« C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit… » : poétiser le cauchemar
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s’est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté ;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage,
Pour réparer des ans l’irréparable outrage.
« Tremble, m’a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l’emporte aussi sur toi ».
(Racine, Athalie, 1691)
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Je rentrais de gala avec mes musiciens,
Quand une grosse bête apparut sous la pluie,
Faisant de l’auto-stop comme un vulgaire humain.
Je lui ai dit : « montez », il m’a répondu :
« Je suis le loup-garou et toi qui donc es-tu ? »
J’suis chanteur comique, j’fais dans la musique,
Je chante pour les bambinos, des petits refrains rigolos.
(Carlos et Joe Dassin, Le Bougalou du loup-garou, 1976)
1On le sait, l’histoire littéraire a fait du songe d’Athalie un morceau d’anthologie. Hypotypose par excellence, cet extrait de la tragédie de Racine (acte II, scène 5) a longtemps été étudié et appris dans les écoles1. C’est donc d’abord par une heureuse fortune pédagogique que le premier vers du songe, « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit », a été détaché de son contexte initial et diffusé : morceau choisi au service d’un progrès intellectuel et moral véhiculé par l’instruction populaire nationale, la tirade s’est vue élevée au rang de monument présumé de la littérature française à partir du Second Empire. Cet usage académique du songe d’Athalie lui a naturellement attiré des parodistes, comme Henri Salvador qui propose en 1961 dans Athalie-rock une collision entre deux genres a priori aux antipodes l’un de l’autre, la tragédie classique et le rock n’roll. Mais contrairement à Carlos dans Le Bougalou du loup-garou que Joe Dassin a écrit pour lui, Salvador chante l’intégralité du songe, sans changer un mot au texte de Racine : le caractère métalinguistique de la citation constitue d’ailleurs l’instrument principal de la parodie. Carlos, lui, mêle le premier vers du songe à son propre texte : il ne démarque pas l’expression du reste de son discours et n’exhibe pas l’emprunt au dramaturge.
2Il faut donc distinguer plusieurs types de réemplois de ce vers et écarter d’emblée de notre propos les citations explicites, qui ne constituent pas, à proprement parler, des « formules ». Car l’horreur de la profonde nuit a suffisamment marqué les esprits pour devenir rapidement une formule, c’est-à-dire une formulation plus ou moins figée, pouvant avoir une valeur polémique, qui sert de référent social à des discours produits dans l’espace public2. À travers un rapide parcours chronologique, il s’agira de voir ici comment cette formule, mise au service de différents imaginaires de l’épouvante – romanesque, psychanalytique ou politique –, ne fait jamais complètement oublier la référence à Racine : fonctionnant comme une métonymie d’Athalie, elle confère à l’horreur tragique une dimension proprement mythique.
3Claude-Joseph Dorat est sans doute l’un des premiers à utiliser l’expression en discours en 1765, dans la Lettre de Philomèle à Progné. Il lui conserve un usage poétique : « Et de l’airain l’épouvantable bruit, / Augmente encor l’horreur d’une profonde nuit » (p. 50). La réappropriation se manifeste par une dislocation du vers racinien, dont ne subsiste que le syntagme « l’horreur d’une profonde nuit ». L’alexandrin a disparu et l’emprunt à Racine n’est pas signalé. Cette réappropriation s’accompagne d’un effet d’amplification (« augmente encore l’horreur ») qui introduit une concurrence entre le poète et son illustre modèle, comme s’il s’agissait de le dépasser ou, du moins, de s’inscrire dans son héritage poétique. Ce faisant, si Dorat n’explicite pas la référence à Athalie, il ne la dissimule pas complètement. C’est là l’une des caractéristiques de la fortune de cette formule, du xviiie siècle jusqu’aujourd’hui : son usage comme référent poétique, romanesque ou social ne masque pas complètement son origine, tragique et racinienne, qui ne disparaît jamais tout à fait.
4La formule, qui circule surtout sous la forme amputée de syntagme nominal, à savoir (pendant) l’horreur d’une profonde nuit, fait florès au xixe siècle. Elle nourrit particulièrement l’imaginaire des adeptes du romantisme gothique, qui voient dans le songe d’Athalie une anticipation de l’atmosphère macabre des romans noirs. L’usage qu’en fait le critique Auguste Béranger, en 1860, montre que cette expression se suffit à elle-même pour dénoter le « fantastique » : « Le spectre de Jézabel, qui, pendant l’horreur d’une profonde nuit, jette l’épouvante dans l’âme d’Athalie, est un symbole des remords qui troublent la reine meurtrière et infidèle » (p. 51-52). Le critique choisit de mettre l’expression en italiques, et non entre guillemets, alors même qu’il démarque très scrupuleusement les citations par des guillemets dans le reste de son ouvrage : quoiqu’il distingue le syntagme de son propre discours par cette variation typographique, il n’en fait pas pour autant une citation. « Pendant l’horreur d’une profonde nuit » a donc un statut discursif intermédiaire et ambivalent : séquence concise bien identifiée, elle apparaît ici en voie de figement. Le détachement de ce syntagme s’explique par les connotations dont Béranger le gratifie : il concentre en lui toute l’horreur causée par l’irruption du spectre de Jézabel3.
5La transformation du vers racinien en formule est en effet la conséquence d’une condensation de ses connotations. Celles-ci renvoient à l’épouvante, et doivent beaucoup à la double lecture, propre et figurée, qui peut être faite des termes horreur et nuit. L’horreur, en son sens étymologique (horror), renvoie au hérissement d’effroi mais aussi à la terreur religieuse : elle est notamment associée, dans la Vulgate, à la punition divine des impies (Ez. 32, 10 ; Jb. 18, 20). C’est précisément cette horreur sacrée terrassant Athalie, maudite par un Dieu vengeur, qui retient l’attention de Chateaubriand. Dans le Génie du christianisme, il souligne l’importance du vers « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit » : celui-ci, dit-il, annonce le songe « terrible » en montrant « le génie sombre des dogmes hébreux » (1820, p. 273). Quant à la nuit, elle désigne bien sûr le moment qui succède à la fin du jour ainsi que l’obscurité qui lui est corrélative, mais elle renvoie aussi par métaphore à un temps de malheurs et d’affliction4. Ces quelques mots font formule, dans la mesure où ils suffisent à évoquer le mal, le remords, l’angoisse, la malédiction. Car il s’agit bien d’une « évocation », vague donc : la stabilité du signifiant que l’on peut déceler dans cette expression repose précisément et paradoxalement sur les connotations relativement floues qu’elle accueille. Elle renvoie à tout un imaginaire de l’horreur et peut ainsi devenir une formule apte à circuler entre différents types de discours : comme le dit Alice Krieg-Planque, la formule réside dans une « évaporation du sens du segment disparu […] qui aboutit à un certain flottement sémantique » (2009, p. 75).
6À la richesse de ces connotations, il faut ajouter le caractère hautement dramatique du vers de Racine : embrayeur de récit, il est fait pour introduire le songe et pose donc le cadre spatio-temporel dans lequel se déploie « l’horreur ». Chateaubriand le signale : « comme [Racine] va tenir beaucoup, il promet beaucoup par ce vers » (1820, p. 273). Amorce d’un récit qui ne peut être que terrible, il met en éveil l’imaginaire du lecteur, ou de l’auditeur. Les auteurs de romans policiers ou de thrillers, du reste, l’ont bien compris, puisque la formule leur a inspiré les titres de leurs enquêtes, comme Une si profonde nuit (1975) de Pierre Suragne ou D’une profonde nuit (s.d.) de Philippe Larzac. Ces deux exemples présentent, d’un point de vue énonciatif, des cas de détachements forts (voir Maingueneau, 2012, p. 15). Ils sont coupés du texte source, dont ils présentent de surcroît une version très altérée : le vers d’Athalie se trouve tellement amputé que l’on peut se demander s’il s’agit bien encore d’une référence à Racine. Mais c’est précisément cette ambiguïté qui nous permet de parler de formule. Il suffit de quelques menus indices, comme l’antéposition de l’adjectif profonde et, pour l’ouvrage de Pierre Larzac, de la présence de la préposition élidée d’, pour susciter le souvenir du vers racinien. L’hommage, tout indirect qu’il est, donne au titre une ampleur tragique : il promet tout à la fois des crimes atroces, un terrible meurtrier, des remords cuisants – et peut-être même un effroyable châtiment. Le signifiant, stable quoique large, est communément partagé et, en tant que tel, identifiable par tous.
7Le développement de la psychanalyse au début du xxe siècle donne une assise théorique au caractère symbolique du songe. Car d’après Freud, dans L’Interprétation des rêves, le rêve n’est justement pas qu’un rêve : il est l’accomplissement d’un désir inconscient. On trouvera ci-dessous une traduction iconographique de la formule « pendant l’horreur d’une profonde nuit » qui permet de prendre la mesure du caractère symbolique dont elle se charge. Sur cette affiche de spectacle, datant de 1910, le premier vers du songe d’Athalie est représenté, pour ainsi dire, dans la partie gauche de l’image : « l’horreur d’une profonde nuit » réside littéralement dans l’opulente chevelure brune de la reine, masse dont émergent des crânes couronnés.
Paul Berthon (illustrateur), Athalie, d’après la tragédie de Jean Racine. Adaptation et mise en scène de M. Michel Carré, Série d’art Pathé Frères, 1910, estampe, 156 x 119 cm (source : gallica.bnf.fr).
8Cette représentation, non réaliste, évoque l’inconscient d’Athalie torturé par la réminiscence de crimes familiaux anciens. Ses cheveux sont la nuit, ils sont même l’horreur de la nuit. Cette masse sombre est la figuration d’un inconscient qui surgit à travers le songe, auquel la chevelure-nuit semble renvoyer, comme par synecdoque. L’horreur de la profonde nuit ne résume pas seulement le personnage d’Athalie et la tragédie racinienne tout entière, mais elle condense aussi l’idée d’un passé terrible qui ne saurait passer.
9Ces différents miroitements sémantiques – du passé lourd à porter, qui s’exprime par l’inconscient, à l’angoisse d’une catastrophe à venir – se doublent d’une charge satirique parfois virulente. Le Songe d’Athalie, pamphlet de Rivarol et Champcenetz, attribué faussement à Grimod de la Reynière, publié autour de 1787 et dirigé contre Madame de Genlis, en est un des premiers exemples. Si, dans ce cas-ci, le syntagme qui nous intéresse a été modifié en « C’étoit dans le repos du travail de la nuit » (p. 11), et si les connotations du texte d’origine ont été inversées, d’autres détournements satiriques reposent au contraire sur un respect scrupuleux du vers racinien. C’est que l’horreur qu’exprime le syntagme revêt une signification politique que Voltaire ([1769] 1999, p. 505-514) s’est plu à souligner, puisqu’il lit Athalie comme une lutte entre le fanatisme et le pouvoir légitime. « L’horreur de la profonde nuit » a ainsi pu servir à la satire pour dénoncer un pouvoir jugé tyrannique.
10La formule est alors essentiellement polémique. On trouve plusieurs exemples de cet usage dès la Révolution française, parmi lesquels La Targétade, tragédie satirico-burlesque contre-révolutionnaire datée de 1791, attribuée à Huvier-Desfontenelles : Madame Target, épouse du député Target, rapporteur du Comité de révision de la Constitution, est représentée en Athalie. Dans le décor de la prison des Tuileries, elle fait le songe d’un châtiment royal qui la punirait d’avoir abandonné son roi. Elle raconte à Talleyrand son cauchemar :
C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit,
Tout-à-coup en sursaut je me crois réveillée.
Je me crois dans un bois, ou bien à l’assemblée,
Au milieu des brigands, ou bien des députés. (Huvier-Desfontenelles, [1791], p. 29-30)
11Le vers initial du songe est respecté à la lettre, mais pas les suivants, détournés de la version racinienne. Assumant son rôle de formule, il sert d’embrayeur à la réécriture en permettant l’identification parodique de Madame Target à Athalie. Mais il permet surtout, à la fin du songe, de donner une dimension tragique au massacre de Bertier de Sauvigny, pendu et démembré en 1789 par le peuple en colère, puisque la tirade de Madame Target s’achève par l’image de ses « lambeaux pleins de sang & des membres affreux / Que des Français humains se disputaient entre eux » (Huvier-Desfontenelles, [1791], p. 31) : les Révolutionnaires sont ainsi représentés en impies qui ont commis contre leur roi et ses partisans le même sacrilège qu’ont commis Athalie et ses complices contre la vraie religion.
12Plus récemment, la formule est utilisée dans les médias politiques : elle sert de « référent social » (Krieg-Planque, 2009, p. 93) à des discours éloignés du contexte originel du syntagme. Alain Badiou, dans l’article intitulé « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit. Sur l’élection de Donald Trump », attribue ce vers, non sans humour, à une vision prémonitoire de Racine : « Peut-être Racine songeait-il, au futur, à la victoire de Trump qui, au fil des heures, se précisait, changeant en effet les profondeurs de la nuit électorale en une sorte de chose horrible » (2019, p. 14). Et en effet, c’est la nuit californienne depuis laquelle Badiou suivait l’annonce progressive des résultats qui semble justifier pour lui le rapprochement, ce qui explique les variations lexicales autour de la « nuit » qui jalonnent l’article, telles que « les profondeurs de la nuit électorale », « la profonde nuit californienne », « tout au long de la profonde nuit », « la profonde, l’horrible nuit ». Badiou exploite la syllepse sur nuit, terme qui renvoie à la fois à l’espace temporel qui suit le jour (la nuit des résultats électoraux) et, par métaphore, à un temps de catastrophes et de terreur (« dépression, peur, panique », trois affects que suscite, selon Badiou, l’élection de Trump). La formule permet ici à l’auteur de définir le lecteur pour lequel il écrit : il postule qu’il partage avec lui à la fois des références culturelles, la connaissance du songe d’Athalie, et des convictions politiques, à savoir qu’il pense comme lui que l’élection de Trump est bien une catastrophe pour le monde entier. L’emploi du vers instaure une connivence sociale, au moment où Badiou cherche une communauté sur laquelle s’appuyer. À la gravité du moment fait écho la majesté de la référence : le discours de Badiou, qui se fait porte-parole des anti-Trump, n’en est que plus solennel.
13Un phénomène analogue est à l’œuvre dans l’article « Le songe d’Attali », que signe le journaliste Alexis Brézet dans le Figaro en janvier 2008, à propos de la crise financière mondiale qu’avait anticipée le président de la Commission pour la libération de la croissance française. Mais justement, cet article n’est pas satirique : « l’horreur d’une profonde nuit » est certes le cadre d’un songe prémonitoire lugubre, mais Jacques Attali, loué pour sa clairvoyance et son bon sens politique, n’a d’Athalie que l’homophonie. Le rêve est terrible, mais pas celui qui le fait. À la différence des exemples vus précédemment, la formule s’affranchit ici nettement de la figure de l’épouvantable reine et sert uniquement à dramatiser le contexte économique désastreux, au profit de la figure d’Attali, qui apparaît comme un sauveur.
14Citons enfin Jean-Michel Truong qui, dans l’essai Reprendre : ni sang ni dette (2013), commente un graphique spéculatif représentant les moyens de supprimer la dette de l’État. Ce graphique, écrit-il, permet de comprendre comment passer, en matière de finances publiques, « de l’horreur d’une profonde nuit à la suprême et morne volupté du soleil de midi » (p. 67) : la juxtaposition d’expressions empruntées à Racine et à Leconte de Lisle, mais non signalées comme telles, est tout à fait représentative de la position politique de Truong, qui cherche à démarquer son discours de celui des politiciens traditionnels en y instillant des touches sarcastiques. Il présente d’ailleurs ironiquement le graphique comme un « retable » (p. 66) composé de quatre panneaux donnant à voir, en quatre temps, la conversion des « aides sans contreparties » en « arrêt des prélèvements sociaux ». Les « lignes de force structurant l’œuvre », dit-il, vont « s’abîmant sans rémission dans les profondeurs infernales sur le panneau de gauche ; s’élançant dans l’azur avec vigueur sur les suivants » (p. 67). La formule « l’horreur d’une profonde nuit », retournée contre elle-même, fonctionne à contre-emploi : l’épouvante est désamorcée par l’ironie. Il s’agit pour Truong de convaincre, mais de convaincre en parodiant un discours médiatique convenu qu’il récuse. Le décalage entre un graphique prévisionnel sur la gestion des finances publiques et le discours tenu sur lui, émaillé de références poétiques, permettent à Truong de souligner le caractère fallacieux d’une politique tablant sur une croissance illusoire. C’est bien comme discours mythique que le premier vers du songe est ici convoqué, mais dans le sens d’un discours hyperbolique, spéculatif et non réaliste. Le modèle économique très personnel qu’il propose pour enrayer la dette se construit sur les cendres d’une société capitaliste dont la chute programmée se mesure à la pluie de formules mi-médiatiques, mi-littéraires qui jalonnent son texte – comme s’il voulait nous signifier que ce discours appartient à un monde ancien en train de se disloquer.
15Ainsi, si l’alexandrin « C’était pendant l’horreur d’une profonde nuit » ou, sous sa forme raccourcie, l’octosyllabe « l’horreur d’une profonde nuit » sont devenus des formules, c’est paradoxalement parce qu’ils ne font jamais oublier la référence à Racine. Ils renvoient par métonymie à la tragédie Athalie et, plus largement, au registre tragique même, ainsi qu’à tout ce que ce dernier connote de terrible et de sublime dans l’imaginaire collectif. Le flottement sémantique auquel donne lieu la transformation d’un syntagme en formule est en effet particulièrement fécond pour ce premier vers du songe d’Athalie, qui a résonné aux oreilles de centaines de générations d’élèves depuis 1691. Parce que ces syntagmes ne disent rien de précis mais qu’ils déterminent seulement un cadre spatio-temporel angoissant, ils sont applicables à des contextes très différents. Cette adaptabilité se voit assortie d’éléments qui donnent aux syntagmes une grande puissance poétique : leur rythme (alexandrin ou octosyllabe) et les assonances en [o] et [ɔ̃], sonorités fermées qui peuvent être qualifiées d’inquiétantes. Suggérer le cauchemar sans le dire directement, évoquer les déclinaisons de l’épouvante sans les expliciter, c’est là ce que permet la force poétique de ces quelques mots. Utopique et uchronique mais prémonitoire, le songe d’Athalie est lourd de menaces. C’est peut-être justement la promesse de châtiments innommables qui explique la fortune politique de cette formule : son intérêt est moins dans ce qu’elle dit que dans ce qu’elle fait redouter.