Acta fabula
ISSN 2115-8037

2020
Mai 2020 (volume 21, numéro 5)
titre article
Aurore Turbiau

(Re)Dire le pouvoir de la littérature : une mise à jour ?

(Re)Saying the power of literature: an update?
Emmanuel Bouju, Yolaine Parisot, Charline Pluvinet (dir.), Pouvoir de la littérature. De l’energeia à l’empowerment, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2019, 362 p., EAN : 9782753577770.

1Pouvoir de la littérature est le cinquième ouvrage publié des travaux du Groupe Phi (Groupe de recherche en poétique historique et comparée) : depuis 2002, plusieurs livres avaient paru sur les Littératures sous contrat, L’Engagement littéraire, Littérature et exemplarité, L’Autorité en littérature aux Presses Universitaires de Rennes1. Dernier venu de la série, cet ouvrage‑là se concentre sur un travail réflexif et épistémologique sur les potentialités et les forces de la littérature et de la critique qui en parle : une fois les bases des théories générales de l’engagement, de l’autorité, de l’exemplarité littéraires posées, il s’agit de revenir en détail sur l’usage des termes qui ont permis jadis et permettent encore aujourd’hui de les formuler, pour les creuser sous de nouvelles perspectives et questionner à nouveaux frais la place de nos travaux de recherche littéraire dans la société2.

2Comme l’expliquent d’emblée Emmanuel Bouju, Yolaine Parisot et Charline Pluvinet, plusieurs pistes ont été proposées aux auteurs et autrices du recueil : dresser l’archéologie ou la généalogie des notions de puissance, de force, de pouvoir de la littérature (potestas, potentia, fortitia), examiner l’emploi de leurs dérivés (volonté de puissance, impouvoir, empowerment) ou l’emploi nuancé de termes proches (energeia/enargeia, vis/virtus, énaction/agency...), et analyser la manière dont ils peuvent changer de sens et gagner ou perdre en pertinence selon les contextes littéraires et critiques où on les emploie. Ce travail terminologique et épistémologique doit permettre de redéployer la traditionnelle question « Que peut la littérature ? » sans préjuger naïvement d’une réponse qui serait triomphale ni partir totalement vaincu d’avance, en mesurant humblement plutôt les écarts entre ce qui lui est possible et ce qui ne l’est pas, entre les dynamiques d’écriture qui créent de la littérature « en puissance » dans le monde, et sa prise réelle dessus, « en acte ». S’il faut répondre franchement et sans nuance à la question, c’est dit dès les tout premiers mots de l’ouvrage, ce sera : « Rien » (p. 7) — face à la réalité du monde, aux catastrophes qu’on apprend chaque jour, la littérature ne peut rien — en tout cas, rien de spectaculaire, rien qui serait redoutablement efficace — mais elle peut, peut‑être, mener un travail de sape, modeler des consciences, encourager à l’action ? Le questionnement du livre se place dans cet interstice, dans le « choix du petit »3. « L’impouvoir supposé de la littérature, c’est aussi sa puissance propre. Et peut‑être en effet s’agit‑il aujourd’hui [de] faire du Rien de la littérature l’une des manifestations de notre possible. » (p. 8).

Structure de l’ouvrage

3Pouvoir de la littérature est un recueil d’actes de colloque. Il en a parfois les inconvénients — disparité des sujets, hiatus ponctuels entre les visions et définitions des uns et des autres, occasionnelles traces d’oralité peu à propos dans un texte écrit4. Il en a aussi les qualités, particulièrement appréciables ici étant donné les problématiques abordées : la question des pouvoirs de la littérature, de leurs multiplicités, de leurs incohérences et incompatibilités parfois, de leurs transformations selon le jeu des points de vue qu’on prend dessus, est de fait très bien prise en charge par le format des actes. Il faut souligner aussi le remarquable travail de synthèse et de reprise de l’ensemble qui a été opéré par les directeur et directrices de l’ouvrage : le premier sommaire des actes et le plan de l’ouvrage (déjà consultables en ligne5) permettent remarquablement bien de ressaisir ensemble dans un même cheminement, qui monte progressivement « en puissance », des textes qui autrement pourraient parfois sembler trop différents les uns des autres.

4La première partie se concentre sur des « Variations terminologiques » autour des concepts de force, d’explexis, d’énergie, de choc6, de sidération, de sublime7, d’en‑puissance, de défamiliarisation8, de légèreté9 : on y reprend les bases de la théorie littéraire par un retour aux concepts formés par Aristote, Cicéron, Quintilien ou le pseudo‑Longin, par un rappel de la manière dont on a pensé la puissance de la littérature au Moyen‑Âge10, lors du Classicisme11, ou lors de la Révolution française12. Quantité de concepts sont proposés et testés dans ces différents contextes, ce qui permet de former une base solide, riche et nuancée, pour prolonger dans les chapitres suivants une réflexion plus centrée sur les ancrages actuels de la littérature, sur ce que sont ses « luttes contemporaines » pour reprendre le mot de Charline Pluvinet (p. 337).

5La seconde partie s’intéresse alors au phénomène des « prises de pouvoir », et s’attache en particulier à la construction des notions d’« empowerment » (encapacitation) et d’« agency ». C’est le chapitre le plus globalement comparatiste dans l’esprit, par les questions posées (de langue et transferts linguistiques, de subversion des littératures hégémoniques par les littératures postcoloniales…) et par la diversité des sphères culturelles et littéraires qui sont convoquées (œuvres afro‑américaines, franco‑germano‑japonaise, mauricienne, ivoirienne, congolaise, marocaine, italienne...). C’est aussi dans ce chapitre, on s’y attend du fait des notions proposées à l’étude, que les questions de genre et de postcolonialisme sont les plus présentes ; elles sont exploitées particulièrement pour leur capacité à fournir un point de vue neuf sur l’idée d’un pouvoir de la littérature, et à la déstabiliser profondément. À travers l’analyse filée par différents articles de la notion de performativité (de la langue, de la race, du genre), l’idée d’un empowerment par la littérature est à la fois proposée comme une réalité — les récits proposent des nouvelles paroles, des schémas d’action, des reconnaissances politiques et sociales —, et contestée comme une idée trop simple et trop caricaturale, utile mais sans doute un peu « ringarde » ainsi comprise (p. 8) et surtout vectrice d’interprétations qui reproduisent les vieux schémas de domination (p. 175). Il est intéressant d’ailleurs de constater que la notion d’« empowerment » est proposée avant celle d’« agency » dans la composition de l’ouvrage, alors même que plusieurs fois au cours du recueil elle est présentée comme son accomplissement public et politique13  : de l’idée glorieuse d’une prise de pouvoir efficace rendue possible par la littérature, on retombe sur l’idée d’une subversion plus souterraine (p. 106, 165). La plupart des articles qui réfléchissent à l’empowerment par la littérature concluent en effet à une « prise de pouvoir » somme toute très nuancée, pour laquelle la notion d’agency finalement peut parfois paraître plus appropriée — parce que moins franchement conquérante.

6Ce mouvement de retour modeste à l’idée d’un pouvoir de subversion souterrain et tissé de doutes et de contradictions entraîne alors l’examen des idées d’« (im)pouvoir, [de] contre‑pouvoir, [de] potentialité » qui occupe le troisième chapitre de l’ouvrage. Aboutissement des réflexions des deux chapitres précédents, on le lit comme le « laboratoire » final (p. 331) de l’idée d’un « pouvoir de la littérature » contemporaine, tout en nuances et en renversements. Les articles proposés prennent leur propre puissance des discussions qui les ont précédées : il ne peut être question de faire de l’idée d’un pouvoir de la littérature un étendard révolutionnaire, ni plus en revanche de contester que la littérature agit et fait agir pour de bon — mais il est question de comprendre concrètement comment, sous quelles formes, particulièrement lorsqu’elle se jette d’elle‑même au cœur de crises sociales et se donne ainsi par le fait un rôle éminemment politique. On s’intéresse alors à la littérature et à sa théorisation comme puissances de destitution, quand les écrivains mettent en scène un rejet concret du pouvoir14 ; à la littérature d’enquête15, à la littérature documentaire16, aux esthétiques néo‑réalistes17 qui permettent de témoigner des crises sociales18, qu’elles relèvent de la catastrophe ou de la misère quotidienne ; au contre‑pouvoir que peut devenir la littérature face aux storytelling managériaux ou propagandistes19, à la « catégorie politique » qu’elle devient bel et bien20 ; à la littérature potentielle21 qui se met en scène elle‑même pour affirmer qu’elle est surtout là pour multiplier des possibles22.

7Un court texte de Charline Pluvinet sur la « lucha libro » péruvienne23 — spectacles de catch littéraire sur ring — clôt l’ouvrage et synthétise ses dernières conclusions : la littérature de fait entre en lutte, quoique ses combats et ses enjeux soient ambigus, toujours à la frontière entre fiction et réel. C’est la recherche littéraire elle‑même qui, derrière toutes ces hésitations, met en scène ses (im)puissances.

Une réévaluation des potentialités vraiment politiques de la littérature

8Nous l’avons souligné, il nous semble que la principale force de Pouvoir de la littérature réside dans le fin travail d’articulation des analyses notionnelles qui est mené d’article en article : chaque texte trouve ainsi sa place dans ce cheminement théorique général. Grâce à ce précis travail de construction, l’ouvrage aboutit en fin de compte à des formulations concrètes sur ce que peut vraiment la littérature qui, nous semble‑t‑il, évitent les écueils de certains des ouvrages théoriques publiés ces dernières années autour de la question des rapports entre littérature et politique. Très souvent en effet, et c’est d’ailleurs remarqué par plusieurs des auteurs et autrices de Pouvoir de la littérature, on se repose sur l’idée de l’autonomie de la littérature pour décider, un peu vite peut‑être, son non‑pouvoir radical en dehors de sa propre économie. Dans le sillage des analyses faites par Theodor W. Adorno ou Jacques Rancière24 — très souvent cités dans l’ouvrage — on finit par rejeter presque totalement l’idée d’un possible engagement littéraire de l’écrivain·e dans la société au sens sartrien, à la réduire à l’idée moins active d’« implication » ou de « responsabilité »25, ou à la retourner dans celles d’« engagements paradoxaux »26, d’« engagement dans la langue »27 où il s’agit surtout de s’engager pour la littérature loin du politique28. Benoît Denis le formulait à propos de certains écrivains, nous pouvons le redire pour ces recherches‑là : « ce type de discours n’admet la notion d’engagement qu’à la condition de parvenir à en contester la signification première, celle de l’implication politique. »29

9Pouvoir de la littérature prend son départ de toutes ces analyses mais re‑déplace le sens des conclusions vers l’idée d’un réel pouvoir politique et social de la littérature, vers la ré‑affirmation d’un rôle actif des écrivain·es pour actualiser ce pouvoir. Voyons par exemple cette conclusion de Bruno Blanckeman dans Des écritures engagées aux écritures impliquées, paru en 2015 :

interroger « ce que peut la littérature » n’équivaut pas à reconduire l’idée de quelque pouvoir qui lui serait propre et dont elle userait de façon discrétionnaire — une souveraineté de plein droit, une hégémonie de statut — mais à éprouver son potentiel de sens, sa capacité heuristique et la puissance formelle qui demeure sienne à marquer son temps30

10Pouvoir de la littérature reprend le questionnement là où il en était : on retrouve exactement les mêmes questions et les mêmes notions dans les deux ouvrages — « que peut la littérature ? », refus du surplomb, potentialité, capacité, puissance. Oui, mais précisément, si les présupposés de départ restent globalement les mêmes, Pouvoir de la littérature refuse de s’arrêter à l’idée d’une « puissance formelle », pour garder ouverte la possibilité d’une « puissance » vraiment politique, qui ne se réduise pas non plus à une simple « confrontation [de l’œuvre] au politique » hors de toute considération formelle, pour reprendre une remarque de Chloé Chaudet formulée ailleurs31. Mario Domenichelli formule ainsi à la fin du livre ce qui peut se comprendre comme l’idée implicite de l’ensemble :

prendre pour acquis que la politique de la littérature ne se trouve que dans la forme, et non pas dans la substance du discours ; dire, ou laisser entendre que la seule révolution dans la littérature ne peut se faire qu’à l’intérieur du système littéraire, à mon avis, c’est simplement nier toute valeur politique de la littérature. [...] C’est un effet du pouvoir qu’on peut formuler de la manière suivante : la littérature peut parler de la politique, ce qui arrive souvent évidemment, mais, au moment même où la littérature parle de la politique, elle transforme la politique en littérature. [...] À notre avis, au contraire la littérature ne peut pas tomber hors du monde.32

Des « prises de pouvoir » bien réelles

11Avoir laissé place aux études de genre et aux études postcoloniales en plein cœur du livre relève évidemment de ce choix‑là : là, l’idée d’une action de la littérature en politique n’a jamais été complètement désavouée33, et de fait ce chapitre présente plusieurs exemples de « prises de pouvoir » bien réelles permises spécifiquement grâce à l’écriture littéraire. Il faut d’autant plus le souligner que les précédents ouvrages édités par le Groupe Phi n’avaient que peu laissé de place à ces champs d’études, ou de manière très ponctuelle et dispersée. La littérature du passing par exemple34, plus encore que celle du « tragic mulatto » dont elle est issue, encapacite aussi bien matériellement qu’idéologiquement les écrivain·es en leur donnant accès à des places de pouvoir au sein du champ littéraire (les auteur·es sont Noir·es et ne sont ni édité·es ni diffusé·es dans des circuits blancs), en leur donnant une voix forte, et en produisant un discours qui permet à la fois d’identifier les classifications raciales et rouages des discriminations, de les subvertir (p. 131), de les déconstruire et de les dénoncer (p. 134). Dans les récits biomédicaux de Martin Winckler35 l’encapacitation proposée est aussi bien concrète : le narrateur médecin refuse explicitement de cautionner les dérives du « savoir biomédical », le récit met en scène les droits juridiques des patient·es confronté·es à des violences médicales. Les « pouvoirs de la littérature » proposés ici ne sont donc ni des idées abstraites ni des espoirs d’action, ils renvoient bien à la réalité matérielle de la prise de pouvoir — par les écrivain·es ou par les lecteurs et lectrices. La fiction littéraire, si elle est en outre capable de déstabiliser les rapports de pouvoir en jeu dans la société, ne le peut pas simplement parce qu’elle représenteet dévoile les rouages de la domination, elle le peut aussi parce qu’elle est elle‑même agissante, articulant et re‑sémantisant elle‑même « les rapports de pouvoir incorporés dans la représentation » (p. 137). Une analyse des récits de crimes de femmes dans les anciennes zones d’esclavage36 permet de rendre évidente la manière dont les écrivaines prennent le pouvoir non seulement par rapport aux littératures dominantes, mais aussi par rapport aux lectures qui voudraient s’accaparer leur œuvre pour en faire trop caricaturalement des textes d’empowerment : leur « écriture opaque, trouble, des crimes, c’est un doute plus qu’une réponse à cette injonction, en ce qu’elle exprime une volonté de laisser le lieu du pouvoir vacant une fois qu’il a été dévasté par l’énergie et la colère » (p. 166). Même geste dans les œuvres de Tchicaya U Tam’si et de Mohammed Khaïr‑Eddine37, qui rend évident que les concepts forgés dans les littératures critiques occidentales pour penser le pouvoir des discours ne sont pas applicables dans — et surtout sont absolument rejetés par — les littératures postcoloniales. L’idée même de « pouvoir », telle que définie par Foucault par exemple, est fondamentalement renversée par les textes et n’y fait plus sens — du moins, on n’y trouve plus le sens que la critique occidentalo‑centrée voudrait y mettre. En cela, la « prise de pouvoir » par la littérature se comprend comme une critique radicale, inextricablement politique et littéraire, exprimée par les écrivain·es dans un geste double de « refus » et d’affirmation forte de leur propre voix, interdisant qu’on la leur nie au moment où on prétend la leur restituer (p. 176). Ce refus radical d’occuper le pouvoir et d’en accepter des définitions venues d’ailleurs peut aussi être une manière de « repenser l’idée de révolution comme pure destitution »38 : soit de faire réellement acte politique, anarchiste en l’occurrence — ce qui permet de retourner plaisamment le sens des théories du désengagement littéraire que nous citions plus tôt. À travers toutes ces analyses, comme on voit très variées, s’impose le constat que la littérature peut : donner des moyens d’accès au pouvoir ou inventer des formes qui le refusent radicalement tel qu’il s’impose de l’extérieur.

Sur les références notionnelles & bibliographiques proposées

12Il nous semble néanmoins que cette idée force, proposée pour but et démontrée efficacement au cours de la construction de l’ouvrage, est parfois un peu ralentie par le recours quasi systématique à des références qui commencent à vieillir un peu — toutes fondamentales qu’elles soient pour retracer l’histoire des concepts actuels de la théorie de la littérature. Le démarrage du livre s’offre pour programme de réfléchir à la généalogie des grandes notions de théorie littéraire qui permettent de penser le « pouvoir de la littérature » : dans cette mesure il est logique qu’Aristote et d’autres auteurs antiques soient massivement cités, malgré tout l’usage de certaines notions latines ou grecques alourdit parfois, ensuite, un propos qui serait peut‑être plus leste s’il se contentait de temps en temps d’utiliser leur traduction en français moderne.

13Des auteurs comme Foucault et Adorno sont très abondamment cités, leurs pensées forment souvent le socle de départ des analyses qui sont menées dans les seconde et troisième parties de l’ouvrage ; elles sont parfois présentées à travers des travaux ultérieurs qui les ont reprises et critiquées pour partie, en particulier au sein des études de genre ou études postcoloniales. Quoique les travaux de Jacques Rancière et de Giorgio Agemben, qui leur succèdent, aient suscité les premières réflexions à l’origine du colloque — comme il est rappelé en introduction —, on remarque que la plupart des textes sur lesquels s’appuient auteurs et autrices de l’ouvrage ont été publiés il y a plus de vingt ans, à quelques exceptions près ; nous notons d’ailleurs l’absence de références explicites à d’autres ouvrages de réflexion sur les pouvoirs et implications de la littérature parus récemment — que nous citions plus haut — lesquels, nous semble‑t‑il, sont pourtant présents en filigrane dans la tenue générale des réflexions proposées. Certaines parutions des années 2000‑2010 sont toutefois régulièrement mobilisées, soit qu’elles insistent sur une continuité de questionnement avec les histoires littéraires et théories de la fin du xxe siècle39, soit qu’elles portent les débats littéraires, sociaux et politiques du jour40.

14Une des raisons de cette série de constats de décalages peut tenir au fait que, dans la recherche française, la prise en compte massive des questions de genre ou questions postcoloniales est somme toute assez récente — ce livre‑même en témoigne, nous disions plus haut qu’il était le premier de la série à laisser une place centrale à ces questions. Il y a comme un manque à combler — ou une série de manques — qui pousse en même temps à retrouver les bases théoriques (qui datent d’une quarantaine ou d’une cinquantaine d’années) et à produire du neuf — d’où, sans doute, ces allers‑retours dans la bibliographie.

15D’une manière générale il semble donc que l’ouvrage, tel qu’il se présente, confirme que les interrogations sur le pouvoir de la littérature nées dans les années 1970‑1980 sont encore l’objet des préoccupations des chercheurs et chercheuses mobilisé·es ici : signe qu’elles sont loin d’être épuisées encore et qu’elles sont en ce moment renouvelées par l’arrivée de nouveaux questionnements sociaux. Dans l’ensemble, Pouvoir de la littérature offre de riches ressources bibliographiques pour les personnes qui souhaitent creuser le sujet de ce que peut la littérature et de ses rapports avec la politique.


16Pour conclure, il faut remarquer un dernier point fort de l’ouvrage, qui tient au fait que littérature et discours critique sur la littérature n’y sont jamais vraiment séparés. Là aussi, le format des actes amplifie ce travail : certains des articles proposent des recherches achevées, d’autres des recherches en cours, voire des recherches potentielles41. Pouvoirs de la littérature et pouvoirs de la recherche littéraire sont interrogés en même temps, parce qu’il est postulé que c’est par la réflexivité de la littérature qu’apparaît son pouvoir d’agir42. Sur ce point Pouvoir de la littérature s’inscrit bien dans une des veines actuellement les plus fécondes des développements de la recherche en littérature et sciences humaines.