Colloque 99, Frontières de la fiction : commentaire
Le message suivant a été posté par le visiteur Thomas Spear le 23 Janvier 2000 à 20:30:49: en réponse à L'autofiction : une réception problématique posté par Mounir Laouyen le 19 Decembre 1999 à 22:02:36: |
Je vous remercie pour cette étude qui présente l'autofiction correctement, via Doubrovsky, avec les critiques diverses - Lejeune, Genette, Colonna...
J'ai publié il y a qqs années un article sur l'autofiction de Robbe-Grillet -- "Staging the Elusive Self" (In: _Robbe-Grillet and the Fantastic_ Virginia Harger-Grinling and Tony Chadwick, eds. Westport, CT: Greenwood Press, 1994: 55-76) -- où je ne suis pas tout à fait d'accord avec une lecture qui verrait en toute "littérature postmoderne" les mêmes manières de "confondre les frontières". L'autofiction comprend certes "une ruse permettant à l'auteur d'échapper aux regards inquisiteurs", mais je crois que les raisons -- politiques, psychiques, racistes, sexuels etc. -- pour avoir recours à ces ruses sont tellement différentes entre, disons, un Robbe-Grillet et un Barthes, ou un Doubrovsky, que j'ai du mal à voir un côté positif dans le sens où Robbe-Grillet "n'a ouvert le chantier des Romanesques qu'un an après la mort de sa mère!" Quand elle est morte, il peut bien sûr imaginer ses fantasmes sexuels à elle, et parler de la "droite maurassienne" de ses parents: comme ça nous ne nous préoccupons pas de l'idéologie du fils. (Voir aussi mon compte-rendu des _Derniers Jours de Corinthe_ paru dans _The French Review_, 69, 3 (February 1996): 528-29).
Est-ce que les auteurs d'autofictions se limitent "à quelques formules lapidaires sans aucune réflexion globale"? je n'en suis pas sûr. On a accusé Doubrovsky d'être sans coeur d'oser venir vendre _Le Livre brisé_ sur le plateau de Piveau si peu après la mort de sa femme. Robbe-Grillet n'est pas avare de discours sur son oeuvre....
La réception médiatique de l'autofiction? N'est-ce pas souvent les médias qui créent l'identification épitextuelle: Pivot, par exemple, qui associe Marguerite Duras avec "elle" de _L'Amant_, l'auteur n'y voyant pas de problème? On parle souvent d'autofiction dans les colloques; il y avait deux pages sur le sujet dans _Le Monde_ (24 janvier 1997), un numéro spécial de la _Page des Libraires_ 52 (juin-juillet-août 1998) sur "autobiographie et autofiction"... non, je ne pense pas que l'autofiction souffre de "méconnaissance".
Il y a également une focalisation sur l'autofiction en monde critique anglophone -- je suis coupable d'en avoir fait moi-même -- voir, e.g., les deux numéros de la revue _Sites_ sur l'Autobiographie; Michael Sheringham, _French Autobiography: Devices and Desires_ (Oxford, 1993); Raylene Ramsay, _The New French Autobiographies_. (U. Press of Florida, 1996); sur Nathalie Sarraute, voir Leah Hewitt, _Autobiographical Tightropes_ (U. of Nebraska Press, 1990); et sur la page web sur Doudou lui-même: http://artsweb.bham.ac.uk/artsFrenchStudies/sergedou/
Dans ma lecture de Robbe-Grillet, j'ai moi aussi souligné sa phrase "Je n'ai jamais parlé d'autre chose que de moi" pour relire _la Jalousie_, après la lecture de Jacques Leenhardt de 1973. Nostalgies pour l'idéologie coloniale, bourgeoise et impérialiste? Enfin, j'ai déjà assez dit ailleurs de ce que je pense des "ruses" de Robbe-Grillet.