Atelier



« Elle le quitte, il la tue ».
Les collages féministes, une littérature sauvage


par Denis Saint-Amand
(FNRS – Université de Namur)


Ce texte inédit est publié dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula avec l'aimable autorisation de son auteur.


Dossiers Politique.





« Elle le quitte, il la tue ».
Les collages féministes, une littérature sauvage


« Qu'est-ce qu'une manif féministe ?

— C'est là où on ne crie pas la même chose ! »[1]


Du 3 septembre au 25 novembre 2019[2] s'est tenu en France le Grenelle[3] contre les violences conjugales, soit une série de rencontres et tables rondes rassemblant membres du gouvernement et représentants d'associations d'aide aux victimes, magistrats, journalistes et agents des forces de l'ordre. Celui-ci procédait d'un constat d'échec en ce qui concerne la communication des différentes parties impliquées dans le traitement des violences faites aux femmes et visait à instituer un espace de dialogue permettant de dégager des mesures concrètes en termes d'éducation, de formation et de prévention, de protection des victimes et de sanction des coupables. En amont de ces débats, des collages intrigants ont commencé à apparaître sur les murs de Marseille, puis à Lyon et Paris ; de composition sobre (une lettre noire par feuille A4 blanche), ils forment des messages percutants, qui, en leur confrontant la violence du quotidien, déplorent les prudences et détours retardant une définition juridique du féminicide (question à laquelle plusieurs médias consacrent un sujet le jour de l'ouverture du Grenelle[4]) et, plus largement, s'attaquent aux différentes manifestations de la domination masculine : on trouve parmi les premiers messages « Féminicides. Elles nous manquent », « Stop féminicides », « Féminicides notre sang sur vos murs », « Papa il a tué maman », mais aussi des saluts ponctuels (ou femmages — néologisme permettant de féminiser l'hommage) à des victimes désignées par leur prénom et intégrées au décompte glaçant des femmes assassinées au cours de l'année écoulée[5].


© @collages_feminicides_paris


Ces collages féministes sont le fait de groupes de colleuses visant à reconquérir l'espace public et à perturber la routine du quotidien, en forçant le passant à se confronter à des messages et slogans dénonçant la dictature du patriarcat et démontrant en actes la possibilité d'une alternative. Ces affichages s'inscrivent dans une histoire des formes d'expression contestataire : sans forcément le revendiquer, leurs autrices héritent, entre autres, des actions de recouvrement participatif mises en œuvre par l'association Résistance à l'Agression Publicitaire (https://antipub.org/), mais aussi de la veine satirique rythmant Marie Pas Claire, journal féministe corrosif et au second degré[6], et, bien sûr, des pancartes et banderoles déployées lors des manifestations du MLF, étudiées et compilées par Corinne App, Anne-Marie Faure-Fraisse, Béatrice Fraenkel et Lydie Rauzier[7]. Les collages peuvent s'envisager à la fois comme pratique et comme discours, c'est-à-dire, d'une part, comme une activité militante procédant d'une sociabilité non-mixte fondée sur une axiologie anti-patriarcale autant que sur l'urgence d'une solidarité féminine ; d'autre part, comme des messages procédant de stratégies rhétoriques diverses et cohérentes au service de cette axiologie et de cette solidarité[8].


S'il est en premier lieu une réaction directe aux débats sur le féminicide, le rassemblement des colleuses doit aussi être appréhendé dans la dynamique des transformations de l'activisme féministe du XXIe siècle[9], en particulier dans le sillage du mouvement #metoo et à l'aune des formes et supports médiatiques permettant une démocratisation et une expansion de la mouvance (podcasts, blogs, bandes dessinées, séries TV et réseaux sociaux). La sociabilité des colleuses est plurifonctionnelle. Leur regroupement procède à la fois d'une colère face aux normes et logiques de domination d'un système hétéropatriarcal (ici renouvelée par les débats autour de la notion de féminicide) et d'une croyance en la possibilité d'un renversement de ce système. À la fois thébaïde et arène, le rassemblement se fonde, d'une part, sur la nécessité d'instaurer des espaces sécurisés (ou « zones neutres », selon les différentes traductions de la notion anglo-saxonne de safe space) favorables à l'épanouissement de personnes marginalisées et/ou victimes de violences, et privilégie en cela une éthique de la sollicitude[10], misant sur l'entraide, la sororité et l'équipollence des participantes ; mais, d'autre part, elle ne peut s'envisager sans la dynamique combative qui la porte et qui la définit tout autant[11]. Celle-ci n'est du reste pas antagoniste à la bienveillance en vigueur au sein de la collectivité, puisqu'elle nourrit directement la confiance unissant les protagonistes, leur solidarité et la « joie militante » qui, comme l'expliquent carla bergman et Nick Montgomery, peut vivifier les milieux activistes et permettre à leurs acteurs de « ressent[ir] les espaces radicaux comme des espaces de transformation et de création plutôt que des espaces dogmatiques, normatifs et étouffants »[12].


3 juillet 2020 © Tay Calenda


À ces logiques complémentaires de la camaraderie et du combat correspondent deux temporalités et deux espaces : des temps d'échanges, dans un espace privé, qui préparent des temps d'action, dans l'espace public et le plus souvent de nuit — choix qui s'impose par le fait que l'affichage sauvage est illégal[13], mais qui permet aussi de minimiser les interactions avec des individus hostiles (j'y reviendrai) ; contrepartie bénéfique de ces contraintes, l'action nocturne, parce qu'elle n'est pas sans risque, peut se révéler grisante et participe à l'affermissement des liens amicaux qui soudent les militantes[14]. Ces temps d'action impliquent une organisation précise en matière de repérage de terrain, de logistique (le matériel est rudimentaire – papier, colle et pinceaux –, mais encombrant) et de distribution de tâches (le collage mobilise plusieurs participantes, d'autres font le guet ou documentent la sortie – photos, vidéos, session en direct sur les réseaux sociaux). Sans trop forcer le trait, il semble qu'on puisse saisir les temps d'échange dans la logique d'un atelier d'écriture, non pas au sens d'un espace à la structure plus ou moins formelle déployé au sein d'une institution vouée directement à la production artistique (du master de création littéraire à l'atelier ponctuel organisé par un centre culturel ou une bibliothèque), mais au sens d'un lieu où des individus s'attèlent à des travaux communs en exploitant le matériau qu'est le langage. L'image de l'atelier est utilisée par Béatrice Fraenkel par synecdoque pour désigner le foisonnement et l'originalité des slogans du MLF (« L'atelier d'écriture féministe n'a jamais cessé de produire la langue de ses combats »[15]), mais elle mérite d'être prise au pied de la lettre, dans la mesure où chacun des appartements, cafés ou locaux dans lesquels se prépare une soirée de collage met bien en place un travail sur des thèmes à aborder, sur les formes à adopter pour les porter et sur les données concrètes qui permettent de soutenir l'énonciation du message — et en parlant de travail, il faudrait ici parvenir à faire entendre l'énergie d'un tel creuset, où il s'agit de discuter, d'écouter, de nuancer, de remuer, de bricoler, de tester, d'essayer, de rater parfois, de recommencer, de déplacer, de modifier, d'affiner.


L'initiative de ces actions est revendiquée par Marguerite Stern, ancienne Femen qui, sur sa page Instagram se présente désormais comme « Créatrice des collages contre les féminicides » : la précision pourrait sembler anodine et procède d'une stratégie de singularisation cadrant mal avec l'énergie collective de la mouvance, mais elle permet de souligner que l'application mobile joue un rôle majeur dans l'aventure des collages, en tant que plateforme d'archives[16], lieu d'une sociabilité numérique permettant à la fois de renforcer les liens entre participantes de la mouvance, de connecter des réseaux de colleuses, d'échanger des recommandations[17] et de susciter l'adhésion de nouvelles recrues (elles-mêmes susceptibles d'initier la création d'équipes dans des zones d'activité inexplorées et d'élargir en cela le rayonnement du mouvement initial), zone de repli où des alternatives numériques ont pu se substituer aux actions extérieures durant les périodes de couvre-feu imposées durant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, mais aussi espace de débat[18]. Elle permet en outre de mesurer les sociabilités multiples qui se développent autour du projet de collages : cette fédération à distance par le truchement des réseaux sociaux participe aujourd'hui des modes d'émergence et d'expansion des mouvements activistes ; elle peut s'appréhender par la métaphore de la constellation, forgée par le collectif Mauvaise Troupe pour rendre compte d'un vaste réseau d'acteurs moins connectés par des liens directs entre individus que par la cohérence d'actions dessinant un similaire projet perturbateur[19].


Au-delà de la dimension perturbatrice de l'affichage sauvage (qui, à l'image de l'écriture urbaine analysée par Béatrice Fraenkel, peut ici s'envisager comme un « acte de bravoure qui donne à l'écrit une valeur et une force spécifiques »[20]), ce sont évidemment les messages déployés par les collages qui visent à bousculer les codes et normes. Il ne s'agit pas ici de les appréhender comme œuvre en postulant la finitude d'une mosaïque de slogans, mais comme un work in progress à la fois cohérent et labile, procédant de logiques groupales qui les infléchissent et orientant des réceptions variées[21]. Les conditions dans lesquelles se déroulent les actions et les contraintes liées à la matérialité du support incitent les colleuses à privilégier des formes brèves et efficaces[22]. L'une des premières formules apparues sur les murs pendant l'été 2019, « Elle le quitte, il la tue », se fonde sur une narration minimaliste portée par antithèse elliptique qui renvoie au fait divers journalistique : la concision du message fait autant écho à la fugacité de la tragédie qu'au peu d'attention accordé de façon générale au féminicide par l'État et ses auxiliaires (forces de l'ordre et représentants de la justice, fréquemment ciblés par les colleuses, comme en témoigne le collage « Féminicides : État coupable, Justice complice »). Permettant de concrétiser formellement la logique oppositionnelle engagée par les militantes, la rhétorique antithétique porte de nombreux messages (« Notre colère sur vos murs », « Notre sang sur vos mains »), lesquels peuvent également tirer parti de l'asyndète (« Leur haine, nos mortes »), du détournement de maximes célèbres (« Aux femmes assassinées, la patrie indifférente » ; « Féminicide partout, justice nulle part » ; « On ne naît pas femme mais on en meurt »), du mot d'ordre (« Honorons les mortes. Protégeons les vivantes ») ou de la référence à l'actualité (« Polanski a violé : vous applaudissez »).


La palette rhétorique de ces collages est vaste : du paradoxe (« Plus écoutées mortes que vivantes ») au calembour (« On ne rasera ni les murs ni nos chattes ») et de la prosopopée enfantine (« Papa il a tué maman » ; « – Tu veux quoi pour Noël ? – Maman vivante ») au mot-valise (« Violanski : les Césars de la honte »), les procédés servent l'expression d'un écœurement. Procédant en bonne partie d'un dispositif permettant d'accroître la visibilité d'un problème dans l'espace public, l'efficacité de la pratique est aussi fonction de la diversité des ressources argumentatives mobilisées : les colleuses ont pu privilégier les allusions à des figures de référence (« Portrait de jeunes filles en colère », clin d'œil au film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, avec Adèle Haenel[23]) ou des citations de victimes, qui permettent de rendre la parole, fût-ce temporairement, à celles à qui on l'a prise, pour témoigner de cette spoliation et faire résonner les mots annonciateurs d'un assassinat pour souligner qu'ils n'ont pas été écoutés (« “Toute ma vie est contrôlée par lui” – Fanny », « “La Justice a signé mon arrêt de mort” – Fanny » ; « “Je ne suis qu'une spectatrice de ma vie” – Charlène » ; « “J'ai peur” – Laura ») ; ailleurs, on trouve des apophtegmes a priori évidents, mais qui, confrontés aux cas de violences, perdent de leur logique élémentaire et se transforment dès lors en rappels pédagogiques (« On ne tue pas par amour » ; « Céder n'est pas consentir » ; « Le seul responsable du viol, c'est le violeur »).


S'observe également, depuis l'été 2019, une certaine évolution en matière de construction de l'instance énonciatrice : si, dans les premiers temps, l'impression dégagée par les collages était surtout celle d'une lassitude et d'une colère (« On ne veut plus compter nos mortes » ; « Féminicides : elles nous manquent »), il est frappant de constater la place de plus en plus importante prise par des messages évacuant la figure victimaire pour inclure leurs lectrices potentielles dans une sororité émancipatrice et en lutte (« Nous sommes toutes des héroïnes » ; « Nous sommes toutes des guerrières » ; « Le sexisme est partout, nous aussi » ; « Liberté, égalité, sororité » ; « Sois fière et parle fort » ; « Ta voix et ta force comptent » ; « Tu trouveras toujours notre soutien sur les murs ») et par la promesse d'une riposte (« Prenez garde la colère des femmes gronde » ; « Violeur, agresseur, à ton tour d'avoir peur » ; « Votre ego est aussi fragile que vos couilles » ; « violeur=sécateur »). Autre évolution logique, la focalisation originelle sur la question du féminicide est peu à peu rejointe par d'autres thèmes et revendications, visant toujours à dénoncer des systèmes de domination, des dysfonctionnement et des mécanismes entretenant l'inféodation de minorités, parmi lesquels les réticences de la police à enregistrer certaines plaintes pour harcèlement ou agression (« Flics : ma plainte est un droit »), les agressions perpétrées par des chauffeurs de la plateforme Uber et leur étouffement par l'entreprise (« Uber : on veut des chauffeurs pas des violeurs » ; « Je voulais rentrer en sécurité, j'ai été violée #uber » ; « Uber protecteur de violeurs » ; « Tarif Uber : le viol » ; « #Ubercestover » ; « Uber complice d'agression »), le silence complice face à l'exploitation et l'élimination des Ouïghours (« Ici, on tue des Ouïghour·e·s », sur les façades de magasins profitant du travail forcé de membres de cette communauté dans des usines chinoises), la nomination de Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol, au poste de ministre de l'Intérieur (« Gouvernés par la culture du viol » ; « Ministère de la honte » ; « Darmanin violeur ») ou l'article 24 de la loi dite « Sécurité globale », pénalisant la diffusion malveillante d'images des forces de l'ordre (« Floutage de gueule »), la transphobie (« Les femmes trans sont nos sœurs ») et la grossophobie (« Grosse ne devrait jamais être une insulte »). Ces slogans ne semblent pas devoir s'envisager uniquement comme des écrits de l'indignation ou de la déploration : en dépit de leur brièveté, ils se fondent sur des expérimentations langagières et donnent à lire des propositions de reconfiguration de nos modes de vie ; ils peuvent en cela s'appréhender comme des ouvroirs de possibles, contribuant à « forg[er] de nouveaux vocables, propos[er] de nouvelles syntaxes inclusives, engag[er] de nouvelles formes de dialogues et d'assistance, soum[ettre] d'autres formes d'intégration, échafaud[er] de quoi fomenter de nouvelles résistances et de quoi monter de nouveaux accords »[24], selon l'idéal d'une « littérature de coopération » envisagé par Florent Coste.


L'une des particularités de cette forme d'artivisme est qu'elle a largement documenté sa réception : non seulement – via les stories des réseaux sociaux associés aux différents groupes régionaux – celle menée par les médias d'information, nombreux à avoir consacré des articles ou émissions aux colleuses et à les avoir suivies ponctuellement dans leurs activités[25], mais aussi la réception immédiate des individus dans l'espace public. Il est en effet significatif de constater à quel point les messages diffusés par les collages sont souvent mal accueillis par des passants qui, en les découvrant, invectivent les colleuses et, parfois, s'empressent d'arracher leurs productions, quand ils ne téléphonent pas directement à la police pour dénoncer les militantes. Le comble de cette réception hostile a été atteint la nuit du 30 août 2020 à Montpellier, quand un homme a foncé sur un groupe de quatre colleuses avec sa voiture, après avoir menacé de les violer[26]. Les fonctionnalités des réseaux sociaux permettent de conserver la trace des arrachages et des interpolations laissées par des passants mécontents, voire de les diffuser en direct. Ces réactions de rejet peuvent être liées à la crainte du vandalisme (au-delà des messages, c'est alors l'affichage sauvage qui déplaît), mais il semble que, le plus souvent, elles procèdent d'une divergence axiologique profonde. Ceux qui s'attaquent aux collages reconfigurent parfois les messages initiaux (« Elle le quitte, il la tue » devient, après l'arrachage de certaines lettres, « Elle le……………tue ») ou feignent d'y lancer un dialogue (il en va ainsi de cette réponse écrite sur un collage et diffusée sur le compte @collages_féminicides_paris, intrigante parce que son énonciateur semble avoir pris conscience de la dimension aporétique de son commentaire en le rédigeant et projette la réponse qui pourrait lui être formulée : « Au début c'était bien, et maintenant c'est lourd. Savoir s'arrêter au juste moment. (“oui mais eux ne s'arrêtent pas” d'accord, d'accord) ». Si l'observateur extérieur peut être décontenancé par la virulence des oppositions aux collages (non seulement celles archivées par les colleuses, mais aussi celles qui se manifestent dans les commentaires de leurs publications ou sous les articles qui leur sont consacrés dans les médias), ces dernières – auxquelles il serait nécessaire de consacrer une étude spécifique – ne sont pas de nature à entamer les convictions des militantes : au contraire, elles leur offrent de nouvelles susceptibilités à exploiter (« On arrêtera de coller quand vous arrêterez de violer » ; « Toi qui arraches nos messages : as-tu quelque chose à te reprocher ? ») et ne peuvent que participer à renforcer leurs convictions.


© @collages_feminicides


Enfin, sur le plan des prolongements numériques de ces actions toujours, il faut souligner les alternatives adoptées au moment où le confinement procédant de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020, a provisoirement empêché le déroulement des collages muraux. À l'initiative de l'illustratrice, graphiste et militante Émilie Dupas ont émergé des « collages virtuels », illustrant ce que pourrait donner un affichage de slogans comme « Le patriarcat tue », « Crise du coronavirus : les femmes en première ligne », « Violences conjugales : il est interdit de sortir, mais il n'est pas interdit de fuir » ou « En France, 1 femme sur 10 a été violée ou le sera au cours de sa vie », sur des supports tels que la pyramide du Louvre, la Salpêtrière, le Ministère du Travail ou l'Obélisque de la Concorde[27]. La pratique perd alors en visibilité puisqu'elle n'est désormais accessible qu'aux abonnés des comptes relayant ces montages (c'est-à-dire aux membres d'un réseau, déjà habitués au phénomène), mais elle joue différents rôles : elle tient non seulement lieu de veille, en maintenant une activité collective militante et créative, mais elle a fonction de proposition (donnant à voir l'intérêt de collages éclipsant le faste de bâtiments d'État) voire de performance subversive (à un moment où le deep fake perturbe nos représentations du réel, montrer une photo du Panthéon barré d'un collage « Aux femmes assassinées, la patrie indifférente » peut suffire à suggérer que cette action s'est concrétisée « irl »).


© https://collagesvirtuels.fr/album-confinement1


Il n'aura échappé à personne que je me suis ici emparé d'un objet qui semble a priori assez éloigné des représentations traditionnelles de l'objet littéraire en vigueur au sein de nos disciplines. Je crois pourtant qu'on a tout à gagner à envisager cette pratique du collage féministe à l'aune de nos méthodes d'analyse et de la mettre en perspective de productions littéraires que nous sommes peut-être plus habitués à commenter dans nos salles de classe. Mon objectif ici n'est pas de forcer un transfert de ce que, selon les affinités et les filiations, on appellera plus volontiers « aura » ou « prestige » du littéraire vers l'objet étudié, mais plutôt de me demander comment ledit objet peut travailler nos représentations du littéraire et de son espace des possibles en régime contemporain. Dans sa thèse sur La Littérature embarquée, Justine Huppe retraçait l'origine d'un « actuel “tournant pragmatique” des études littéraires » en soulignant « l'émergence de paradigmes relationnels, coopératifs et participatifs qui s'élaborent notamment pour répondre à une injonction, pour la littérature, à se reconnecter à la praxis sociale »[28]. Au gré d'un chapitre stimulant, la chercheuse, en plus de s'attacher à l'exégèse des propositions théoriques respectives de Marielle Macé et d'Yves Citton, observe les mécanismes et dispositifs par lesquels des auteurs et autrices comme Olivia Rosenthal, Nathalie Quintane, Camille de Toledo, Mathieu Larnaudie, Chloé Delaume, Maylis de Kerangal et Olivier Cadiot éprouvent des tentatives de décloisonnement et de réinvention du jeu littéraire, et mesure comment ces expérimentations rejoignent les mots d'ordre de l'esthétique pragmatiste théorisée par John Dewey, que sont la dimension collective du rapport à la création, sa nature profane (sinon profanatrice — c'est-à-dire refusant de tenir la production pour un fétiche, voire s'attaquant à cette sacralisation) et sa vulgarité (selon les deux acceptions du terme, permettant de désigner à la fois l'accessibilité de la production et son caractère prosaïque)[29]. Ces trois enjeux éthiques et esthétiques qui, comme le montre Huppe, avivent une part de la production littéraire française que l'on pourrait qualifier avec elle de « post-avant-gardiste »[30] sont précisément au fondement de l'activité du collage féministe, qui peut du reste s'envisager comme un espace de création poétique au sens aristotélicien du terme (le fait d'exploiter les ressources du langage pour développer une production qui relève d'une démarche artistique — laquelle n'est pas une finalité première ici, puisqu'il s'agit avant tout d'une activité militante, d'une lutte politique, mais contribue néanmoins à l'efficacité du message, à son rayonnement, aux effets d'adhésion qu'il peut susciter).


Sans relever du fait littéraire institutionnalisé (c'est-à-dire d'une écriture artiste inscrite dans le monde des lettres, portée par le nomos spécifique de ce dernier et le système de valeurs qu'il définit, engagée dans le circuit éditorial et le réseau de médiateurs – éditeurs, critiques, – qui lui est propre), les collages féministes tiennent d'une « littérature sauvage », selon l'expression forgée par Jacques Dubois pour désigner ces écrits « qui ne participent d'aucun des réseaux [habituels] de production-diffusion, qui s'expriment de façon plus ou moins spontanée et se manifestent à travers des canaux de fortune »[31]. Ils participent de ces objets fuyants dont Foucault encourageait l'analyse dans L'Archéologie du savoir, en soulignant que l'histoire des idées, « objet incertain, frontières mal dessinées, méthodes empruntées de droite et de gauche, démarche sans rectitude ni fixité » avait notamment pour enjeu de « raconte[r] l'histoire des à-côtés et des marges » ; et de préciser, « Histoire non de la littérature mais de cette rumeur latérale, de cette écriture quotidienne si vite effacée qui n'acquiert jamais le statut de l'œuvre, ou s'en trouve aussitôt déchue : analyse des sous-littératures, des almanachs, des revues et des journaux, des succès fugitifs, des auteurs inavouables »[32]. Convoquer ces modèles et références pour appréhender la pratique du collage féministe pourrait sembler ne servir que la légitimation de cette activité : l'intérêt est pourtant dans le mouvement inverse. Il me semble en effet que l'étude des modes de regroupement de ces femmes, de la forme et des effets de leurs écrits (comme d'autres gestes et formes similaires) invite à une reconsidération de ce que nous appelons « littérature » : au-delà du champ et des objets auxquels nous associons celle-ci (lesquels outrepassent le format livresque[33]), il existe une série de pratiques d'écriture qui sont « soucieuses des modes de collaboration qu'elles occasionnent pour exister »[34], qui ne se pensent pas comme littéraires, mais qui, en expérimentant des formes pour prendre position, pour créer du commun, pour mettre en lumière des aberrations et appeler à leurs résolutions, proposent des nouvelles manières d'appréhender le monde et la vie, contribuent à faire bouger les lignes de nos représentations, troublent nos repères, font réagir celles et ceux qui les lisent (en suscitant des adhésions et des rejets, en amusant ou en affligeant, en apaisant ou en dérangeant, en revigorant ou en décontenançant) et font germer de nouveaux imaginaires — bref, font à peu près tout ce que nous attendons généralement des œuvres littéraires.



Denis Saint-Amand (FNRS – Université de Namur), 2021


Mis en ligne dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula en février 2021.




[1] Cité par Béatrice Fraenkel, « “Nos drapeaux sont des foulards à fleurs”. Les manifestations du MLF », dans Corinne App, Anne-Marie Faure-Fraisse, Béatrice Fraenkel et Lydie Rauzier, 40 ans de slogans féministes 1970/2010, Paris, éditions iXe, 2011, p. 7.

[2] Deux dates symboliques puisque la première, retranscrite au format dit « little endian », (03-09-19), fait écho au 3919 qui est, depuis le 1er janvier 2014, le numéro français d'écoute et d'orientation à destination des femmes victimes de violence ; tandis que la seconde correspond à la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

[3] L'expression renvoie aux négociations qui, en mai 68, ont réuni membres du gouvernement Pompidou, représentants syndicaux et instances patronales dans les locaux du ministère du Travail, rue de Grenelle. Ces rencontres ont abouti aux accords dits de Grenelle. Par métonymie, le terme en vient à désigner des débats entre acteurs du milieu politique et représentants de la société civile autour d'un thème défini.

[4] Voir par exemple, Charlotte Causit et Noémie Leclercq, « Pourquoi le mot “féminicide” fait-il toujours débat ? », Franceinfo, 3 septembre 2019, URL : https://www.francetvinfo.fr/societe/feminicides/pourquoi-le-mot-feminicide-fait-il-toujours-debat_3599073.html ; Mathilde Goupil, « Féminicide : pourquoi ce mot s'est imposé dans le débat (mais pas dans le droit) », L'express, 3 septembre 2019 : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/feminicide-pourquoi-ce-mot-s-est-impose-dans-le-debat-mais-pas-dans-le-droit_2096264.html ; Laura Dulieu, Margot Delpierre et Eric Chaverou, « Le terme “féminicide” interroge le droit », France Culture, 3 septembre 2019, URL : https://www.franceculture.fr/societe/le-terme-feminicide-interroge-le-droit. Comme le notent Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel, Le Monde avait titré « Féminicides, une urgence nationale » à la date des 7-8 juillet 2019 (Ne nous libérez pas, on s'en charge. Une histoire des féminismes de 1789 à nos jours, Paris, La Découverte, 2020, p. 463.)

[5] Par exemple : « Séverine étranglée par son mari. 6e féminicide » ; « Gaëlle, enceinte, poignardée par son ex. 24e féminicide » ; « Caroline poignardée par son ex. 38e féminicide » ; « Marilyne tuée par son mec. 20 coups de couteau 57e féminicide » ; « Samantha tuée avec sa fille, 77e féminicide » ; « Corinne 18 ans étranglée par son mec 86e féminicide » ; « 26.08.2019 Maguy est la 97e victime de féminicide en 2019 » ; « Sarah tuée par son ex 98e féminicide » ; « 04/07/2019 Isabelle meurt sous les coups de son mari » ; « 06.07.2019 Laura meurt étranglée par son mec » ; « Hélène assassinée par son ex le 22-03-2017. Elle nous manque » ; « 20.08.19 Jacques tue sa compagne Euphémie. 1 balle » ; « Irina égorgée par son conjoint le 13.08.19 ».

[6] Voir l'anthologie Marie Pas Claire, hystériques et…fières de l'être !, Paris, Paroles de Lesbiennes !, 1997.

[7] Corinne App, Anne-Marie Faure-Fraisse, Béatrice Fraenkel et Lydie Rauzier, 40 ans de slogans féministes 1970/2010, op. cit.

[8] La présente contribution est programmatique et constitue une proposition visant à penser cette forme de sociabilité, ses productions et leurs réceptions avec des outils littéraires ; le travail doctoral engagé à l'Université de Namur par Laura Zinzius sous le titre Sociopoétique des collages féministes permettra de saisir ces productions et leurs logiques d'émergence et de réception avec plus d'assise et de profondeur.

[9] Pour une présentation transversale et synthétique des nouveaux paradigmes militants, voir le treizième chapitre de Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel, Ne nous libérez pas, on s'en charge, op. cit., p. 387-485.

[10] Sandra Laugier et Patricia Paperman, Le Souci des autres : Éthique et politique du Care, Paris, Éditions de l'EHESS, « Raisons pratiques », 2006.

[11] Ce sont bien de telles logiques de sociabilité qu'évoque Nancy Fraser quand, revenant sur sa propre expérience militante, elle nuance la théorie de l'espace public d'Habermas en soulignant le rôle joué par des contre-publics subalternes, soit « des arènes discursives parallèles dans lesquelles les membres des groupes sociaux subordonnés élaborent et diffusent des contre-discours, ce qui leur permet de fournir leur propre interprétation de leurs identités, de leurs intérêts et de leurs besoins ». (Nancy Fraser, Qu'est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, 2005, p. 126.) Dans une lecture fine des travaux de Fraser, Estelle Ferrarese note que « Les contre-publics subalternes constituent des espaces de regroupement et des terrains d'essai pour des activités de revendication et de contestation ensuite dirigées vers des publics plus larges. Cette logique leur permet de compenser en partie les privilèges de participation dont bénéficient les membres des groupes sociaux dominants. » (Estelle Ferrarese, « Nancy Fraser ou la théorie du “prendre-part” », dans La Vie des idées, [En ligne], 2015, URL : https://laviedesidees.fr/Nancy-Fraser-ou-la-theorie-du-prendre-part.html.)

[12] carla bergman et Nick Montgmoery, Joie militante, trad. Juliette Rousseau, Rennes, Editions du Commun, 2021, p. 28.

[13] Pour le cas français, voir les articles L581-8, L581-9 et L581-13 du code de l'environnement ; en Belgique, l'arrêté royal du 14 décembre 1959 portant réglementation de l'affichage et de la publicité.

[14] Voir notamment carla bergman et Nick Montgmoery, Joie militante, op.cit., p. 98-102.

[15] Béatrice Fraenkel, “Nos drapeaux sont des foulards à fleurs”. Les manifestations du MLF », art.cit., p. 7

[16] Ainsi, les comptes de photographes professionnelles comme Tay Calenda, Bérénice Farges et Pauline Makeovitchoux, liées à la mouvance, offrent une précieuse archive de ces actions. Voir aussi les profils des équipes de colleuses : @collages_feminicides_paris, qui a engendré de nombreux surgeons en banlieue (@collages_sevran, @collages_feminicides_vitry, @collages_feminicides_Auber93, @collages_feminicides_leslilas, @collages_feminicides_versailles, etc.), en province (@collages_feminicides_marseille, @collages_feminicides_lyon, @collages_feministes_nantes, @collages_feministes_lille @collagesfeminicides_nancy, @collages_feminicides_68, @collages_feminicides_lorient, etc.), en Belgique (@collages_feministes_bruxelles, @lafronde, @gluegang_liege), en Suisse (@collagesfeministesromans, @collages_feminicides_geneve) ou au Québec (@collages_feminicides_montreal). Un travail de cartographie des lieux d'affichage privilégiés au cœur de ces différents espaces urbains reste à mener.

[17] Ainsi du compte Instagram @Tips_de_collage, qui répertorie différents conseils pour améliorer l'efficacité des séances de collage (par exemple, « Avoir quelques lettres fréquemment utilisées en plus dans son sac », « Bien étaler la peinture (plutôt que de faire des traits nets) pour qu'elle sèche plus vite », « Scotcher les feuilles entre elles, dans l'ordre : il suffit de déplier le slogan au moment de coller », etc.).

[18] C'est bien à cette fonction polémique du réseau social que fait écho la revendication de maternité de la mouvance énoncée par Marguerite Stern sur son profil Instagram, puisqu'elle procède de son désaveu par un nombre important de colleuses après qu'elle a exprimé à plusieurs reprises son refus d'associer la cause des femmes trans à son combat féministe — ce radicalisme exclusif se prolongeant chez Stern par un engagement dans la cause dite abolitionniste (qui milite pour l'interdiction de la prostitution). Cette guerre intestine témoigne de tendances divergentes au sein des mouvements féministes contemporains et mérite d'être interrogée pour les axiologies inconciliables qui la fondent et pour ses effets réticulaires.

[19] Collectif Mauvaise Troupe, Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle, Paris, Édition de l'éclat, 2017. Voir à ce sujet Léo Vesco, « Mauvaise Troupe : analyse des formes et des enjeux d'un livre-pavé », Anthony Glinoer et Michel Lacroix (dir.), La littérature contemporaine au collectif, Fabula / Les colloques, 2020. URL : http://www.fabula.org/colloques/document6696.php et Mathilde Zbären, « Écriture collective et fragments d'expériences. Constellations (2014) du collectif Mauvaise troupe », dans Dominique Viart et Alison James (dir.), Littératures de terrain, Fixxion n° 18, 2019, URL : http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx18.09.  

[20] Béatrice Fraenkel, « Actes d'écriture : quand écrire c'est faire », dans Langage et société, n° 121-122, 2007/3, p. 102.

[21] On se fonde ici sur les propositions développées par Florent Coste dans Explore. Investigations littéraires, Paris, Questions théoriques, « Forbidden beach », 2017. Notamment, p. 60 : « Une anthropologie pragmatique de la littérature privilégie l'action littéraire dans ses modalités concrètes, c'est-à-dire l'effectivité pratique, morale et cognitive des langages littéraires considérés dans leurs aspects opératoires. Elle appréhende l'œuvre littéraire moins comme un opus que comme un modus operandi, déterminée autant que déterminante des relations sociales, produite et productrice de l'histoire. »

[22] Plusieurs exceptions existent, parmi lesquelles l'imposant collage-fresque réalisé en mémoire de Salomé, le 3 juillet 2020, jour où la jeune femme devait célébrer son 22e anniversaire ; elle était la centième victime de féminicide en 2019. Réalisé par vingt-huit colleuses, le collage portait le message suivant : « Salomé, nous écrivons ton nom pour ne pas oublier. Aujourd'hui tu aurais fêté tes 22 ans. Le 31/08/19, Salomé a été assassinée para son conjoint qu'elle voulait quitter. Il a laissé son corps sur un tas d'ordures. 4 plaintes avaient été déposées contre lui. Nous ne pardonnons pas. Nous n'oublierons jamais. Shalom, on t'aime. »

[23] Comptant parmi les créatrices du collectif 50/50, association militant pour l'égalité entre hommes et femmes et pour une plus grande diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, Adèle Haenel a dénoncé en 2020 les agressions sexuelles commises sur sa personne par Christophe Ruggia. Le 28 février 2020, l'actrice et Céline Sciamma quittent la cérémonie des Césars à l'annonce de la remise du prix de la meilleure réalisation à Roman Polanski. Les deux femmes deviennent des modèles de résistance féministe. Parmi les allusions à des figures inspirantes, notons la session réalisée en mai 2020 par un groupe de colleuses d'Ivry, dont les productions reprennent des paroles de la rappeuse Diam's (« Heureusement qu'on n'hérite pas des couilles de son père sinon j'serais dans la merde, donc je dépose un couronne de diamants sur la tête de ma mère » ; « Y a comme un goût de viol quand je marche dans ma ville ») et des extraits, féminisés, du titre « Banlieusard » de Kerry James (« Vois-tu des faibles ici ? Je ne vois que des femmes qui portent le glaive ici » ; « Si j'rugis comme une lionne c'est que j'compte pas m'laisser faire » ; « Banlieusardes et fières de l'être, j'ai écrit l'hymne des battantes » ; « Je suis la capitaine dans le bateau de mes efforts / Je n'attends rien du système, je suis indépendante »).

[24] Florent Coste, Explore, op. cit., p. 274. « Une littérature de coopération me semble d'abord être littérature qui cesse grosso modo de s'imaginer comme une conversation privée entre un auteur et un lecteur. Au contraire, c'est une littérature qui se plaît à accroître le nombre d'acteurs et de partenaires mobilisés (à augmenter sa valence et à minorer son auctorialité pour amplifier autant que possible sa portée transinstitutionnelle. […] Cela signifie ensuite, d'un point de vue pragmatique, qu'elle se présente comme un pôle d'articulation, d'organisation, de recomposition d'un collectif qui cherche à se rendre un peu plus maître de ses expériences et la situation problématique dans laquelle il se trouve. » (Ibid, p. 277.)

[25] Par exemple, Antoine Chao, « En toutes lettres avec Collages Féminicides Paris », sur France Inter, 16 octobre 2020, URL : https://www.franceinter.fr/emissions/c-est-bientot-demain/c-est-bientot-demain-16-octobre-2020; Olivier Minot, « Collages féministes », Dépêche !, n° 53, Arte Radio, 27 novembre 2019, URL : https://www.arteradio.com/son/61662795/collages_feministes; Marion Mayer, « Une nuit avec le collectif Collages Féministes Lyon », Le Progrès, 15 août 2020, URL : https://www.leprogres.fr/societe/2020/08/15/podcast-une-nuit-avec-le-collectif-collages-feministes-lyon.

[26] Hélène Amiraux, « Montpellier : colleuses d'affiches féministes agressées, un suspect interpelle », Le Midi libre, 25 septembre 2020, URL : https://www.midilibre.fr/2020/09/25/montpellier-colleuses-daffiches-feministes-agressees-un-suspect-interpelle-9096559.php.

[27] Voir le compte Instagram de l'autrice @emilie.d80 et le site https://collagesvirtuels.fr/

[28] Justine Huppe, La Littérature embarquée. Réflexivité et nouvelles configurations critiques dans le moment des années 2000, sous la dir. de Jean-Pierre Bertrand et Frédéric Claisse, ULiège, 2019, p. 172.

[29] Ibid., ch. III, « Reprises, diffractions et allusions pragmatiques », p. 159-226. Voir aussi John Dewey, L'art comme expérience, Paris, Gallimard, « Folio », 2010.

[30] Ibid., p. 299-316. Pour le dire rapidement ici, on peut entendre par là des auteurs conscients du rôle joué par les avant-gardes dans l'histoire de la littérature, adoptant parfois des codes hérités de ces modèles (la collectivité que l'on retrouve chez Inculte, le refus des cadres génériques, l'hybridation, le détournement, etc.), tout en se libérant de leurs crispations (logique de la lutte, rivalités exacerbées, mots d'ordre et manifestes stricts, etc.).

[31] Jacques Dubois, L'Institution de la littérature [1978], Bruxelles, Labor, « Espace Nord », 2005, p. 192.

[32] Michel Foucault, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 179.

[33] Dans L'Histoire littéraire (Paris, Armand Colin, 2010), Alain Vaillant appelait à dépasser la dimension « bibliolâtre » de l'histoire littéraire, qui, à dire vrai, s'observe surtout chez les spécialistes de la période contemporaine : du spectacle de théâtre aux romans-feuilletons publiés dans la presse, de l'album amicorum aux lectures-performances, en passant par les usages littéraires du numérique ou les tracts surréalistes, l'ensemble des productions littéraires évoluant hors du livre est vaste et foisonnant. Depuis quelques années, plusieurs chercheurs se sont tournés vers les formes et logiques d'une « littérature exposée », problématisée avec brio par Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal, dont les propositions ont incité à se tourner plus volontiers vers « ces pratiques littéraires multiples (performances, lectures publiques, interventions sur le territoire, travaux sonores et visuels) pour lesquelles le livre n'est plus un but ni un prérequis » (Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, n° 160, « La littérature exposée », Armand Colin, 2010, p. 5).

[34] Selon la formule de Christophe Hanna, qui les appelle « socioécritures » dans sa préface à l'essai de Florent Coste, Explore, Paris, Questions théoriques, « Forbidden Beach », 2017, p. XXII.



Denis Saint-Amand

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Dernière mise à jour de cette page le 12 Février 2021 à 8h30.