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Homo cinematographicus: sur l'hypothèse d'une préhistoire du cinéma, par Jean-Louis Jeannelle

Séminaire "Anachronies - textes anciens et théories modernes" (2011-2012).
Introduction à la septième séance (04 mai 2012): L'anachronisme contrôlé. Une méthode pour penser l'archéologie du cinéma?




Homo cinematographicus:
sur l'hypothèse d'une préhistoire du cinéma


Avant toute chose, j'aimerais distinguer, pour des raisons méthodologiques, deux questions différentes, qui risquent de se croiser continuellement dans notre discours par la suite. La première est celle du cinématisme, tel que l'envisage Eisenstein dans une série de textes (il existe un volume d'articles rassemblés par Naoum Kleiman et édités par François Albera à la fin des années 1970 sous le titre: Cinématisme: peinture et cinéma et récemment republié aux Presses du réel, mais Eisenstein lui-même n'a jamais envisagé de publier un volume sous ce titre): le concept de cinématisme désigne une abstraction, ce que l'on pourrait appeler une essence du cinéma indépendante du dispositif technique et économique qui en assure la diffusion et identifiable dans toute une série d'arts proches, tels la peinture, l'architecture, la littérature ou la musique. Pour Eisenstein, le cinéma synthétise et dépasse les arts qui le précèdent, en sorte qu'il offre, notamment à travers le montage, un point de vue privilégié pour penser ces arts connexes, déceler en eux des techniques ou des pratiques dont le potentiel n'est pleinement réalisé que par le cinéma. Le cinématisme est donc une forme de comparatisme visant à reconnaître dans différents arts des procédés ou des effets esthétiques propres au cinéma.

L'autre question est celle du pré-cinéma, autrement dit celle des antécédents ayant conduit à l'invention technique et économique du cinéma en 1895 ou plus largement celle de tout ce qui, en idée ou de manière concrète, a préfiguré la projection en public d'images animées et (ou plutôt puis) sonores. La recherche des préalables à l'invention du seul art que l'on puisse dater de manière précise et consensuelle est très ancienne (peut-être même presque aussi vieille que le cinéma lui-même) et elle conduit, en général, à un mouvement de régression à l'infini. En effet, si l'on ne s'en tient pas à la préhistoire des dispositifs optiques (c'est-à-dire des expériences scientifiques, jouets ou instruments optiques comme les lanternes magiques et toutes les inventions reposant sur le principe de la persistance rétinienne au XIXe siècle qui annoncent directement le dispositif cinématographique), et si l'on s'attache à tous les procédés de projection lumineuse, voire à toutes les tentatives d'animation de l'image, on peut alors remontrer très très loin. En 1955, lors d'un Congrès International de Filmologie organisé en Sorbonne, on fit débuter ce pré-cinéma aux cavernes préhistoriques en comparant une longue frise de Lascaux formée de têtes de cerfs à la pellicule d'un film dont on examinerait les photogrammes un à un.

On voit que la première question consiste à s'interroger sur l'extension (par conséquent la spécificité) du cinéma en synchronie, par comparaison, et la seconde en diachronie, par régression, mais qu'en réalité, toutes les deux sont étroitement liées, puisque le cinématisme n'a de véritable intérêt qu'à condition que la littérature ou la peinture aient anticipé chronologiquement le cinéma (sans quoi il s'agit d'une simple question d'influence d'un art sur les autres) et que le pré-cinéma, s'il se réduisait auparavant à un discours téléologique orienté uniquement vers l'invention du cinéma, porte aujourd'hui bien au-delà de la seule invention du cinéma en 1895, notamment dans les travaux très techniques menés par Laurent Mannoni (Le Grand Art de la lumière et de l'ombre) ou par Jean-Louis Comolli ou Jonathan Crary qui se situent dans une perspective plus théorique et idéologique. Dans les faits, les deux phénomènes sont difficilement dissociables et se recouvrent largement. Plus précisément, leurs enjeux se croisent, puisque le cinématisme pose le problème des limites du comparatisme et le pré-cinéma celui des limites de l'anachronisme.

L'enjeu du débat va porter ici plus nettement sur l'anachronisme. Le cinéma étant, du fait même de son soubassement technique, l'un des seuls arts parfaitement datable, la tentation d'en remonter aux prémices est inéluctable. Ainsi que le souligne Jean-Luc Godard dans Deux fois cinquante ans de cinéma français, lors de sa conversation avec Michel Piccoli (qui préside, dans le film, une association chargée d'organiser la commémoration autour du premier siècle du cinématographe), ce que l'on célèbre en 1995, c'est l'anniversaire de la première projection payante – autrement dit, ce qui a eu 100 ans en 1995, c'était l'invention d'un commerce, rendu possible par la mise au point d'une technique de projection publique (puisqu'Edison avait déjà commercialisé de son côté dès 1893 des courts métrages que l'on pouvait visionner seul pour 25 cents, à l'aide de Kinetoscopes), plus que celle du cinéma proprement dit. D'où le fait que nous soyons inévitablement conduits à remonter plus haut pour reconstituer les différentes techniques de projection ou les rêveries suscitées par l'animation d'images.

J'aimerais prendre pour exemple de ces recherches sur le pré-cinéma l'un des cas à la fois les plus extrêmes (puisqu'il s'agit du cinéma des cavernes préhistoriques) et les plus récents: l'ouvrage de Marc Azéma, La Préhistoire du cinéma: origines paléolithiques de la narration graphique et du cinématographe (ouvrage préfacé par Jean Clottes et Bertrand Tavernier) vient tout juste de paraître et redonne toute son actualité à une idée déjà ancienne comme on l'a vu (Congrès International de Filmologie en 1955) et que Werner Herzog a lui-même amplement exploitée dans son documentaire sur Chauvet, La Grotte des rêves perdus, sorti en 2010. Je précise, au cas où vous auriez un doute, que Marc Azéma est un préhistorien on ne peut plus sérieux, chercheur associé au CNRS et membre des équipes chargées d'étudier deux des grottes les plus importantes, la grotte Chauvet et la grotte de Baume-Latrone. L'essai d'Azéma, qui contient de très belles illustrations et surtout un DVD, m'intéresse en raison de l'argument sur lequel s'appuie toute sa démonstration, à savoir qu'il est possible de parler de cinéma (ou d'anticipation du cinéma) à partir du moment où l'homme tente d'animer les images et d'en tirer une narration. Or, selon Azéma, cette volonté anime les tout premiers artistes du paléolithique, en sorte que les origines lointaines du cinéma remonteraient à 35 000 années. Virtuellement, le cinéma existerait à partir du moment où Homo sapiens sapiens a produit des images et esquissé les premières formes de narration graphique. La stratégie argumentative de Marc Azéma paraît à la fois farfelue et extrêmement puissante. Elle consiste à déplacer la question du pré-cinéma des techniques de projection de la lumière ou des images animées vers celle de la narration graphique, qu'il s'agit pour le chercheur de présenter comme un médium universel, vieux de plusieurs millénaires. En somme, tout son ouvrage repose sur ce présupposé théorique très efficace (mais qu'il est possible de questionner): à savoir qu'une image tend structurellement à la narration (p.21, Azéma écrit que l'image est «par essence narrative») – par conséquent que cet effort d'animation peut être repéré dès les toutes premières images produites par l'humanité, le reste n'étant qu'un très long et très progressif effort de complexification des procédés d'animation séquentielle (c'est-à-dire d'organisation logique et technique des rapports entre les différentes composantes du support visuel de la narration). L'ouvrage se présente en trois parties que l'on peut ramener à deux phases distinctes: la première phase couvre la première partie, intitulée «Genèse», consacrée à la préhistoire de la narration graphique et de l'animation séquentielle, et la deuxième partie, intitulée «Gestation», et qui porte sur les perfectionnements de la narration graphique et de l'animation séquentielle des Egyptiens jusqu'aux Indiens d'Amérique du Nord en passant par les Grecs, les Aztèques ou le Moyen Age occidental; la troisième et dernière partie, intitulée «Naissance», qui correspond à la seconde phase, porte sur ce que l'on appelle classiquement le «pré-cinéma», des lanternes magiques du XVIIIe siècle jusqu'en 1895. On voit que Marc Azéma fait exploser le cadre ordinaire de la quête des origines du cinéma en radicalisant son approche de la question: si l'on admet son présupposé théorique sur la nature intrinsèquement narrative des images, il faut admettre que la question des origines du cinéma se confond avec les origines mêmes de l'humanité – si bien que l'accusation d'anachronisme qu'on serait tenté de lui opposer perd elle-même son sens.

Je résume les principaux arguments avancés par Azéma à l'appui de sa thèse. Plusieurs éléments justifient la dimension narrative de l'art pariétal:

- Tout d'abord le fait que les artistes du paléolithique ont consciemment utilisé les reliefs rocheux, ce qu'Azéma assimile à des opérations de cadrage. «Les mouvements naturels des reliefs de la roche ornée (angles, concrétions, coulées stalagmitiques, creux…) introduisent des ruptures spatiales qui participent à l'enchaînement des images (par ellipses et effets de focalisation), orientent la succession des scènes et des séquences, synonyme de “montage”.» Ces effets de montage sont liés au fait que les artistes ont réalisé des panneaux ou des ensembles complexes, qui supposent une lecture suivie, orientée, avec des opérations de focalisation. Page 124: «En disposant leurs images sur plusieurs pans (plans) rocheux successifs et parallèles, les artistes provoquent une mise en profondeur de la composition et conceptualisent le principe de la profondeur de champ.» Il existe en quelque sorte déjà une «grammaire visuelle» qui repose sur le travail de composition de l'image (échelle des plans), le déplacement du regard/spectateur à l'intérieur de cette image (focalisation et mouvement) et la succession des images dans l'espace (narration). Toute la difficulté pour le préhistorien consiste à reconstituer les liens qui existent dans les images rassemblées sur de vastes panneaux, autrement dit à identifier les niveaux de co-relation qui sont la base d'une narration. Marc Azéma s'attache ainsi à l'exemple de la salle Hilaire dans la grotte Chauvet: des lions à l'affût dessinés sur le volet gauche du Grand Panneau guettent un rhinocéros représenté à l'arrière-plan ou hors-champ.

- Deuxième élément essentiel: pour donner vie aux images, les artistes des cavernes ont inventé, selon Marc Azéma, des conventions graphiques permettant de représenter les mouvements plus ou moins rapides des animaux dessinés. Ces conventions sont si universelles qu'elles ne diffèrent pas vraiment de celles auxquelles nous aurions aujourd'hui recours. Marc Azéma établit ainsi (p.56-57) un tableau où il reconstitue les 5 grandes conventions utilisées pour restituer l'allure d'un cheval (le pas, le trot, le galop, le galop volant…), depuis Lascaux jusqu'à l'époque contemporaine, en reproduisant à chaque fois un dessin existant. À ces conventions s'ajoutent des processus de décomposition (là aussi conventionnels) du mouvement, selon deux techniques: par superposition d'images successives / par juxtaposition d'images successives. Dans le premier cas il y a adjonction de versions partielles du corps de l'animal permettant de multiplier les contours afin de faire saisir soit un mouvement de tête, soit un mouvement des pattes ou même de la queue (voir le tableau p.127, qui s'appuie sur des exemples tirés de Lascaux). Le dédoublement notamment des pattes a selon Azéma un but cinétique: il s'agit de créer un effet de vibration qui génère un flou dynamique (p.133, chaque dessin décomposé d'un cheval secouant la tête est placé dans les cellules d'une pellicule, comme s'il s'agissait de photogrammes n'attendant qu'une machine permettant de projeter la séquence ; ce qui est fait dans le DVD accompagnant le livre, où les dessins reconstitués sont montrés un à un puis successivement très vite jusqu'à constituer un petit film).

- Troisième élément: tous les procédés préalables supposent des conditions de visionnage: les grottes sont des endroits sombres qui nécessitaient l'usage de feux à base de graisse (même si en réalité, l'art pariétal se pratiquait tout autant sur des parois à l'air). Les variations de lumière créaient en quelque sorte les conditions nécessaires pour animer les images ainsi dessinées: le regard du spectateur pouvait parcourir les panneaux dessinés en ayant l'illusion que les images s'animaient grâce à ces éclairages paléolithique – on peut de même supposer qu'un chaman ou un guide accompagnait de ses commentaires le spectacle de ces images, faisant ainsi office de bonimenteur.

- J'évoque très vite un dernier argument, qui me semble peut-être le plus sérieux, parce qu'il est le plus technique et établit un lien assez surprenant avec ce que l'on appelle traditionnellement le pré-cinéma. Marc Azéma soutient ainsi que les hommes préhistoriques ont inventé les premiers jouets optiques. On a en effet découvert en 2007 des objets d'art mobilier se présentant comme des rondelles percées en leur centre. Azéma a, avec un collègue, reconstitué (avec les mêmes outils que ceux dont disposaient les hommes préhistoriques) l'une de ces rondelles (voir p.150-151: on voit une biche ou un isard debout sur l'une des faces, couché, blessé peut-être, de l'autre côté). A l'aide de tendons de bœuf, Azéma a montré qu'en tenant le disque des deux côtés et en le faisant tourner, on peut l'utiliser comme un thaumatrope, autrement dit comme l'un de ces petits jouets optiques mis au point vers 1926 par un physicien anglais et qui, lorsqu'on le fait pivoter sur lui-même, donne l'illusion que l'objet ou l'être vivant reproduit sur les deux faces s'anime ou alors que les deux objets (comme un oiseau sur une face et une cage sur l'autre face) se superposent. Voir p.153: «Les “rondelles-thaumatropes” servaient donc à visualiser ces petits dessins animés, mini-récits évoquant des scènes de chasse (gibier vivant-abattu), des actions à caractères symboliques, existentielles ou métaphysiques (animal jeune/adulte; vie/mort), des visions purement graphiques (effets lumineux), des projections qui nous font pénétrer dans l'imaginaire des hommes du Paléolithique.»

Quelles critiques peut-on opposer aux hypothèses, extrêmement argumentées, de Marc Azéma?

- La première critique tient à l'usage des modalisations. Je n'en donne ici qu'un seul exemple: les artistes de la préhistoire auraient, selon Azéma, «pressenti» les propriétés de la persistance rétinienne. A priori, le mot «pressenti» témoigne ici de la prudence intellectuelle de l'auteur et est donc tout à son honneur. Il me semble pourtant qu'en tout état de cause, un mot comme «pressenti» est ambigu. L'auteur veut-il dire que les artistes des grottes ont intuitivement utilisé les propriétés de la persistance rétiniennes ou s'agit-il simplement d'une manière de parler, d'une sorte de coïncidence qui donne l'impression (de notre point de vue) qu'ils ont comme deviné ce qu'en réalité ils étaient incapables d'anticiper? La question vaut pour l'ensemble du propos de Marc Azéma. Il me semble en effet que le plus rigoureux serait de supposer que le recours au vocabulaire cinématographique (travelling, cadre, focalisation…) est d'ordre avant tout métaphorique, mais ce n'est pas l'usage qu'en fait ici Azéma qui préfère laisser planer le doute et conduire son lecteur à supposer qu'il y a bien sur les parois des cavernes préhistoriques une forme rudimentaire de mouvement équivalant à un travelling ou une forme équivalant à un cadre. Lorsqu'Azéma voit dans les différences de tailles entre des animaux disposés sur un même plan de roche un effet de focalisation, il semble bien que dans son esprit, le terme «focalisation» ne soit pas une simple métaphore.

- Deuxième objection: à plusieurs reprises, Azéma prend pour point d'aboutissement des efforts déployés par les artistes des cavernes non pas le cinéma mais la bande dessinée. Page 125, il se demande ainsi si les hommes de la Préhistoire n'ont pas aussi inventé le bande dessinée, et p.141, il utilise les techniques du dessin animé qu'il applique aux images des cavernes. Cette hésitation entre cinéma et bande dessinée se justifie si l'on convient que la bande dessinée est proche du cinéma d'animation, mais elle montre en même temps le caractère arbitraire de l'hypothèse développée. Même si le cinéma d'animation repose bien sur des dessins de même nature que ceux de la bande dessinée, les deux médiums ne se confondent pas entièrement, et que l'un puisse valoir à ses yeux pour l'autre prouve que l'identification dans l'art pariétal de procédés cinématographiques (ou de procédés annonçant la bande dessinée) ne se dit et ne vaut que par métaphore.

- La troisième objection est à mon sens la plus sérieuse. Elle tient au fait qu'Azéma fait très souvent un usage fautif des termes cinématographiques. Ainsi des ensembles comme le panneau des Bisons de la grotte des Trois-Frères ou la salle des Taureaux de Lascaux deviennent-ils des «plans d'ensemble» ou des «plans généraux», voire des «plans-séquences» (p.121). Or se mêlent ici deux significations différentes et peu compatibles du même terme: le plan comme portion d'espace selon une échelle des plans (lié à la profondeur) et le plan comme unité de film comprise entre deux collures et relevant du montage (lié au traitement du temps, plus largement aux opérations de sens). Une telle confusion souligne bien, me semble-t-il, le caractère métaphorique d'un tel usage du vocabulaire cinématographique.

De même est-il écrit, au sujet de certaines compositions en frise (comme le secteur des Chevaux de Chauvet, p.124), qu'elles offrent un «panoramique» ou un «travelling latéral en devenir». Le même type d'argument est appliqué à certaines œuvres de la deuxième partie («Gestation»), tel le Grand retable de la cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur de Narbonne, partiellement détruit à la Révolution (p.208). Du large bandeau sculpté dans la partie inférieure gauche du retable (nord-est) qui représente des scènes de l'Enfer et du Purgatoire, Marc Azéma écrit:

C'est un véritable plan-séquence qui prend l'aspect d'un panoramique (ou plutôt travelling latéral) suivant le cheminement des damnés à travers le Purgatoire. Le but escompté (dramaturgie) est d'impressionner le spectateur en l'amenant à s'identifier à l'un des pauvres hères condamnés à travers les pires supplices.

Mais sont confondus ici le mouvement de la caméra que l'on nomme «travelling» et l'effet de continuité propre au plan-séquence (qui permet de saisir le déroulement d'une action sans coupe, autrement dit sans montage). S'il y a un mouvement latéral dans ce cas, c'est celui du spectateur qui est supposé déplacer son regard, le déplacement obéissant à un ordre de consécution logique (ou chronologique), mais n'ayant rien à voir avec ce qui se joue au cinéma. L'hésitation, dans le propos d'Azéma, entre panoramique et travelling est un indice de son usage à nouveau métaphorique de termes techniques empruntés au cinéma. Le mouvement qu'est censé opérer le regard du spectateur n'est en rien équivalent au travelling cinématographique, lié à l'existence même de la caméra et plus largement de la projection cinématographique en tant que dispositif (longuement décrit, voire déconstruit dans les années 1970 par Jean-Louis Baudry ou Jean-Louis Comolli). Autrement dit, il me semble contestable de voir dans la continuité spatiale et symbolique des actions effectuées par les damnés quelque chose qui annoncerait l'effet produit par un travelling parce que l'effet du travelling tient purement et uniquement à ce qu'autorise la caméra; il est indissociable de ce dispositif technique. Plutôt qu'une anticipation, il conviendrait d'y voir une mutation – autrement dit d'être attentif aux ruptures plus qu'aux continuités.


Jean-Louis Jeannelle


Pages associées: Cinéma, Pré-cinéma?, Cinématisme?, Anachronies, Anachronisme, La Bande dessinée, Narration graphique?.


Bibliographie:

  • Jean-Louis Baudry, "Le dispositif", dans Communications, "Psychanalyse et cinéma", n°23, 1975, p.56-72.

  • Jean-Louis Baudry, L'Effet cinéma, Paris, Albatros, 1978.

  • Jean-Louis Comolli, "Technique et idéologie", Cahiers du cinéma, n°229-235 et 241, 1971-1972.

  • Jean-Louis Comolli et Jean Narboni, "Cinéma/idéologie/critique", Cahiers du cinéma, n°216-217, 1968-1969.

  • Jonathan Crary, Suspensions of Perception: Attention, Spectacle and Modern Culture, MIT Press, 2001.

  • Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, Cinématisme. Peinture et cinéma, édité par Alexandre Laumonier. Introduction, notes et commentaires de François Albera, avec un collage-préface de Jean-Luc Godard. Traduit par Valérie Posener, Elena Rolland, Anne Zouboff (russe), Danièle Huillet (allemand), François Albera (anglais). Dijon: Les Presses du réel, coll. "Fabula", 2009.

  • Laurent Mannoni, Le Grand Art de la lumière et de l'ombre. Archéologie du cinéma, préface de David Robinson. Paris: Nathan Université, coll. "Réf.", 1994.



Jean-Louis Jeannelle

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Dernière mise à jour de cette page le 4 Novembre 2012 à 19h16.