Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Dossier
Fabula-LhT n° 20
Le Moyen Âge pour laboratoire
Emanuele Coccia

De laudibus rerum in civitatibus. Un traité médiéval sur la publicité ?

De laudibus rerum in civitatibus. A medieval treatise on advertising?

Une trouvaille inattendue

1De nombreuses études ont déjà éclairci l’importance de la prédication religieuse et de l’éloquence politique au Moyen Âge1. Une place moins importante a été réservée dans l’érudition moderne à l’histoire de l’éloge2, malgré le rôle essentiel que cette forme a joué dans la vie religieuse médiévale. On a pu effectivement démontrer l’influence de l’éloge funéraire sur la liturgie en usage dans l’Antiquité tardive : la liturgie chrétienne a aussi repris et intégré les formules propres aux protocoles impériaux (cf. la rogatio ou petitio). La littérature euchologique, d’ailleurs, a été au Moyen Âge l’un des grands laboratoires d’une nouvelle rhétorique de l’éloge3.

2Une découverte récente à la Bibliothèque Angelica de Rome permet d’ajouter, je l’espère, une nouvelle pièce à cette tradition pourtant riche et passionnante. Il s’agit d’un traité probablement tiré d’une dispute qui a eu lieu dans les salles d’une Université, qui porte sur la légitimité de l’éloge non pas des personnes (mortes ou vivantes) mais des choses et des objets fabriqués par l’homme. Au-delà de la singularité du traité – qui semblerait constituer une sorte d’hapax pour le Moyen Âge ––, son intérêt réside surtout dans la possibilité de rattacher la publicité à une pratique souvent considérée comme absolument moderne –– ou comme le sceau de la modernité – à une tradition et à un usage bien plus anciens. La communication épigraphique, d’ailleurs, a été très souvent considérée comme l’avatar de la publicité moderne4.

L’éloge des choses. Une théorie de la religion inversée

3La question posée concerne la licéité morale de l’éloge et de la louange des choses : peut-on célébrer les choses et leur beauté publiquement, et peut-on considérer cet éloge comme une source réelle de la moralité civique ? La méthode suivie est celle, classique, de la question disputée5. Après une très longue liste de raisons contraires et un nombre plus réduit d’arguments favorables, l’auteur développe une vision doctrinale très originale. Se demander si l’éloge des choses dans l’espace public est licite, nous rappelle l’auteur, signifie se demander si les choses peuvent être considérées comme le lieu d’existence du Bien. La question sur la moralité de la publicité est donc, selon le vocabulaire technique de la scolastique médiévale, une question portant sur la convertibilité des catégories de bien et de chose (utrum res et bonum convertuntur). En détournant de manière radicale et imprévisible un passage du De hebdomadibus de Boèce6, l’auteur démontre qu’une chose coïncide avec le bien parce que Dieu existe toujours dans les choses7. Cette identité entre Dieu et chose amène l’auteur d’une part à citer et à défendre les positions panthéistes de David de Dinant8, d’autre part à développer très rapidement une théorie de la différence entre la religion des anciens et la religion des modernes, qu’il appelle « religion inversée ». Si en effet la religion des anciens adorait le créateur, la transcendance, la source de l’Univers, ici c’est la plus infime des créatures, le résultat ultime du processus technique, l’artefact humain et incapable de vie, qui devient objet de vénération. La divinité, continue l’auteur, est un artefact, elle doit être produite quotidiennement (debet cotidie produci) et coïncide avec la technique elle-même de production. Cette dernière thèse s’appuie sur une surprenante analogie avec une ancienne thèse stoïcienne : si les stoïciens, dit l’auteur, considéraient Dieu comme le feu qui anime la matière, de la même façon le moderne se représente la divinité comme la technique qui permet de produire les marchandises et donc de faire exister le Bien. Pour démontrer la thèse de la productibilité de la divinité (qui donc est considérée comme un événement contingent), l’auteur recourt à une comparaison avec la félicité humaine : la félicité, dit l’auteur, est un acte, à travers lequel tout homme produit de la félicité. Au même titre donc, Dieu est un produit, qui permet à la matière d’exister en tant que Bien.

4La publicité, conclut le traité, est donc la science morale suprême, car c’est la science du Bien contenu dans les choses, c’est-à-dire de la seule forme du Bien (et de divinité) dont l’homme peut jouir.

Étude philologique et description du manuscrit

5Le traité que nous publions a été retrouvé dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque Angelica de Rome, à la cote ms. 619. L’auteur, qui a préféré ne pas laisser son nom, est avec toute probabilité un auteur du xve siècle car parmi les citations implicites de sa compilation figurent quelques lignes provenant d’un traité de Heymeric de Campo, célèbre auteur néerlandais du xve siècle. Parmi les autres crypto-citations de la compilation, il y a Tertullien, Augustin, Albert le Grand, Thomas d’Aquin, Henri de Gand etc. Je n’ai pas pu identifier d’autres philosophes cités, qui semblent être contemporains de l’auteur ; ces identifications pourraient aider à mieux situer le lieu et la date de composition du traité. Ainsi, Guy de Paris, dont le traité nous dit qu’il a rédigé une compilation contre les spectacles inspirée par le célèbre traité de Tertullien, mais aussi Fuscus de Turribus (Bruno de Tours ?), Guillelmus Bernacae (William Bernach ?), Johannes de Pulchroporco (Jean de Beaudrillettes ?) et Ludovicus de Ignorivo (Luis Bachfeuer ?) restent des noms sans visages. Seule exception le Slavus Sicsic, qui doit probablement être identifié avec le magister artium de l’Université de Prague connu sous le nom de Zlavy Zizik9.

6Le manuscrit, en parchemin, date de l’an 148910. Il compte 164 feuillets de 418 x 270 mm, numérotés à la mine par une main moderne. Ils sont précédés par un feuillet de garde (I) et suivis d’un feuillet II. Les 164 feuillets assemblent 2 sénions et 14 quinions, selon la composition suivante : 1-212 + 3-1610. Le texte a été écrit par une seule main en minuscule humaniste sur deux colonnes. Le manuscrit contient les œuvres suivantes :

- (ff. 1ra-50va) : Albertus Magnus, De causis et processu universitatis a prima causa. Inc.: Difficultates que sunt circa totius entis principia. Expl: et assiduis postulationibus sociorum nostrorum potius extorta quam impetrata.
- Subscr: Finis. Laudetur dominus. Explicit liber de causis domini Alberti magni quondam Episcopi Ratisponensis, ordinis fratrum predicatorum. Exegi hoc opus 1489 die 11 ianuaris
- (ff. 50vb-54v) blancs
- (ff.55ra-93rb) : Anonymus, Brevis compilatio de bonis universi, inc. Quaedam brevis compilatio est ex dictis. Expl. (mutilo): spiritualibus autem
- (ff. 93va-94vb) : blancs
- (ff. 95ra-96vb) : Anonymus, De laudibus rerum
- (ff. 96r-104v) : blancs
- (ff. 105ra-123va) Aegidius Romanus, Contra gradus et pluralitatem formarum.
- Inc: Hic incipit tractatus de gradibus formarum editus a fratre
egidio romano ordinis fratrum heremitarum sancti augustini.
- Expl: Explicit contra gradibus formarum liber editus a fratre egidio romano ordinis fratrum heremitarum sancti augustini.
- (ff. 123va-130ra) Aegidius Romanus, De materia caeli contra averroistas.
- Inc: Quaestio est utrum in celo sit materia vel si celum sit corpus.
- Expl.: et patens solutiones per contraria. Subscr. Finis laudetur omnipotens.
- (ff.130rb-142vb) Anonymus, Quaestiones. Inc.: Consequenter quaeritur utrum in homine sit aliqua alia forma substantialis quam anima intellectiva et videtur quod non. Expl: et sic patent solutiones per argumenta.
- (ff. 138rb-va) blanc
- (ff. 143ra-163va) Haerveus Natalis, De unitate formarum. Inc. ut ordinatius possit inveniri et per consequens possit. Expl.: causantur
dispositiones accidentales carnis et ossis. Subscr: explicit
tractatus fratris hervei natalis de formis.
- (ff. 163vb-164v) blancs

7Au feuillet 98vb le copiste, Obertus Ferrarius de Ast ajoute la subscriptio :

Deo gratias Amen
Qui scripsit scribat semper cum domino vivat
Vivat in celis semper cum domino felix
Vivat in terra semper cum sancta maria.

8Dans la suite il signe et date le traité, mais il adopte l’une des méthodes cryptographiques, normalement utilisées pour cacher une œuvre à la censure : il remplace toutes les voyelles par la lettre qui la suit dans l’ordre alphabétique. Voici le texte :

mlkfxkmp qxbtrkcfntfsskmp pctxbgfsskmpo npnp dkf trfsdfckm mfsks kbnxbrk.Fgo pbfrtxs ffrrbrkxs df ckuktbtf bst scrkpsk hxnc lkbrxm bd hpnprfm dfk ft btf mbrkf xkrgknks btqxf scprxm pmnkxm bmfn

9Une fois déchiffré cela donne le texte suivant :

Mileuimo quatricentissimo octuagessimo nono die tresdecim meses ianuari. Ego obertus ferrarius de ciuitate ast scripsi hunc librum ad honorem dei et beate marie uirginis atque sanctorum omnium amen

10Il est important de remarquer que le texte contient des écrits qui proviennent immédiatement ou indirectement du milieu dominicain ou sous l’influence de Thomas.

Édition du texte

11                               An laus rerum in locis publicis non solum
                                 licita sed etiam fons virtutum sit an non.

12Quaeritur utrum laus rerum usu compsumptibilium quae ubique apparet in foliis muralis quae sunt in civitatibus novis, ac abundat in ephemeridibus, praesertim de lanificio, in scriniis computatrorum ac in telephonis domesticis, non solum licita sit sed etiam fons virtutum.

13Et videtur quod non. Laus enim rerum est laus materiae, sed materia est non ens. Ergo laus rerum usu consumptibilium est laus nihilitatis, et concupiscientia non-entis. Omnia enim arte facta sunt, a homine manant et de hominis natura sunt producta ; arte factum bonum posse dici, solum quia bonus est artifex, sive homo. Ille ergo vere sapiens est, qui veraciter recognoscit rerum nihilitatem et homini sublimitatem. Sed publicitas est e contrario praesumptio sublimitatis rerum et contemptus hominis. Ergo etc.

14Item, sicut dicit Johannes de Pulchroporco contemptus praesentis saeculi est laudabilis ; haec est per se vera : ergo maior contemptus magis laudabilis, et maximus contemptus maxime laudabilis ; sed maxime contemnit praesens saeculum qui non magnificat res, ergo qui non facit publicitatem nec credit ea perfectissime agit.

15Praeterea sicut dicitur quidam Guillelmus Parisiensis in Tractatu contra spectaculos quem compilavit ex Tertulliano, istae imagines laudativae, quae vulgo sive vulgariter publicitates nominantur, non exprimunt veram naturam rerum quae in ipsis figurantur, sed magnificant immoderate eorum qualitates sine ulla consideratione veritatis. Publicitas est ergo species idolatriae. Scimus enim nihil esse istae imagines rerum, quasi simulacra earum ; sed non ignoramus, qui sub istis imaginibus ac simulacris operentur et gaudeant et divinitatem mentiantur, nequam spiritus scilicet, daemones.

16Item. Ad superstitionem pertinet excedere debitum modum divini cultus, quod quidem praecipue fit quando divinus cultus exhibetur cui non debet exhiberi. Debet autem exhiberi soli summo Deo increato, ut supra habitum est, cum de religione ageretur. Et ideo, cuicumque creaturae ac re divinus cultus exhibeatur, superstitiosum est. Huiusmodi autem cultus divinus, sicut creaturis sensibilibus exhibebatur per aliqua sensibilia signa, puta sacrificia, ludos et alia huiusmodi; ita etiam exhibebatur creaturae repraesentatae per aliquam sensibilem formam seu figuram, quae idolum dicitur. Publicitates nihil aliud sunt nisi idola rerum quibus divinus cultur exhibetur. Est ergo species superstitionis.

17Item. Per publicitatem cultus divinus idolis exhibetur. Artistae quas vulgus publicitariii appelat per quandam nefariam artem imagines quasdam construebant quae virtute Daemonum aliquos certos effectus habent, unde putant in ipsis imaginibus esse aliquid divinitatis, et quod per consequens divinus cultus eis deberetur. Et haec fuit opinio Guillelmi Bernaculae ; ut Augustinus dicit, in VIII de Civ. Dei. Alii vero non exhibent cultum divinitatis ipsis imaginibus, sed creaturis quarum sunt imagines. Et utrumque horum tangit apostolus, ad Rom. I. Nam quantum ad primum, dicit, « mutaverunt gloriam incorruptibilis Dei in similitudinem imaginis corruptibilis hominis, et volucrum et quadrupedum et serpentum ». Quantum autem ad secundum, subdit, « coluerunt et servierunt potius creaturae quam creatori ».

18Item. Publicitas apparet in civitatibus ubi olim imago deorum stabat. Res usu consumptibiles sunt ergo simulacra deorum antiquorum. Quidam enim aestimant sine mora res arte fabricatas deos esse, quos per eorum imagines colunt, sicut telephona, televisiones, computatra, autoraedae et et alios huiusmodi. Quidam vero aestimant pecuniam esse unum Deum, non propter corporalem substantiam, sed propter animam, quam Deum esse credunt, dicentes Deum nihil aliud esse quam animam motu et ratione oikonomiam gubernantem ; sicut et homo dicitur sapiens propter animam, non propter corpus. Unde putant pecunia tota, et omnibus formis eius, esse cultum divinitatis exhibendum. Et ad haec referunt nomina et imagines suorum deorum, sicut Slavus Sicsic dicit, et narrat Augustinus, VII de Civ. Dei. Prima autem opinio dicitur pertinere ad aestheticam theologiam, quae secundum figmenta creativarum poetarum repraesentantur in civitatibus. Alii vero dicunt istam vero opinionem de imaginibus, pertinere ad civilem theologiam, quae per publicitarios celebrabatur in televisione. Alia vero, de cultu rerum, dicitur pertinere ad theologiam oikonomika, quam philosophi considerant in negotiatione rerum ac pecuniarum, et docent in scholis. Omnia autem haec ad superstitionem idololatriae pertinent. Unde Augustinus dicit, in II de Doct. Christ., superstitiosum est quidquid institutum ab hominibus est ad facienda et colenda idola pertinens, vel ad colendam sicut Deum creaturam partemve ullam creaturae.

19Praeterea, laudatio publica rerum emptibilium generat immoderatam cogitationem circa ipsas res et tumultum passionum, et oblivio sui ac proximi, qui quasi ut res consideratur. Et istam oblivionem sui quidam philosophus theutonicus alienationem appellat. Nam et si qui modeste et probe publicitatibus fruitur pro dignitatis vel aetatis vel etiam naturae suae condicione, non tamen immobilis animi est et sine tacita spiritus passione. Nemo ad publicitatem venit sine affectu, nemo affectum sine casibus suis patitur. Ipsi casus incitamenta sunt affectus. Sed Deus praecepit Spiritum Sanctum, utpote pro naturae suae bono tenerum et delicatum, tranquillitate et lenitate et quiete et pace tractare, non furore, non bile, non ira, non dolore inquietare. Huic quomodo cum publicitatibus poterit convenire ? Omnis enim publicitas sine concussione spiritus non est. Ubi enim publicitas, ibi et voluptas, et ubi voluptas ibi et studium, per quod scilicet voluptas sapit ; ubi studium, ibi et aemulatio, per quam studium sapit. Porro et ubi aemulatio, ibi et furor et bilis et ira et dolor et cetera ex his, quae cum his non conpetunt disciplinae.

20Item, duplex est civitas, scilicet Dei et diaboli, Ierusalem et Babylon, quae oppositionem habent et in se ipsis et in suis fundamentis ; sed fundamentum civitatis Babylonis, ut dicit Augustinus, est cupiditas rerum : ergo quanto magis quis recedit a ista cupiditate rerum, tanto magis recedit de diaboli civitate. Sed publicitas est fundamentum Babylonis, in qua quis omnia concupiscit tam effectu quam affectu, ipsa est, quae maxime elongat a evangelica paupertate.

21Item, in civitate futura id est in regno Dei non erit publicitas : nam homo non egebit rebus, quia radices perfectionis totas habebit in anima sua. Publicitas existit ergo solum in civitate terrena. Ergo est opus diaboli et initium peccati.

22Item, res emptibiles sunt inflammatoria cupiditatis, quia difficile est eas videre et non concupiscere, et eas habere et non amare ; sed quanto quis magis se elongat ab incentivo peccati, tanto perfectius agit ; econtrario laudatio publica circa res emptibiles multiplicat peccatum, ergo etc.

23Item, paupertas alta est laudabilis ; haec est per se vera : ergo altior est laudabilior, et altissima laudabilissima ; sed publicitas est contra paupertatem. Ergo etc.


*

24Sed contra. Est quaedam bonum in rebus et laudare res inquantum continent bonum et vitam hominum ameliorare possunt est actio perfecte moralis.

25Praeterea. Omnis dei creatura laudanda est cum Deo, sicut legitur in prece Sancti Francisci : « Laudatus sis, mi Domine, cum universa creatura tua ». Non solum res naturales sed etiam res artefactae sunt Dei creaturae et considerandae sunt ut pars creationis, ergo laudandae sunt. Publicitates sunt ergo preces ac laudes quae Deo offeruntur.

26Item. Ipse Franciscus scripsit : « Laudatus sis, mi Domine, propter fratrem ignem ». Sed ignis non solum elementum naturale est, sicut sol, aer et terra, sed principium metaphysicum. Ignis initium totius artis est et principium civilitatis ac humanae conviventiae ; inest enim in rebus artifactis et est quaedam anima eorum. Laudatio ignis est ergo laudatio rerum quae ex eo generantur.

27Item. Franciscus scripsit : « Laudatus sis, mi Domine, propter sororem mortem corporalem, quam nullus homo vivens potest evadere ». Res humano ingenio fabricatae sunt quasi signum mortis in communitate ad demonstrationem quod homo non omnipotens est, quia eget aliis individuis et aliis rebus ad existentiam sustinendam. Ergo etc.

28Praeterea. Mundus novus, seu societas modernorum considerat opera artistarum tamquam manifestationes divini spiritus et exhibet ei magnum honorem et magnum famulatum, interius ac exterius. Sed merces sunt etiam opera artistarum. Ergo oportet eis debitum cultum exhibere. Et publicitas est quaedam adoratio publica, quae corporaliter non per humiliationem cordis per genuflexiones, prostrationes et alia huiusmodi corporalia signa exhibetur sed admodum laudum et cantorum et psalmodiarum que fiunt in televisione. Publicitas est ergo species religionis.

29Praeterea. Praedicatio semper bona est. Dicit enim Magister Alanus quod praedicatio est illa instructio quae pluribus fit, et in manifesto, et ad morum instructione. Nunc publicitas est quaedam publica instructio super rerum utilitatem ac pulchritudinem quae pluribus fit et in manifesto, ergo etc.  

30Item. Prudentia politica extendit se ad tria negotia, scilicet exclamationem, concionationem et disceptationem. Exclamationum negociatio ad laudem et vituperium ordinatur. Sed publicitas est negociatio ad laudem rerum quae civitas producit. Ergo est fundamentum totius civitatis ac communis conviventiae.

31Item. Legitur in quodam liberculo de arabico in latino translato quod publicitas est sicut nova ars politica de Orpheo inventa. Orpheus fuit unus de primis philosophis qui erant quasi poetae theologi, loquentes metrice de philosophia et de Deo, et fuerunt tantum tres, Samius, Orpheus, et quidam alius. Et Orpheus primo induxit homines ad habitandum simul et fuit pulcherrimus contionator, ita quod homines bestiales et solitarios reduceret ad civilitatem ; et propter hoc dicitur de eo quod fuit optimus citharedus in tantum quod faceret lapides saltare, id est, ita fuit pulcher contionator quod homines lapideos emolliret. In omni orphica civitate contiones ac laudationes sunt fundamenta civilis communitatis. Sed publicitas est contio publica super illas res usu communes quibus multitudo hominum eget ad instituendam communitatem. Et est quasi contio lapidum, ac si lapides loquerentur. Publicitas est ergo novarum gentium quasi orphica philosophia.


*

32Solutio

33Mos modernorum est in civitatibus novis res laudari non solum in publicis locis sed etiam in ephemeridibus et in albo machinarum computatoriarum. Et ista laudatio publica dicitur publicitas, id est quasi vox et expressio populi, quia verbum qui in civitatibus resonat non solum vox et opinio omnium est sed quasi verbum rei publicae seu veritas totius civitatis et lingua quae commune loquitur.

34Et potest dici quod publicitas est expressio et fundamentum morum civitatum novarum, quia in imaginibus istis forma vitae gentis et eius mundus cotidianus, qui constat ex rebus usu communis, reflectuntur sicut in speculo publico quodam in quo omnis civis sibi contemplari potest. Et potest etiam dici quod publicitas sit expressio morum quia id quod publice laudatur exprimit naturam boni quod publice celebratur.

35Demonstatur sic.

36Diffinitur primum quid sit laus. Laus est oratio qua aliqua res dicitur bona, sive propositio in qua aliqua re attribuitur qualitas bonitatis. Encomium rerum in plateis est recognitio publica ac politica quod bonum in rebus. Quaestio de laudibus rebus et de earum licitate est ergo quaestio de bonitate rerum sive an et sub quibus condicionibus potest dici quod res bona sunt. Quaeritur ergo qua ratione potest dici quod res aliqua bona sit, et quomodo res et bonum convertuntur.

37Alio modo dicitur sic.

38Quaestio de laudibus rerum est quaestio an res locum boni possit esse, id est quaestio de loco ubi bonum existit in isto mundo. Nam omne argumentum pro seu contra publicitatem potest reduci ad argumenta pro seu contra existentiam boni in rebus. Et prima ergo conclusio est quod non solum in laudibus rerum sed etiam in philosophia contra publicitatem vulgariter appellata philosophia critica res sunt consideratae sicut causae morales, quia faciunt homines boni vel mali. Nam publicitas considerat res secundum quod sunt causativae boni, philosophia critica considerat res ut sunt causae mali in homine ac initium peccati.

39Diffinitur ergo natura boni.

40Circa quod considerandum est, quod bonum numeratur inter prima : adeo quod secundum Platonicos, bonum est prius rebus. Sed secundum rei veritatem bonum cum re convertitur. Prima autem non possunt notificari per aliqua priora, sed notificantur per posteriora, sicut causae per proprios effectus. Cum autem bonum proprie sit motivum appetitus, describitur bonum per motum appetitus, sicut solet manifestari vis motiva per motum. Et ideo dicit, quod philosophi bene enunciaverunt, bonum esse id quod omnia appetunt. Sed res usu consumptibiles sunt id quod omnia appetunt. Ergo sunt bona et locum existentiae primi boni in societate.

41Unde patet, quod bonitas convertibilis cum re significatur per duplicem affirmationem, scilicet desideratio in se et desideratio ante alias res. Unde illa prima affirmatio est radix emptionis, secunda est radix possessionis ; gratia prime illud dicitur, quod est res emptibilis, producere amorem ; gratia secundi satisfactionem, ut dictum est.

42Dicit doctor Albertus super quarto et decimo Primae philosophiae, quod bonum convertibile cum re dicit eandem naturam quam res, et addit supra rem non naturam aliquam, sed rationem desideri, que stat in duplici affirmatione, scilicet desideratum in se et desideratum ante quamlibet aliam.

43Item. Et ut dicit auctor Libri causarum, primorum omnium unumquodque est in alio ad modum illius, in quo est, utputa verum in uno unialiter, in bono boniformiter ; et econverso bonum in vero veraciter et in uno unite ; et similiter unum est in vero et bono. Bonum est ergo in rebus realiter et in rebus usu consumptibiles existit ut bonum consumptibile. Res arte factae sunt ergo consummatio boni, id est eius incarnatio ac eius possibilis fruitio : ac si bonum possit solum in rebus artificialibus realiter existere. Et consequens est quod philosophia moralis non est doctrina de homine seu de humana actione seu doctrina de productione rerum, seu ars fabricationis formarum in materia mundana.

44Nunc quemadmodum res bona sint, inquirendum est, utrumne participatione an substantia. Si participatione, per se ipsa nullo modo bona sunt ; nam quod participatione album est, per se in eo quod ipsum est album non est. Et de ceteris qualitatibus eodem modo. Si igitur participatione sunt bona, ipsa per se nullo modo bona sunt : non igitur ad bonum tendunt. Sed concessum est. Non igitur participatione sunt bona sed substantia. Quorum vero substantia bona est, id quod sunt bona sunt ; id quod sunt autem habent ex eo quod est esse. Esse igitur ipsorum bonum est ; omnium igitur rerum ipsum esse bonum est. Sed si esse bonum est, ea quae sunt in eo quod sunt bona sunt idemque illis est esse quod boni esse ; substantialia igitur bona sunt, quoniam non participant bonitatem. Quod si ipsum esse in eis bonum est, non est dubium quin substantialia cum sint bona, primo sint bono similia ac per hoc hoc ipsum bonum erunt ; nihil enim illi praeter se ipsum simile est. Ex quo fit ut omnia res quae sunt homine fabricatae Deus sint.

45Est enim religio modernorum seu religio novi mundi religio retroversa si cum antiqua comparatur. Nomen autem religionis, ut Augustinus in libro de vera religione innuere videtur, a religando sumptum est. Illud autem proprie ligari dicitur quod ita uni adstringitur quod ei ad alia divertendi libertas tollatur. Sed religatio iteratam ligationem importans, ostendit ad illud aliquem ligari cui primo coniunctus fuerat, et ab eo distare incepit. Et quia omnis creatura prius in Deo extitit quam in se ipsa, et a Deo processit, quodammodo ab eo distare incipiens secundum essentiam per creationem ; ideo rationalis creatura ad ipsum Deum religari debet, cui primo coniuncta fuerat etiam antequam esset, ut sic ad locum unde exeunt flumina revertantur, Eccl. I, 7. Nunc in antiqua religione Deus est creator omnium rerum ; in nova deus est ultima creatura in scala naturae, scilicet opus humanae artis. In antiqua religione Deus aeternus et omnipotens est, in nova Deus contingens ac mortalis, et objectum qui terminat potentiam naturae ac hominis. In antiqua religione Deus est immaterialis, in religione modernorum deus est materia cum omnibus formis suis. Merx11 est ergo nomen identitatis dei ac materiae.

46Et consequens est quod deus contingeter tantum existit, sicut etiam bonum. Quia deus, sicut etiam bonum, debet produci et non existit per se. Et homo debet producere cotidie suum deum et colere ipsum. Et idem potest dici de humana foelicitate. Nam foelicitas est actus practicus qua homo sibi est causa gaudii ac bonorum : isto modo potest dici quod felicitas est opus hominis et non donum gratis datum. Eodem modo deus est opus hominis, sicut Ludovicus de Ignorivo dixit. Et loquitur de religione inversa quia deus eget homine ac humana arte ut ad existentiam pervenire possit. Ac, sicut etiam scripsit Fuscus de Turribus deus est objectum et non subjectus artis. In religione enim antiquorum deus est artifex qui arte utitur, in nova religione deus est ipsa ars qua materia assumit novas formas. Sicut stoici putabant ignem esse deum, ita moderni puntat artem esse deum. Crisippus enim fuit inter priscos famosus homo, qui rogatus ait : Ignem se omnium conditorem credere, eo quod absque calore nil appareat posse gigni mortale, vel genitum posse consistere. Ignis est symbolum et imago artis. Et ars praedicatur univoce de creatori et de creatura, quia creator et creatura sunt solummodo modi seu aspectus artis, quibus ars active et passive determinatur ad existentiam. Et ista ratione deitas praedicatur univoce de deo et de rebus quae homine vel natura facta sunt : deus sive ars est materia et formae quae in ipsa vivunt. Et sic patet etiam quod scripsit David de Dinant, scilicet unam solam esse substantiam, non tantum omnium corporum, sed etiam animarum omnium et eam nichil aliud esse, quam ipsum Deum. Substantia vero, ex qua sunt omnia corpora, dicitur yle; substancia vero, ex qua sunt omnes anime, dicitur racio sive mens. Manifestum est ergo Deum esse racionem omnium animarum et yle omnium corporum.


*

47Ad rationes in oppositum patet solutio.

48Virtutes sunt perfectionis acquirendae et conservandae sunt instrumenta, secundum quod dicit Ioannes Cassianus I in Collationibus Patrum : « Perfectio non nuditate aut paupertate aut facultatum seu dignitatum abiectione contingit, sed bono illo quod in rerum pulchritate constat »12. Ubi post modicum subdit : « Igitur emptiones, venditiones ac consummatio omnium mercium, sicut vigiliae et meditatio pellicularum televisificarum seu elegantia vestimentorum non perfectio, sed perfectionis instrumenta sunt, quia non in ipsis consistit ipsius disciplinae finis, sed per illa pervenitur ad finem ». Finis enim perfectionis est in rebus ipsis, et homo necessarium est ut res in statu perfectionis advenire possunt quia status perfectionis rerum eget homine ut adimpleri possit. Homo est in vita morali objectum et non subjectum et perfectio moralis est qualitas rerum et non qualitas hominum. Unde legitur in Regula beati Benedicti, de quibus dicit in fine cap. 4 : « Ecce haec sunt instrumenta artis spiritalis, quae cum fuerint a nobis die noctuque incessanter adimpleta, et usque in diem iudicii reservata, illa merces nobis a Domino recompensabitur quam ipse promisit, “quam oculus non vidit” » etc. In qua consummatio perfectionis rerum omnium obtinebitur. Moralis disciplina est ergo scientia generationis rerum, et ars suprema de bono quae in rebus continetur.