Colloque 99, Frontières de la fiction : commentaire
Le message suivant a été posté par le visiteur René Audet le 07 Fevrier 2000 à 11:58:50: en réponse à Frontière de la fiction, fiction de la frontière posté par Olivier Guerrier le 19 Decembre 1999 à 22:11:08: |
Coïncidence: j'ai lu en parallèle les textes d'Olivier Guerrier et d'Annie Cantin, avec un certain profit je crois. Les Essais de Montaigne et les écritures intimes, à leur façon, procèdent à une mise en discours du soi.
Chez Montaigne, le soi prend la forme d'un discours réflexif, argumentatif, herméneutique; la fiction y apparaît comme un outil de démonstration (ou simplement heuristique). Il y a donc fictionnalisation du réel, une mise à distance qui assurerait la littérarité des Essais (ce que le seul discours réflexif ne permettrait pas a priori).
Dans l'écriture intime, le soi, le réel apparaît rapporté: discours littéral et donc non littéraire a priori. En apparence un récit factuel, l'écriture intime est une mise en narration d'un réel; le référentiel s'inscrit dans un discours de type narratif.
Montaigne travaille donc davantage la forme du discours, le matériau langagier, alors que l'écriture intime joue plutôt de la frontière (dans la tête du lecteur!) entre discours référentiel et discours de fiction.
C'est justement par le retour aux procédés rhétoriques que nous pouvons voir la richesse des Essais, perspective analytique trop souvent mise de côté dans l'étude de l'essai contemporain. Richesse qui réside tout autant dans l'impureté, dans l'hybridité du discours de Montaigne, qui à sa façon remet en question le cadre pragmatique (celui permettant de discrimer le vrai et le faux).
Curiosité: d'un point de vue canonique, à partir de quand est reconnue la littérarité des Essais? Dès leur publication ou y a-t-il eu redécouverte de l'oeuvre au 19e s.?
René Audet