » sont le contenu même de notre histoire. (p. 227)
15Il apparaît, à la lecture de cette analyse et en regard des récents débordements de violence transphobe des mouvements TERF, pourtant autorevendiqués comme féministes, notamment au Royaume-Uni, que les usages politiques de la notion d’identité peuvent conduire à des revendications essentialistes dans le cas des groupes de la mouvance TERF, mais aussi à des revendications nationalistes dans d’autres situations. En convoquant la pensée de Chela Sandoval, figure du féminisme queer chicanx, Preciado rappelle l’urgence de concevoir « un projet transversal antiraciste débinarisant et anticapitaliste » (p. 576). D’ailleurs, il souligne l’interconnexion des oppressions comme point nodal à partir duquel penser les enjeux de la révolution.
16Force est de constater que la solidarité entre minorisé·es ne va pas de soi : il ne suffit pas de conjuguer les luttes contre le racisme, la queerphobie, la transphobie ou le validisme pour que se construise un front unifié. La véritable stratégie, comme Preciado le développe par exemple pour le féminisme, réside dans une approche exigeante mais vitale :
Non seulement il n’est pas nécessaire que l’énonciation soit homogène pour faire la révolution mais, au contraire, seule l’hétérogénéité de l’énonciation peut éloigner notre processus révolutionnaire du danger du totalitarisme, de la répression de la dissidence et de la purification du sujet du féminisme. (p. 576)
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17Dysphoria Mundi est un ouvrage exigeant, d’une grande densité conceptuelle. Son style hybride et rhizomatique bouleverse les codes de l’essai théorique et plaide pour le renouvellement d’une écriture académique située : rendre compte des subjectivités qui animent aujourd’hui la pensée critique ne peut se contenter des formes héritées. L’écriture, parfois traversée d’un humour discret mais incisif, se déploie en une anatomie sensible et politique de l’époque que nous vivons.
18La densité et la richesse conceptuelle du texte rendent sa recension inévitablement partielle. Néanmoins, ce qui en constitue le cœur peut être saisi ici : Dysphoria Mundi articule une épistémologie et une esthétique incarnées, qui proposent d’élargir l’expérience trans pour mieux appréhender, de manière conjointe, les crises écologiques, politiques, climatiques, sociales et sanitaires de notre temps. L’ouvrage remet en question la gestion tant communautaire qu’étatique des crises contemporaines, en montrant comment celle du Covid-19 agit comme révélateur et comme « “répétition générale”4 de la crise climatique mondiale » (p. 343), en reprenant ici la pensée de Bruno Latour. Preciado inscrit sa réflexion dans l’historicité de l’Anthropocène et du capitalocène et fait de la pandémie un laboratoire pour penser à la fois un état des lieux d’un monde dysphorique et les modalités et enjeux d’un après.
19Comment s’élaborent et s’épanouissent les formes de résistance à une modernité dont l’effondrement est déjà à l’œuvre ? La brutalité de notre actualité — faite d’une violence intransigeante et d’une âpre impuissance face à celle-ci —, où les forces émancipatrices et les résistances conservatrices décrites par Preciado s’affrontent, pourrait laisser présager un texte empli de noirceur. Pourtant, Dysphoria Mundi se révèle une ode lumineuse au « bonheur politique » (p. 17), construit sous la chape normative, d’abord disqualifié et diagnostiqué comme folie, que Preciado voit aujourd’hui partagé par une génération d’« enfants » qui en font leur propre horizon. C’est là que réside, selon nous, la plus grande force de cet ouvrage : celle d’une pensée radicale et profondément située, portée par une imagination politique et le refus du désespoir et de la résignation.

