Acta fabula
ISSN 2115-8037

2022
Mai 2022 (volume 23, numéro 5)
titre article
Michel Renaud

Indocti discant et ament meminisse periti

Indocti discant et ament meminisse periti
Frédéric Tinguely (éd.), avec la collaboration de Jérôme David et Radu Suciu, Le Festin critique. Hommage à Michel Jeanneret (1940‑2019), Droz, coll. « Travaux d'Humanisme et Renaissance », 2021, 250 p. EAN : 9782600062992 ; Sandrine Bédouret‑Larraburu, David Diop, Valérie Fasseur, Hans Hartje, Nadine Laporte, Marie‑Françoise Marein (éd.), avec la collaboration de Christiane Albert, La Littérature et l'esprit. Hommage à Jean‑Yves Pouilloux, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », vol. 517, 288 p. EAN : 9782600062753.

1Indocti discant et ament meminisse periti ... « Que ceux qui ne savent pas apprennent, et que les autres aiment à se ressouvenir ». Cette citation éculée, selle à tous chevaux, reléguée de longue date aux pages roses du Petit Larousse, pourrait encore, cum grano salis, tenir lieu d’épigraphe à ces hommages posthumes qui ne dérogent guère aux règles du genre. Même s’il est néanmoins fort peu probable qu’il se trouve des « indoctes » — étudiants zélés, chercheurs anonymes ou autodidactes curieux — pour se hasarder à feuilleter ces mélanges, trop visiblement destinés à un cercle restreint de « spécialistes », collègues, disciples ou proches à divers titres des défunts à la mémoire desquels ils sont dédiés. Le contenu des diverses contributions rassemblées dans ces deux volumes, leur intérêt critique ou scientifique importe moins, au fond, que la portée symbolique de l’hommage et l’identité des signataires légitimement admis à participer à l’exercice d’admiration.

Le Festin critique (Michel Jeanneret)

2Le titre de ces mélanges en hommage à Michel Jeanneret disparu au printemps 2020 — qui fait évidemment écho à l’un de ses essais les plus significatifs — rappelle d’emblée son goût pour « la chair chaude des mots », les « paroles dégelées », les formes diverses, érudites ou jubilatoires du logodeipnon, la circulation de la parole vive, qui se transforme, offre des significations mouvantes répondant à la métamorphose de toutes choses. Ces isotopies concurrentes — au sens étymologique du terme — et récurrentes, sont naturellement évoquées et glosées en plusieurs lieux de ce volume, divisé en trois sections de dimensions très inégales.

Le moment de Protée

3Après les « seuils » d’usage — notes de présentation très sobres de Frédéric Tinguely — le recueil s’ouvre sur deux textes posthumes, issus de conférences données par Michel Jeanneret en 2018, à l’université de Toronto. Intitulées ici « Corps métamorphiques » et « Identités mouvantes », ces analyses reprennent les commentaires accompagnant la présentation d’un choix de gravures de Virgil Solis destinées à illustrer les Métamorphoses d’Ovide, ainsi que d’autres documents iconographiques, constituant autant de variations sur les mêmes thèmes, renvoyant à une Weltanschauung qui trouve son origine chez les présocratiques et se prête à de constantes relectures, à la faveur de nouveaux éclairages idéologiques ou religieux.

4Ces études brèves, textes en partie récrits à partir des notes originales, constituent néanmoins, en l’état, un éloquent témoignage de la fascination de Michel Jeanneret pour le thème de la métamorphose, pour ce « paradoxe que l’inconstance et l’altérité sont les modes normaux de l’être ». On notera l’intérêt du cahier de reproductions hors‑texte — trente pages sur papier glacé — qui permet au lecteur de prendre la mesure de la pertinence et de la finesse de l’exégèse qui en est proposée en termes non moins sobres qu’éclairants.

Trajectoire critique

5La deuxième partie du recueil regroupe neuf contributions : retour sur les travaux et publications de Michel Jeanneret, rappel de ses centres d’intérêt et thématiques de prédilection, digests analytiques de ses principaux essais, réaffirmant la diversité, les curiosités multiples de l’érudit en même temps que la cohérence d’un parcours intellectuel original. Portrait de l’auteur en Protée : « Je change donc je suis. » Chacun des auteurs de cette section a choisi ou a été invité à présenter une étude ou un axe de recherche particulièrement significatif, dans la copieuse bibliographie du défunt. Sont ainsi résumés et succinctement commentés les rapports entretenus par Michel Jeanneret avec « les grandes époques et textes de la Renaissance italienne » (« Le savoir fera les délices de ton âme » — Carlo Ossola) ; les travaux en relation avec la tradition biblique et le protestantisme (« Poésie et tradition biblique au XVIe siècle : l’émergence d’un grand critique » — Max Engammare) ; l’ouvrage majeur consacré au couple paronymique saveur/savoir ou au genre bigarré du logodeipnon (« Des mets et des mots, un repas festif » — Frank Lestringant) ; la réflexion sur les signes, la parole et le sens (« Dégeler les paroles en 2020 : Le Défi des signes » — Terence Cave) ; le grand livre des métamorphoses et de la mutation perpétuelle (« Abolir les frontières : Perpetuum mobile — François Lecercle) ; la transgression, l’érotisme et la pornographie (« L’indiscipline de Michel Jeanneret — Françoise Lavocat) ; l’envers du classicisme (« Versailles, ordre et chaos ou la Galerie des Glaces au miroir d’un grand critique » — Jean‑Pierre Van Eslande). S’ajoutent à cette succession de commentaires ou de gloses deux brèves contributions consacrées au thème de la folie — ce qui nous conduit dans les parages du fantastique nervalien (« Métamorphoses de la folie » — Dominique Branchier) et, de façon plus inattendue, à la rencontre entre littérature et nouvelles technologies (« Du gai savoir numérique, ou la naissance du Bodmer Lab » — Jérôme David).

6Il serait oiseux et redondant de résumer ces lectures ou relectures, elles‑mêmes invitations à revenir aux grands textes de Michel Jeanneret, remis ici en perspective et témoignant ainsi d’une démarche analytique singulière, en perpétuel ressourcement.

7Si ces hommages élogieux sont parfaitement fondés, ils ne présentent, on s’en doute, qu’un intérêt critique assez mince : les contradictions, les aspects controversés, objets de rares disputations vétilleuses ne sont évoquées qu’indirectement, le propos général ne pouvant — eu égard aux conventions du genre — être que louangeur.

De l’amitié

8Dans cette copieuse section, se succèdent plus de trente témoignages de proches, de collègues ou d’amis, textes brefs — rarement plus d’une ou deux pages, parfois quelques lignes —, déférents ou familiers privilégiant souvenirs personnels, voire intimes et anecdotes, « anamnèses » façon Roland Barthes. Si la deuxième partie du volume se terminait sur l’évocation amusée des cravates de Michel Jeanneret — « blocs de mode surgis d’un passé englouti » —, nous avons droit ici à des histoires de chemises ou de valise égarée, au rappel de moments de convivialité entre pairs, d’entretiens familiers et néanmoins érudits ne pouvant guère intéresser qu’un public connivent, qui en détient les clés et les codes, en soupçonne les non‑dits. On reste dans l’entre‑soi universitaire. Le lecteur naïf — catégorie, pour le coup, hautement improbable — éprouve une certaine gêne, un sentiment presque d’indiscrétion à feuilleter cette centaine de pages qui se répondent et se répètent, tout heureux de croiser, à la dernière, « un gros chat qui passait par là » ... 

9S’ensuivent, en annexes :

101. « La loggia de Psyché », discours de réception pour le Premio Internazionale Antonio Feltrinelli per la Cultura letteraria del Rinascimento (Accademia dei Lincei). Lu en langue italienne le 8 novembre 2013 à Rome, Palazzo Corsini.

112. Un parcours académique en quelques dates. Rappel de la carrière, des titres honorifiques et récompenses de Michel Jeanneret.

123. Une impressionnante et très utile bibliographie — douze pages ! — récapitulant ses travaux « selon le classement qu’il adoptait lui‑même » : livres, éditions, introductions et préfaces, articles distribués en diverses rubriques. Cette dernière catégorie suffirait à témoigner, s’il en était besoin, de la pluralité des centres d’intérêt et des curiosités nombreuses de l’homme et de l’auteur évoquées plus haut.

La Littérature et l'esprit (Jean‑Yves Pouilloux)

13Les similitudes avec le précédent recueil sont évidemment inévitables, eu égard au caractère formel de l’exercice, sur lequel on ne s’attardera pas. Néanmoins, c’est surtout la liberté prise ici avec les conventions du genre qui frappe et surprend agréablement le lecteur. On est « tout étonné et ravi » de la fraîcheur et de la spontanéité qui se manifestent au fil des différentes contributions, généralement compendieuses.

Jean‑Yves Pouilloux

14Dans cette première partie, précédée d’une courte introduction programmatique de Laurent Jenny, on découvre l’homme, dépouillé des défroques universitaires, à travers quelques écrits personnels d’inspiration diverse, marqués au coin du « style naturel », textes poétiques, notes et fragments, révélateurs d’une personnalité complexe ouverte à la diversité du monde. Dans ces pages, se trouvent confirmés les traits annoncés dans le préliminaire : « homme de lecture » mieux : de lectures —, Jean‑Yves Pouilloux est aussi un « homme de nature » — dans tous les sens du terme.
Le premier texte qu’on nous propose pourra surprendre ceux, nombreux sans doute, pour qui le nom de Jean‑Yves Pouilloux — irrémédiablement étiqueté homo unius libri reste associé à celui de Montaigne. C’est, contre toute attente, un poète qui se révèle dans « Al », longue évocation d’une nature minérale, d’étendues désertiques, torpides et silencieuses, brûlées de soleil. Ces versets irréguliers, entre plainte lancinante et fascination pétrifiée, initialement publiés dans Port‑des‑Singes, la revue du trop méconnu Pierre‑Albert Jourdan, témoignent d’une certaine parenté d’écriture avec celui‑ci, aussi bien qu’avec Saint‑John Perse ou Yves Bonnefoy. Ce sont ensuite de petites proses, distribuées en quatre séries : « D’ouest en ouest », « Trois notes brèves », « Un regard sans qualités », « Le point du jour ». Entre l’intime et l’infra‑ordinaire, ces textes qui n’excèdent guère une ou deux pages, ne relèvent d’aucun « genre » bien défini mais peuvent faire songer aux écrits laconiques, d’une discrète mélancolie, d’André Hardellet, Pierre Autin‑Grenier ou — pourquoi pas ? — Philippe Delerm.

15Vient ensuite le « Discours prononcé le 3 décembre 1994 lors de la soutenance de thèse sur travaux » : « Écrire l’expérience du visible ». Ce retour sur une carrière aussi riche qu’atypique, à la fois modeste et circonstancié emporte la sympathie par sa franchise et son humilité. Si le tardif prétendant à un grade dont il ne semblait guère se soucier revient ici sur la signification de ses recherches, de sa méthode herméneutique, de sa pédagogie, c’est moins avec la vaine prétention de séduire un aréopage dont il ne redoute guère le jugement, que dans le souci de justifier le nécessaire inachèvement de son travail, de sa quête du sens — ou du sens de sa quête — qui instaure, à travers le temps, un dialogue ininterrompu entre le lecteur et l’auteur, entités archétypales susceptibles d’innombrables hypostases.

16Cet itinéraire singulier — dans la double acception du terme : personnel et idiosyncrasique — est largement repris et commenté dans les seconde et troisième partie du volume, dans lesquelles se succèdent témoignages personnels de collègues et d’amis, alternant avec des considérations un peu plus anecdotiques.

Éveils 

17Ce sont donc d’abord une dizaine de contributions rappelant le parcours du chercheur et du pédagogue, avec un intérêt particulier pour son approche de Montaigne qui allait renouveler radicalement les enjeux exégétiques des Essais, dépoussiérer la glose et inaugurer de fécondes lectures. Le cursus universitaire est plus précisément commenté dans les pages signées par André Lacaux (« Continuité et discontinuité dans le parcours et l’œuvre de Jean‑Yves Pouilloux »), Claude Burgelin (« Genèse et parcours de Jean‑Yves Pouilloux ») et Antoine Compagnon (« Lire Montaigne avec Jean‑Yves Pouilloux ». C’est encore le professeur, mais surtout le collègue, le maître ou l’ami qui est ensuite évoqué, avec son charisme, son caractère, sa liberté d’esprit, son dédain des carcans et du prêt‑à‑penser herméneutique dans les textes d’Elisabeth Ladenson (« Monsieur Pouilloux »), Guillaume Andreucci (« Jean‑Yves Pouilloux professeur »), Guillaume Béhague (« Nous n’avons pas encore su découvrir ce que c’est qu’un ami »), Amélie Jaouen (« Cépage rare »), Pierre Loiseau (« Hommage à M. Pouilloux »), Stéphane Barthe (« Jean‑Yves Pouilloux : rencontres avec la littérature ») et Yves Darrigrand (« Jean‑Yves Pouilloux et les cafés philo d’Orthez »).

18Il est frappant de voir que l’intellectuel, le maître à penser est toujours saisi dans sa dimension humaine, sa convivialité, sa bienveillance, mais aussi sa complexité parfois déroutante.

Le penseur et le lecteur 

19Suivent une centaine de pages où se manifestent les curiosités variées de Jean‑Yves Pouilloux — insoupçonnées souvent de ceux qui, dès lors qu’il est question de lecture, associent inévitablement son nom à celui de Montaigne — incontournable Montaigne ! —, que l’on retrouve dans les trois premiers textes de cette section : « Autour de Montaigne une vérité singulière » (Olivier Guerrier), « JYP et nous » (Laurent Jenny) et la copieuse glose de John D. Lyons, « Déjà, et depuis toujours : Jean‑Yves Pouilloux et le moment de l’écriture ». Les trois contributions suivantes se présentent comme des variations sur une thématique associant la symbolique de l’arbre, l’amitié connivente avec le peintre Alexandre Hollan et ce qu’on appellera, faute de mieux, la tentation poétique. Les titres sont explicites : « L’arbre de Jean‑Yves » (Patrick Hochart), « Pouilloux poète » (Jaume Casals Pons), « À l’écoute de l’arbre avec le poème » (Régis Lefort). Montaigne — comment s’en débarrasser ? — est encore présent dans les pages à venir, et d’autres auteurs, d’autres poètes inattendus. Pour faire vite : Proust (Charles Méla, « Le stéréoscope intérieur »), Queneau (Michel Sandras, « Jean‑Yves Pouilloux lecteur des Fleurs bleues »), Amos Tutuola (David Diop, « Divagations dans la brousse : À propos d’un roman d’Amos Tutuola »), Fernando Pessoa (Régis Salado, « Relire le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa, avec Jean‑Yves Pouilloux lisant Les Essais de Montaigne »), Ungaretti, Bonnefoy, Olivier Larronde et quelques autres (Thomas Barège, « Scènes d’éveil dans la poésie contemporaine : Un nouveau topos poétique ? »), Pierre‑Albert Jourdan (Anne‑Élodie Meunier, « Jean‑Yves Pouilloux et Pierre‑Albert Jourdan »). Pour clore cette section, une brève réflexion théorique de Francis Jauréguiberry sur les relations entre littérature et sociologie, que les littéraires jugeront sans doute quelque peu absconse, nonobstant son titre ironique : « La sociologie c’est bien mais, dans bien des cas, la littérature, c’est mieux ».

20Après cette série d’études agréablement variées qui répondent à la diversité des centres d’intérêt de Jean‑Yves Pouilloux et sont autant d’hommages révélateurs de ses qualités intellectuelles et humaines, il convenait de terminer sur un envoi dédié à l’amitié et à la poésie.

Amis poètes

21C’est donc à deux figures majeures, quoique — à l’instar de Pierre‑Albert Jourdan — discrètes et méconnues du large public, Jacques Ancet et Michel Deguy, qu’il revenait d’inscrire une double épitaphe en guise de conclusion : « Montagne » et « Nouvelle lune ». Deux pièces, qui constituent à elles seules la « quatrième partie » du volume — c’est dire encore le poids de la parole poétique, cette gravité qu’évoque Blanchot, dont le nom, ce n’est pas un hasard, est mentionné à plusieurs reprises dans les pages précédentes.

22Conclusion peu académique, mais émouvante dans son laconisme, parole chargée d’émotion, « entourée de silence », eût dit tel poète obscur du temps de Montaigne. La poésie est la parole première et la parole ultime. Pour le reste, on s’en remettra à Wittgenstein — cité lui aussi dans deux contributions : « Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. »

23Les dernières pages du volume sont consacrées aux annexes habituelles : bibliographie, index des auteurs, artistes et personnalités, tabula gratulatoria.
On notera l’intérêt de la généreuse bibliographie « intertextuelle » qui, outre les « travaux de Jean‑Yves Pouilloux mentionnés dans le volume », récapitule sous les rubriques « Littérature », « Philosophe » et « Critique » la plupart des ouvrages cités dans les différentes contributions.

24En couverture et en page intérieure, fusains d’Alexandre Holland : Portrait de Jean‑Yves Pouilloux et Le bois des trois Grâces.

*

25La petite Alice de Lewis Carroll se demandait à quoi pouvait bien servir « un livre sans images ni dialogues ». On pourrait, de la même manière, feignant la naïveté, se demander si ces mélanges in memoriam sont réellement destinés à être lus ; ils le sont, de toute évidence. Mais on sait bien que la bonne question, c’est plutôt : comment doivent‑ils être lus — et comment le sont‑ils ? Seuls, les « indoctes » auraient la fraîcheur d’esprit de les prendre pour ce qu’ils ne sont pas : des ouvrages critiques, susceptibles d’apporter des éclaircissements sur les travaux et les recherches des défunts, d’en proposer de nouvelles approches. Le « suffisant lecteur » — le « lecteur idéal » selon Eco — sait que le livre d’hommage procède d’un rituel régi par des codes plus ou moins subtils. On n’est évidemment pas dupe de ce que l’exercice peut avoir de convenu. Il est donc intéressant de s’attacher à repérer les signes extérieurs de déférence, les écarts ou les très improbables transgressions des règles du genre. De nombreux indices relèvent du non‑dit ou, plus précisément, du non‑écrit ; des éléments triviaux — nombre de contributions, volume de l’ouvrage et qualité de sa présentation — doivent être pris en compte. On est frappé d’emblée, dans le cas qui nous intéresse, par le contraste entre la solide reliure toilée rouge et or du Festin critique, la qualité du papier ivoire, la police de caractères, les reproductions hors‑texte sur papier glacé et la sobriété de La Littérature et l’esprit. Cela, sans doute, n’échappe pas au profane, mais il aura plus de mal à interpréter la présence ou l’absence de tel ou tel contributeur, à déceler dans une éviction qui n’échappera pas aux initiés la trace de rancœurs, de désaccords, de ces intrigues qui sévissent dans le small world universitaire. Quant au « suffisant lecteur », sachant déjà ce qu’il en est, il ne s’arrêtera pas à ces regrettables mesquineries. Il trouvera plutôt dans ces hommages posthumes une incitation ou une invitation à relire quelques pages des maîtres disparus ; à s’assurer qu’avec le temps, ces ouvrages qu’on peut considérer désormais comme des « classiques » n’ont rien perdu de ce qui avait séduit leurs premiers lecteurs : on n’imagine pas que l’on puisse aujourd’hui parler de Montaigne sans avoir lu Jean‑Yves Pouilloux, ni de Rabelais ou Béroalde de Verville sans connaître les travaux de Michel Jeanneret.