Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Présentation
Fabula-LhT n° 14
Pourquoi l'interprétation ?
Françoise Lavocat

L’interprétation : engagements, pratiques, idéologies

1Où en est aujourd’hui la pensée sur l’interprétation?

2On assiste, en tout cas en France, à un certain renouveau de l’intérêt pour l’interprétation, que ce soit dans des ouvrages à visée pédagogique1, des essais militants en faveur des humanités2 ou des travaux consacrés aux figures majeures de l’herméneutique3, en particulier allemandes. Par rapport à cette tradition, mais aussi à l’égard des grands débats qui ont eu lieu dans les années 1980-1990, nous sommes dans une situation d’après-coup. Tout n’a-t-il pas été dit ? À propos du degré d’ouverture de l’œuvre littéraire4 ? À propos de l’objectivité : possible5, impossible6 (en général7 ou en particulier8), visée essentielle9, illusoire, pernicieuse, inévitable ? À propos de la pertinence d’une herméneutique particulière fondée sur l’esthétique10 ? À propos de l’intérêt et de l’actualité la démarche herméneutique elle-même ?

3Si ces débats ont déjà eu lieu, ils ne sont pas classés, comme on s’en apercevra en lisant les contributions réunies dans ce numéro, qui émanent de quelques-uns des participants à un projet collectif (2009-2013) sur l’interprétation11. Qu’ils soient remerciés pour avoir bien voulu se prêter à la tâche difficile de synthétiser leurs réflexions et leur positions, telles qu’elles ont évolué, se sont affermies ou se sont nuancées au cours de cette aventure commune.

4Celle-ci nous aura au moins permis de penser notre situation historique, postérieure aux grands courants anti-herméneutiques contemporains – le structuralisme, le tournant linguistique, la déconstruction. Le recul qu’elle nous confère nous a aidés à prendre la mesure, sur la longue durée, de la longévité de certains questionnements et de quelques pratiques : comme le montre excellemment Larry Norman dans la première contribution qui ouvre ce numéro, les éléments de l’argumentation anti-herméneutique sont les mêmes, au xviie siècle et aujourd’hui. Nous constatons aussi une certaine continuité dans les pratiques, en faisant la part des transformations des médias et des artefacts culturels qui les suscitent. Michel Jeanneret et moi-même avons relevé la parenté entre les usages ludiques de l’interprétation, comme mode d’appropriation des œuvres littéraires, dans les salons de l’âge classique et aujourd’hui, sur la toile.

Engagements

5Invoquer la longue durée ne nous réduit pas à survoler les débats de façon neutre et dépassionnée. Nous avons considéré l’interprétation comme un engagement, ce qui peut s’entendre de plusieurs façons.

6Nous avons en effet été attentifs au pouvoir de l’interprétation, en d’autres termes, à l’interprétation comme auxiliaire du pouvoir12. L’interprétation est souvent une arme et peut être un instrument d’oppression13. Il n’est pas besoin de détailler les enjeux de la lecture des textes religieux ou des textes juridiques, hier comme aujourd’hui, pour voir l’interprétation comme un champ de bataille14.

7Non sont seulement les choix interprétatifs constituent des parti-pris dont les implications politiques et sociétales importent15, mais c’est aussi le cas des options herméneutiques, c’est-à-dire des décisions concernant le périmètre et les modalités de l’interprétation. À vrai dire, selon les époques, les aires culturelles et les disciplines, les positions varient beaucoup, peut-être parce que les enjeux sont distincts. La tolérance à l’égard de la diversité des interprétations des textes littéraires, dans l’optique de Michel Jeanneret, inséparable d’une attitude bienveillante à l’égard de l’altérité, me paraît prévaloir dans le domaine des études littéraires. Mais dans celui du droit, comme le montre Otto Pfersmann, considérer que la Constitution n’a pas de sens ou que les juges sont libres de l’interpréter à leur gré revient à légitimer sa violation, ce qui n’est pas insignifiant dans le cadre d’une démocratie. Comme le montre cet auteur, le rapprochement de l’interprétation en droit avec celle de la musique ou de la littérature, surtout dans un contexte américain, a pour effet de faciliter cette violation. À un autre niveau encore, méta-herméneutique pourrait-on dire, lorsqu’il est question d’évaluer la centralité de la démarche interprétative dans le rapport aux artefacts culturels, on peut encore parler d’engagement. Marielle Macé, tout en prenant acte d'un intérêt assez général, aujourd’hui, pour l'expérience et l'usage des textes presque plus que pour les textes, invite à ne jamais séparer ces questions d'expérience, d'usages, d’appropriation, d’un engagement herméneutique et d’une attention à la précision des formes du dire. C’est grâce à l’interprétation que les textes peuvent délivrer des capacités d’actions et des idées de vie, autrement dit, « un sens qui compte ».

8Je mets également en valeur l’engagement de l’interprétation dans la lecture ordinaire, dans une perspective que l’on peut qualifier « d’instrumentalisme interprétatif », et que j’emprunte à Gregory Currie16 : elle n’est pas sans conséquences sur la question de la pluralité des interprétations, dont il apparaît que la reconnaissance n’est pas intuitive. La lecture ordinaire nous fait en effet pencher vers une hiérarchisation des interprétations et la recherche de l’objectivité. Selon Currie, lorsque nous lisons, nous essayons de produire la meilleure interprétation possible, celle qui nous semble la plus probable et la plus vraisemblable, en faisant des hypothèses sur l’intention de l’auteur, tout en sachant que celles-ci ne coïncident pas forcément avec celles de l’auteur réel. Il n’y a pour nous qu’une interprétation possible : si nous sommes confrontés à plusieurs, nous choisissons la meilleure au regard des valeurs à propos desquels nous pensons que les fictions sont faites. C’est aussi en ce sens, et dans la mesure où elle concerne des valeurs, que l’interprétation des fictions est engagée.

Pratiques

9Cette réflexion collective a mis l’accent sur les pratiques – ce dont témoigne la position exprimée par Marielle Macé. Tous les contributeurs de ce numéro ont affaire à des étudiants. Dans les écoles et les universités occidentales17, l’interprétation, avant d’être l’objet d’un point de vue théorique, est un exercice journellement pratiqué, peut-être de façon insuffisamment réflexive. Non seulement nous produisons des interprétations des livres ou des films que nous présentons, expliquons, comparons (avec un peu de contexte, un peu d’informations sur l’auteur, quelques remarques sur le genre, le style et la structure du texte…), mais nous sommes régulièrement amenés à évaluer les interprétations produites par d’autres. Aussi gagnés que nous soyons à la polysémie de l’œuvre et à la pluralité des interprétations, nous les hiérarchisons. Valorisons-nous alors la pertinence, la rigueur argumentative ou l’originalité des interprétations ? Un peu tout à la fois, probablement, sans nous souvenir si nous sommes plutôt partisans de Rorty ou d’Eco, et sans, peut-être, établir clairement auprès de notre public nos choix herméneutiques et leurs critères. L’accent mis sur les pratiques peut donc se comprendre comme un souci pédagogique et un appel à faire une plus large place, dans notre enseignement, à l’histoire et aux théories de l’interprétation. Ainsi Sophie Rabau pense-t-elle la « pluralisation » d’un texte, par la création de variantes, notamment en relation avec sa pratique pédagogique. D’ailleurs, la pensée de Schleiermacher sur l’herméneutique moderne, qu’il a fondée, figure dans ses notes de cours, et c’est en relation avec son enseignement de théologie qu’il l’a élaborée.

10Mais l’interprétation n’est pas qu’une affaire de profs. Il y a plusieurs façons d’envisager ses usages dans ce volume : dans le cadre lecture professionnelle, qui est toujours une relecture, dans la perspective de Christine Noille, ou dans celui d’une lecture dite naïve, d’une première saisie de l’artefact culturel, sous forme de texte ou d’images : ainsi me suis-je quant à moi intéressée au traitement cognitif des paradoxes et au rapport entre interprétation et immersion fictionnelle. Mais il faut aussi s’intéresser aux pratiques interprétatives qui participent d’une relecture, mais qui n’émanent pas de professionnels : les commentaires postés sur le net par maints internautes témoignent d’une étonnante et joyeuse vitalité interprétative. Enfin, sans doute faut-il mettre aussi au registre des pratiques les représentations fictionnalisées de l’interprétation, dont Christine Baron analyse un exemple18, en montrant comme la littérature contemporaine prend peut-être le relai des débats herméneutiques concernant la rationalité scientifique, à partir de fictions sur le corps malade.

Idéologies

11Nous nous sommes enfin intéressés aux idéologies : en d’autres termes, au système de valeurs, explicite ou implicite, qui préside aux démarches interprétatives ou qui servent à les discréditer. Si les adversaires de ceux qui disent qu’ils n’interprètent pas se font souvent fort de leur démontrer le contraire, les motivations de ceux qui interprètent ne sont pas toujours celles qu’ils avancent.

12Jean Bollack19 a montré combien les pratiques érudites et la philologie comportaient de décisions interprétatives impensées. Dans une optique différente, les travaux de Sophie Rabau sur la philologie classique et de Christine Noille sur l’ancienne rhétorique vont aussi dans ce sens.

13L’histoire des interprétations critiques est balisée de revendications d’objectivité débarrassée de miasmes herméneutiques, pourtant lourdes de présupposés. Pensons, dans les années 1960, à la mise à mort du personnage, sur fond de dénigrement de l’individualisme bourgeois, et à celle de l’auteur – père, patron, policier, roitelet et tyran20. Qui tenait compte de l’intention auctoriale, « respectait » le sens du texte, s’est alors exposé au soupçon de collaborer – objectivement– avec les forces du mal patriarcal.

14Inversement et de façon solidaire, la mise en cause de l’objectivité, dans les années 1970 a secrété un nouveau conformisme. Les auteurs ne respectent pas la convention rhétorique du pluralisme herméneutique se sont trouvés disqualifiés dans certains cercles académiques, en particulier états-uniens21. Cependant, passée la première décennie du xxie siècle, nous pouvons désormais prendre nos distances avec certains raccourcis herméneutiques – et les désamorcer.

15L’interprétation est bel et bien un champ de bataille.

Le champ de bataille de l’interprétation

16Les contributeurs de ce numéro, après quatre heureuses années passées à travailler ensemble, à mener d’innombrables discussions, à organiser de concert maints séminaires, colloques et ouvrages collectifs n’ont pas abouti au moindre consensus. Sans doute avons-nous approfondi nos connaissances et nos positions, et sommes-nous arrivés à bien de bien intéressants résultats partiels. Mais nous n’avons pas établi de position commune. Personne ne le regrette : un objet discuté et disputé est un objet vivant – Ricœur n’avait-il pas déjà dit que le dissensus herméneutique était indépassable22 ? Plutôt qu’un consensus illusoire, mieux vaut mettre en valeur ce qui nous distingue, voire, dans certains cas, nous oppose. Il est en effet probable que les divergences soient inhérentes aux questions d’interprétation, telles qu’elles se sont posées et continuent à se poser aujourd’hui.

17Les points d’achoppement sont au nombre de quatre.

Centralité

18Le premier concerne, je l’ai dit, la centralité de l’interprétation dans la réflexion et les pratiques contemporaines, relativisée par Marielle Macé, soulignée au contraire par d’autres, comme Michel Jeanneret par exemple. Je n’y reviendrai pas ; je renvoie à la lecture de ces auteurs.

Périmètre

19Le second concerne le périmètre de l’interprétation. Il s’agit d’une question classique, autour de laquelle tournent tous les débats sur l’herméneutique au xxe siècle. Gadamer, on le sait, après Heidegger, a unifié les trois opérations traditionnellement identifiées comme constitutives de l’interprétation : la compréhension, l’explication et l’application. Les contributeurs de ce numéro expriment pour certains d’entre eux des positions très opposées à cette herméneutique philosophique unifiée. Personne ne conteste que le terme d’« interprétation » peut renvoyer à ces trois opérations. Mais l’accent est mis sur l’une ou l’autre, et la distinction entre elles est accentuée ou minimisée. Marielle Macé, s’intéressant à l’effet des formes sur les lecteurs, insiste sur l’appropriation, applicative et transformative. En ce qui me concerne, convaincue par le travail de Clotilde Thouret et de Lise Wajeman sur le rôle du corps dans l’interprétation23, je suis disposée à admettre que l’interprétation, comme aptitude cognitive incarnée, non nécessairement formalisée par un discours, possède un spectre plus large que l’explication proprement dite. Otto Pfersmann, quant à lui, voit dans l’explication le cœur de l’interprétation en tant que projet scientifique. Il argumente en faveur d’une distinction forte entre l’analyse (qui suppose une compréhension) et son résultat explicatif, entre l’explication et l’application. À partir de la tradition rhétorique, la relation entre compréhension et interprétation est examinée en détail par Christine Noille, qui explique sa propre évolution, depuis une position très différentialiste (entre posture technique, explicative, et posture herméneutique, ou rhétorique) jusqu’à une conception plus nuancée. En examinant des commentaires de Virgile au xvie et au xviie siècle, elle met au jour les implications interprétatives des gestes techniques et la part de formalisation dans l’interprétation : elle défend l’union de la théorie et de l’interprétation contre le retour de l’histoire littéraire24.

Unité

20La troisième question est proche de la précédente, car elle concerne encore l’unité de l’herméneutique. Faut-il parler d’une démarche générale, qui englobe aussi bien des pratiques voisines mais distinctes (comprendre, expliquer, appliquer), que des situations pragmatiques très diverses, induites par des artefacts appartenant à des domaines éloignés ? On sait que par opposition à l’herméneutique philosophique, la tradition représentée par Chladenius, Schleiermacher (du moins tel que le comprend Berner) et Szondi fait droit à des herméneutiques spécialisées, correspondant à des objets spécifiques. Otto Pfersmann insiste sur la différence entre l’interprétation des textes juridiques et celle des textes littéraires –dans le sens d’une contestation du linguistic turn, littérarisant abusivement, à son avis, les textes de loi. L’interprétation des textes médicaux, qui a également été envisagée dans le cadre de ce projet, possède elle aussi aussi une histoire, un lexique, des procédures et des enjeux propres25. J’en appelle quant à moi à une analyse spécifique de l’interprétation qui concerne les textes de fiction – ce qui présuppose une distinction forte entre les réponses cognitives induites par les écrits factuels et fictionnels. Dans quelle mesure les particularités historiques, génériques, ontologiques peuvent-elles être subsumées dans une histoire générale de l’interprétation ? Nous avons aussi mis en évidence la longévité, sur la longue durée, des questionnements (comme l’a fait Larry Norman), des procédés, comme l’allégorie (par moi-même). La première modernité nous a souvent fourni des clefs pour comprendre des enjeux contemporains. Mais nous ne nous sommes pas référés à une histoire globale et à une conception unifiée de l’interprétation.

Pluralité

21La quatrième question clivante qui se pose, inévitablement, est celle de la pluralité de l’interprétation.

22À vrai dire, une certaine ambivalence, que je crois assez partagée chez les spécialistes de littérature, existe – sans même parler de la probable tendance au l’interprétation unique à laquelle nous conduit l’exposition à une fiction. Si l’on aborde maintenant l’attitude savante, qui contesterait l’intérêt d’expliciter les textes difficiles, les textes du passé, et n’admirerait la démarche de Jean Bollack à propos d’Œdipe-Roi, de Florence Dupont à propos du théâtre latin, de Claude Calame à propos de la mythologie grecque ? Peut-être parce qu’ils étudiaient des cultures, des textes, des pensées tellement éloignés des nôtres, ils ont eu à cœur de balayer les couches superposées de contresens, d’anachronismes, les innombrables glissements de mots et de sens accumulés au cours des siècles. En nous permettant de cerner l’altérité, ils produisent un inappréciable gain de savoir : la pluralité des interprétations, qui n’est alors que la somme des ignorances et des oublis, n’a dans cette optique aucune valeur.

23Pourtant les spécialistes de littérature ont aussi tendance à considérer la pluralité des interprétations comme le signe de la vitalité de la réception. Pourquoi ne pas l’avouer ? En ces temps où les Humanités n’attirent pas les foules, où le canon littéraire sombre doucement, mais inéluctablement, dans l’oubli, le foisonnement des interprétations, fussent-elles aberrantes, et suscitées davantage par des films ou des jeux vidéos que par des textes en réjouit certains (dont moi-même). Peut-être aussi le fait que les spécialistes de littérature aient majoritairement affaire à des textes de fiction, non référentiels (ou non essentiellement référentiels), les amène à valoriser la part de jeu dans l’interprétation plus aisément que des spécialistes d’autres disciplines. La métaphore du jeu est d’ailleurs centrale dans la contribution de Sophie Rabau, qui considère que ceux qui cherchent le sens d’un texte ont aussi peu à voir avec ceux qui multiplient intentionnellement les interprétations possibles de celui-ci que des joueurs de rugby avec des joueurs de football. Michel Jeanneret dit qu’il considère cette opposition comme un faux problème, tout en prenant clairement parti pour l’acceptation de la pluralité. Dans le cadre du droit, naturellement, la variation du sens ne peut se prévaloir d’une dimension ludique et les enjeux pragmatiques et politiques de l’interprétation sont tout à fait différents. Les conflits interprétatifs à propos des textes de fiction, hors cas de censure, de blasphème supposé, d’imputation de référentialité abusive, n’ont pas d’impact sociétal de grande ampleur. L’interprétation des comédies hollywoodiennes du remariage par Stanley Cavell, par exemple a beau être considérée comme abusive par un certain nombre de critiques (Hirsh ou Davis par exemple), il nous importe bien davantage qu’elle nous permette de voir les films de Cukor et de Capra avec un intérêt renouvelé – de les voir, tout simplement. Elle les connecte avec notre vie.

24Il est impossible de sacrifier Calame à Cavell ou Cavell à Calame. Il n’y a peut-être même pas de tension entre ces deux visées parce qu’il s’agit toujours d’élaborer un savoir qui donne accès à des œuvres et des mondes.

25Il est cependant vrai que question de la pluralité des interprétations revient en définitive à interroger la finalité de l’interprétation. L’opposition entre ce qu’Umberto Eco appelait interprétation et surinterprétation s’est déplacée. Les critères permettant de disqualifier une mauvaise interprétation (qui combinent toujours, à des degrés divers, le manque d’adéquation et le manque d’intérêt) importent finalement beaucoup moins qu’une différence plus radicale, entre une démarche axée vers la production d’un savoir, la compréhension d’un artefact et de ses effets et une démarche visant explicitement la création d’une interprétation qui n’a rien d’une explication mais se donne comme un nouvel artefact. Si cette démarche est entièrement créative, et ne vise ni une appropriation de l’œuvre source ni une production de savoir sur elle, peut-on encore parler d’interprétation ? Peut-être s’agit-il d’une nouvelle limite de l’interprétation, ou a minima d’un nouvel usage, une nouvelle interprétation de l’interprétation.

Conclusion 

26Le projet qui nous a réuni pendant quatre ans s’intitulait « Hermès, Histoire et théories des interprétations ». Son titre même engage une décision quant au statut de l’interprétation. En effet, grâce à Jean Pépin26, j’ai assez vite découvert que le dieu Hermès, hélas, n’avait rien à voir avec l’herméneutique, et qu’il s’agissait d’une fausse étymologie. Cependant, ajoute l’éminent érudit, cela n’a aucune importance, car le rapprochement est tellement signifiant, et tellement chargé d’histoire, qu’il est plus intéressant de l’adopter, malgré sa fausseté. Ainsi ai-je fait. J’ai été suivie. À partir de ce bénin péché collectif, interprète qui voudra la nature de notre engagement herméneutique.